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T-1342-75
Canadian Industries Limited (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Décary— Montréal, le 2 juin 1976; Ottawa, le 17 mars 1977.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Contrat qui accorde des licences permettant l'incorporation et l'utilisation de données, d'inventions et de techniques opératoires S'agit-il d'un contrat de services ou d'un contrat de vente? Le montant versé est-il imposable à titre de profit provenant de l'entreprise de la demanderesse? Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 4.
La demanderesse a reçu $378,000 du gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en vertu d'un contrat accordant à ce dernier une licence lui permettant d'incorporer et d'utiliser les données, les inventions et les techniques opératoires de la demanderesse. Aucune part de cette somme n'était versée pour une catégorie de renseignements particuliers, mais la demande- resse prétend qu'il s'agissait d'un contrat de vente et non d'un contrat de services et que le revenu reçu n'était donc pas un profit provenant de son entreprise qui est imposable aux termes de l'article 4 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Arrêt: l'appel est rejeté. Les licences accordées étaient néces- saires au gouvernement des E.-U. pour utiliser les données et les techniques opératoires de la demanderesse et puisqu'elles n'étaient pas exclusives, elles ne peuvent être considérées comme un actif immobilisé dont la demanderesse se serait départie. Aucune partie composante fournie par la demande- resse en vertu du contrat n'était un capital et leur réunion ne peut en faire un capital. Le revenu reçu par la demanderesse était un droit versé pour des services et ce revenu constitue un profit provenant de l'entreprise de la demanderesse et non un profit provenant de la vente d'actifs immobilisés.
Arrêts appliqués: Evans Medical Supplies, Ltd. c. Mori- arty (1957) 37 T.C. 540; Commissioners of Inland Reve nue c. British Salmson Aero Engines, Ltd. (1938) 22 T.C. 29; Commissioners of Inland Revenue c. Rustproof Metal Window Co., Ltd. (1947) 29 T.C. 243; Murray c. Imperial Chemical Industries Ltd. (1967) 44 T.C. 175; Jeffrey c. Rolls-Royce, Ltd. (1962) 40 T.C. 443 et Musker c. Eng- lish Electric Co., Ltd. (1964) 41 T.C. 556.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
Philip F. Vineberg, c.r., pour la demande- resse.
Jean Delage et Jean Potvin pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Phillips & Vineberg, Montréal, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE DÉCARY: Il s'agit d'un appel d'une décision de la Commission de révision de l'impôt qui a jugé que le montant de $378,000 reçu par la demanderesse du gouvernement des États-Unis d'Amérique au titre d'une licence permettant l'uti- lisation de données et d'une licence pour des bre- vets constituait un revenu aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu (S.R.C. 1952, c. 148). La preuve produite devant la Commission de révision de l'impôt a été déposée devant la présente cour.
Sept ans auparavant, soit le 30 juin 1960, la demanderesse avait acquis de A. B. Chematur, ci-après appelée Chematur, une firme de Suède comptant une vingtaine d'ingénieurs, certains droits afférents à quatre (4) brevets, des droits attachés à des brevets à venir, des droits à des données et à des techniques opératoires, le tout se rattachant à la production du TNT d'après un procédé continu.
Voici le libellé de cette entente':
[TRADUCTION] Au cours des récents pourparlers intervenus entre les représentants de nos compagnies respectives, nous avons discuté des modalités en vertu desquelles vous seriez disposés à nous vendre les données et les droits concernant le procédé continu de nitration et de purification du TNT. Nous désirons maintenant consigner notre entente à ce sujet.
1. Chematur s'engage à transmettre à C-I-L, sur demande de C-I-L, tous les plans et données opératoires concernant le procédé continu de nitration et de purification du TNT, y compris les graphiques d'acheminement détaillés, les dessins détaillés et les descriptions de l'équipement.
2. En contrepartie finale des données prévues précédemment, C-I-L paiera à Chematur une somme égale au coût des services techniques engagés pour fournir de telles données (y compris le temps consacré à l'élaboration de rapports portant sur les aspects techniques du procédé) de même qu'une somme addi- tionnelle correspondant à 110% de ces coûts pour payer les frais généraux. La somme totale ainsi payée sera déduite du prix de l'équipement, conçu par Chematur, dont C-I-L pourra faire l'acquisition de Chematur. Nous constatons que vous évaluez que l'équipement servant à la nitration dont vous avez fait le relevé dans votre lettre du 19 septembre 1958, mais possédant un rendement plus élevé de 1400 liv./h., nous coûterait actuel- lement approximativement 80,000 $CAN et que, sur une base semblable, l'équipement servant à la purification nous coûterait entre 15,000 $CAN et 20,000 $CAN.
' Soulignements ajoutés.
3. Chematur accordera à C-I-L des licences irrévocables et non exclusives pour tous droits de propriété industrielle au Canada de même que toute technique opératoire concernant le procédé continu de nitration et de purification du TNT. Ces licences autoriseront également C-I-L à exporter ses produits dans tous les pays sauf en Norvège.
4. Si C-I-L construit la première usine de TNT et débute les opérations en utilisant le procédé Chematur, alors les condi tions suivantes s'appliqueront:
a) Les licences accordées à C-I-L conformément au paragra- phe 3 seront exemptes de redevance.
b) Chematur accordera des licences non exclusives et exemptes de redevance concernant le procédé et tout brevet pertinent à Imperial Chemical Industries Limited, Grande-Bretagne, à African Explosives and Chemical Industries Limited, Afrique du Sud, à Imperial Chemical Industries of Australia and New Zealand Ltd., et à Imperial Chemical Industries (India) Lim ited, sur demande, pour l'utilisation dudit procédé dans leurs pays respectifs.
c) C-I-L et Chematur se partageront également les droits payés pour toute usine utilisant ce procédé qui sera construite ultérieurement sur le continent nord-américain par d'autres compagnies que C-I-L. Le montant de chaque droit sera fixé, après entente, par Chematur et C-I-L qui prendront en considé- ration les avantages du procédé. C-I-L négociera elle-même les ententes au sujet des licences et fournira au détenteur de licence tous les dessins et les données opératoires de sa propre usine (sauf, cependant, l'opération du NITROPEL). Le détenteur de licence aura le droit, soit de construire lui-même sa propre usine en se basant sur les données obtenues de C-I-L, ou d'avoir recours aux services de Chematur moyennant paiement du coût des services techniques offerts par Chematur et d'une somme additionnelle correspondant à 110% de ces coûts pour payer les frais généraux. Le détenteur de licence pourra acquérir l'équi- pement nécessaire de Chematur ou de tout fournisseur de son choix. Sur demande, C-I-L, moyennant un droit supplémen- taire, formera des opérateurs pour le détenteur de licence.
d) En contrepartie finale des droits accordés précédemment, C-I-L fournira à Chematur un jeu complet des épures et des données opérationnelles concernant l'usine complétée (sauf, cependant, l'opération du NITROPEL) et lui accordera le droit d'utiliser cette usine à titre de référence.
