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T-1453-74
La Reine (Demanderesse)
c.
Canadian Vickers Limited (Défenderesse)
et
Compagnie générale électrique du Canada Limitée (Tierce partie)
Division de première instance, le juge en chef adjoint Thurlow—Montréal, le 16 mai; Ottawa, le
22 juin 1977.
Compétence Droit maritime Contrat de construction d'un navire Réclamation en dommages-intérêts et exécution
intégrale d'un contrat de construction d'un navire La Cour fédérale est-elle compétente pour connaître de cette action compte tenu des décisions Quebec North Shore et McNamara? Règle 474(1)a) de la Cour fédérale Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 3, 22(2)n) Loi sur la marine marchande du Canada, S.R.C. 1970, c. S-9 Acte de la Cour Suprême et de l'Échiquier, S.C. 1875, c. 11, art. 58, 59 Acte des Cours coloniales d'Amirauté, 1890, 53-54 Vict., c. 27, art. 3 (Imp.) Acte de l'Amirauté, 1891, S.C. 1891, c. 29, art. 3, 4 Loi d'amirauté, 1934, S.C. 1934, c. 31, art. 18(1).
Il s'agit d'une requête présentée par la défenderesse en vertu de la Règle 474 en vue qu'il soit statué avant l'audience sur la compétence de la Cour à connaître de l'action de la demande- resse aux termes de laquelle elle réclame des dommages-inté- rêts pour les prétendues violations d'un contrat afférent à la construction et à la livraison d'un brise-glace, et l'exécution intégrale du contrat, ou le montant des dommages supplémen- taires si le contrat n'est pas exécuté intégralement. La défende- resse soutient que le point litigieux réside dans l'exécution d'un contrat de construction navale régi par le droit provincial, qu'il n'existe pas de droit fédéral applicable à la réclamation de la demanderesse et que, compte tenu des décisions Quebec North Shore et McNamara, cette cour est incompétente pour connaî- tre de l'action. La demanderesse, de son côté, fait valoir que si on ne peut faire de distinction avec les arrêts Quebec North Shore et McNamara, il y a, à l'appui de la réclamation, le droit maritime canadien qui est un droit fédéral.
Arrêt: la requête visant le rejet de l'action est accueillie. Aucune des dispositions de la Loi sur la marine marchande du Canada et les règlements y afférents ne donnent à un armateur un droit statutaire ou une cause d'action contre un constructeur pour les dommages résultant d'une construction ou d'un équipe- ment défectueux, ou pour obtenir l'exécution intégrale d'un contrat de construction; rien dans cette loi ne permet d'attri- buer compétence, ou d'établir une distinction avec les arrêts Quebec North Shore et McNamara. Le droit introduit par l'Acte de l'Amirauté, 1891 (Can.) n'incluait pas le droit positif donnant au propriétaire d'un navire un recours en matière d'amirauté contre un charpentier pour des dommages prove- nant de la rupture d'un contrat afférent à la construction d'un navire. La Cour ne connaît aucune jurisprudence indiquant que
le droit maritime appliqué par la Cour d'Amirauté ait jamais inclus une loi traitant des droits d'un propriétaire de navire en vertu d'un tel contrat. Le fait que le contrat en question soit afférent à la construction d'un navire à livrer à flot ne suffit pas à le caractériser comme un contrat maritime. Aucune responsa- bilité n'est imposée spécifiquement ou par déduction à un charpentier de navire et aucun droit n'est conféré spécifique- ment ou par déduction au propriétaire du navire en vertu de la Loi sur la Cour fédérale.
Arrêts appliqués: Quebec North Shore Paper Co. c. Cana- dien Pacifique Ltée [1977] 2 R.C.S. 1054; McNamara Construction (Western) Ltd. c. La Reine [1977] 2 R.C.S. 654. Distinction faite avec les arrêts: Le Roi c. Armstrong (1908) 40 R.C.S. 229; Nisbet Shipping Co. Ltd. c. La Reine [1955] 4 D.L.R. 1. Arrêts mentionnés: National Gypsum Co. Inc. c. Northern Sales Ltd. [1964] R.C.S. 144; De Lovio c. Boit (1817) 2 Gall. 398 (Gallison's Reports). Arrêt examiné: Bow, McLachlan & Co., Ltd. c. Le «Camosun» [1909] A.C. 597.
DEMANDE. AVOCATS:
P. R. Coderre, c.r., pour la demanderesse. T. Montgomery, c.r., pour la défenderesse. B. Lacombe pour la tierce partie.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la demanderesse.
Ogilvy, Cope, Porteous, Montgomery, Renault, Clarke & Kirkpatrick, Montréal, pour la défenderesse.
