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T-3168-76
James Laurence Kezar, mineur agissant par son représentant ad litem Ralph Kezar, ainsi que ledit Ralph Kezar (Demandeurs)
c.
La Reine et le commissaire des territoires du Nord-Ouest, Rufus Graves et Ronald Dodds et M0e Ronald Dodds et Joy Carter (Défendeurs)
Division de première instance, le juge suppléant Primrose—Yellowknife, le 3 décembre; Edmonton, le 13 décembre 1976.
Procédure—Demande en vue d'obtenir une ordonnance por- tant radiation de la déclaration au motif qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable d'action—La Couronne a-t-elle un devoir à l'égard des demandeurs?—Les défendeurs nommés sont-ils les préposés de la Couronne?—Compétence de la Cour fédérale—Loi sur la responsabilité de la Couronne, S.R.C. 1970, c. C-38, art. 3(1 )—Loi sur la Cour fédérale, art. 17— Loi sur les territoires du Nord-Ouest, S.R.C. 1970, c. N-22, art. 13—Public Service Ordinance, O.R. 1974, c. P-13— School Ordinance, O.R. 1974, c. S-3—Règle 419(1)a) de la Cour fédérale.
Les demandeurs allèguent que les défendeurs, conjointement et solidairement, ont un devoir de diligence à l'égard du deman- deur mineur, que le commissaire des territoires du Nord-Ouest agissait en qualité de plus haut fonctionnaire du gouvernement des territoires du Nord-Ouest et en qualité d'employeur des défendeurs nommés et que ces derniers agissaient, en tout temps, dans les limites et dans l'exercice de leurs fonctions. Les défendeurs soutiennent qu'en vertu de l'article 17 de la Loi sur la Cour fédérale, la compétence de la Cour est limitée aux cas l'on demande un redressement contre la Couronne, que les défendeurs nommés aux présentes sont exclus des dispositions de la Loi sur la responsabilité de la Couronne, par le biais de l'expression «préposé» définie à l'article 2 de cette Loi et que la Couronne elle-même est responsable seulement lorsqu'elle a un devoir à l'égard d'une personne en particulier.
Arrêt: la demande est accueillie. Les défendeurs nommés, bien que préposés de la Couronne, sont exclus des dispositions de la Loi sur la responsabilité de la Couronne. La Couronne n'est donc pas responsable de leur négligence et la Cour fédérale n'a pas la compétence d'entendre une demande de redressement présentée contre eux. Le commissaire des territoi- res du Nord-Ouest est un fonctionnaire de la Couronne et, dans les circonstances en l'espèce, n'a aucun devoir à l'égard des particuliers.
Arrêts appliqués: Montreal Transportation Co. Ltd. c. Le Roi [1923] R.C.É. 139; La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante c. La Reine [1974] 2 C.F. 443; Lignes aériennes Canadien Pacifique, Limitée c. La Reine [1977] 1 C.F. 715; Cleveland -Cliffs S.S. Co. c. La Reine [1957] R.C.S. 810 et La Banque Royale du Canada c. Scott; le commissaire des territoires du Nord-Ouest (1971) 20 D.L.R. (3e) 728.
DEMANDE en radiation d'une déclaration. AVOCATS:
M. Sigler pour les demandeurs.
C. J. Wilson et G. B. Barrington pour les
défendeurs.
PROCUREURS:
Searle, Sigler, Yellowknife, pour les demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT PRIMROSE: Il s'agit d'une demande en vue d'obtenir conformément à la Règle 419(1)a) des Règles de la Cour fédérale, une ordonnance portant radiation de la déclaration au motif qu'il n'existe pas de cause raisonnable d'action. La demande a été entendue à Yellow- knife, T.N.-O. et puisqu'il n'existe pas dans les territoires du Nord-Ouest de bureau du registraire déposer les plaidoiries, une déclaration modifiée a été présentée et la demande a été entendue comme s'il y avait eu dépôt de la déclaration modifiée dans laquelle ont été ajoutés d'autres défendeurs, y compris le défendeur Graves, Surin- tendant de l'éducation à Fort Providence, le défen- deur Dodds, Directeur de l'école Elizabeth Ward, employé à Fort Providence par le gouvernement des territoires du Nord-Ouest, et Mmc Ronald Dodds et Joy Carter toutes deux des employées et institutrices de l'école en question.