5. Si la première usine de TNT à débuter ses opérations en utilisant le procédé de Chematur n'en n'était pas une construite par C-I-L, alors C-I-L paiera à Chematur, en sus du montant mentionné précédemment au paragraphe 2 et en considération de l'octroi des licences prévu au paragraphe 3, une redevance globale et définitive basée sur le rendement calculée d'après les taux d'efficacité obtenus lors d'un essai. Une telle redevance sera fixée à $250 pour chaque kilogramme de toluène requis, en deçà de 495 kilogrammes, pour la production de 1,000 kilo- grammes de TNT raffiné, plus $250 pour chaque kilogramme d'acide nitrique requis, en deçà de 1,150 kilogrammes, pour la production de 1,000 kilogrammes de TNT raffiné. Les taux d'efficacité mentionnés seront fixés en tenant compte de la production de TNT raffiné possédant un point de congélation minimum de 80.2° C, pouvant résister à l'épreuve d'Abel 20 minutes à 160° F et utilisant le procédé de purification au sellite.
Si la présente lettre reproduit correctement l'entente intervenue entre nos compagnies, voudriez-vous s'il-vous-plaît signer la copie jointe et nous la retourner en signe d'approbation.
Si on examine attentivement ce contrat, on peut remarquer que:
1. La demanderesse a acquis les données et les droits relatifs au procédé continu de nitration et de purification du TNT, les graphiques d'achemine- ment et les données opératoires de ce procédé;
2. Ces données ont coûté à la demanderesse: a) le coût des services techniques engagés par Chema- tur, plus b) 110% de ces coûts pour payer les frais généraux, et c) le total de ces coûts est déductible du prix de l'équipement;
3. La demanderesse a acquis des licences irrévoca- bles et non exclusives pour tous droits de propriété industrielle au Canada de même que toutes les techniques opératoires concernant le procédé con- tinu de nitration et de purification du TNT;
4. a) Si la demanderesse construit la première usine de TNT, les licences mentionnées au para- graphe précédent sont exemptes de redevance; b) Chematur accordera, sur demande, des licences non exclusives et exemptes de redevance aux com- pagnies liées à la demanderesse; c) les droits prove- nant des autres licences seront partagés également;
5. Si la première usine à débuter ses opérations en utilisant le procédé n'est pas construite par la demanderesse, Chematur sera remboursée confor- mément au paragraphe 2. A l'égard de la licence pour les brevets et de la licence pour les techniques opératoires, un droit global et définitif devra être payé sur la base du rendement calculé d'après les taux d'efficacité obtenus lors d'un essai. Le mot «droit» est utilisé aux paragraphes 4 et 5.
Le mot droits ou droit est utilisé cinq (5) fois dans ce contrat. Dans la pièce R.1, on mentionne la clause 4.0 du contrat intervenu entre Chematur et la demanderesse et dans cette clause, le mot droit est utilisé, alors qu'il ne l'est pas dans la lettre du 9 août 1967. Il me semble que si les parties elles-mêmes ont employé le mot droit, elles connaissaient très bien l'impact de ce mot pour fins d'impôt et qu'il faut prendre dûment en consi- dération l'emploi du mot droit.
Les droits de la demanderesse, de propriété ou autre, jusqu'en juin 1967, concernant le procédé
continu du TNT, doivent être groupés: ceux dont elle pouvait se prévaloir en juin 1960, soit les droits aux données, aux techniques opératoires ,t aux licences non exclusives portant sur les données et ceux relatifs aux techniques opératoires dévelop- pées par la demanderesse entre juin 1960 et juin 1967.
La valeur de la possibilité de réalisation des brevets, des données et des techniques opératoires dont la demanderesse a fait l'acquisition a aug menté une fois qu'elle a pris connaissance des brevets et autres droits provenant de Chematur. Ces droits ont pris encore plus de valeur lorsque le gouvernement des États-Unis d'Amérique a obtenu une licence, soit le 30 juin 1967, parce qu'ils passaient ainsi du stade théorique à celui d'une réalisation possible. La grande équipe de la demanderesse pouvait voir à la réalisation de ces droits plus facilement que l'équipe de Chematur.
Le contrat conclu avec le gouvernement des États-Unis d'Amérique prévoit: a) une licence per- mettant l'utilisation des données, b) des licences non exclusives et non transférables en vertu des brevets ou des demandes de brevets et inventions possédées ou contrôlées ou qui seront possédées ou contrôlées, c) une assistance technique et d) les techniques opératoires.
Depuis 1960, la demanderesse vendait le TNT produit à l'aide du procédé continu aux États-Unis d'Amérique. Ce pays constituait le plus important client de la demanderesse pour le TNT d'usage militaire; le reste de la production était vendu aux Forces armées canadiennes. Les ventes canadien- nes étaient si négligeables comparativement à celles consenties aux États-Unis d'Amérique, le plus gros client de la demanderesse, qu'on pouvait dire que ce dernier était son seul client.
Cette entente étant assez volumineuse, je citerai seulement ce qui, selon moi, est essentiel pour saisir le problème en litige.
Voici le texte du premier paragraphe 2 :
[TRADUCTION] CONTRAT DE SOUS-LICENCE PORTANT SUR LE BREVET ET LES DONNÉES
LE PRÉSENT CONTRAT, en vigueur le 30 juin 1967, est inter- venu entre les ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (ci-après appelés le gouvernement) et CANADIAN INDUSTRIES LIMITED (ci-après appelée le contractant), une corporation constituée en vertu des
2 Soulignements ajoutés.
lois du Canada et ayant sa principale place d'affaires à Mont- réal, province de Québec, Canada.
ATTENDU QUE, le premier contractant du gouvernement agis- sant en vertu du contrat numéro W-11-173 -AMC -37(A) a conclu le sous-contrat numéro 397, daté du 30 juin 1967 ....
Les quatre brevets de Chematur sont:
[TRADUCTION] ATTENDU QUE, le contractant certifie et fait valoir qu'en vertu d'un contrat de licence intervenu entre le contractant et Aktiebolaget Chematur, Stockholm, Suède, une corporation de Suède, daté du 27 juin 1960, le contractant a obtenu une licence, comprenant le droit exclusif d'accorder des sous-licences, y compris la présente licence, en vertu du brevet américain 3,034,867, délivré le 15 mai 1962 à Erik Samuel- sen pour la fabrication continue du trinitrotoluène ... ; en vertu du brevet américain 3,087,971, délivré le 30 avril 1963 à Erik Samuelsen pour sa méthode de fabrication du trinitroto- luène ... ; en vertu du brevet américain 3,087,973, délivré le 30 avril 1963 à Erik Samuelsen pour la fabrication continue du trinitrotoluène ... ; et en vertu du brevet américain 3,204,- 000, délivré le 31 août 1965, à Erik Samuelsen pour la fabrica tion du nitrotoluène.
