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A-231-73
Superior Pre-Kast Septic Tanks Ltd. et Lloydmin- ster - Pre-Kast Septic Tanks Ltd. (Appelantes) (Demanderesses)
c.
La Reine (Intimée) (Défenderesse)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges Pratte et Urie—Vancouver, les 3 et 4 mars 1977.
Taxe d'accise Appel d'un jugement rendu dans une action engagée par pétition de droit Fosses septiques précoulées Non manufacturées à pied d'oeuvre Montage partiel des pièces détachées à pied d'oeuvre Cet article est-il inclus dans l'expression «autre structure» et donc exempté de la taxe de vente? Sens et intention de l'art. 26(4) de la Loi sur la taxe d'accise Pétition ambiguë Cette cause convient-elle à un jugement déclaratoire? Appel rejeté Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, c. E-13, art. 26(4) et 27(1).
APPEL. AVOCATS:
A. N. Patterson pour les appelantes. G. O. Eggertson pour l'intimée.
PROCUREURS:
Kirchner & Patterson, Victoria, pour les appelantes.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Il s'agit de l'appel d'un jugement rendu par la Division de première instance, qui rejette avec dépens une action enga gée par pétition de droit devant la Cour de l'$chi- quier du Canada en vue d'obtenir «un jugement déclaratoire ...» portant que les appelantes [TRA- DUCTION] «ne sont pas réputées être les fabricants ou les producteurs de fosses septiques précoulées, comme le définit l'article 29(2b) de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1952, chapitre 100, et ses modifications.»
Les allégations figurant dans la pétition de droit sont:
[TRADUCTION] 1. QUE les pétitionnaires fabriquent dans leurs usines situées respectivement à Nanaïmo (Colombie-Bri- tannique) et à Lloydminster (Alberta), des structures appelées fosses septiques précoulées en béton.
2. QUE les susdites structures sont fabriquées en versant du béton dans des moules préfabriqués de différentes tailles.
3. QUE les pétitionnaires gardent dans leurs usines respecti- ves des stocks de fosses septiques précoulées, qu'elles livrent et mettent en place selon les exigences de l'acheteur.
4. QUE les pétitionnaires sont en concurrence avec des parti- culiers et des sociétés, qui construisent des structures analogues à l'endroit elles sont utilisées.
5. L'article 30 de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1952, chapitre 100 et ses modifications, imposent une taxe de vente sur le prix de vente de toutes marchandises fabriquées ou produites au Canada, payable à l'époque les marchandises sont livrées ou à l'époque la propriété des marchandises est transmise à l'acheteur.
6. Les dispositions de ladite Loi sur la taxe d'accise, article 29(2b)a) prévoient que lorsqu'une personne fabrique ou produit une structure ailleurs qu'à pied d'oeuvre, en concurrence avec les personnes qui les construisent, elle est réputée ne pas en être le fabricant ou le producteur.
Il convient de noter que la pétition de droit est rédigée d'un bout à l'autre au temps présent. Elle ne demande pas de jugement déclaratoire exprès concernant la responsabilité de payer la taxe sur les fosses septiques que les appelantes ont vendues au cours d'une certaine période précédant l'action ni de jugement déclaratoire exprès concernant les fosses septiques que les appelantes avaient à vendre après que l'action ait été introduite. A mon avis, la question n'est pas claire: les appelantes veulent-elles un jugement visant le premier ou le dernier point, ou les deux?
De toute évidence, le juge de première instance a considéré la demande de redressement comme une requête visant à obtenir un jugement déclara- toire pour les fosses septiques que les appelantes avaient à vendre après que l'action ait été intro- duite et il a rejeté celle de l'appelante Superior Pre-Kast Septic Tanks Ltd. pour les raisons suivantes:
Superior Pre-Kast Septic Tanks Ltd., l'une des codemande- resses, a été constituée en 1969 et a exercé ses activités pendant trois ans à Nanaïmo (C.-B.). Elle a ensuite vendu son entre- prise à une autre compagnie si bien que la codemanderesse Lloydminster Pre-Kast Septic Tanks Ltd. est maintenant la seule des deux compagnies qui exerce des activités. Je rejette donc l'action dans le cas de Superior Pre-Kast Septic Tanks Ltd. car le jugement déclaratoire qu'elle demande ne porte que sur des questions théoriques ou hypothétiques. Annual Practice (1973) p. 212; Tindall c. Wright [1922] W.N. 124; Re Barnato [1949] Ch. 258 (C.A.).