La déclaration modifiée allègue que les défen- deurs, conjointement et solidairement, ont un devoir de diligence à l'égard du demandeur mineur: que l'institutrice Joy Carter surveillait les élèves de l'école en cause et qu'elle a prêté son concours au transport inconsidéré du demandeur blessé; que M me Ronald Dodds était la surveillante de récréation en fonction le jour en question et qu'elle a mal ou n'a pas du tout surveillé les enfants; que le défendeur Graves était présent lorsque l'enfant a été blessé et a aidé à son trans port inconsidéré; et enfin, que le défendeur Dodds était le Directeur de l'école et qu'il était tenu de prendre bien soin du demandeur.
La déclaration allègue en outre qu'à l'exception du commissaire des territoires du Nord-Ouest, les défendeurs agissaient en tout temps dans les limi- tes et dans l'exercice de leurs fonctions, et de plus que le commissaire défendeur agissait en qualité de plus haut fonctionnaire du gouvernement des territoires du Nord-Ouest et d'employeur des autres défendeurs nommés.
La défense soutient que la Couronne est respon- sable in tort seulement lorsque des dispositions législatives le prévoient expressément, et qu'en leur absence, une action ne peut être intentée contre la Couronne. Voir Montreal Transportation Co. Ltd. c. Le Roi [1923] R.C.É. 139; Bouillon c. Le Roi (1916) 16 R.C.É.443.
La Loi sur la responsabilité de la Couronne, S.R.C. 1970, c. C-38 concernant la responsabilité in tort de la Couronne prévoit à l'article 3(1):
3. (1) La Couronne est responsable des dommages dont elle serait responsable, si elle était un particulier majeur et capable,
a) à l'égard d'un délit civil commis par un préposé de la Couronne, ou
b) à l'égard d'un manquement au devoir afférent à la pro- priété, l'occupation, la possession ou la garde d'un bien.
L'article 4(2) prévoit:
4. (2) On ne peut exercer de recours contre la Couronne, en vertu de l'alinéa 3(1)a), à l'égard d'un acte ou d'une omission d'un préposé de la Couronne, sauf si, indépendamment de la présente loi, l'acte ou l'omission eût donné ouverture à une poursuite en responsabilité délictuelle contre ce préposé ou sa succession.
L'expression «préposé» est définie à l'article 2 de la Loi comme suit:
2....
«préposé» comprend un mandataire, mais ne comprend pas une personne nommée ou employée en vertu d'une ordonnance du territoire du Yukon ou des territoires du Nord-Ouest.
Les défendeurs soutiennent que l'action, bien qu'elle soit fondée sur la responsabilité délictuelle pour défaut de surveillance pendant la récréation dans la cour de l'école, n'est pas recevable parce que les défendeurs sont des employés conformé- ment à une ordonnance et sont régis par les lois des territoires du Nord-Ouest.
Le commissaire gère et administre la Fonction publique en vertu de la Public Service Ordinance,
O.R. 1974, c. P-13. L'ordonnance porte sur les traitements et rémunérations ainsi que le personnel et les nominations, et en vertu de l'article 15(1), le commissaire a le droit et le pouvoir exclusifs de nommer des personnes à des postes dans la Fonc- tion publique.
Les défendeurs soutiennent qu'en vertu de l'arti- cle 17 de la Loi sur la Cour fédérale, la compé- tence de la présente cour est limitée aux cas l'on demande un redressement contre la Couronne, et que cette dernière n'est pas responsable de la négligence de ses préposés, sauf dans les cas prévus par la Loi sur la responsabilité de la Couronne. La défense soutient en outre que, bien que chacun des défendeurs nommés aux présentes, c'est-à-dire Graves, Dodds et son épouse et Carter puissent être personnellement poursuivis en dommages- intérêts si la négligence est prouvée, ces derniers ne peuvent être défendeurs dans la présente action et aucune action ne peut être intentée, en tout état de cause, contre Sa Majesté ou le commissaire.
Le poste de commissaire est créé en vertu de la Loi sur les territoires du Nord-Ouest, S.R.C. 1970, c. N-22. En vertu de l'article 13 de la Loi, le commissaire en conseil peut rendre des ordonnan- ces pour le gouvernement des territoires, et l'arti- cle 13(r) énonce:
13....
r) l'instruction dans les territoires, à condition que, dans toute ordonnance relative à l'instruction, il soit toujours décrété qu'une majorité des contribuables d'un district ou d'une partie des territoires, ou d'une moindre partie ou subdivision, sous quelque nom qu'elle soit désignée, peut y établir les écoles qu'elle juge appropriées etc.