Voici le texte du paragraphe suivant:
[TRADUCTION] ATTENDU QUE, le contractant certifie et fait valoir qu'il possède certaines données provenant du contractant, y compris les données dont le contractant prétend être proprié- taire, pertinentes au procédé de fabrication continue du TNT développé par le contractant avant la date effective du présent contrat et du susdit contrat 397... .
ATTENDU QUE, le gouvernement désire construire et exploiter ou faire construire et exploiter des usines de fabrication conti nue de TNT ayant une capacité unitaire d'au moins cinquante (50) tonnes de TNT par jour, et ....
Le paragraphe l a) du présent contrat prévoit:
[TRADUCTION] ARTICLE 1. OCTROI DE LICENCE
a) Le contractant accepte par les présentes d'accorder et de céder au gouvernement ... une licence irrévocable non exclu sive pour l'utilisation par ou pour le gouvernement des Etats- Unis d'Amérique, à des fins gouvernementales (non commer- ciales) seulement, de toutes les données ou d'une partie quelconque:
provenant du contractant avant la date de signature de la présente licence, y compris toutes données dont le contrac- tant se prétend propriétaire, pertinentes audit procédé de fabrication continue du TNT développé par le contractant avant la date effective du présent contrat et dudit contrat 397; et
de toutes les données qui peuvent être développées par le contractant en vertu des termes dudit contrat 397 pour la construction d'une usine rencontrant les exigences du gouver- nement d'au moins cinquante (50) tonnes de TNT par jour, ledit TNT devant être d'une qualité répondant aux spécifica- tions gouvernementales; ladite licence s'étend aux données à livrer aux temps et lieu fixés par le gouvernement et com- prend, mais non limitativement:
(1) Copies de toutes les publications, rapports, mémoires, documents et autres écrits ayant trait, en tout ou en partie aux plans, à la construction, au fonctionnement et à l'entre-
tien du procédé de fabrication continue du TNT, des appa- reils et de l'usine.
(2) Dessins des plans suffisamment détaillés pour permettre la construction et le fonctionnement d'une usine mettant en application le procédé de fabrication continue du TNT du contractant.
(3) Données décrivant graduellement la marche à suivre pour le fonctionnement et l'entretien desdites usines, les règles de sécurité et les risques latents, les surplus de matériel et d'opération, les conditions du procédé et les mesures spécifiques au procédé, les résultats des tests d'efficacité effectués par le contractant, les problèmes de fonctionnement révélés par l'expérience ou prévus par le contractant, les liens dangereux qui existent particulièrement entre l'équipement, les dessins des appareils de contrôle et de l'instrumentation et les caractéristiques de l'élimination des déchets.
(4) Renseignements établissant les caractéristiques des plans dudit procédé et de l'équipement qui sont dangereuses et les quantités et les concentrations nécessaires de substances dan- gereuses, y compris les moyens d'augmenter la capacité des unités en modifiant le rendement de l'équipement et les concentrations et les quantités de substance.
TOUTEFOIS, rien dans le présent article la) ou ailleurs dans ce contrat ne doit être interprété comme accordant une licence au gouvernement des États-Unis ou à d'autres en vertu de brevets ou de demandes de brevets de tout pays autre que les États- Unis d'Amérique.
J'ai cité au long ce paragraphe parce qu'il décrit et établit le principal objet du contrat, à savoir, l'octroi d'une licence au gouvernement des États- Unis d'Amérique permettant l'utilisation des don- nées recueillies par la demanderesse dans le passé ou qu'elle devait acquérir dans l'avenir.
Voici le libellé du paragraphe lb):
[TRADUCTION] b) Le contractant accepte en outre par les présentes d'accorder et de céder au gouvernement représenté par le Secretary of the Army, une licence irrévocable, non exclusive et personnelle en vertu de tous brevets américains et demandes de brevet du contractant basés sur des inventions dont le contractant est propriétaire ou a le contrôle ou à l'égard desquelles le contractant a le droit, à la date d'entrée en vigueur de la licence, d'accorder des licences ou sur des inventions dont le contractant deviendra propriétaire ou aura le contrôle ou à l'égard desquelles le contractant acquerra le droit d'accorder des licences pour une période de dix (10) ans à compter de la date dudit contrat 397, qui forment une partie intégrante du procédé faisant l'objet dudit contrat 397 comme il existait à la date d'entrée en vigueur dudit contrat 397 et avec les modifications qu'il a subies pour rencontrer les exigences du gouvernement d'au moins cinquante (50) tonnes de TNT par jour, de façon que le gouvernement mette en pratique, à des fins gouvernementales (non commerciales) seulement, ou per- mette que d'autres mettent en pratique pour le gouvernement dans ce but seulement, une ou toutes les inventions portant sur l'utilisation de méthodes, la fabrication, l'utilisation et l'élimi- nation de produits et la vente de toute usine ou partie d'usine conformément à la loi ....
Ce paragraphe se rapporte à quatre (4) brevets pour lesquels la demanderesse détient une licence; à tout autre brevet américain que la demanderesse peut posséder ou contrôler à l'avenir; aux deman- des de brevet et à l'engagement pris à l'égard des États-Unis d'Amérique pour une période de dix (10) ans, à compter de la date du contrat 397.
Aux termes du paragraphe d), la demanderesse pourrait être obligée de fournir du personnel:
[TRADUCTION] d) Conformément aux dispositions dudit con- trat 397, le contractant fournira au gouvernement ou au contractant de son choix, toute l'assistance technique, que ce soit en personnel ou autrement, nécessaire pour modifier les plans des équipements actuels du contractant servant au pro- cédé de fabrication continue du TNT de façon à concevoir une usine capable de produire au moins cinquante (50) tonnes de TNT par jour, la qualité et le degré dudit TNT devant être conforme aux spécifications gouvernementales.