Quant à l'autre appelante, le juge de première instance a rejeté l'action pour le motif que les fosses septiques qu'elle vend ne peuvent pas être qualifiées de «structures» au sens la Loi entend ce terme.
La pétition de droit a été lancée avant l'entrée en vigueur des Statuts revisés du Canada de 1970, mais l'audience a été tenue après. Le juge de première instance se réfère aux dits statuts et il en va de même des parties à l'action dont cette cour est saisie. Vu qu'on ne parle d'aucun changement pertinent, je m'y référerai également.
L'article 27(1) de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, c. E-13, impose une taxe de consom- mation ou de vente sur le prix de vente de toutes les marchandises «produites ou fabriquées au Canada» (sous réserve de certaines exemptions et modifications) payable, dans le cas qui nous inté- resse, par le «producteur ou fabricant». L'article 26(4) prévoit, entre autres, que lorsqu'une personne
fabrique ou produit un bâtiment ou une autre structure, ailleurs qu'à pied d'oeuvre, en concurrence avec des personnes qui construisent ou montent des bâtiments ou structures analogues non ainsi fabriqués ou produits,
elle est réputée, ... relativement à tous semblables ... , structu res, ... qu'elle a ainsi fabriqués ou produits, ne pas en être le fabricant ou le producteur.
On a interjeté cet appel en se fondant sur l'opi- nion communément admise que les fosses septiques fabriquées par les appelantes ne sont pas des «bâti- ments» au sens que l'article 26(4)a) donne à ce terme. La seule question sérieuse sur laquelle les parties s'opposent provient de la prétention des appelantes, que l'intimée conteste, à savoir qu'une fosse septique est une «structure» au sens l'en- tend ledit article.
Dans le mémoire produit devant cette cour, les appelantes ont énoncé les faits suivants:
[TRADUCTION] 1. L'appelante Lloydminster Pre-Kast Septic Tanks Ltd. est (et il en était de même de l'autre appelante) un fabricant muni de permis, en vertu des dispositions de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chapitre E-13.
2. A toutes les époques pertinentes, l'appelante Lloydminster Pre-Kast Septic Tanks Ltd. a fabriqué des fosses septiques précoulées en béton, en versant le béton dans des moules et en livrant ensuite les fosses terminées en morceaux aux endroits elles étaient utilisées.
3. L'appelante Superior Pre-Kast Septic Tanks Ltd. fabriquait de la même manière des fosses septiques précoulées en béton.
4. A l'endroit on l'utilise, les composants de la fosse précou- lée sont placés dans un trou creusé spécialement à cet effet, puis assemblés. Après l'assemblage, la fosse septique est raccor- dée au tuyau d'égout, qui dessert l'immeuble, et à un champ de dispersion des déchets.
5. Après l'assemblage et le raccordement, la fosse septique est recouverte d'environ 6 pieds de terre.
6. Au sommet de la fosse, se trouve un trou d'homme aux fins de nettoyage.
7. La fosse est en béton renforcé et comporte des tringles de renforcement en acier.
8. La fosse est plus rectangulaire que carrée.
9. Les appelantes procèdent à leurs ventes de deux façons:
a) directement à l'usager qui les a installées ou a payé pour leur installation;
b) par l'intermédiaire d'un entrepreneur, qui passe ensuite un contrat pour installer la fosse à l'usage du consommateur.
10. A toutes les époques, les appelantes ont payé toutes les taxes de vente sur les matériaux, et en particulier sur l'acier qui sert à renforcer le béton utilisé dans la construction des fosses.
11. L'appelante Superior Pre-Kast Septic Tanks Ltd. a vendu son actif en août 1971, ou vers cette époque, mais auparavant elle a été cotisée, ainsi que l'appelante Lloydminster Pre-Kast Septic Tanks Ltd., pour les taxes de vente afférentes aux prix de vente de la fosse septique complète, y compris les frais de livraison, le ciment, l'acier, le gravier et la main-d'oeuvre.
12. Les deux appelantes réclament une exemption de taxes en vertu de l'article 25 et surtout de l'article 26(4) de la Loi sur la taxe d'accise.
13. L'appelante Lloydminster Pre-Kast Septic Tanks Ltd. a une usine à Lloydminster (Alberta) et elle exerce ses activités commerciales dans la région autour de cette localité, elle est en concurrence avec des entreprises qui construisent des fosses septiques en béton d'un modèle analogue et opèrent à l'endroit elles sont utilisées.