Par conséquent, il ne fait aucun doute que le commissaire en conseil peut rendre des ordonnan- ces dans les territoires relativement à l'éducation.
La School Ordinance, O.R. 1974, c. S-3 énu- mère les attributions du commissaire et lui donne le pouvoir d'établir des règlements pour mettre en application les dispositions de l'ordonnance:
[TRADUCTION] 3. Le commissaire peut établir les règle- ments qu'il estime nécessaires ou souhaitables pour mettre en application les dispositions de cette ordonnance et, sans limiter la portée générale de ce qui précède, il peut établir des règle- ments prévoyant
a) l'organisation, l'administration et la discipline des écoles;
b) l'aménagement et la disposition des bâtiments scolaires;
c) le matériel et l'ameublement scolaires;
d) la classification des écoles et le classement des instituteurs;
e) les livres de classe et le matériel scolaire qui seront utilisés dans les écoles;
J) les devoirs et les attributions des inspecteurs d'écoles et des contrôleurs des absences nommés par le commissaire;
g) les livres destinés aux bibliothèques scolaires;
h) les plans pour la construction et l'ameublement des écoles;
i) les normes régissant l'enseignement et l'étude dans les écoles;
j) la durée de l'année scolaire, les heures de classe, les récréations, les vacances et les jours de congé, et
k) les fonctions des instituteurs et des directeurs.
Les défendeurs soutiennent qu'il s'agit de pouvoirs réglementaires, qu'aucune obligation n'est créée envers qui que ce soit en particulier et ils renvoient à l'arrêt La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante c. La Reine [1974] 2 C.F. 443. Il s'agissait d'une demande de radiation de la déclaration parce qu'elle ne révélait aucune cause raisonnable d'action contre la Couronne et le ministre des Postes; l'action se fondait sur le non- règlement d'une grève illégale. Dans cet arrêt le juge Mahoney déclare à la page 450:
Les décisions prises par les défendeurs et les actes et omis sions dont on se plaint étaient manifestement, dans le contexte de la Loi, des décisions de politique et des actes et omissions intervenant dans l'exercice de fonctions de direction et d'exploi- tation. Le ministre des Postes et d'autres fonctionnaires de la Couronne ne sont responsables que devant le Parlement des conséquences de ces décisions, actes et omissions et, en particu- lier, les défendeurs n'en sont pas comptables aux demanderesses devant la présente cour.
Les défendeurs s'appuient également sur l'arrêt Lignes aériennes Canadien Pacifique, Limitée c. La Reine [1977] 1 C.F. 715, les motifs du juge- ment ayant été prononcés le 8 novembre 1976 par le juge Collier. La compagnie Lignes aériennes Canadien Pacifique, Limitée, qui utilise les aéro- ports des principaux centres du Canada que la défenderesse exploite par l'entremise de ministère ou ministres, affirmait avoir subi des pertes et des dommages à la suite de l'interruption, au mois de mars 1975, de 21 de ses vols prévus sur l'horaire. Les interruptions avaient été causées par la ferme- ture temporaire des pistes d'envol aux aérodromes internationaux de la défenderesse à Toronto et à Ottawa. La demanderesse soutenait qu'il incom- bait au ministre des Transports de maintenir ces aérodromes et qu'il a manqué à cette obligation les jours en question. En vertu de l'article 3c) de la
Loi sur l'aéronautique, le Ministre est tenu «de construire et maintenir tous les aérodromes et stations ou postes d'aéronautiques de l'État, y compris toutes les installations, machines et tous les bâtiments nécessaires à leur équipement et entretien efficaces». En discutant cette obligation le savant juge déclare à la page 726:
J'estime que, dans l'intérêt du grand public, l'obligation consiste à préserver, à entretenir, «à conserver en existence ou en continuation» ou à réparer. Je n'ai pas la prétention de donner une définition qui comprenne tous les sens du terme employé à l'alinéa 3c). Toutefois, je suis convaincu que l'obliga- tion ne dépasse pas les limites générales que j'ai indiquées. En particulier, à mon avis, elle n'a pas la portée que la demande- resse lui attribue, à savoir: s'assurer, dans les limites pratiques, que les installations des aérodromes sont opérationnelles ou fonctionnent (par comparaison avec l'entretien, la réparation ou la durée des installations), à tous les moments raisonnables. Je dis que l'obligation de maintenir, interprétée correctement, ne va pas si loin.