Les modalités de paiement sont prévues à l'article 4:
[TRADUCTION] ARTICLE 4. PAIEMENT
En contrepartie de la présente licence, le gouvernement, sous réserve de la disponibilité des fonds, devra payer au contractant une somme totale de six cent mille dollars ($600,000) pour l'incorporation et l'utilisation desdites données, techniques opé- ratoires et inventions dans la construction et l'utilisation par le gouvernement d'usines ou d'équipements pour ledit procédé de fabrication continue, ledit paiement total de six cent mille dollars ($600,000) devant s'effectuer de la façon suivante: La moitié ('h) à la date d'entrée en vigueur du contrat 397; et l'autre moitié ( 1 / 2 ) sur acceptation des données spécifiquement exigées audit contrat 397. La somme totale arrêtée constitue un paiement complet pour la réception et l'utilisation desdites données, conformément aux termes du présent contrat et le gouvernement ne sera pas obligé de payer pour les usines et équipements supplémentaires.
Le paiement est versé pour l'utilisation et l'in- corporation c'est-à-dire, selon moi, pour consulter les données, les techniques opératoires et les inven tions et les intégrer à la construction et à l'exploi- tation d'usines et d'équipements.
L'expression «techniques opératoires» est utilisée pour la première fois dans ce contrat à l'article 4 susmentionné. Je pense que nous devrions regarder au dictionnaire la définition de «techniques opéra- toires (know-how)».
Il est écrit à la page 538 de A Supplement to the Oxford English Dictionary 3 :
3 1976 Vol. II—H à N.
[TRADUCTION] Orig. É.-U. [de l'expr. verb. to know how (Know v. 12).] Connaissance de la façon de faire une chose précise; habileté technique, connaissance pratique.
On trouve à la page 1252 du Webster's Third New International Dictionary 4 :
[TRADUCTION] esp.: connaissance technique, capacité, compé- tence ou habileté de cet ordre (la compagnie doit tirer parti de son ingéniosité et de ses techniques opératoires pour réussir à poser les canalisations d'huile).
Dans A. & E. Plastik Pak Co. Inc., c. Monsanto Company 5 , le juge en chef Merrill a dit aux pages
714-15:
[TRADUCTION] [5] A sa face même, le contrat intervenu entre Monsanto et A. & E. apparaît être une licence de technologie ou de «techniques opératoires»* qui, comme condition d'octroi de la licence, est assorti de restrictions quant à la concurrence. Ainsi, à première vue, il ne parait pas être un contrat par lequel des concurrents s'engagent à ne pas se faire concurrence car, n'eût été la licence permettant d'utiliser les techniques opératoi- res, A. & E. n'aurait pas été en mesure de faire concurrence à d'autres.
* La définition de techniques opératoires comprend «expé- rience technique accumulée et habileté qui peuvent être trans- mises plus facilement, et peut-être uniquement, par l'intermé- diaire de services personnels». Creed & Bangs, Know-How Licensing and Capital Gains, Patent, Trade-Mark and Copy right J. of Research and Education 93 (1960).
Il m'a été très utile de lire les remarques de lord Denning concernant les «techniques opératoires» tirées de l'arrêt Evans Medical Supplies, Ltd. c. Moriarty (H. M. Inspector of Taxes) 6 , page 587:
[TRADUCTION] L'affaire porte sur un contrat qui a donné lieu à un paiement de £100,000. Il consistait en une somme globale versée pour un motif précis soit la communication d'informa- tions et de données techniques qui peut être résumée par la nouvelle expression «techniques opératoires». La Cour d'appel pourrait chercher à le diviser en deux parties: (1) les informa- tions touchant des procédés secrets; (2) les informations visant d'autres sujets. Les informations touchant les procédés secrets avaient, dans le passé, été gardées confidentielles à l'égard de Evans Medical et ses employés, et étaient particulièrement précieuses à ce point de vue. Les informations visant d'autres sujets étaient de nature technique mais n'étaient pas secrètes; elles avaient sans aucun doute de la valeur puisque seules les firmes spécialisées pouvaient les fournir. Je ne peux voir aucune distinction appréciable entre de l'argent versé pour obtenir des informations touchant des procédés secrets et de l'argent versé pour obtenir d'autres renseignements. La seule différence réside dans le fait que dans un cas, l'argent était versé pour des informations qui jusque étaient secrètes puisqu'on ne pouvait les obtenir que d'une seule firme: alors que dans l'autre cas, il a
4 1, dernière édition intégrale.
5 396 F.2d 710 (1968).
6 (1957) 37 T.C. 540.
été versé pour des informations qui étaient rares, puisqu'elles n'étaient connues que de trois ou quatre firmes. Mais dans l'un et l'autre cas, l'argent a été versé dans le même but. Du reste, les parties au contrat n'ont pas cherché à établir une distinction entre les deux. Les £100,000 ont été payées pour l'ensemble des informations. Il s'agissait d'un seul paiement pour les «techni- ques opératoires». Le dossier d'appel va dans le même sens que la poursuite intentée. Il ne cherche pas à diviser les £100,000.
Dans ce cas-ci, il n'y a aucune répartition du montant reçu en contrepartie par la demanderesse.
A mon avis, ces remarques de lord Denning aux pages 588-89, sont pertinentes en l'espèce.
[TRADUCTION] Voici comment je vois les choses. Evans Medical était aux prises avec un problème difficile. Le gouver- nement de la Birmanie était décidé à fabriquer ces produits lui-même. Cela signifiait que Evans Medical serait éliminée du marché birman ou, à tout le moins, qu'il perdrait une bonne partie de son marché. La valeur de son achalandage diminue- rait dans ce pays. Mais ceci ne serait aucunement causé par la vente d'un actif immobilisé. Peu importe quelle firme concur- rente obtiendrait le contrat. Afin de combler cette future perte de marché, Evans Medical se montra ingénieuse. Elle réussit à obtenir un contrat selon lequel elle devait fournir les «techni- ques opératoires» au gouvernement de la Birmanie. Il n'était pas supposé être—et n'était pas en fait—une vente de procédés secrets. Tout ce qu'a fait Evans Medical fut de révéler au gouvernement birman ses procédés secrets de sorte que celui-ci puisse les utiliser lui aussi. Evans Medical s'est gardée le droit d'utiliser elle-même les procédés et a stipulé expressément au contrat que le gouvernement birman ne pouvait divulguer les informations sans son consentement. Vu ainsi, fournir des informations touchant des procédés secrets n'était rien de plus ou de moins que de fournir les «techniques opératoires»—sans aucun doute une part particulièrement précieuse—mais il s'agissait encore de fournir les «techniques opératoires». Les parties à ce contrat l'ont considéré de cette façon. Ils n'ont pas établi de distinction entre cela et les autres sortes de «techni- ques opératoires» qui devaient être fournies en contrepartie des £100,000.
