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A-690-76
Gilles Marchand et Stéphane Larocque (Requé- rants)
c.
La Commission des relations de travail dans la Fonction publique et Patrice Garant (Intimés)
et
La Reine pour le Conseil du Trésor, représentée par le procureur général du Canada (Mise-en- cause)
Cour d'appel, les juges Pratte et Le Dain et le juge suppléant Hyde—Montréal, le 20 avril 1977.
Examen judiciaire Fonction publique Interprétation de la convention collective L'arbitre a-t-il erré en droit en jugeant que les employés n'avaient pas droit d'être remboursés d'un certain montant en guise d'indemnité de repas? Cassa- tion de la décision de l'arbitre Loi sur la Cour fédérale, art. 28.
La convention collective intervenue entre les employés de la poste et leur employeur prévoit qu'un employé qui est tenu de travailler plus de deux heures supplémentaires en excédent de sa journée régulière de travail doit être remboursé d'un certain montant en guise d'indemnité de repas. L'arbitre a rejeté la demande des requérants qui réclamaient le versement de ce montant pour le motif que les heures supplémentaires ne sui- vaient pas immédiatement les heures régulières de travail. On a également prétendu que la convention prévoyait le versement de l'indemnité uniquement si cette somme avait réellement été déboursée.
Arrêt: la décision de l'arbitre est cassée. L'arbitre a erré en droit en jugeant que le travail supplémentaire devait suivre immédiatement le travail régulier. Plutôt que d'interpréter la convention, il en a modifié les termes. Et on doit interpréter la convention comme donnant le droit à l'employé d'être rem- boursé, qu'il ait réellement déboursé ce montant ou non.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
Paul Lesage pour les requérants.
W. Nisbet et A. Bluteau pour les intimés et la
mise-en-cause.
PROCUREURS:
Trudel, Nadeau, Létourneau, Lesage & Cleary, Montréal, pour les requérants.
Le sous-procureur général du Canada pour les intimés et la mise-en-cause.
Voici les motifs du jugement de la Cour pro- noncés en français à l'audience par
LE JUGE PRATTE: Les requérants sont deux employés du ministère des Postes à Beauharnois. Ils demandent l'annulation, en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, d'une décision prononcée le 4 août 1976 par monsieur Patrice Garant agissant en sa qualité d'arbitre-membre de la Commission des relations de travail dans la Fonction publique. Par cette décision, l'arbitre a rejeté les griefs présentés par les requérants qui se plaignaient qu'on ne leur ait pas payé, pour cer- tains jours ils avaient été tenus de faire du temps supplémentaire, l'indemnité de repas prévue à l'article 15.02a) de la convention collective régis- sant leurs conditions de travail.
Cet article 15.02a) de la convention se lit comme suit:
** 15.02 Pause-repas et période de repos
a) Un employé à plein temps qui est tenu de travailler plus de deux (2) heures supplémentaires, en excédent de son horaire quotidien ou de son poste, est remboursé d'un mon- tant de deux dollars et cinquante cents ($2.50) en guise d'indemnité de repas.
Il est constant que les requérants ont, chacun des jours visés dans leurs griefs, été tenus de travailler plus de deux heures supplémentaires en excédent de leur horaire quotidien. Il est égale- ment constant qu'il s'est écoulé plus d'une heure entre le moment les requérants ont terminé leur horaire quotidien normal et celui ils ont com- mencé à effectuer ce travail supplémentaire.
L'arbitre a rejeté les griefs pour le seul motif que, suivant lui, l'indemnité prévue à l'article 15.02a) n'est due que si les heures de travail supplémentaire suivent immédiatement les heures régulières de travail.
En interprétant ainsi la convention, l'arbitre a, à notre avis, commis une erreur de droit. L'article 15.02a) ne prévoit pas que le travail supplémen- taire, pour donner lieu au paiement de l'indemnité de repas, doive suivre immédiatement le travail régulier. En ajoutant cette exigence, l'arbitre, plutôt que d'interpréter la convention, en a, suivant nous, modifié les termes. Les différents paragra- phes de l'article 15.02 prévoient divers avantages au profit des employés qui effectuent du temps
supplémentaire. Certains de ces avantages, comme ceux que mentionnent les paragraphes b),c) et d), ne sont payables qu'à la condition expresse que le travail supplémentaire ait eu lieu immédiatement avant ou immédiatement après le travail régulier'. Il n'en est pas ainsi de l'indemnité de repas prévue au paragraphe a) et, en conséquence, cette indem- nité est due même si le travail supplémentaire n'a pas été accompli immédiatement après le travail régulier.
On a prétendu que le fait que l'on ait utilisé le mot «remboursé» dans le paragraphe a) de l'article 15.02 indique que l'indemnité de repas n'est due qu'à la condition que l'employé ait effectivement dépensé pareille somme pour se restaurer. Cette prétention nous paraît dénuée de fondement. Les mots «Un employé ... est remboursé d'un montant de deux dollars et cinquante cents ($2.50) en guise d'indemnité de repas», dans l'article 15.02a), signi- fient, à notre avis, «un employé ... a droit à un montant de deux dollars et cinquante cents ($2.50) en guise d'indemnité de repas».
Pour ces motifs, la décision attaquée sera cassée et l'affaire sera renvoyée à l'arbitre pour qu'il la décide en prenant pour acquis que les requérants avaient droit, pour les jours mentionnés dans leurs griefs, à l'indemnité prévue à l'article 15.02a) de la convention.
' Ces 3 paragraphes de l'article 15.02 se lisent comme suit: **I5.02 Pause-repas et période de repos
a) . . .
b) Un employé à plein temps qui est tenu de faire du travail supplémentaire pour une période de deux (2) heures ou plus immédiatement avant le début de son poste normal, bénéficie d'une période de repos de dix (10) minutes avant de com- mencer son poste normal. Si la période de travail supplémen- taire est de trois (3) heures ou plus et qu'il a droit à une pause-repas en vertu de l'alinéa d) ci-dessous, la période de repos ne sera pas accordée.
c) Un employé à plein temps tenu de faire du travail supplé- mentaire pour une période connue de deux (2) heures ou plus, immédiatement à la suite de son poste normal, bénéficie d'une période de repos de dix (10) minutes avant que ne prenne fin son poste normal.
d) Un employé à plein temps tenu de faire du travail supplé- mentaire pour une période de trois (3) heures ou plus, immédiatement avant ou immédiatement après son poste d'horaire normal, bénéficie d'une pause-repas d'une demi- heure ('h) qui doit être rémunérée à taux et demi (l'h).
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