Aux pages 727-28, le savant juge dit:
Je passe maintenant à un autre point litigieux important entre les parties. L'alinéa 3c) de la loi confère-t-il un droit d'action à la demanderesse et aux autres usagers canadiens des aérodromes, qui prétendent avoir été lésés par l'inexécution de l'obligation? Ici, il me faut présumer que l'obligation a bien la portée que la demanderesse lui attribue. Dans Orpen c. Roberts, le juge Duff a défini le critère de la façon suivante [[19251 R.C.S. 364, à la p. 370]:
[TRADUCTION] Cependant on doit examiner l'esprit et la lettre d'une loi en vue de déterminer si la création au profit d'un particulier de droits sanctionnés par une action corres pond à l'économie de la loi; ou si les redressements prévus par la loi sont les seuls qui soient accordés pour garantir le respect de l'obligation légale au profit du public ou pour indemniser les personnes lésées par suite de la non-exécution de cette obligation. [C'est moi qui souligne.]
Dans Direct Lumber Co. Ltd. c. Western Plywood Co. Ltd., [une action que j'ai entendue il y a 15 ans] le juge Judson [en appel], parlant au nom de la Cour suprême du Canada, a souscrit à l'extrait que je viens de citer [[1962] R.C.S. 646, à la p. 648]:
[TRADUCTION] Je suis convaincu, comme l'a été le juge d'appel Johnson après une revue complète de la jurispru dence, dont Cutler c. Wandsworth Stadium Ld. [[1949] A.C. 398] est le point culminant, que cette loi criminel e ne donne aucune cause d'action civile pour son inexécution et je ratifie le jugement qui fait l'objet du pourvoi pour les raisons données par le juge d'appel Johnson, à savoir que cette loi créant un nouveau délit, a été adoptée exclusivement pour la protection de l'intérêt public et n'engendre pas une cause d'action civile. Elle ne comporte aucun principe nouveau et, en dépit de l'examen répété du problème, rien n'a été ajouté aux commentaires que le juge Duff a faits dans Orpen c. Roberts .. .
Et de nouveau à la page 728:
Ici, l'organisme que l'on veut poursuivre est la Couronne, par l'entremise d'un ministre. Il me semble que le Parlement serait mal venu d'imposer des sanctions à un ministre de la Couronne à propos d'une inexécution. De toutes façons, ce dernier est responsable devant le Parlement pour tous ses manquements. Il appartient au législateur d'appliquer les recours, si on peut utiliser ces termes, lorsque le Ministre est appelé à lui rendre des comptes.
Les défendeurs soutiennent que trois conditions doivent être remplies, à savoir: l'existence d'une obligation prescrite, une dérogation à cette obliga tion et plus encore important, il doit y avoir res- ponsabilité envers une personne touchée par ladite dérogation; à l'appui de leur thèse, les défendeurs renvoient à l'arrêt La Reine, du chef de la province de l'Île-du-Prince -Edouard c. La Reine, du chef du Canada [1976] 2 C.F. 712. Dans cette affaire, on alléguait que le gouvernement n'avait pas assuré un service continu de traversiers entre l'Île-du-Prince -Edouard et le continent, en viola tion de l'article 146 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique; la Cour a statué qu'il n'existe pas de responsabilité en dommages-intérêts à l'égard du préjudice causé. à la province par l'inter- ruption du service à la suite de cette inexécution. A la page 734, le juge Cattanach a dit en renvoyant à l'arrêt La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante c. La Reine (précité):_
Parmi les motifs du juge Mahoney, ordonnant la radiation de la déclaration, on peut lire à la page 450:
Les décisions prises par les défendeurs et les actes et omissions dont on se plaint étaient manifestement, dans le contexte de la Loi, des décisions de politique et des actes et omissions intervenant dans l'exercice de fonctions de direc tion et d'exploitation. Le ministre des Postes et d'autres fonctionnaires de la Couronne ne sont responsables que devant le Parlement des conséquences de ces décisions, actes et omissions et, en particulier, les défendeurs n'en sont pas comptables aux demanderesses devant la présente cour.