14. L'appelante Superior Pre-Kast Septic Tanks Ltd. avait une usine à Nanaïmo (Colombie-Britannique) et exerçait ses activi- tés commerciales dans la région autour de cette localité, elle était en concurrence avec des entreprises qui construisent des fosses septiques en béton d'un modèle analogue et opèrent à l'endroit elles sont utilisées.
15. Les fosses septiques fabriquées par les appelantes pèsent plus de deux tonnes et sont transportées sur des véhicules munis de grues spéciales.
16. Les fosses septiques, qui font concurrence à celles fabri- quées par les appelantes sont construites ou montées à l'endroit elles sont utilisées de la manière suivante:
a) une excavation est creusée dans le sol,
b) un coffrage rectangulaire est placé dans l'excavation,
c) du béton est versé dans le coffrage, qui comporte de l'acier pour lui donner plus de force,
d) quand les murs de béton ont durci, le coffrage est retiré,
e) un couvercle comportant un trou d'homme est alors cons- truit et mis en place;
f) la fosse est raccordée au bâtiment et enterrée de la même manière que les fosses septiques précoulées,
g) les constructeurs de fosses septiques ne paient des taxes que sur les matériaux, c.-à-d. seulement sur le ciment et l'acier.
17. Une fois que les fosses septiques sont raccordées à la maison, ou à un autre bâtiment, et au champ de dispersion elles sont rarement (pour ne pas dire jamais) enlevées et restent enterrées dans le sol en permanence. Elles font donc partie du bien immobilier.
L'intimée est d'accord sur les paragraphes 1 à 14 inclus et le paragraphe 17 du mémoire des appelantes. Pour les paragraphes 15 et 16, elle fait les réserves suivantes:
[TRADUCTION] re: par. 15: La fosse septique courante fabri- quée par l'appelante pèse un peu moins de 3 tonnes. A son usine de Lloydminster, elle en fabrique une de 1,000 gallons, qui pèse un peu moins de 4 tonnes.
re: par. 16: L'intimée nie que les fosses septiques fabriquées par les concurrents des appelantes sont «montées» à l'endroit elles sont utilisées.
Dans son mémoire, elle ajoute aussi des faits et des commentaires sur la déclaration des appelan- tes, à savoir:
[TRADUCTION] A. Les fosses septiques fabriquées ou produi- tes par les appelantes comportent deux sections qui, une fois rassemblées, forment une boîte creuse. Une section constitue la partie inférieure de la fosse et l'autre, sa partie supérieure.
B. Les sections sont fabriquées de manière que la section supérieure ou mâle de la fosse s'emboîte dans la section infé- rieure ou femelle.
C. Il existe une arête autour de la partie supérieure de la section inférieure ou femelle de la fosse grâce à laquelle un joint étanche avec un composé obturateur ou de colmatage se forme lorsque les deux sections se rencontrent.
D. Le composé de colmatage est appliqué sur la partie supé- rieure de la section inférieure avant de la descendre dans le trou creusé exprès pour elle, et il est parfois appliqué dans le trou.
E. La section inférieure est descendue dans le trou par un câblage hydraulique installé sur un camion.
F. La section supérieure est alors descendue sur la section inférieure. Son poids presse le joint étanche. Des ouvriers y pénètrent et polissent l'excès de composé obturateur avec une truelle. Ils font de même pour le joint étanche extérieur lors- qu'ils peuvent l'atteindre. En Alberta, à cause du gel, les fosses sont enfouies plus profondément qu'en Colombie-Britannique. On place alors au sommet de la fosse, un tuyau de regard avec couvercle dans le trou d'homme. Ces tuyaux de regard ont environ 5 pieds de long. Il est indispensable de drainer dans la fosse, les égouts provenant de l'immeuble.
G. Lorsque les appelantes livrent une fosse septique, elles ne creusent pas de trou. Elles descendent la fosse dans le trou, la ferme hermétiquement, y installent les cloisons et parfois des
prolongements de regard. Mais c'est au client qu'il incombe de raccorder les tuyaux d'égout et les tuyaux de sortie à la fosse, ainsi que de finir le travail et de remplir le trou.
H. Deux cloisons de plastique sont fournies avec la fosse. Parfois, elles sont chevillées à l'usine; en tous cas, elles le sont toujours avant de descendre les sections de la fosse.
I. L'intimée soulève une objection contre l'emploi des mots «assemblé» et «assemblage» pour décrire, dans les paragraphes 4 et 5 de la déclaration des appelantes, la manière dont la moitié supérieure des fosses septiques en question est descendue afin de reposer sur la lèvre intérieure de la moitié inférieure, qui a déjà été descendue en place.
