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T-3687-76
Calona Wines Limited (Appelante)
c.
Le registraire des marques de commerce (Intimé)
Division de première instance, le juge Marceau— Montréal, le 1" juin; Ottawa, le 17 juin 1977.
Marques de commerce Appel contre la décision du registraire rejetant la demande d'enregistrement de la marque «Fontana Bianco« «Fontana» est-il principalement le nom ou le prénom d'une personne vivante ou ayant vécu dans les trente années précédentes? Mot non habituellement associé à des noms de famille au Canada Appel accueilli Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, c. T-10, art. 12(1)a).
Le registraire des marques de commerce a rejeté la demande de l'appelante visant à enregistrer la marque de commerce «Fontana Bianco«, l'emploi de cette marque étant projeté pour le vin au Canada. Le registraire était convaincu que «Fontana« était principalement le nom ou le prénom d'une personne vivante ou ayant vécu dans les trente années précédentes.
Arrêt: l'appel est accueilli. La Cour n'est pas convaincue que la réaction du consommateur canadien devant le mot ■Fontana« employé avec le mot «Bianco» sur l'étiquette d'une bouteille de vin, sera de penser spontanément à un nom de famille. Un Canadien pourvu d'une intelligence moyenne et ayant reçu une éducation normale en anglais ou en français pourrait aussi bien considérer ce mot comme quelque marque de commerce, ou encore comme un nom géographique, ou même comme un mot inventé signifiant fountain ou fontaine, que le prendre pour un nom de famille canadien.
Arrêt suivi: Standard Oil Co. c. Le registraire des mar- ques de commerce [1968] 2 R.C.É. 523; arrêt suivi: Le registraire des marques de commerce c. Coles Book Stores Ltd. [1974] R.C.S. 438.
APPEL. AVOCATS:
Daniel Lack pour l'appelante. Claude Joyal pour l'intimé.
PROCUREURS:
Ogilvy, Cope, Porteous, Montgomery, Renault, Clarke & Kirkpatrick, Montréal, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MARCEAU: Appel est interjeté d'une décision du registraire des marques de commerce,
rendue le 14 septembre 1976 et rejetant la demande de l'appelante visant à enregistrer la marque de commerce FONTANA BIANCO, en raison de l'emploi projeté de cette marque de vin au Canada.
L'intimé a rejeté la demande parce qu'il était convaincu que [TRADUCTION] «la marque n'était pas enregistrable aux termes des alinéas a) et c) du paragraphe (1) de l'article 12 de la Loi sur les marques de commerce, vu que le mot `Fontana' est un mot qui est surtout le nom ou le nom de famille de particuliers vivants ou décédés durant les trente dernières années». Voici le libellé de ces alinéas de l'article 12:
12. (1). Sous réserve de l'article 13, une marque de com merce est enregistrable si elle ne constitue pas
a) un mot n'étant principalement que le nom ou le nom de famille d'un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes;
b) peinte, écrite ou prononcée, soit une description claire, soit une description fausse et trompeuse, en langue anglaise ou française, de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou à l'égard desquels on projette de l'employer, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui y sont employées, ou du lieu d'origine de ces marchandises ou services;
c) le nom, dans quelque langue, de l'une des marchandises ou de l'un des services à l'égard desquels elle est employée, ou à l'égard desquels on projette de l'employer,
Notons que les lettres de l'intimé à l'appelante et les plaidoiries au dossier justifient clairement l'objection fondée sur l'article 12(1)a) de la Loi et que cette objection est très compréhensible. Toute- fois, rien ne dit pourquoi l'article 12(1)c) s'appli- que également et l'avocat de l'intimé n'a pas pu apporter plus de précisions lors de l'audition. L'ap- pelante a présumé que l'objection fondée sur l'arti- cle 12(1)c) avait trait au mot «Bianco» utilisé dans la marque de commerce, mot parfois employé en Italie pour désigner le «vin blanc», selon la nouvelle Encyclopedia of Wines d'Alexis Lachine. Pour surmonter l'objection, elle a donc formellement accepté de se désister du droit à l'usage de ce mot, en dehors de la marque de commerce, conformé- ment à l'article 34 de la Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, c. T-10. J'estime que ce désistement (que l'intimé a reconnu dans son exposé des faits en réponse à l'avis d'appel) rend inopéranté l'objection fondée sur l'article 12(1)c).