Martineau, Walker, Allison, Beaulieu, Mac - Kell & Clermont, Montréal, pour la tierce partie.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT THURLOW: Il s'agit ici d'une requête présentée par la défenderesse en vertu de la Règle 474 en vue qu'il soit statué avant l'audience sur la compétence de la Cour à connaî- tre de la réclamation en dommages-intérêts de la demanderesse et de tout autre recours énoncé dans la déclaration. La demanderesse réclame quelque
$3,675,146.52 titre de dommages-intérêts pour les prétendues violations d'un contrat en date du 31 décembre 1964' afférent à la construction et à
' Le paragraphe 1 indique comme date le 31 décembre 1974 et c'est de toute évidence une erreur, car la déclaration a été déposée le 16 avril 1974.
la livraison d'un navire désigné comme un brise- glace patrouilleur de l'Arctique, turbo-électrique à hélice triple, ainsi que l'exécution intégrale du contrat ou le montant des dommages supplémen- taires qu'elle supportera s'il n'est pas exécuté intégralement.
Les procédures engagées en vertu de la Règle 474 comportent ordinairement deux stades. Le premier consiste en une demande au titre de l'ali- néa a) du paragraphe (1) de la Règle 474, en vertu duquel la Cour décide s'il est opportun de statuer sur la question avant procès et, dans l'affirmative, donne conformément à la Règle 474(2) des ins tructions quant aux données sur lesquelles doit se fonder le débat et met l'affaire au rôle. L'audience elle-même constitue le second stade 2 . En l'espèce, lors de l'audition de la requête, les avocats de la demanderesse et de la défenderesse ont admis d'un commun accord que les données sur lesquelles la question devait être décidée se réduisaient à la déclaration et au contrat susmentionné, dont ils ont déposé une copie. J'ai estimé qu'il serait bon de trancher la question avant le procès et les débats ont été entamés immédiatement comme si une ordonnance portant mise au rôle et donnant des instructions avait été rendue, les avocats des deux parties ayant préféré que la question soit tranchée sur la base des éléments mentionnés et des argu ments présentés. L'avocat de la tierce partie était présent, mais n'a pas demandé à être entendu et n'a présenté aucun mémoire.
Dans la déclaration, la demanderesse prétend que le contrat a été violé dès le 29 août 1964 (moins d'un mois après la livraison du navire) et dans les mois qui ont suivi, alors que les généra- teurs de propulsion se sont avérés défectueux; que la défenderesse a omis de remédier à la situation ou de corriger les défauts et a refusé de se soumet- tre à un arbitrage tenu à sa demande; qu'elle a subi les dommages déclarés et en subira encore d'autres si les défauts ne sont pas réparés.
Aux termes du contrat, le navire devait être livré à flot à Montréal. L'adresse déclarée de la défen- deresse est Montréal (Québec) et celle de la demanderesse, le ministère des Transports à Ottawa. Toutefois, le contrat ne contient aucune
2 Voir Jamieson c. Carota [1977] 2 C.F. 239.
indication sur l'endroit il a été passé ni sur le droit qui le régit. Et bien qu'il indique (en particu- lier le paragraphe 9) le chantier de construction de la défenderesse à Montréal comme endroit la défenderesse convient de réparer les pièces défec- tueuses, il n'existe aucune convention expresse que le navire y sera construit et la déclaration n'indi- que aucunement il a été construit.
La défenderesse soutient qu'en l'espèce le point litigieux réside dans l'exécution d'un contrat de construction navale régi par le droit de la province de Québec, qu'il n'existe pas de droit fédéral appli cable à la réclamation de la demanderesse et qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour suprême (Quebec North Shore Paper Company c. Canadien Pacifique Limitée 3 et McNamara Construction (Western) Limited c. La Reine 4 ) que cette cour est incompétente pour connaître de la présente action.
L'avocat de la demanderesse adopte la position suivante: si la réclamation n'était pas régie par le droit maritime canadien, on ne pourrait pas établir de distinction entre la présente action et les deux affaires précitées, mais, à l'appui de la réclama- tion, il y a le droit maritime canadien, qui est un droit fédéral. Il souligne qu'avant 1971, la Cour de l'Échiquier du Canada était compétente en matière d'amirauté et qu'en vertu de la Loi sur la Cour fédérales, cette cour a pris la relève en tant que Cour d'Amirauté, que l'article 22 lui a conféré une compétence d'amirauté et que ladite loi a défini le droit maritime canadien qui doit être appliqué par cette cour comme le droit que la Cour de l'Échi- quier aurait eu le pouvoir de mettre en application si elle avait eu une compétence d'amirauté illimi- tée, compte tenu des modifications apportées par la Loi sur la Cour fédérale ou toute autre loi, et que l'alinéa 22(2)n) mentionne un certain nombre de questions entrant dans cette catégorie, notam- ment toutes les demandes touchant les contrats relatifs à la construction ou à l'équipement de navires. L'avocat soutient aussi que la Loi sur la marine marchande du Canada 6 et les règlements y
3 [1977] 2 R.C.S. 1054.