Quelle est la situation des «techniques opératoires» aux fins de l'impôt? Il s'agit sans aucun doute d'un actif générateur de revenu. Celui qui les possède peut s'en servir pour fabriquer des produits dans le but de les vendre ou il peut les enseigner à d'autres moyennant rétribution. Mais il ne peut les vendre complètement.... Même chose pour une compagnie qui pos- sède une habileté et une expérience spéciales pour la fabrication mais aucun procédé secret. Ses «techniques opératoires» sont liées aux «techniques opératoires» de ses employés. Elle ne peut les empêcher de s'en servir comme elle ne peut les empêcher de se servir de leur cerveau: voir Herbert Morris, Ltd. c. Saxelby,
[1916] 1 A.C. 688, la page 704. Elle ne peut les vendre comme un actif immobilisé. Même lorsqu'une compagnie détient des procédés secrets, la divulgation de «techniques opératoires» se distingue de la vente de l'achalandage ou d'un procédé secret parce qu'une telle vente implique que le vendeur ne peut plus se prévaloir de la connaissance spéciale dont il s'est départi: voir Trego c. Hunt, [1896] A.C. 7, aux pages 24 et 25; elle peut donc être considérée avec raison comme la vente
d'un actif immobilisé: voir Handley Page c. Butterworth, 19 T.C. 328. Mais celui qui divulgue des «techniques opératoires» conserve toujours le droit de les utiliser lui-même, comme c'était le cas ici.
Je ne puis m'empêcher de comparer la présente cause à l'affaire Evans Medical Supplies, Ltd. En l'espèce, on dit que l'argent fut versé pour des données, des techniques opératoires' et des inven tions mais, comme dans Evans Medical Supplies, Ltd., aucune part de la somme totale n'est versée pour une catégorie de renseignements particuliers.
Le contrat parle d'une «licence non exclusive» permettant l'utilisation de données d'une «licence non exclusive» portant sur quatre (4) brevets et du droit de recevoir une assistance technique.
A mon avis, puisque les données et l'assistance sont définitivement des services qui devront être rendus et que les licences portant sur les quatre (4) brevets ne sont pas exclusives, la demanderesse ne transmet aucun actif immobilisé qui, de fait, l'ap- pauvrirait. Je crois que les licences portant sur les brevets sont nécessaires pour utiliser les données et
que l'assistance technique vise expressément les services.
Chaque partie composante étant d'une nature qui implique des services, aucune ne peut être considérée comme un capital et je ne vois pas comment la réunion des trois dans un même con- trat peut en faire un capital.
Le terme utilisé pour désigner un paiement n'est pas décisif. Dans Commissioners of Inland Reve nue c. British Salmson Aero Engines, Ltd.', le juge Finlay a fait les remarques suivantes à la page 35:
[TRADUCTION] Needham a prétendu que la décision des commissaires spéciaux au sujet des montants des redevances était erronée. Il a dit, et avec raison, que le fait que le mot «redevances» ait été utilisé dans le contrat n'est pas décisif. Ce n'est pas décisif, j'en conviens, mais je dois ajouter que, bien qu'une personne puisse, et en fait doive, examiner une chose pour en établir la véritable nature, le fait que des gens qui, après tout, connaissent tout de cette chose, choisissent de désigner dans leur contrat ces sommes annuelles je pense qu'il s'agit de sommes annuelles—sous le nom de «redevances», n'est pas à négliger complètement. Needham dit que peu importe le nom donné, il s'agit simplement du prix d'achat d'une chose vendue. Or si je suis bien cet argument, cela dépend du fait qu'ici le détenteur de licence a reçu un droit exclusif. Je ne puis me rallier à l'opinion que Needham a fait valoir à ce sujet. Si je
7 (1938) 22 T.C. 29.
suis bien son argument, supposant qu'on a simplement octroyé un droit, non exclusif, de construire et d'utiliser, alors, il n'y aurait pas eu vente d'un bien et les redevances, si redevance il y avait, auraient été imposées à juste titre. Je ne puis considérer que le fait qu'il s'agisse d'un droit exclusif transforme une licence en vente d'un bien; ceci me semble contraire à la réalité.
En l'espèce, on a utilisé le mot droit dans le contrat intervenu avec Chematur et dans une lettre, on en fait également mention. La demande- resse et Chematur connaissaient le mot exact à
utiliser.
Il est intéressant de noter ce qu'est l'octroi d'une licence de construction et d'utilisation dans C.I.R. c. British Salmson Aero Engines (précité), à la
même page:
[TRADUCTION] J'ajouterais que si, contrairement à mon opinion, cela peut être considéré, non comme une licence d'utilisation mais comme une vente de tout le substrat, c'est-à- dire du commerce, de toute la propriété, la question ne serait pas résolue parce qu'il est tout à fait clair qu'il peut y avoir vente d'un bien en contrepartie d'un versement annuel. La question subsisterait donc. Mais, à mon avis, lorsqu'on regarde de près, il s'agit vraiment de l'octroi d'une licence de construc tion et d'utilisation. C'est son principal objet et sa signification.
Je crois que nous sommes en face ici d'une licence de construction et d'utilisation.
Dans Commissioners of Inland Revenue c. Rustproof Metal Window Co., Ltd. 8 le juge Atkin- son dit, à la page 253, qu'il n'y avait, comme en l'espèce, aucune modification du brevet.
[TRADUCTION] Le brevet demeurait ce qu'il était avant, quel- que chose lui permettant de faire de l'argent par la fabrication des articles ou l'utilisation des procédés, comme en l'espèce, et la nature précise de cet utilisateur n'a pas été modifiée après l'octroi de la licence. En conséquence, je pense que la Couronne l'emporte sur ce point.
Au sujet, comme c'est le cas ici, d'une somme globale versée pour une licence non exclusive, voir les remarques de lord Greene, M.R., à la page 267:
[TRADUCTION] Revenons à l'argument de l'avocat: je ne vois pas pourquoi nous devrions dire, comme la proposition le laisse entendre et comme on l'a précisément fait valoir, qu'une somme reçue pour le droit d'utiliser un brevet est payable, que le brevet soit effectivement exploité ou non et sans mention d'aucune question relative à l'utilisateur, doit nécessairement être une recette du compte capital. Une somme reçue en contrepartie de l'octroi du droit d'utiliser un brevet, que l'utilisateur s'en serve ou non, est sûrement aussi susceptible d'être une recette du compte revenu qu'une somme reçue en contrepartie de l'octroi du droit d'utiliser tout autre genre de bien, par exemple, un véhicule automobile. La question de savoir s'il s'agit d'une
8 [1947] 29 T.C. 243.
recette du compte revenu ou du compte capital doit, j'aurais pensé, être déterminée à la lumière de toutes les circonstances pertinentes et non par quelque règle de droit rigide comme on le propose.
