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A-564-76
Le procureur général du Canada (Requérant) c.
Le juge-arbitre nommé en vertu de l'article 92 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage (Intimé)
Cour d'appel, les juges Pratte, Urie et Ryan— Fredericton, le 29 avril; Ottawa, le 6 mai 1977.
Examen judiciaire Droit à des prestations d'assurance- chômage Traitement commençant deux mois après l'entrée en vigueur du contrat et se terminant deux mois après l'expi- ration dudit contrat Le juge-arbitre a déclaré l'enseignant admissible Le juge-arbitre a-t-il erré en droit? Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, c. 48, art. 21(1),(2) Loi sur la Cour fédérale, art. 28 Loi scolaire, S.R.N.-B. 1973, c. S-5, art. 1 et 41.
Un enseignant a signé un contrat pour une période d'un an, commençant le 1e" juillet 1975, mais ne devait recevoir aucun traitement pour les mois de juillet et août. Il devait continuer de recevoir son traitement pour les mois de juillet et août 1976, après l'expiration de son contrat. L'enseignant a prétendu avoir droit à des prestations d'assurance-chômage pour une semaine en juillet 1975. Le juge-arbitre a décidé qu'il y avait droit. La demande consiste à savoir si ce dernier a erré en droit en rendant cette décision.
Arrêt: la demande est accueillie. L'article 21(2) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage prévoit expressément que l'em- ployé peut recevoir ou recevra sa rémunération prévue au contrat d'engagement, pour une semaine au cours de laquelle il n'accomplit aucun travail. On ne peut donc dire que, au sens de l'article 21(2), la rémunération prévue au contrat d'engagement était entièrement payable à l'enseignant pour l'«année d'ensei- gnement» parce que c'est au cours de cette période qu'il devait exercer ses fonctions. On ne peut dire non plus que l'enseignant devait recevoir une rémunération pour l'«année de paye» de septembre à août. L'enseignant a été engagé pour l'année scolaire, comme le prévoit la Loi scolaire du Nouveau-Bruns- wick, à un salaire annuel fixe, payable en 24 versements. Lorsqu'une personne est engagée pour une période fixe d'une année à un salaire annuel fixe, son salaire est payable pour l'année prévue à son contrat, sans tenir compte du fait qu'il peut être stipulé qu'il sera versé, en tout ou en partie, après l'expiration de cette période.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
E. A. Bowie pour le requérant.
Brian R. Warnock et Eugene J. Mockler pour W. G. Kingston et la Fédération des Ensei- gnants du Nouveau-Brunswick.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le requérant.
Hoyt, Mockler, Allen & Dixon, Fredericton, pour W. G. Kingston et la Fédération des Enseignants du Nouveau-Brunswick.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: La présente demande formu- lée en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale vise l'examen et l'annulation d'une déci- sion d'un juge-arbitre, rendue conformément à la Partie V de la Loi de 1971 sur l'assurance-chô- mage, S.C. 1970-71-72, c. 48, qui a accueilli un appel d'une décision d'un conseil arbitral. Le con- seil arbitral avait jugé que William G. Kingston n'avait pas droit de recevoir les prestations pour lesquelles il avait fait une demande en juillet 1975 parce qu'il n'avait pas prouvé qu'il était alors en chômage.
Kingston est un enseignant. Le conseil scolaire du district 15 du Nouveau-Brunswick l'a engagé le 20 juin 1975 pour une période d'un an, commen- çant le 1°r juillet 1975. Cependant, il a été entendu que Kingston, comme tous les enseignants, n'aurait aucune fonction à exercer au cours des mois de juillet et août. Son contrat d'engagement contenait les dispositions suivantes:
[TRADUCTION] 1. L'enseignant, en contrepartie de l'indemnité prévue au paragraphe 2, convient avec le conseil scolaire ; d'en- seigner diligemment et fidèlement et d'exercer les fonctions afférentes conformément à la LOI SCOLAIRE du Nouveau- Brunswick, au cours de l'année scolaire' se terminant le 30 juin 1976 et ensuite d'année scolaire en année scolaire jusqu'à ce que le présent contrat soit résilié de la façon prévue ci-après.
2. Le conseil scolaire convient de rémunérer l'enseignant con- formément à l'échelle de traitements et, lorsqu'il y a lieu, conformément aux indemnités de responsabilité accordées lors- que l'enseignant occupe un poste de surveillance, tel que prévu dans la convention collective en vigueur entre la Fédération des Enseignants du Nouveau-Brunswick—New Brunswick Teach ers' Federation et le Conseil du Trésor.
3. Le conseil scolaire convient de rémunérer l'enseignant con- formément à la clause »méthode de paiement» prévue dans la convention collective en vigueur entre la Fédération des Ensei- gnants du Nouveau-Brunswick—New Brunswick Teachers' Federation et le Conseil du Trésor.
La Loi scolaire, S.R.N.-B. 1973, c. S-5, du Nouveau- Brunswick définit ainsi l'expression »année scolaire»:
»année scolaire» désigne une année qui commence le 1" juillet d'une année et se termine le 30 juin de l'année suivante et qui comporte deux semestres, dont le premier commence le 1" juillet et se termine le 31 décembre et dont le second commence le janvier et se termine le 30 juin;
4. Lorsque des retenues sur le traitement doivent être faites pour le temps perdu, elles le seront au taux de 1/195 du traitement annuel de l'enseignant pour chaque jour de travail perdu.
