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A-646-76
Le navire Dumurra (Appelant) (Défendeur) c.
La Maritime Telegraph and Telephone Company Limited (Intimée) (Demanderesse)
Cour d'appel, les juges Pratte, Urie et Ryan— Halifax, les 26, 27 et 28 avril 1977.
Droit maritime Responsabilité du propriétaire de navire Défense de pilotage obligatoire Effet des règles du contrat d'.agency» de la common law Câble endommagé par le navire dans une zone le pilotage est obligatoire Loi sur le pilotage, S.C. 1970-71-72, c. 52, art. 31.
Le Dumurra, alors qu'il était sous la conduite d'un pilote breveté, dans une zone le pilotage est obligatoire, a endom- magé les câbles sous-marins de l'intimée. Le dommage a été causé exclusivement par la faute du pilote. L'appelant décline toute responsabilité et invoque la défense dite «du pilotage obligatoire., soutenant que ce moyen de défense n'a pas été aboli par la Loi sur, le pilotage et existe toujours, en vertu de la common law.
Arrêt: l'appel est rejeté. La Loi sur le pilotage ne contient pas et n'a jamais contenu de disposition dérogatoire aux règles de la common law concernant les propriétaires de navire. Il est évident que ce n'est pas à de telles exemptions que fait réfé- rence l'article 31. La Loi sur le pilotage, lorsqu'elle prévoit l'attribution de brevets aux pilotes qualifiés et institue des zones de pilotage obligatoire, crée une situation de fait qui, en vertu des règles de common law concernant la responsabilité des armateurs, pourrait être invoquée pour exempter un armateur de sa responsabilité. C'est à une exemption de cette espèce que l'article 31 fait référence. Si on lit cet article sous cet éclairage, on constate qu'il a manifestement pour effet d'abolir la défense dite de pilotage obligatoire. La prétention voulant que cette interprétation aurait seulement pour effet d'abolir cette défense dans les actions engagées in personam, non dans les actions in rem, a été rejetée à bon droit par le premier juge. L'action in rem est un mécanisme de procédure; on ne peut dire que, dans une telle action, la chose soit responsable par elle-même et obéisse à des règles différentes de celles régissant la responsabi- lité du propriétaire.
APPEL. AVOCATS:
James E. Gould et W. Wylie Spicer pour
l'appelant.
John M. Barker pour l'intimée.
PROCUREURS:
McInnes, Cooper & Robertson, Halifax, pour l'appelant.
Cox, Downie, Nunn & Goodfellow, Halifax, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motif. du jugement de la Cour prononcés à l'audience par
LE JUGE PRATTE: Il s'agit en l'espèce de l'appel d'un jugement de la Division de première instance statuant que l'intimée avait droit de recouvrer de l'appelant, le navire Dumurra, la somme de
$50,206.92 titre d'indemnisation du dommage causé par ledit navire à deux câbles sous-marins posés par l'intimée le long du lit du port de Sydney en Nouvelle-Écosse.
On n'a pas contesté sérieusement à l'audience d'appel le fait que les câbles sous-marins de l'inti- mée aient été endommagés par la faute d'une personne embarquée sur le Dumurra. Même, on aurait pu penser que les conclusions fort claires du juge de première instance de fait avaient mis un point final à toute contestation en la matière (voir l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'af- faire Stein c. Le aKathy K„ (1976) 62 D.L.R. (3e) 1). Toutefois on a fait valoir pour le compte de l'appelant que les dommages subis par l'intimée étaient attribuables uniquement à la faute du pilote breveté qui assurait la conduite du navire appelant au moment de l'accident et que, ce der- nier s'étant produit dans une zone le pilotage est obligatoire, la faute n'engageait pas la respon- sabilité de l'appelant. En d'autres termes, l'appe- lant invoque la défense dite [TRADUCTION] «du pilotage obligatoire» laquelle, fait-on valoir, con- trairement à ce qu'a conclu le premier juge, n'a pas été abolie par l'article 31 de la Loi sur le pilotage, S.C. 1970-71-72, e. 52.