4 [1977] 2 R.C.S. 654.
5 S.R.C. 1970 (2° Supp.), c. 10, art. 3.
6 S.R.C. 1970, c. S-9.
afférents, qui régissent maints aspects de la cons truction, du financement, de l'inscription d'hypo- thèques, de la constitution des dossiers, de l'enre- gistrement, du transfert, de l'inspection, des essais, des exigences de sécurité, de la construction de la coque et de l'équipement de sauvetage des navires montrent dans quelle mesure la marine marchande est régie par les lois et sont une source complémen- taire de droit fédéral permettant de reconnaître la compétence d'une cour désignée par le Parlement en matière de construction de navires. Selon lui, enfin, vu que les lois antérieures à la Loi sur la Cour fédérale donnaient à la Cour une compétence d'amirauté pour faire exécuter la réclamation d'un constructeur afférente à la saisie d'un navire ou du produit de sa vente, ce qui suppose que le contrat était régi par le droit maritime ou d'amirauté, on n'a pas besoin d'étendre ce droit positif pour confé- rer aussi à la Cour le pouvoir de faire exécuter le contrat à la demande du propriétaire du navire.
J'examine d'abord l'argument fondé sur les dis positions de la Loi sur la marine marchande du Canada (et les règlements y afférents) qui contient de nombreuses dispositions de droit fédéral. Je n'en vois aucune qui donne à un armateur un droit statutaire ou une cause d'action contre un cons- tructeur pour les dommages résultant d'une cons truction ou d'un équipement défectueux, ou pour obtenir l'exécution intégrale d'un contrat de cons truction. Je pense donc que rien dans la Loi sur la marine marchande du Canada ou dans les règle- ments ne permet d'attribuer compétence, ou d'éta- blir une distinction avec les affaires Quebec North Shore Paper Company et McNamara.
Pour traiter des deux autres arguments, il me paraît utile de faire brièvement l'historique de la Cour et de sa compétence. La Cour de l'Echiquier du Canada a été créée en tant que telle par l'article 1 de l'Acte de la Cour Suprême et de l'Échiquier', promulgué en 1875. A cette époque,
'Statuts du Canada, 1875, c. 11.
1. Il est par le présent acte constitué et établi, dans et pour la Puissance du Canada, une cour de droit commun et d'équité qui sera dénommée «La Cour Suprême du Canada,» et une cour de l'échiquier qui sera dénommée «La Cour de l'Échiquier du Canada».
sa compétence, définie dans les articles 58 et 59 8 , se limitait aux réclamations émanant de la Cou- ronne ou présentées contre elle ou contre un de ses fonctionnaires.
Depuis lors, tant dans les procédures auxquelles la Couronne est partie que dans celles qui opposent des particuliers, la Cour a graduellement reçu compétence pour d'autres genres d'affaires rele vant du pouvoir législatif du Parlement du Canada mais, en dépit des diverses révisions de la Loi et, en particulier, des réorganisations importantes de 1887 et de 1971, la Cour constituée par la loi de 1875 continue d'être la même. A l'origine, il s'agis- sait d'une cour créée entièrement en vertu de l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867. Mais lorsque l'Acte de l'Ami- rauté, 1891 9 est entré en vigueur, elle est devenue également une cour d'amirauté, le pouvoir du Par- lement de lui attribuer cette compétence décou- lant, au moins en partie, de l'Acte des Cours coloniales d'Amirauté, 1890 10 . Aux termes de l'ar- ticle 3 de cette loi et de l'article 3 de l'Acte de l'Amirauté, 1891, la Cour de l'Échiquier, en tant que cour d'amirauté, a eu de 1891 à 1934 une compétence comparable et en même temps limitée" à la compétence d'amirauté que possédait en 1890 la Haute Cour de Justice en Angleterre. Toutefois, la disposition législative qui a conféré cette compétence à la Cour de l'Échiquier a aussi,
8 58. La Cour de l'Échiquier aura une juridiction concur- rente en première instance dans la Puissance du Canada dans tous les cas l'on cherchera à appliquer quelque loi fédérale relative au revenu, y compris les actions, poursuites et procé- dures, par voie de dénonciation, pour le recouvrement d'amendes, et les procédures par voie de dénonciation in rem, et aussi bien dans les poursuites qui tam, pour pénalités ou confiscations, que lorsque la poursuite est intentée au nom de la couronne seulement; et la dite cour aura juridiction exclu sive en première instance dans tous les cas une demande sera faite ou recours sera cherché au sujet de toute manière qui pourrait, en Angleterre, faire le sujet d'une poursuite ou action devant la Cour de l'Échiquier en sa juridiction du revenu, contre la couronne ou quelque officier de la couronne.