5. Le présent contrat se renouvelle d'année scolaire en année scolaire à moins qu'il soit résilié conformément aux dispositions de la convention collective intervenue entre la Fédération des Enseignants du Nouveau-Brunswick—New Brunswick Teach ers' Federation et le Conseil du Trésor.
6. Les deux parties au présent contrat seront assujetties, à tous égards, aux dispositions de la convention collective en vigueur entre la Fédération des Enseignants du Nouveau-Brunswick— New Brunswick Teachers' Federation et le Conseil du Trésor, de la Loi SCOLAIRE et des règlements.
La convention collective dont il est fait mention dans le contrat d'engagement n'apparaît pas au dossier. Cependant, il nous a été dit à l'audience que les parties avaient admis devant le juge-arbitre que les enseignants avaient droit, en vertu de la convention collective, à une rémunération annuelle payable en 24 versements semi -mensuels répartis sur une période de 12 mois commençant le premier jour de septembre de chaque année. En consé- quence, Kingston, aux termes de son contrat d'en- gagement, ne devait recevoir aucun traitement au cours des mois de juillet et d'août 1975, les deux premiers mois de son engagement; cependant, il devait continuer de recevoir son traitement au cours des mois de juillet et d'août 1976, après l'expiration de son engagement.
En juillet 1975, soit à un moment il n'avait pas encore reçu son traitement, Kingston a pré- tendu avoir droit de recevoir des prestations en vertu de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage. Sa demande de prestations a d'abord été rejetée aux motifs qu'il n'avait pas prouvé qu'il était en chômage à ce moment-là. Le juge-arbitre en a jugé autrement et la seule question soulevée par la présente demande est de savoir s'il a erré en droit en rendant cette décision.
Voici le libellé de l'article 21 de la Loi de 1971 sur l'assurance- chômage:
21. (1) Une semaine de chômage, pour un prestataire, est une semaine pendant laquelle il n'effectue pas une semaine entière de travail.
(2) Une semaine durant laquelle se poursuit un contrat de louage de services d'un prestataire et pour laquelle celui-ci reçoit ou recevra sa rémunération habituelle pour une semaine entière de travail, n'est pas une semaine de chômage, même si le prestataire peut être dispensé de l'exercice de ses fonctions normales ou n'a en fait aucune fonction à exercer à ce moment-là.
Tous ont reconnu que Kingston n'avait pas tra- vaillé pendant la semaine de juillet 1975 pour laquelle il réclamait des prestations; ils ont égale- ment admis que son contrat d'engagement comme enseignant «se poursuivait» au cours de cette semaine, et, en dernier lieu, qu'il n'avait pas reçu, au cours de cette semaine, sa rémunération habi- tuelle. La question en litige est de savoir si, au moment de la présentation de sa demande, il devait recevoir, plus tard, sa rémunération habi- tuelle pour cette semaine.
L'avocat de Kingston prétend que la rémunéra- tion versée en vertu du contrat l'était soit pour l'année d'enseignement (qui s'étend du début de septembre 1975 à la fin du mois de juin 1976) soit pour ce qu'il appelait l'«année de paye» (qui allait du ler septembre 1975 au 31 août 1976). Dans l'un et l'autre cas, dit-il, aucune rémunération ne devait être versée à Kingston pour les mois de juillet et d'août 1975.
Cette prétention, à mon avis, n'est pas fondée.
Dans un sens, il peut être exact que la rémuné- ration prévue à un contrat d'engagement est entiè- rement payable pour la période au cours de laquelle l'employé exercera ses fonctions. Cepen- dant, l'article 21(2) prévoit expressément que, au sens de cet article, l'employé peut recevoir ou recevra sa rémunération prévue au contrat d'enga- gement, pour une semaine au cours de laquelle il n'accomplit aucun travail. On ne peut donc dire que, au sens de l'article 21(2), la rémunération prévue au contrat d'engagement était entièrement payable à Kingston pour l'«année d'enseignement» parce que c'est au cours de cette période qu'il devait exercer ses fonctions. On ne peut dire non plus, à mon avis, que Kingston devait recevoir une rémunération pour ce que l'avocat a appelé l'«an- née de paye», soit de septembre 1975 à la fin d'août 1976. Kingston a été engagé pour l'année scolaire, comme le prévoit la Loi scolaire 2 , à un salaire annuel fixe, payable en 24 versements. Lorsqu'une personne est ainsi engagée pour une période fixe d'une année à un salaire annuel fixe, son salaire, à mon avis, est payable pour l'année
2 L'article 41 de la Loi prévoit que:
41 Tout contrat d'emploi d'un enseignant auquel la pré- sente loi s'applique demeure en vigueur d'année scolaire en année scolaire....
prévue à son contrat, sans tenir compte du fait qu'il peut être stipulé qu'il sera versé, en tout ou en partie, après l'expiration de cette période.
J'estime donc que, lorsque Kingston a présenté sa demande en juillet 1975, il réclamait des presta- tions pour une semaine qui n'était pas, pour lui, une semaine de chômage, parce qu'on ne pouvait dire qu'il ne recevrait pas sa rémunération habi- tuelle pour cette semaine.
Pour ces motifs, je suis d'avis d'annuler la déci- sion du juge-arbitre et de lui retourner le dossier pour décision sans autre audience, en tenant compte que Kingston n'a pas prouvé que la semaine pour laquelle il a demandé des prestations était, pour lui, une semaine de chômage.
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LE JUGE URIE: Je souscris.
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LE JUGE RYAN: Je souscris.
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