Il est notoire que l'accident s'est produit dans une zone de pilotage obligatoire.
Voici le texte de l'article 31 de la Loi sur le pilotage:
31. Aucune disposition de la présente loi n'exonère le pro- priétaire ou le capitaine d'un navire de sa responsabilité pour tous dommages ou pertes causés par son navire à une personne ou à des biens du seul fait
a) que le navire était sous la conduite d'un pilote breveté; ou
b) que les dommages ou pertes résultent de la faute, de la négligence, de l'impéritie ou d'un acte délictueux d'un pilote breveté.
L'avocat de l'appelant a fait valoir que le pro- priétaire d'un navire n'a pas à répondre des dom- mages causés par la faute d'un pilote breveté lorsque les services d'un tel pilote sont obligatoire-
ment requis, parce qu'en common law, le «princi- pal» n'a pas à répondre des dommages causés par l'«agent» qu'il n'a pas nommé lui-même. Selon l'avocat, c'est la common law qui exonère le pro- priétaire de toute responsabilité dans le cas du pilotage obligatoire et non une disposition législa- tive. D'après l'avocat donc, lorsque le propriétaire d'un navire invoque la défense dite du pilotage obligatoire, il ne s'appuie pas sur les dispositions de la Loi sur le pilotage qui l'exonèrent de toute responsabilité, mais il invoque la common law. Par voie de conséquence, toujours d'après l'avocat, l'ar- ticle 31 ne s'applique pas en l'espèce, puisque ledit article ne vise qu'une exemption découlant d'une disposition de la Loi sur le pilotage.
L'argument n'est pas dénué de toute logique. Toutefois, nous pensons qu'il a été écarté à bon droit par le premier juge. La Loi sur le pilotage ne contient pas et n'a jamais contenu de disposition dérogatoire aux règles de la common law concer- nant la responsabilité des propriétaires de navire. Il est évident que ce n'est pas à de telles exemp tions que fait référence l'article 31. D'autre part, la Loi sur le pilotage, lorsqu'elle prévoit l'attribu- tion de brevets aux pilotes qualifiés et institue des zones de pilotage obligatoire, crée une situation de fait qui, en vertu des règles de common law con- cernant la responsabilité des armateurs, pourrait être invoquée pour exempter un armateur de sa responsabilité. A notre avis, c'est à une exemption de cette espèce que l'article 31 fait référence. Si on lit cet article sous cet éclairage, on constate qu'il a manifestement pour effet d'abolir la défense dite de pilotage obligatoire.
L'avocat de l'appelant a prétendu toutefois que, même si l'article 31 devait recevoir cette interpré- tation, l'effet en serait seulement d'abolir cette défense dans les actions engagées in personam. La défense subsisterait dans le cas des actions in rem. Cette prétention a été à notre avis rejetée à bon droit par le premier juge. L'action in rem est un mécanisme de procédure; on ne peut dire que, dans une telle action, la chose soit responsable par elle-même et obéisse à des règles différentes de celles régissant la responsabilité du propriétaire.
On a aussi prétendu au nom de l'appelant que le premier juge n'aurait pas rejeter les plaidoyers invoquant la contributory negligence et la maxime volenti non fit injuria. Sur ces deux points, l'avo-
cat n'a pas réussi à nous persuader qu'il existe une erreur dans les motifs et dans le jugement du premier juge.
Enfin, l'avocat de l'appelant fait valoir que les dommages-intérêts alloués sont excessifs. Le mon- tant en a été calculé en fonction du coût de remplacement des câbles endommagés et l'avocat soutient que le premier juge n'a pas considéré suffisamment le fait que les câbles endommagés n'étaient pas neufs et avaient être remplacés par de nouveaux ayant, par le fait même, une valeur plus grande que ceux endommagés. Vu l'arrêt de la Cour d'appel d'Angleterre dans Har- butt's «Plasticine» Ltd. c. Wayne Tank and Pump Co. Ltd. [1970] 1 Q.B. 447, nous pensons que cet argument doit aussi être écarté.
Pour ces motifs, l'appel est rejeté avec dépens.
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