59. La Cour de l'Échiquier aura aussi juridiction concur- rente en première instance avec les cours des différentes provinces, dans toutes les autres poursuites d'une nature civile d'après la loi commune ou l'équité, dans lesquelles la couronne, dans l'intérêt de la Puissance du Canada, sera demanderesse ou requérante.
9 Statuts du Canada, 1891, c. 29.
10 1890, 53-54 Vict., c. 27 (Imp.). " Le Yuri Maru [1927] A.C. 906.
selon moi, introduit dans le droit canadien le droit positif appliqué jusqu'alors dans les cours d'ami- rauté et de vice-amirauté de l'Empire britannique (y compris celles siégeant au Canada) instituées par commissions sous le grand sceau du Royaume- Uni et fonctionnant sous le régime des lois du Parlement britannique. Le même droit avait été mis en vigueur en Ontario par l'Acte de Juridic- tion Maritime, 1877 12 . A l'entrée en vigueur de l'Acte de l'Amirauté, 1891, la Cour maritime de l'Ontario et les cours de vice-amirauté opérant dans d'autres parties du Canada ont été abolies. Les articles 3 et 4 prévoyaient que:
3. En conformité des pouvoirs conférés par l'Acte des Cours coloniales d'Amirauté, 1890, susdit, ou de toute autre manière attribués au parlement du Canada, il est décrété et déclaré que la cour de l'Échiquier du Canada est et sera, dans les limites du Canada, une cour coloniale d'Amirauté, et, comme cour d'Ami- rauté, aura et exercera en Canada toute la juridiction, les pouvoirs et l'autorité conférés par le dit acte et le présent acte.
4. Cette juridiction, ces pouvoirs et cette autorité pourront être et seront exercés par la cour de l'Échiquier dans tout le Canada et sur toutes ses eaux, soit de marée ou non, et soit naturellement navigables ou rendues artificiellement naviga- bles; et toutes personnes auront, tant dans les parties du Canada qui jusqu'ici ont été au-delà de l'atteinte des mandats de toute cour de Vice-Amirauté, qu'ailleurs dans ses limites, tous les droits et recours en toutes choses (y compris les cas de contrat et de tort et de procédures in rem et in personam) provenant de la navigation, de la marine, du trafic ou du commerce, ou s'y rattachant, qui peuvent être exercés dans toute cour coloniale d'Amirauté en vertu de l'Acte des Cours coloniales d'Amirauté, 1890. [C'est moi qui souligne.]
Le passage que j'ai souligné me semble être un texte de droit positif, qui confère à «toutes person- nes» des droits du genre de ceux qui y sont décrits. Le droit qu'applique la Cour en vertu de ces dispositions est décrit de la manière suivante aux pages 41 et 42 de l'ouvrage de Mayers intitulé Admiralty Law and Practice (1916).
[TRADUCTION] Après avoir traité de la compétence, il reste à considérer le caractère du droit appliqué par la Cour de l'Échi- quier en sa compétence d'amirauté. En vertu de l'Acte des Cours coloniales d'Amirauté, 1890 (53 & 54 Vict., c. 27), art. 2, par. 2, la Cour de l'Échiquier peut exercer sa compétence «de la même manière ... que la Haute Cour en Angleterre»; et «le droit appliqué par la Cour d'Amirauté de l'Angleterre est le
12 Statuts du Canada, 1877, c. 21, art. 1. Voir Le «Picton» (1879) 4 R.C.S. 648, à la page 655, o11 il est statué que la loi est intra vires en tant que loi se rattachant à la navigation et à la marine marchande, ainsi qu'en vertu de l'article 101.
droit maritime anglais. Ce n'est pas le droit municipal ordinaire du pays, c'est le droit que la Cour d'Amirauté britannique, en vertu d'une loi du Parlement ou de décisions réitérées, tradi tions et principes, a adopté en tant que droit maritime anglais» (le lord juge Brett dans The Gaetano and Maria, 7 P.D. à la page 143). Une grande partie de cette tradition et bon nombre de ces principes peuvent être retracés jusqu'au Digeste et aux diverses ordonnances des États maritimes, tels que le Consolato del Mar, et les lois des Rhodiens, d'Oleron, de Wisbey et des villes de la Hanse; mais tous ces codes ne font eux-mêmes pas parties du droit d'amirauté à moins qu'ils (ou plutôt les princi- pes qu'ils englobent) n'aient été incorporés dans la «pratique continue et les jugements des grands juges qui ont présidé la Cour d'Amirauté et les jugements des Cours de Westminster.» (Lord Esher, dans The Gas Float Whitton, 2 (1896) P. à 47.)