Au sujet de la connaissance pratique, lord Greene dit aux pages 269 et 270:
[TRADUCTION] Dans le cas de plusieurs brevets, leur titu- laire peut les employer plus efficacement, après un peu de pratique ou avec quelques renseignements d'ordre pratique, que ne le ferait une personne qui a simplement lu le mémoire descriptif. Mais l'acquisition d'une telle connaissance pratique n'est pas la même chose que l'acquisition de la connaissance d'un procédé secret. Ce n'est rien de plus que ce qui arrive normalement dans le cas d'une licence; une personne qui a utilisé un brevet est susceptible d'en posséder une meilleure connaissance et d'en faire un usage plus efficace qu'une per- sonne qui ne l'a pas utilisé. Mais le fait qu'un détenteur de licence acquiert une telle connaissance pratique ne peut, à ce qu'il me paraît, être considéré comme une dépréciation de la valeur d'un brevet, tout comme les renseignements d'ordre pratique donnés au détenteur de licence ne peuvent être consi- dérés comme une dépréciation d'un actif immobilisé du don- neur de licence.
La seule personne à qui une telle connaissance pratique peut être utile est celle qui a le droit d'utiliser l'invention contenue au brevet. Pendant la durée de validité du brevet, personne, sauf le titulaire du brevet ou celui à qui il a accordé une licence, n'a le droit d'utiliser le brevet. Il est clair, par conséquent, que pendant la durée de validité du brevet, le fait que cette connais- sance pratique ait été acquise par le détenteur de licence ou qu'elle lui ait été transmise ne peut en aucune façon avoir un effet sur la valeur du brevet. A l'expiration du brevet, le procédé du brevet peut être utilisé par le public et je pense qu'on doit présumer, en l'absence de preuve contraire, que le mémoire descriptif renferme les instructions nécessaires à son utilisation. On peut admettre qu'un membre du public qui utilise le procédé pourrait l'utiliser plus efficacement, au moins temporairement, s'il avait une connaissance pratique que ne le ferait un débutant sans instructions. Ceci est vrai pour plusieurs brevets, sinon la plupart.
L'argument va trop loin parce que cela signifierait que plusieurs octrois de licences, ou peut-être la plupart, entraînent une certaine part de dépréciation de l'actif immobilisé de l'entreprise. Chaque titulaire de brevet qui a accordé une licence va découvrir qu'à l'expiration du brevet, le détenteur de la licence est, ou peut être pendant un certain temps au moins, dans une meilleure position pour lui faire concurrence que d'autres personnes du public qui, à l'expiration du brevet, songent à utiliser l'invention; plus il aura accordé de licences, plus il aura de concurrents privilégiés. Mais je n'ai jamais entendu dire que cela entraînait une perte en capital pour le donneur de licence. Au contraire, si l'idée que l'octroi d'une licence met le détenteur dans une meilleure position pour concurrencer le titulaire du brevet après son expiration a quelque fondement, ce n'est rien de plus qu'un incident néces- saire de l'octroi d'une licence et une conséquence nécessaire de l'exploitation d'un brevet pour en tirer un profit pendant sa durée de validité.
On y traite également des renseignements secrets, ibid.:
La compagnie, donc, en ce qui a trait à l'utilisation des renseignements secrets par le détenteur de licence, n'a pas stipulé qu'ils ne devaient pas être utilisés après l'expiration du brevet. Au paragraphe 2, les détenteurs s'engagent de façon perpétuelle à faire de leur mieux pour garder secrète la manière d'utiliser l'invention. Ceci ne me paraît pas appuyer l'argument de quelque façon. Les inventions ou les découvertes relatives au mode d'utilisation que les détenteurs se sont engagés, au même paragraphe, à garder secrètes après l'expiration du brevet sont, je l'ai déjà dit, des inventions ou découvertes des détenteurs de licence, non des donneurs de licence. L'argument, en consé- quence, ne m'a pas convaincu.
Dans Murray (H. M. Inspector of Taxes) c. Imperial Chemical Industries Ltd. 9 , le lord juge Russell a fait mention à la page 214 des capitaux fixes relativement à ces droits:
[TRADUCTION] Le contrat intervenu avec A.K.U. a eu pour résultat que I.C.I. a cédé pour toujours la totalité de cet ensemble de droits à A.K.U. En échange, I.C.I. a obtenu l'obligation contractuelle de A.K.U. de lui verser la somme de £400,000 et, en plus, des redevances liées directement à l'im- portance de l'utilisation dans le cas des brevets C.P.A., et consistant en une annuité dans le cas des brevets de I.C.I. I.C.I. s'est départie complètement de sa capacité de transformer cette part de ses capitaux fixes en profit, soit en utilisant directement les inventions, soit en accordant des licences moyennant rétri- bution. Elle a effectivement cédé cette capacité à un autre; et cette capacité constituait une part de ses capitaux fixes. Le fond de la question réside dans le fait que I.C.I. a cédé une part de ses capitaux fixes en partie pour une somme d'argent (£400,000) qui en elle-même, à la différence des redevances, ne peut être qualifiée de recette du compte revenu. Je suis entière- ment d'accord avec le juge Cross sur ce point.
Je crois qu'on peut dire dans le cas présent que la demanderesse n'a rien cédé.
Dans Jeffrey (H. M. Inspector of Taxes) c. Rolls-Royce, Ltd. 10 , le lord juge Donovan, aux pages 487-88, s'est penché sur la façon de considé- rer, pour fins d'impôt, la rétribution:
[TRADUCTION] Si l'on doit faire ces distinctions, il importe peu quel nom l'on donne à la connaissance, l'habileté et l'expé- rience. Elles font clairement partie du capital d'exploitation d'une compagnie comme l'intimée, de la même manière que ces attributs constituent le capital d'exploitation d'un homme de métier. Elles peuvent être exploitées de deux façons. Leur emploi permet la production d'articles et leur vente. Subsidiai- rement ou par surcroît, la connaissance, l'habileté et l'expé- rience peuvent être transmises à d'autres moyennant rétribu- tion. Le grand artiste entouré de ses élèves en est un exemple courant. Même chose pour une compagnie comme l'intimée. Elle peut utiliser et utilise en fait sa grande expérience, ainsi que la connaissance et l'habileté qui en découlent, pour fabri- quer et vendre des moteurs d'avion. Par surcroît, elle les transmet à d'autres moyennant rétribution. Il est admis qu'elle
9 (1967) 44 T.C. 175.
10 (1962) 40 T.C. 443.
le fait dans le cours de son commerce et le seul point en litige est de savoir si la part de rétribution consistant en un montant global est une recette qui doit être portée au compte revenu lorsqu'on calcule les profits imposables de la compagnie ou si, d'autre part, la recette peut être portée a bon droit au compte capital.