J. L'intimée nie qu'il y ait «assemblage» ou que quelque chose soit «assemblé» à l'endroit les fosses sont utilisées.
K. Il vaut mieux décrire le procédé qui consiste à placer les deux sections de la fosse dans leur position d'utilisation finale comme l'«installation» de la fosse septique, c'est-à-dire la mise en place de ses composants aux fins d'utilisation.
Dans leurs arguments devant cette cour, les appelantes ne semblent pas s'inscrire en faux contre les réserves de l'intimée sur les paragraphes 15 et 16 ou sur les faits complémentaires qu'elle énonce. Selon l'avocat, le dossier indique que la taille d'une fosse typique fabriquée par les appe- lantes est: 8'2 1 / 4 " x 3'6" x 5'7".
Je pense qu'il convient de noter que la Loi sur la taxe d'accise prévoit un mécanisme, que je ne décrirai pas en détail, grâce auquel les appelantes, si elles ne peuvent pas recourir à l'article 26(4), obtiendront une exemption de taxe pour les maté- riaux avec lesquels elles fabriquent leurs fosses septiques. Or, ce mécanisme ne pourrait pas être utilisé si ces mêmes matériaux servaient à cons- truire ladite fosse dans le trou. De même, les appelantes n'en disposeront pas si elles ont le droit de se prévaloir dudit article. D'où, selon moi, il s'ensuit que la différence entre l'application et la non-application de l'article 26(4) revient en fait à la différence entre:
a) la taxe de vente sur les matériaux dans la fabrication d'une fosse septique et,
b) la taxe de vente sur une fosse fabriquée qui incluerait, outre la taxe de vente sur les maté- riaux, celle sur la main-d'oeuvre, les frais géné- raux et les profits, etc.
Cette différence représente l'excédent des taxes de vente que les appelantes paient par rapport aux constructeurs à pied d'oeuvre si elles ne peuvent pas se prévaloir de l'article 26(4).
Il convient aussi de noter qu'en lisant à fond l'article 26(4), on s'aperçoit qu'il s'applique à:
a) des bâtiments ou structures fabriqués ou pro- duits ailleurs qu'à pied d'oeuvre, en concurrence avec des personnes qui les construisent ou les montent à pied d'oeuvre,
b) des éléments porteurs destinés à être incorpo- rés à un bâtiment ou à une structure semblable, en concurrence avec des personnes qui les cons- truisent ou les montent à pied d'oeuvre,
c) des parpaings en béton ou des agglomérés, et
d) de l'acier de construction ouvré pour bâtiments.
L'article 26(4) tente de définir de façon plus ou moins arbitraire les principaux articles qui peuvent donner lieu à une discrimination en matière de taxe de vente lorsqu'ils sont fabriqués ailleurs que sur l'emplacement d'un bâtiment ou d'une struc ture. Aucune disposition générale ne vient éliminer cette discrimination.
Après avoir examiné la jurisprudence à laquelle le juge de première instance se réfère et l'emploi du terme «structure» dans les autres lois, je conclus qu'il est impossible de lui donner un sens particu- lier dans celle-ci. A mon sens, une fosse septique, qui fait partie du système sanitaire d'une résidence et n'est pas sur une ligne d'égout, ne constitue pas une structure au sens qu'a ce terme dans l'expres- sion «un bâtiment ou une autre structure», pas plus que ne l'est un appareil de chauffage ou une autre installation fixe semblable située à l'intérieur d'un bâtiment et qui en est une partie essentielle. Selon moi, tout cet équipement fait partie du bâtiment ou lui est accessoire et dans l'expression «un bâti- ment ou une structure», qui figure dans l'article 26(4)a), le mot «structure» désigne quelque chose d'autre qu'un «bâtiment», une partie de bâtiment ou un accessoire à un bâtiment.
Pour ces raisons, je suis d'avis de rejeter l'appel avec dépens. Ce faisant, il ne faut pas en déduire qu'au cas je serais arrivé à la conclusion con- traire, j'aurais considéré qu'un jugement déclara- toire convient à la présente action. Les parties n'ont pas débattu cette question. Compte tenu de la difficulté d'élaborer un jugement déclaratoire si les appelantes avaient raison et la facilité avec laquelle la question en litige pourrait être résolue de façon traditionnelle par un procès-type sur une série de faits réels, je ne peux pas m'empêcher d'exprimer des réserves sur l'opportunité pour la
Cour, en l'espèce, d'exercer sa discrétion en vue d'accorder un jugement déclaratoire.
* * *
LE JUGE PRATTE y a souscrit.
* * *
LE JUGE URIE y a souscrit.
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