En somme, le manquement à une obligation édictée par la Loi dans l'intérêt commun n'est pas sanctionné par un droit d'action que pourrait exercer l'individu lésé. On en a jugé ainsi dans un cas de manquement du gouvernement canadien à fournir un service postal ininterrompu. Il n'existe aucune diffé- rence fondamentale entre une grève paralysant un service postal et une grève paralysant un service de traversiers.
Les défendeurs renvoient à l'arrêt Cleveland - Cliffs S.S. Co. c. La Reine [1957] R.C.S. 810: un navire s'était échoué en entrant dans un port et ses propriétaires et affréteurs avaient déposé une péti- tion de droit réclamant des dommages-intérêts pour négligence dans le balisage du chenal et l'établissement des cartes y afférentes. Le savant
juge a rejeté l'action aux motifs que: 1. l'échoue- ment a eu lieu en dehors des limites du chenal et 2. la Couronne ne serait pas légalement responsable même si l'échouement avait eu lieu dans les limites du chenal. En appel le juge en chef Kirwin dit à la page 813:
[TRADUCTION] Étant donné la prétention des appelantes selon laquelle elles seraient pour le moins fondées à obtenir un nouveau procès de manière qu'elles puissent prendre les mesu- res nécessaires à cette fin ou en sorte de se procurer les noms de ceux à l'encontre de qui, au sens de la Loi sur la responsabilité de la Couronne, elles pourraient démontrer qu'elles ont une cause d'action in tort, j'ai étudié la question avec un soin particulier et j'ai conclu que le redressement recherché ne doit en aucun cas être accordé. Le Service hydrographique du Canada n'avait aucune obligation, à l'égard des appelantes, de sonder l'entrée est du chenal et, dans les circonstances particu- lières à l'espèce, je ne conçois aucune obligation possible envers les appelantes à laquelle serait tenu un autre préposé de la Couronne et dont l'inexécution constituerait le fondement d'une cause d'action contre lui.
Le juge Rand dit à la page 814:
[TRADUCTION] L'administration des aides à la navigation dépend des crédits votés par le Parlement. Mais indépendam- ment de ceci, pour qu'un préposé de la Couronne puisse être personnellement tenu responsable envers un tiers d'un manque- ment à ses devoirs envers la Couronne, les faits doivent permet- tre de conclure à l'intention de créer une relation directe entre le préposé et le tiers. Le premier devoir des préposés de la Couronne est envers celle-ci; et les circonstances dans lesquelles le préposé peut, en même temps, être tenu d'une obligation envers un tiers sont extrêmement rares.
En ce qui concerne l'existence d'un devoir, on a renvoyé aux arrêts Laberge c. La Reine [1951] R.C.E. 369 et La Reine c. Nord-Deutsche Versi- cherungs-Gesellschaft [1971] R.C.S. 849 et l'on a souligné que les conditions suivantes doivent être réunies pour que le requérant puisse actionner la Couronne pour négligence: existence d'un devoir de diligence envers le requérant; omission de se conformer aux règles de diligence prescrites par la loi et responsabilité envers la personne lésée. Dans la dernière affaire, 50% de la responsabilité a été imputée à la Couronne et l'on expose les principes sur lesquels se fondent cette responsabilité.
Les demandeurs ont soutenu qu'il s'agit d'une action in tort, que le commissaire a agi dans les limites de ses attributions et que ses employés ou ceux qu'il a nommés conformément aux ordonnan- ces sont des préposés de la Couronne.
Dans l'arrêt La Banque Royale du Canada c. Scott; le commissaire des territoires du Nord- Ouest (1971) 20 D.L.R. (3e) 728, le juge Morrow
de la Cour territoriale du Nord-Ouest traite d'une manière exhaustive de l'histoire constitutionnelle et judiciaire des territoires du Nord-Ouest. Cette affaire traite d'une question de saisie-arrêt et il a été jugé que le salaire d'un instituteur employé par le gouvernement des territoires du Nord-Ouest ne pouvait pas être l'objet d'une saisie-arrêt.