Se référant à l'arrêt Evans Medical Supplies, Ltd., (précité) lord Reid dit au sujet des «techni- ques opératoires», à la page 492 ibid.:
[TRADUCTION] Je ne puis accepter la prétention que la compagnie, par chacun de ces montants, a vendu une partie de cet actif immobilisé pour laquelle elle a reçu un montant d'argent. Rien au dossier n'indique que l'actif immobilisé a perdu de sa valeur par la réalisation de ses contrats. La compagnie pouvait encore se servir de toutes ses connaissances et de son expérience pour la fabrication, la recherche supplé- mentaire et l'expansion et rien ne montre que leur valeur a diminué de quelque façon. La compagnie n'a même pas renoncé à un marché qui lui était accessible. Elle ne pouvait vendre ses moteurs dans ces pays, qu'elle ait conclu ces contrats ou non. Si elle n'avait pas conclu ces contrats, elle n'aurait rien retiré de ces pays; en le faisant, elle pouvait exploiter son actif immobi- lisé en recevant d'importantes sommes d'argent pour leur utili sation là-bas. En substance, elle a enseigné aux «détenteurs de licence» comment utiliser les «licences» qu'elle accordait. La compagnie s'appuie sur l'arrêt de cette Chambre dans Evans Medical Supplies, Ltd. c. Moriarty (1957) 37 T.C. 540. Dans cette affaire-là, on a jugé que la compagnie avait cédé un actif immobilisé pour lequel elle avait reçu une somme en capital. D'abord, elle a perdu le marché de la Birmanie. Et, en outre, il était évident, a-t-on dit, que la valeur des procédés secrets a beaucoup diminué à la suite de leur divulgation au gouverne- ment de la Birmanie. On doit juger de chaque affaire de ce genre sur ses propres faits; et, au moins à ces deux égards, cette affaire-là est très différente de la présente. Il y a une autre différence en ce qu'il n'y a eu qu'une seule opération dans cette affaire-là alors qu'en l'espèce il y en a eu plusieurs semblables. Ce qui en soit peut avoir peu d'importance, mais je pense qu'il est important de souligner que ces opérations provenaient d'une ligne de conduite calculée. Même au premier contrat, il y avait, au paragraphe 23, une disposition prévoyant que certains paie- ments supplémentaires ne seraient pas moindres que les sommes exigées des autres fabricants pour une licence semblable.
L'essence du contrat de la demanderesse est l'enseignement au gouvernement des États-Unis grâce aux renseignements, aux données et à une licence non exclusive.
L'aspect capital des «techniques opératoires» est traité par lord Radcliffe, aux pages 494-95:
[TRADUCTION] Nous traitons maintenant de la somme en «capital». Je ne pense pas que l'on puisse attacher une significa tion particulière au qualificatif. Si nous le faisions, les appels en matière de revenu portant sur ce point précis se régleraient d'eux-mêmes. Il y a lieu de croire que la Commission accorde peu d'importance à la façon dont la somme est décrite; d'un autre côté, cette description ne lie certainement pas la compa-
gnie, après réception de l'argent, dans sa façon de l'appliquer dans ses comptes ou autrement. Je pense qu'on doit éviter, dans de tels cas, de supposer que l'emploi des qualificatifs «en capital» ou «global» a un rôle à jouer dans la solution du point en litige. «Capital» semble ici se référer simplement au fait que l'argent doit être entièrement versé à la livraison complète des dessins et autres documents, sans tenir compte s'il y a par la suite production ou non. Une somme «globale» est simplement un paiement définitif mais l'adjectif ne constitue pas une indication utile pour décider s'il s'agit ou non d'un revenu imposable. Un exploitant de débit de tabac qui vend un paquet de cigarettes reçoit une somme globale comme prix d'achat de son bien et je présume que nous devons ajouter que les mar- chandises en magasin font partie de son capital; mais, de la même façon, personne ne mettrait en doute que l'argent perçu devrait être inscrit dans un compte de façon à déterminer son profit d'exploitation. Je ne vois pas pourquoi ces recettes du compte «capital» ne seraient pas prises en considération pour la cotisation des profits d'exploitation de la compagnie. Il me semble que, aussi longtemps qu'elle garde ses «techniques opé- ratoires» pour elle-même, elle les utilise pour fabriquer ses propres moteurs et sa valeur sc traduit par les ventes fructueu- ses qu'elle réalise avec ses produits. Je suppose que la compa- gnie aurait préféré, idéalement, en réserver l'usage exclusif à sa propre industrie. Mais je n'en suis pas sûr lorsque je lis quelques-uns des discours du président prononcés aux assem blées annuelles. Quoi qu'il en soit, il est clair qu'elle a jugé que possédant les «techniques opératoires», elle pourrait tirer un profit de la fabrication de ses moteurs, même par d'autres, dans les parties du monde où, de toute façon, elle ne pourrait les vendre ou les fabriquer elle-même, en autant qu'elle fournisse à ces autres compagnies les connaissances techniques nécessaires. Ainsi, elle a tiré parti des «techniques opératoires» en s'enga- geant, contre rétribution, à les transmettre aux autres de façon à mener à bonne fin cette forme subsidiaire de fabrication.
La dernière phrase s'applique sûrement à la demanderesse.
Au sujet de la description des «techniques opéra- toires», lord Morris of Borth -y-Gest dit aux pages 496-97:
[TRADUCTION] Peu importe de quelle façon on décrit ce que les mots «techniques opératoires» désignent en l'espèce, l'acti- vité de la compagnie consistait à tirer le meilleur parti possible de ses «techniques opératoires» courantes pendant qu'elles avaient le plus de valeur. La compagnie a agi de la façon qui lui semblait le plus propice à la poursuite de ses affaires comme fabricant. Ceci a pu faire évoluer ses méthodes commerciales antérieures, mais le fait que plusieurs contrats octroyant des licences sont intervenus me laisse croire, vu sa politique bien arrêtée, que la compagnie a décidé d'inclure cette évolution dans sa manière de faire le commerce comme fabricant. Je ne puis considérer les contrats octroyant des licences comme cons- tituant des ventes successives de parties d'un actif immobilisé fixe. Les considérer ainsi me semble tout à fait contraire à la réalité. La compagnie n'a pas cédé, ou ne s'est pas défait, de ses «techniques opératoires».