De 1890 à 1931, la Loi de 1865 relative à la validité des lois des colonies, 28 & 29 Vict., c. 63, a restreint quelque peu le pouvoir conféré au Par- lement de légiférer en matière de marine mar- chande mais, en vertu de l'article 2 du Statut de Westminster, 1931 13 , cette loi a cessé d'être appli- quée à la législation subséquente adoptée par les Parlements des dominions autonomes. En outre, l'article 6 a mis fin aux restrictions imposées aux pouvoirs du Parlement par l'Acte des Cours colo- niales d'Amirauté, 1890 et le paragraphe 2(2) a autorisé l'abrogation des textes législatifs impé- riaux qui faisaient partie de la législation du Dominion.
En 1934, l'Acte de l'Amirauté, 1891 a été rem- placé par une nouvelle loi, S.C. 1934, c. 31, restée en vigueur jusqu'en 1971. Celle-ci maintenait la Cour de l'Échiquier comme Cour d'Amirauté pour le Canada, lui donnant une compétence de même étendue que celle qu'avait en 1925 la Haute Cour de Justice, sauf pour certaines questions, en parti- culier celles qu'énonce le paragraphe 18(3), elle était plus large. L'Acte de l'Amirauté, 1891 (Can.) était abrogé, de même que, pour le Canada, l'Acte des Cours coloniales d'Amirauté, 1890 (Imp.). Il semble donc qu'après l'abrogation de cette dernière loi, le pouvoir du Parlement d'insti- tuer la Cour de l'Échiquier comme Cour d'Ami- rauté était délimité par l'article 101 de l'Acte de
13 1931, 22 Geo. V, c. 4 (Imp.). [Voir S.R.C. 1970, Appen- dice II, 26.]
l'Amérique du Nord britannique, 1867 14 . Le droit positif appliqué par la Cour dans sa compétence d'amirauté ayant été établi par une loi fédérale, il est cependant devenu selon moi une partie du droit du Canada et, quoique les dispositions de la Loi d'amirauté, 1934 ne confèrent pas de droits avec la même précision que l'article 4 de l'Acte de l'Ami- rauté, 1891, c'est le même droit qui a été appliqué ensuite pour les affaires tombant dans la compé- tence d'amirauté élargie de la Cour de l'Échiquier. Le paragraphe 18 (1) prévoit que:
18. (1) La juridiction de la Cour en sa juridiction d'ami- rauté s'étendra et s'exercera relativement à toutes les eaux navigables, de marée et non de marée, qu'elles soient naturelle- ment navigables ou qu'elles le soient artificiellement devenues, et bien que ces eaux soient dans les limites d'un corps de comté ou autre district judiciaire, et, en général, cette juridiction s'exercera subordonnément aux dispositions de la présente loi, sur les mêmes endroits, personnes, matières et choses que la juridiction d'amirauté actuellement possédée par la Haute Cour de Justice en Angleterre, qu'elle existe en vertu de quelque loi ou autrement, et elle sera exercée par la Cour de la même manière et dans la même mesure que par cette Haute Cour. [C'est moi qui souligne.]
Le juge Cartwright a décrit le droit appliqué par la Cour pendant cette période, lorsqu'il a exposé ses motifs de dissidence dans National Gypsum Company Inc. c. Northern Sales Limited 15 :
[TRADUCTION] Il faut d'abord examiner quel est le droit appliqué par la Cour de l'Échiquier dans l'exercice de sa compétence d'amirauté. Dans Robillard c. The Sailing Sloop St. Roch et Charland, le juge d'appel Maclennan dit aux pages 134 et 135:
La première question importante à trancher est la sui- vante: est-ce le droit maritime de l'Angleterre ou le droit canadien qui régit les droits des parties par rapport aux prétentions du demandeur au titre et à la possession du sloop
14 Ce point a été mentionné par le juge Kerwin dans le Renvoi relatif à la compétence législative du Parlement du Canada relativement à l'adoption du Bill 9 ... intitulé «Loi modifiant la Loi sur la Cour suprême.» [1940] R.C.S. 49, aux pages 108 et 109:
[TRADUCTION] On a soutenu avec ingéniosité que le Parle- ment avec la Loi d'amirauté, 1934, ayant abrogé l'Acte des Cours coloniales d'Amirauté, 1890 (sauf l'exception que nous avons notée), il a perdu sa compétence d'amirauté qui, allègue-t-on, dérivait exclusivement de la loi abrogée. Mais cette thèse néglige le fait que la rubrique 10 de l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique donne au Parle- ment compétence pour «La navigation et les expéditions par eau» et qu'il peut conférer à la Cour de l'Échiquier compé- tence pour les actions en justice y afférentes (Consolidated Distillers Limited c. Le Roi ([1933] A.C. 508, la p. 522)).
