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A-724-76
La Reine (Appelante) c.
Mary Mastronardi, Deanna Louise Bucko et Armando Mastronardi, exécuteurs testamentaires du défunt, Umberto Mastronardi (Intimés)
Cour d'appel, les juges Heald et Urie et le juge suppléant MacKay—Toronto, le 7 juin; Ottawa, le 14 juin 1977.
Impôt sur le revenu Réalisation présumée d'un gain en capital Sens donné à l'expression «immédiatement avant son décès» en matière d'évaluation des biens Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 70(5) et ses modifications.
Au moment de son décès en 1973, le défunt était l'action- naire majoritaire d'une compagnie ontarienne et, en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, il est réputé avoir disposé de ses actions immédiatement avant son décès et en avoir reçu un produit égal à leur juste valeur marchande. En 1972, sa compa- gnie a acheté une police d'assurance-vie temporaire d'une durée de cinq ans, d'une valeur nominale de $500,000 diminuant de $100,000 chaque année. L'appelante allègue que le produit de cette police doit être inclus dans la juste valeur marchande des actions: »immédiatement avant ... décès» devrait avoir le même sens qu'au moment du décès. Les intimés ont toutefois soutenu que le produit n'est devenu disponible qu'après le décès—non pas immédiatement avant le décès et que l'on ne devrait pas en tenir compte dans l'évaluation des actions.
Arrêt: l'appel est rejeté. Ignorer le sens clair d'un texte législatif dans le contexte d'une série de faits bien établis et y substituer une interprétation fausse et dénaturée, chercher à prévenir, par le biais de faits entièrement différents, une injus tice qui pourrait éventuellement être commise, ne concorde pas avec les principes régissant l'interprétation juste des textes législatifs. Le présent litige peut facilement et logiquement se résoudre si l'on donne simplement aux mots employés dans la loi leur sens véritable sans se livrer à des hypothèses quant à des conséquences possibles dans l'avenir.
APPEL. AVOCATS:
G. W. Ainslie, c.r., W. Lefebvre et C. Fien
pour l'appelante.
D. Ward, c.r., et J. Ball pour les intimés.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour l'appelante.
Thomas C. Odette, c.r., Leamington, pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement de la Cour rendus par
LE JUGE HEALD: Appel est interjeté par la Couronne d'une décision de la Division de pre- mière instance accueillant l'appel par les intimés d'une nouvelle cotisation à l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1973 concernant la suc cession de feu Umberto Mastronardi.
Les intimés sont les exécuteurs et fiduciaires de cette succession.
Avant son décès, Mastronardi détenait la majo- rité des actions ordinaires de Mastronardi Produce Ltd., (une compagnie ontarienne) et, en vertu de l'article 70(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148 (dans sa forme modifiée par l'article 1, S.C. 1970-71-72, c. 63 et par l'article 19(1), S.C. 1973-74, c. 14), il est réputé avoir disposé de ses actions immédiatement avant son décès et en avoir reçu du fait de sa disposition un produit égal à sa juste valeur marchande'. Au moment de ce décès, Mastronardi Produce Ltd. était propriétaire d'une police d'assurance-vie tem- poraire qui prévoyait le paiement, à la compagnie, d'une somme de $500,000 en cas de décès de l'assuré. Le capital assuré de cette police, d'une durée de cinq ans et datée du 25 septembre 1972,
devait diminuer de $100,000 chaque anniver- saire. Il s'agissait d'une police sans participation, sans valeur de rachat et de transformation ou autre avant le décès. La compagnie d'assurance exigeait que l'assuré se soumette à deux examens médicaux distincts, ce qu'il a fait le 28 août 1972.