Lord Guest donne une autre description des «techniques opératoires» à la page 499:
[TRADUCTION] On ne peut douter que la Couronne aurait cotisé la compagnie sur les sommes globales versées en vertu des contrats si elle avait pu prouver que la compagnie s'était engagée dans un nouveau commerce, soit la vente de ses «techniques opératoires». La Couronne, cependant, a expressé- ment renoncé à son intention d'invoquer qu'il s'agissait d'un nouveau commerce. En conséquence, la question qui se pose est de savoir si les droits versés pour les licences peuvent être inclus comme profits de la compagnie accessoires à la fabrication de moteurs d'avion. J'ai expliqué pourquoi je distinguais la pré- sente affaire de Evans Medical Supplies ([37] T.C. 540). Si, sur la base de l'arrêt Evans Medical Supplies, les droits versés pour les licences ne sont pas des recettes du compte capital, il faut nécessairement conclure que ce sont des recettes d'exploi- tation. On peut l'exprimer de diverses façons. Je préfère m'ap- puyer sur le point de vue voulant que les contrats de licences ne soient qu'une évolution dans le commerce général exploité par la compagnie. On s'accorde à dire que les redevances sont incluses dans les profits que la compagnie a réalisés par la fabrication des moteurs d'avion. Ils n'auraient pas été réalisés aussi facilement n'eût été l'octroi des licences qui permettaient aux gouvernements étrangers de fabriquer les moteurs d'avion. Il s'agissait d'une activité intégrante du commerce et les con- trats de licences étaient accessoires à la fabrication des moteurs d'avion.
Dans Musker (H. M. Inspector of Taxes) c. English Electric Co., Ltd. 1 ° lord Denning, Maître des rôles, a écrit à la page 582 au sujet de l'utilisa- tion des «techniques opératoires»:
[TRADUCTION] Il s'agit, selon moi, d'un cas typique de «techniques opératoires». Les «techniques de fabrication» sont simplement des «techniques opératoires». La «technique opéra- toire» est un actif intangible, aussi intangible que l'achalandage et aussi digne d'être reconnu. C'est un actif générateur de revenu, tout comme l'achalandage. Les «techniques opératoires» peuvent être utilisées pour produire un revenu de deux façons. Le fabricant peut les utiliser lui-même pour fabriquer des objets destinés à la vente et faire ainsi un profit; ou il peut les enseigner à d'autres de façon qu'ils puissent fabriquer leurs propres objets, auquel cas on le paie pour la connaissance et les renseignements qu'il leur a ainsi cédés. Ces droits et rétribu- tions constituent un revenu. Je pose comme principe que le fabricant, tout en enseignant aux autres, conserve encore la connaissance et a l'intention de continuer à l'utiliser lui-même et à en fabriquer des objets. Aussi longtemps qu'il agit ainsi, il conserve son actif immobilisé et l'utilise seulement pour pro- duire un revenu.
Le vicomte Radcliffe a considéré la nature des «techniques opératoires» à la page 585:
[TRADUCTION] A mon avis, deux considérations gouvernent les causes de ce genre et contribuent largement à détruire la force des analogies au moyen desquelles l'argumentation de l'appelante cherche à prouver que les opérations à l'étude sont des ventes d'actifs fixes, et que les recettes qui en proviennent doivent être considérées comme des recettes du compte capital. L'une est qu'en réalité il n'y a pas eu vente. L'appelante
" (1964) 41 T.C. 556.
possédait après la transaction ce qu'elle possédait avant. Aucun droit de propriété dans les «techniques opératoires» ne peut être transmis, même au sens restreint qu'un procédé secret comporte un droit de propriété protégé par la loi. Les connaissances particulières et l'habileté peuvent faire l'objet d'une forme de propriété dans le domaine du commerce et de l'industrie, par exemple, le droit d'auteur, les marques de commerce, les des- sins et les brevets, et lorsqu'une telle propriété est cédée pour de l'argent, ce qui est reçu peut être, mais pas nécessairement, une recette du compte capital. Mais il n'en va pas de même quand vous cédez des «techniques opératoires» contre rétribution, pas plus que quand un professeur vend sa connaissance et son habileté à ses élèves. Il est admis que l'appelante se trouvait, après chaque opération, dans une position différente de celle qui était la sienne avant. Elle avait «mis à jour les connaissances de base» d'un concurrent possible, pour utiliser l'expression pittoresque d'un de ses témoins. On peut concevoir qu'en agissant ainsi elle a diminué ses chances de faire commerce dans certains domaines et à certains égards, mais cela a une portée presque inévitablement théorique au moment on doit juger l'opération, et les conséquences sont trop spéculatives pour permettre que, pour cette raison, la cession de «techniques opératoires» soit traitée comme la transmission d'un «actif immobilisé» analogue à la vente, totale ou partielle, d'une entreprise.
Céder des renseignements, des données et des inventions en contrepartie d'un droit ou d'une rétribution est exactement ce que la demanderesse a fait et elle a utilisé le mot droit lorsqu'il était fait mention du paiement.
Je dois conclure que le montant de trois cent soixante-dix-huit mille dollars ($378,000), soit trois cent cinquante mille dollars ($350,000) au cours des changes, était un montant versé par le gouvernement des États-Unis d'Amérique à titre de droit; que ce droit a été versé pour les services qui devaient être rendus par la demanderesse; ces services sont la consultation de données, de rensei- gnements et d'inventions; en langage courant, un droit ne peut en aucune façon être un prix d'achat; les dictionnaires définissent droit comme «une rétribution versée pour des services»; aucun des trois points à la base du contrat ne peut faire l'objet d'un contrat de vente; en fait, la demande- resse a conservé ses droits par la suite et en conséquence, seul leur usage peut être cédé sous forme de services moyennant le versement d'un droit; la demanderesse et son partenaire suédois Chematur ont utilisé le mot «droit» dans le contrat, et non «paiement» ou «prix de vente» lorsqu'il était question de licences ou d'autres droits du même ordre; personne ne peut prétendre que Chematur et la demanderesse ignoraient ce qu'était un droit; ils l'ont utilisé dans leur contrat: services à être
rendus moyennant un droit; à cet égard, le gouver- nement des États-Unis d'Amérique savait, grâce au contrat, qu'il était question de services et qu'en contrepartie on exigeait un droit; il ne peut s'agir d'une vente de services parce que les services ont été rendus et qu'ils l'ont été en contrepartie d'un droit; la demanderesse ne cédait rien lorsqu'elle a conclu le contrat avec le gouvernement des États- Unis d'Amérique et il était prévu au contrat conclu avec Chematur que des services seraient rendus; il s'ensuit que la demanderesse, à mon avis, en utili- sant ce terme dans le contrat conclu avec Chema- tur, avait décidé de passer des contrats qui avaient le même objet: des droits; je crois qu'en agissant ainsi, l'entreprise de la demanderesse pouvait s'étendre à la passation de contrats comme celui intervenu avec le gouvernement des États-Unis d'Amérique; que de tels contrats faisaient partie de son entreprise; en conséquence, le droit est un profit provenant de son entreprise aux termes de l'article 4 de la Loi.
L'appel sera rejeté avec dépens.
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