15 [1964] R.C.S. 144, aux pages 152 et 153.
à voile St. Roch? La Cour de l'Échiquier du Canada, en tant que cour d'amirauté, a et exerce toute la compétence, les pouvoirs et l'autorité conférés par l'Acte des Cours coloniales d'Amirauté, 1890 (Imp.), sur les catégories d'endroits, de personnes, de matières et de choses qui ressortissent à la compétence d'amirauté de la Haute Cour d'Angleterre, qu'elle ait sa source dans une loi ou ailleurs, et, en tant que cour coloniale d'amirauté, elle peut exercer cette compétence de la même manière et dans la même mesure que la Haute Cour en Angleterre.
Dans Gaetano and Maria, 7 P.D. 137, le lord juge Brett déclare, à la page 143:
Le droit appliqué par la Cour d'amirauté d'Angleterre est le droit maritime anglais. Ce n'est pas le droit munici pal ordinaire du pays, c'est le droit que la Cour d'amirauté anglaise, en vertu d'une loi du Parlement ou de décisions réitérées, traditions et principes, a adopté en tant que droit maritime anglais.
Bien que la Cour de l'Échiquier exerce au Canada sa compétence d'amirauté, elle applique le droit maritime de l'Angleterre comme si le litige était jugé par la Cour d'ami- rauté anglaise.
L'art. 35 de la Loi d'amirauté, 1934 (Can.) 24-25 George V, c. 31, a abrogé l'Acte des Cours coloniales d'Amirauté, 1890 «dans la mesure ledit Acte fait partie de la législa- tion du Canada» et l'affaire entre maintenant dans le cadre de la Loi sur l'Amirauté, S.R.C. 1952, c. 1, par. (1) de l'art. 18, rédigé dans les termes suivants:
(1) La juridiction de la Cour en sa juridiction d'ami- rauté s'étend et doit s'exercer relativement à toutes les eaux navigables, à marée et sans marée, qu'elles soient naturellement navigables ou qu'elles le soient artificielle- ment devenues, et bien que ces eaux soient dans les limites d'un corps de comté ou autre district judiciaire, et, en général, cette juridiction embrasse, sous réserve des dispo sitions de la présente loi, les mêmes endroits, personnes, matières et choses que la juridiction d'amirauté actuelle- ment possédée par la Haute Cour de Justice en Angleterre, qu'elle existe en vertu de quelque loi ou autrement, et elle doit être exercée par la Cour de la même manière et dans la même mesure que par cette Haute Cour.
Le paragraphe (2) du même article prévoit que, dans la mesure il peut s'appliquer, l'art. 22 du Supreme Court of Judicature (Consolidation) Act, 1925, du Royaume-Uni, repro- duit à l'annexe A de la Loi, sera appliqué mutatis mutandis par la Cour de l'Échiquier en sa juridiction d'amirauté.
Toute la compétence conférée auparavant à la Haute Cour d'amirauté fait maintenant partie de la compétence d'amirauté de la Haute Cour de Justice, mais le droit appliqué est toujours le droit maritime anglais. Dans l'article sur l'«Amirauté» du Halsbury, 3' éd., vol. 1, dont l'un des auteurs est lord Merri- man, il est dit à la page 50, par. 92:
Le droit appliqué pour les actions en matière d'amirauté n'est pas le droit municipal ordinaire de l'Angleterre, mais le droit qui, en vertu d'une loi du Parlement ou de décisions réitérées, traditions et principes, est devenu le droit maritime anglais.
Le droit positif appliqué par la Cour de l'Échiquier en sa compétence d'amirauté est naturellement le même sur tout le
territoire du Canada et ne varie pas suivant les districts d'ami- rauté ... .