' 70. (5) ...
a) le contribuable est réputé avoir disposé, immédiatement avant son décès, de chacun des biens lui appartenant à cette date-là et qui était un bien en immobilisations lui apparte- nant (autre qu'un bien amortissable d'une catégorie pres- crite) et en avoir reçu du fait de sa disposition un produit égal à sa juste valeur marchande à cette date-là;
c) toute personne qui, en raison du décès du contribuable, a acquis un bien en immobilisations déterminé, appartenant au contribuable (autre qu'un bien amortissable d'une catégorie prescrite) et dont il est réputé, en vertu de l'alinéa a), avoir disposé à une date quelconque, est réputée l'avoir acquis, immédiatement après cette date, à un prix égal à sa juste valeur marchande immédiatement avant le décès du contribuable;
(Voir memorandum du procureur général—à la p. 12, appen- dice «A».)
Mastronardi est décédé subitement d'un arrêt car- diaque le 20 février 1973 l'âge de 51 ans. Avant son décès, sa famille immédiate et lui-même igno- raient qu'il était susceptible de subir la crise car- diaque provoquée par une artériosclérose cardio- vasculaire qui s'est révélée fatale.
Les parties reconnaissent que les actions de Mastronardi Produce Ltd. avaient une juste valeur marchande de $323.58 l'action (si l'on ne tenait pas compte de la police d'assurance), valeur utili sée par les intimés dans le calcul du gain en capital imposable provenant de la disposition réputée des actions de Mastronardi Produce Ltd. Les parties reconnaissent en outre que si la valeur des actions devait être déterminée en tenant compte de la police au moment du décès, chaque action aurait une valeur de $778.59, montant qui correspond à celui utilisé par le ministre du Revenu national dans le calcul du revenu du défunt pour son année d'imposition 1973.
A mon avis, le savant juge de première instance a correctement cerné la difficulté soulevée par l'interprétation de l'article 70(5) (précité) lorsqu'il a déclaré [[1977] 1 C.F. 234, la p. 238]:
... il semble que le paragraphe 70(5) de la Loi prévoit une double fiction.
La première énonce que le contribuable est réputé après son décès avoir disposé du bien en question «immédiatement avant son décès».
La deuxième prévoit qu'il est réputé «avoir reçu du fait de sa disposition un produit égal à sa juste valeur marchande à cette date-là».
Il s'agit d'étudier le concept législatif du paragraphe 70(5) de la Loi et de l'appliquer en l'espèce.
Après avoir résumé les prétentions des parties, le juge de première instance est parvenu à la conclu sion suivante la page 239]:
On ne doit pas attribuer à l'expression «immédiatement avant son décès» au paragraphe 70(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu le même sens qu'«au moment du décès»; et cette expres sion n'oblige pas d'évaluer le bien en immobilisation en prenant en considération l'imminence du décès.
Il a terminé en déclarant la page 239]:
J'estime, par conséquent, nécessaire de considérer que ces évaluations 2 ont été effectuées à un moment différent et non pas au moment du décès du défunt et l'imminence du décès ne doit pas intervenir dans ces évaluations.
Nous avons étudié attentivement toute la juris prudence citée par les avocats des parties au cours de l'argumentation et, malgré cette jurisprudence, nous ne sommes pas convaincus que le savant juge de première instance a erré dans ses conclusions ou dans le raisonnement qui lui a permis de parvenir à ces conclusions. Ignorer le sens clair d'un texte législatif dans le contexte d'une série de faits bien établis et y substituer une interprétation fausse et dénaturée; chercher à prévenir, par le biais de faits entièrement différents, une injustice qui pourrait éventuellement être commise, comme l'avocat de l'appelante nous a priés de le faire d'une façon plus qu'éloquente, ne concorde pas avec les principes régissant l'interprétation juste des textes législatifs. Les hypothèses émises quant aux conséquences possibles que peut avoir la présente cause dans une autre affaire ne sont d'aucune utilité lorsqu'il s'agit de déterminer l'issue du présent litige qui, à la lumière des faits, peut facilement et logique- ment se résoudre si l'on donne simplement aux mots employés dans la loi leur sens véritable sans se livrer à de telles hypothèses.
Par conséquent, l'appel est rejeté avec dépens.
* * *
LE JUGE URIE: Je souscris à ces motifs.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: Je souscris à ces motifs.
2 Le juge de première instance fait ici référence aux évalua- tions exigées aux termes des alinéas 70(5)a) et c) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
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