Il ne reste donc que l'objection principale fondée sur l'article 12(1)a) et qui vise le mot «Fontana» utilisé dans la marque de commerce. Il s'agit de décider si l'intimé avait raison de dire que le mot «Fontana» n'était principalement qu'un nom de famille au sens de l'article 12(1)a), de sorte que la marque de commerce dont il devait faire partie n'était pas enregistrable.
Il est clair, selon moi, que la conclusion de l'intimé était fondée essentiellement sur deux faits. Premièrement, le mot «Fontana» n'apparaît dans aucun dictionnaire français ou anglais. Deuxième- ment, il s'agit du nom de famille de plusieurs particuliers au Canada. Ces faits étaient-ils déci- sifs et suffisants pour appuyer la conclusion? Je ne pense pas.
Le président Jackett (comme il l'était alors) a étudié et établi les principes d'interprétation et d'application de l'article 12(1)a) de la Loi dans la célèbre affaire Standard Oil Co. c. Le registraire des marques de commerce [1968] 2 R.C.É. 523. Il dit, aux pages 532-533:
[TRADUCTION] C'est plutôt la réaction de la population du Canada devant ce nom qui devrait servir de critère à l'intimé, ou, le cas échéant, au tribunal. J'en conclus [si les deux caractéristiques, c'est-à-dire nom de famille et mot inventé, sont de même importance, on ne peut dire que c'est «principale- ment» un nom de famille] qu'une personne vivant au Canada, pourvue d'une intelligence moyenne et ayant reçu une éduca- tion normale, en anglais ou en français, pourrait aussi bien considérer ce mot comme quelque marque de commerce que le prendre pour un nom de famille (c'est-à-dire en le prenant comme le nom d'un ou de plusieurs particuliers).
Lorsque j'ai dit comment devait être interprété, selon moi, le mot «principalement» de l'article 12(1)a), j'ai probablement pris en considération le fait que si l'on restreignait la portée de cette disposition au sens des mots du dictionnaire employés dans une marque de commerce projetée, quiconque chercherait assez longtemps si ces mots forment un nom de famille quelque part dans le monde (ou même dans un pays comme le Canada si les recherches étaient limitées au Canada) pourrait contester l'emploi de presque tout mot inventé comme marque de com merce projetée. Je ne pense pas que l'article 12(1)a) visait à empêcher la création de mots nouveaux pour les fins de mar- ques de commerce projetées)
Voir également Le registraire des marques de commerce c. Coles Book Stores Ltd. [ 1974] R.C.S. 438.
Le mot «Fontana» employé dans la marque en cause n'est pas du tout un nom de famille courant au Canada. La décision administrative de l'intimé, datée du 20 février 1975, indique que 41 personnes seulement, dans tout le Canada, portent ce nom de famille. Fontana est peut-être un nom de famille mais c'est également, selon la preuve, un nom de lieu géographique assez répandu dans le monde. Si le présent appel est accueilli, ce mot peut devenir un mot imaginaire employé par l'appelante avec le mot «Bianco» pour suggérer aux Canadiens l'idée d'une fontaine blanche. Si j'applique maintenant le critère, je n'arrive pas à me convaincre que la réaction du consommateur canadien devant le mot «Fontana», employé avec le mot «Bianco» sur l'éti- quette d'une bouteille de vin, sera de penser spon- tanément à un nom de famille. Je crois qu'un Canadien pourvu d'une intelligence moyenne et ayant reçu une éducation normale en anglais ou en français pourrait aussi bien considérer ce mot comme quelque marque de commerce, ou encore comme un nom géographique, ou même comme un mot inventé signifiant fountain ou fontaine, que le prendre pour un nom de famille canadien.
Je pense que l'intimé n'avait pas raison de déci- der que la marque de commerce FONTANA BIANCO n'était pas enregistrable en vertu des ali- néas a) et c) du paragraphe (1) de l'article 12 de la Loi sur les marques de commerce au motif que le mot «Fontana» était surtout un nom de famille.
L'appel est donc accueilli.
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