Le droit d'amirauté introduit par l'Acte de l'Amirauté, 1891 incluait le droit imparti à un charpentier de navires, quand un navire ou le produit de sa vente était saisi par ordre de la Cour, de faire exécuter sa créance afférente à la cons truction ou à l'équipement du navire par cette cour. En Angleterre, ce point avait été prévu par la Loi de 1861 sur l'Amirauté 16 qui, dans les cas de cette nature, conférait une compétence à la Cour d'Amirauté. Auparavant, la Cour d'Amirauté avait aussi revendiqué cette compétence".
16 1861, 24 Vict., c. 10 (Imp.).
17 Voir l'ouvrage de Roscoe intitulé Admiralty Jurisdiction and Practice, cinquième édition, 1931, aux pages 12 et 13, note (i) et la décision De Lovio c. Boit (1817) 2 Gall. 398, Gallison's Reports, le juge Story fait l'historique de la compétence d'amirauté et dit notamment, aux pages 400 et 475:
[TRADUCTION] En réalité, il est difficile de savoir exacte- ment quelles étaient à l'origine la nature et l'étendue de la compétence d'amirauté. Elle est aussi obscure que la compé- tence que possédaient à l'origine les cours de common law. Toutefois, il semble que tout à fait au début, l'amirauté ait eu à connaître de toutes les affaires de captures, de préjudi- ces et d'infractions survenus dans les ports entre le flux et le reflux de la marée et en haute mer; des contrats maritimes et de la navigation; et aussi de la préservation des droits, des prérogatives et des pouvoirs de la Couronne dans les mers britanniques. Les formes de ses procédures ont été emprun- tées au droit civil et les règles qui la régissaient étaient constituées, comme c'est admis partout, par les anciennes lois, coutumes et usages des mers. En fait, il n'est guère douteux que les tribunaux d'amirauté de l'Angleterre et les tribunaux maritimes des autres pays européens étaient sur le même modèle, et que leur compétence incluait les mêmes sujets que celle des cours consulaires de la Méditerranée. Ces cours sont décrites dans le Consolato del Mare, comme ayant compétence pour «tous les litiges relatifs au fret, aux domma- ges subis par la cargaison, aux salaires des matelots, au partage des navires par vente publique, au jet des marchandi- ses à la mer, aux commissions et aux cautionnements consen- tis aux capitaines et aux marins, aux dettes contractées par le capitaine pour l'utilisation et les besoins de son navire, aux accords passés entre le capitaine et les marchands, aux marchandises trouvées en haute mer ou sur la côte, à l'arme- ment ou à l'équipement des navires, galères ou autres vais- seaux et, en général, à tous les contrats déclarés dans les coutumes de la mer.»
La question qui se pose ensuite est la suivante: que sont exactement les «contrats maritimes»? Heureusement, sur ce point particulier, il y a peu de place pour la controverse. Tous les juristes, civilistes et autres, s'accordent à dire que cette appellation comprend entre autres: les chartes-parties, les affrètements, les inscriptions hypothécaires maritimes, les
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Mais alors que, sous le régime de la Loi de 1861, le constructeur de navires pouvait poursuivre in rem ou in personam devant la Cour d'Amirauté si les conditions de compétence de celle-ci étaient remplies, cette loi ne s'appliquait pas du tout à une réclamation du propriétaire contre le charpentier du navire 18 .
J'en ai assez dit sur la situation antérieure à l'entrée en vigueur de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10. Je passe maintenant aux effets de cette loi.
Son paragraphe 64(1) abroge la Loi d'amirauté, 1934, mais son article 3 la maintient comme cour d'amirauté en tant que tribunal supplémentaire
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contrats pour les services maritimes afférents à la construc tion, à la réparation, à la fourniture et à la navigation des navires, les contrats entre les copropriétaires des navires, les contrats et les quasi-contrats relatifs aux avaries, aux contri butions et aux jets à la mer; et, ce qui est plus important en l'espèce, les polices d'assurance. Et le fait est que les cours d'amirauté des autres pays ont exercé une compétence sur les polices d'assurance en tant que contrats maritimes; et l'ami- rauté anglaise a constamment revendiqué ce genre de compé- tence. Il n'y a pas plus de raison pour que l'amirauté statue sur les prêts à la grosse à titre de contrats maritimes que sur les polices d'assurance. Les uns et les autres sont exécutés sur terre et concernent intrinsèquement les risques maritimes, les dommages et les pertes.
