Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A-369-76
Compagnie générale électrique du Canada Limitée et A. E. Hickman Company Limited (Appelantes)
C.
Les Armateurs du St-Laurent Inc., Gordon For- warders Limited et Harvey Terminais, une divi sion de A. Harvey & Company Limited (Intimées)
Cour d'appel, le juge Urie, les juges suppléants MacKay et Kelly—Toronto, le 29 mars 1977.
Droit maritime Pratique Connaissement maritime Le juge de première instance a-t-il eu tort de rendre une décision préliminaire sur une question de droit sans disposer d'un exposé conjoint des faits? Règle 474 de la Cour fédérale.
Les marchandises ont été expédiées de Barrie (Ontario) et livrées à Saint-Jean (Terre-Neuve) en mauvais état. A l'ins- tance, les appelantes ont réclamé des dommages-intérêts aux armateurs, aux expéditeurs et aux exploitants du port terminal. Les armateurs intimés ont prétendu qu'il n'existait aucun lien contractuel entre eux et les appelantes, le navire ayant été affrété à temps aux expéditeurs. Les expéditeurs intimés ont déclaré que leur contrat avec les appelantes contenait une clause selon laquelle ces dernières assumeraient les risques afférents aux marchandises pendant leur transport. Les appe- lantes ont demandé à la Division de première instance, en vertu de la Règle 474, de déterminer si le document en question était bien un connaissement maritime. Elles ont prétendu que les expéditeurs ne se sont pas prévalus de l'Article VI des Règles de La Haye, mais au lieu de cela ont émis un instrument négociable, le prétendu connaissement. Le juge de première instance a statué que le document non signé n'était pas un connaissement maritime mais, tout au plus, un reçu non négociable.
Arrêt: l'appel est accueilli et le jugement de première ins tance, infirmé. Le juge de première instance a eu tort de rendre une décision préliminaire sur une question de droit sur la base des seuls éléments d'information produits devant lui, c'est-à- dire des plaidoiries, sans disposer d'un exposé conjoint des faits. Vu que l'existence même du document, en tant que connaisse- ment maritime, a été contestée, le savant juge n'aurait pas trancher la question qui lui était soumise sans cet exposé conjoint des faits.
Arrêts suivis: Anglophoto Ltd. c. L'..Ikaros» [19741 1 C.F. 327 et K. J. Preiswerck Ltd. c. L'..Allunga» [1977] 1 C.F. 259.
APPEL. AVOCATS:
George R. Strathy pour les appelantes.
N. H. Frawley pour l'intimée Gordon Forwar-
ders Limited.
Guy Vaillancourt pour l'intimée Les Arma-
teurs du St-Laurent Inc.
PROCUREURS:
McTaggart, Potts, Stone & Herridge, Toronto, pour les appelantes.
McMillan, Binch, Toronto, pour l'intimée Gordon Forwarders Limited.
Langlois, Drouin, Roy, Fréchette & Gau- dreau, Québec, pour l'intimée Les Armateurs du St-Laurent Inc.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement de la Cour prononcés à l'audience par
LE JUGE URIE: Sans exprimer aucune opinion sur la question de savoir si le savant juge de la requête a décidé' à tort ou à raison que le docu ment faisant l'objet de la question dont il était saisi à titre de décision préliminaire sur une question de droit, n'était pas un connaissement maritime, nous sommes tous d'avis qu'il a eu tort de prendre cette décision sur la base des seuls éléments d'informa- tion produits devant lui, c'est-à-dire les plaidoiries, sans disposer d'un exposé conjoint des faits.
Dans leur déclaration, les appelantes ont pré- tendu que l'intimée Gordon Forwarders Limited a émis un connaissement maritime non numéroté. Gordon conteste cette prétention en niant qu'elle ait jamais émis un connaissement maritime ou même ait jamais eu l'intention de le faire. En fait, elle déclare avoir passé un accord verbal avec la demanderesse Compagnie générale électrique du Canada Limitée.
L'intimée Les Armateurs du St-Laurent Inc. allègue que le navire a été affrété à temps à l'intimée Gordon et que le prétendu connaissement maritime est un document non signé auquel elle n'a pas participé.
La question de l'existence même (en tant que connaissement maritime) du document qui fait l'objet de la question, dont le juge de la requête a été saisi, a donc été contestée. Pour trancher ce litige, des éléments de preuve tels que l'intention des parties, l'habilitation du capitaine à émettre ce document et les circonstances entourant son émis- sion, pour ne mentionner que trois questions sur toutes celles qu'il est possible de soulever, auraient être produits devant le savant juge. Normale-
' [1977] 1 C.F. 215.
ment, ces éléments de preuve, dans le cas d'une requête préliminaire, sont contenus dans un exposé conjoint des faits; mais ici, il n'y a pas eu d'exposé conjoint et il est douteux qu'on aurait pu arriver à en fournir un, étant donné les allégations présen- tées dans les plaidoiries des deux parties. Donc à notre avis, le savant juge de la requête n'aurait pas trancher la question qui lui était soumise parce qu'il manquait de faits ayant fait l'objet d'accord sur lesquels fonder sa décision. Sans cet élément, il ne pouvait pas statuer correctement sur la question proposée.
Le jugement rendu par cette cour dans Anglo - photo Ltd. c. L'«Ikaros» [1974] 1 C.F. 327, appuie ce point de vue. Dans K. J. Preiswerck Ltd. c. L'«Allunga» [1977] 1 C.F. 259 (jugement de la Division de première instance) est énoncé, à la page 262, le genre d'accord sur les faits qui doit être porté devant le juge d'une requête, avant qu'il prenne une décision préliminaire sur une question de droit.
J'accueille donc l'appel. J'infirme le jugement qui a tranché la question et je rejette la requête visant à ce qu'il soit statué sur la question de droit. Pour des raisons que les avocats comprendront aisément, l'appel ne comportera pas de dépens pour aucune des parties. Les intimées qui ont comparu à l'audition de la requête devant la Divi sion de première instance, auront droit à leurs dépens taxés sur la requête, quelle que soit l'issue de la cause.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.