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A-418-76
Canadian Javelin Limited, Newfoundland and Labrador Corporation Limited, et Dominion Jubilee Corporation Limited (Appelantes) (Demanderesses)
c.
La Reine du chef de Terre-Neuve (Intimée) (Défenderesse)
et
Pickands Mather & Co. (Mise-en-cause)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges Pratte et Urie—Ottawa, le 22 juin 1977.
Compétence Couronne Appel du rejet d'une action
pour défaut de compétence Action des trois appelantes contre la Reine du chef de Terre-Neuve L'art. 23 de la Loi sur la Cour fédérale donne-t-il compétence à la Division de première instance? Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 2, 17(1) et 23 Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, c. 1-23, art. 16 et 28.
Les appelantes en appellent du rejet de leur action par la Division de première instance pour défaut de compétence. Elles soutiennent que, dans leur action contre la Reine du chef de Terre-Neuve, l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale donne compétence à la Division de première instance.
Arrêt: l'appel est rejeté. La Couronne ne peut être poursuivie devant un tribunal pour une demande de redressement faite contre Elle sauf dans les cas le tribunal s'est vu attribuer la compétence statutaire pour connaître des demandes d'une caté- gorie spécifique formulées contre la Couronne. Ni la Loi sur la Cour fédérale lue dans son ensemble ni l'article 23 lu seul ne sont formulés de façon à donner compétence pour entendre une demande de redressement faite par une personne physique ou morale contre Sa Majesté du chef de Terre-Neuve. Cette conclusion vient de la règle d'interprétation de l'article 16 de la Loi d'interprétation lue de concert avec la définition de l'ex- pression «Sa Majesté» à l'article 28. Lorsque la Loi sur la Cour fédérale prévoit conférer la compétence sur des demandes de redressement contre la Couronne, elle le fait par une référence expresse aux demandes de redressement contre la Couronne que la Loi définit comme étant Sa Majesté du chef du Canada.
APPEL. AVOCATS:
Simon Potter pour les appelantes.
James J. Greene, c.r., pour l'intimée.
John J. O'Neill, c.r., pour la mise-en-cause.
PROCUREURS:
Ogilvy, Montgomery, Renault, Clarke, Kirk- patrick, Hannon & Howard, Montréal pour les appelantes.
O'Dea, Greene, Puddester & Thompson, St-Jean, pour l'intimée.
O'Neill, Riche, O'Reilly & Noseworthy, St-Jean, pour la mise-en-cause.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Appel est interjeté d'une décision de la Division de première instance rejetant une action pour défaut de compétence.
L'action a été intentée par trois compagnies contre «Sa Majesté la Reine, du chef de Terre- Neuve», et les appelantes allèguent que l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale donne compétence à la Division de première instance.
23. La Division de première instance a compétence concur- rente en première instance, tant entre sujets qu'autrement, dans tous les cas une demande de redressement est faite en vertu d'une loi du Parlement du Canada ou autrement, en matière de lettres de change et billets à ordre lorsque la Couronne est partie aux procédures, d'aéronautique ou d'ouvrages et entre- prises reliant une province à une autre ou s'étendant au-delà des limites d'une province, sauf dans la mesure cette compé- tence a par ailleurs fait l'objet d'une attribution spéciale.'
A mon avis, il est reconnu en droit que la Couronne ne peut être poursuivie devant un tribu nal pour une demande de redressement faite contre Elle sauf dans les cas le tribunal s'est vu attribuer la compétence statutaire pour connaître des demandes d'une catégorie spécifique formulées contre la Couronne. Comparer Young c. SS. «Scotia». 2
Après avoir lu la Loi sur la Cour fédérale dans son ensemble et plus particulièrement l'article 23, je suis convaincu que le libellé de cette loi ne donne pas à la Cour compétence pour entendre une demande de redressement faite par une personne physique ou morale contre Sa Majesté du chef de
Les autres allégations faites au nom des appelantes, si je les comprends bien, ont trait à la nature des redressements deman dés par ces dernières contre l'intimée et non à la compétence de la Division de première instance de connaître de ces dites allégations.
2 [1903] A.C. 501, à la page 505.
Terre-Neuve. A mon avis, cette conclusion vient de la règle d'interprétation de l'article 16 de la Loi d'interprétation 3 lue de concert avec la définition de l'expression «Sa Majesté» à l'article 28 de ladite
loi.
16. Nul texte législatif de quelque façon que ce soit ne lie Sa Majesté ni n'a d'effet à l'égard de Sa Majesté ou sur les droits et prérogatives de Sa Majesté, sauf dans la mesure y mention- née ou prévue.
28. Dans chaque texte législatif
«Sa Majesté», «la Reine», «le Roi» ou «la Couronne» désigne le souverain du Royaume-Uni, du Canada et de Ses autres royaumes et territoires, et chef du Commonwealth;
Il convient de noter que lorsque la Loi sur la Cour fédérale prévoit conférer, à la Cour, compé- tence dans les cas de demandes de redressement contre Sa Majesté, elle le fait (par exemple, à l'article 17(1)) par une référence expresse aux demandes de redressement contre la «Couronne», définie pour les fins de la Loi sur la Cour fédérale à l'article 2 de ladite loi comme «Sa Majesté du chef du Canada». La Loi prévoit également le prélèvement, sur le Fonds du revenu consolidé du Canada, des sommes d'argent ou des dépens adju- gés dans de telles actions (article 57(3)). 4
Compte tenu de mon opinion quant à l'effet de la Loi sur la Cour fédérale, j'estime qu'il est inutile d'étudier la portée de l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, ou la restriction des pouvoirs du Parlement prévue aux articles 53 et 90 dudit acte. 5
Je suis d'avis de rejeter l'appel avec dépens.
* * *
LE JUGE PRATTE y a souscrit.
LE JUGE URIE y a souscrit.
3 S.R.C. 1970, c. I-23.
° L'article 19 confère également à la Cour compétence dans les litiges entre le Canada et une province ou entre les provinces la condition que les provinces aient adopté des lois en ce sens).
5 Comparer Le procureur général du Canada c. Le procureur général de la Nouvelle-Écosse [19301 R.C.S. 554.
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