Discutant dans le jugement susmentionné du statut du commissaire et des employés des territoi- res, le juge Morrow a statué:
Il me semble que ce contrôle, exercé conformément à la Loi sur les territoires du Nord-Ouest (précitée), en particulier aux articles 4 et 19 [rempl. et sub. 1966-67, c. 22] de cette dernière, place légalement le commissaire dans une position qui exige de lui qu'il manie ces fonds comme venant du .trésor royal». Il se peut qu'en pratique les instructions du gouverneur en conseil ou du Ministre de la Reine, prévues à l'article 4, soient assez larges et vagues pour permettre au commissaire de prendre des décisions très souples et, en apparence, indépendantes, mais ceci n'affecte en rien la situation du point de vue juridique. Les dépenses qu'il engage conformément à ses pouvoirs, sont cen- sées l'être conformément aux instructions directes de la Cou- ronne du chef du Gouvernement fédéral ou canadien.
Il est manifeste que selon la législation en vigueur, les employés ou préposés du gouvernement territorial ne sont pas les employés ou les préposés du commissaire, bien que celui-ci les engage et les paye, mais ceux de Sa Majesté; le commissaire en qualité de fonctionnaire exécutif n'est pas le chef d'un État ou gouvernement indépendant de Sa Majesté mais seulement l'agent (fort important et efficace, il est vrai) de transmission et d'exécution des instructions qui peuvent lui venir de Sa Majesté (le Gouvernement canadien) ou des Ordonnances adoptées par le Conseil territorial. Voir aussi le juge Duff aux pages 677-8 dans l'affaire Lake Champlain & St. Lawrence Ship Canal Co. c. Le Roi (1916), 35 D.L.R. 670, 54 R.C.S. 461 pour le point de savoir si [TRADUCTION] «les pouvoirs qui appartiennent à la Couronne peuvent être exercés par l'intermédiaire des minis- tres» et ma référence à Dicey infra, p. 744.
Je ne vois aucune différence dans le fait que dans les territoires du Nord-Ouest, le pouvoir est établi en vertu des Ordonnances édictées aux termes de la Loi sur les territoires du Nord-Ouest et, à toutes fins pratiques, la situation est la même que s'il s'agissait d'une action contre la Couronne dans l'une des provinces du Canada.
Les demandeurs avancent que cette School Ordinance ne s'applique qu'aux districts scolaires constitués établis dans les territoires et la déclara- tion en l'espèce n'indique pas que l'administration scolaire à Fort Providence se trouve être dans un district scolaire visé par l'Ordonnance. Il ressort clairement de la déclaration modifiée que l'on ne prétend pas que l'école Elizabeth Ward situé à
Fort Providence a été établie aux termes de l'Or- donnance en question et les demandeurs soutien- nent que, bien que l'article 13r) de la Loi sur les territoires du Nord-Ouest accorde au commissaire une délégation générale de pouvoirs, il ne s'ensuit pas que la présente action est fondée sur l'autorité donnée au commissaire en vertu de cet article, c'est-à-dire que l'école n'est pas nécessairement établie en vertu dudit article. Cependant, les demandeurs soutiennent que le commissaire défen- deur est le plus haut fonctionnaire, que le défen- deur Graves, surintendant de l'éducation, est un employé du gouvernement aussi bien que Ronald Dodds, directeur de l'école, son épouse Mme Dodds et Joy Carter, toutes deux institutrices. Tout le système scolaire des territoires repose sur les pou- voirs donnés au commissaire aux termes de la Loi sur les territoires du Nord-Ouest et de la School Ordinance en question, aussi dois-je conclure que la déclaration en l'espèce prend pour acquis que l'école a été établie en vertu de la School Ordi nance ou que les défendeurs mentionnés sont des employés engagés en vertu de ladite Ordonnance et, à mon avis, la seule conclusion possible est que les employés susmentionnés ainsi que l'école sont respectivement régis et établis en vertu de la délé- gation générale accordée au commissaire aux termes de la School Ordinance. Il est possible que les demandeurs soient fondés à entamer des procé- dures devant la Cour suprême des territoires du Nord-Ouest dans le cas les actes de négligence allégués peuvent être prouvés, mais eu égard à la loi que j'ai étudiée et à la jurisprudence citée, je dois conclure qu'une action ne peut être intentée devant la Cour fédérale contre Sa Majesté, le commissaire ni aucun des autres défendeurs. Pour ces motifs, la demande de radiation des plaidoiries est accueillie.
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