Le juge Story cite aussi à la page 450 les propos suivants, qui figurent dans l'accord conclu par les Douze Juges en 1632, mais qui ne semblent pas toutefois avoir d'effet juridique certain:
«Lorsque des poursuites sont intentées devant l'amiral à propos du fret, du salaire des marins ou de la rupture des chartes-parties pour de futurs voyages au-delà des mers, même si les chartes-parties sont faites dans le royaume et même si l'argent est payable dans le royaume, de sorte que la pénalité n'est pas réclamée, il ne faut pas prononcer la prohibition. Mais si des poursuites sont engagées en matière de pénalité ou si la question se pose de savoir si la charte-par- tie est bien exécutée ou si le demandeur l'a exécutée dans le royaume, c'est à la Cour du roi à Westminster qu'il appar- tient de juger et non pas à la cour d'amirauté, en sorte qu'il sera d'abord nié sous serment que la charte-partie a été exécutée ou il sera opposé un démenti sous serment.» --»Si les poursuites sont intentées devant la cour d'amirauté à propos de la construction, de la modification, du sauvetage ou de l'approvisionnement indispensable d'un navire, contre le navire lui-même et non pas contre une partie nommément désignée, mais de telle manière que son intérêt la rend partie, aucune prohibition ne sera prononcée, bien que cela ait eu lieu dans le royaume». [J'ai mis des mots en italiques et j'en ai souligné d'autres.]
18 Bow, McLachlan & Co., Limited c. Le «Camosun» [1909] A.C. 597.
pour la bonne application du droit au Canada. Le paragraphe 22(1) lui donne compétence:
... dans tous les cas une demande de redressement est faite en vertu du droit maritime canadien ou d'une autre loi du Canada en matière de navigation ou de marine marchande, sauf dans la mesure cette compétence a par ailleurs fait l'objet d'une attribution spéciale.
Le paragraphe 22(2) déclare pour plus de certi tude, mais sans limiter le caractère général du paragraphe (1), que la Division de première ins tance est compétente, entre autres, pour toutes les réclamations ou questions afférentes à:
22. (2) ...
n) toute demande née d'un contrat relatif à la construction, à la réparation ou à l'équipement d'un navire;
A première vue, ces termes sont assez larges pour inclure la réclamation d'un propriétaire contre un constructeur à propos de dommages découlant de la rupture d'un contrat afférent à la construction ou à l'épuipement d'un navire. Mais il me semble qu'il faut lire les alinéas du paragraphe (2), qui décrivent les catégories de demandes qui sont de la compétence de la Cour, sous la réserve que les demandes ne peuvent être reçues par la Cour que lorsqu'elles sont fondées sur le droit maritime canadien ou sur une autre loi fédérale, que cela soit mentionné dans le paragraphe 22(1) ou ail- leurs. L'article 2 donne du droit maritime cana- dien la définition suivante:
... le droit dont l'application relevait de la Cour de l'Échiquier du Canada, en sa juridiction d'amirauté, en vertu de la Loi sur l'Amirauté ou de quelque autre loi, ou qui en aurait relevé si cette Cour avait eu, en sa juridiction d'amirauté, compétence illimitée en matière maritime et d'amirauté, compte tenu des modifications apportées à ce droit par la présente loi ou par toute autre loi du Parlement du Canada;
L'article 42, qui est de droit positif, prévoit que:
42. Le droit maritime canadien existant immédiatement avant le 1" juin 1971 reste en vigueur sous réserve des modifi cations qui peuvent y être apportées par la présente loi ou toute autre loi.
A mon sens, ces dispositions législatives ont pour effet de maintenir en vigueur le «code» d'amirauté que l'Acte de l'Amirauté, 1891 avait introduit dans la législation canadienne et qui a été appliqué ensuite par la Cour de l'Échiquier du Canada en vertu de cette loi et de la Loi d'amirauté, 1934. Elles visent aussi peut-être à introduire le droit maritime fondé sur les sources de droit mention-
nées dans le passage de l'ouvrage de Mayers inti- tulé Admiralty Law and Practice que j'ai cité, qui était appliqué par la Cour d'Amirauté sous le règne d'Edward III et avant les lois promulguées par Richard II et Henry IV, qui ont été ensuite interprétées et exécutées par les cours de common law, appliquant les principes de common law de manière à restreindre sévèrement la compétence de la Cour d'Amirauté. Mais, comme je l'ai déjà indiqué, le droit introduit par l'Acte de l'Amirauté, 1891 (Can.), à mon avis n'incluait pas le droit positif donnant au propriétaire d'un navire un recours en matière d'amirauté contre un charpen- tier pour des dommages provenant de la rupture d'un contrat afférent à la construction, à l'équipe- ment ou à la réparation du navire. On ne m'a cité aucune jurisprudence, et je n'en ai trouvé aucune, indiquant que le droit maritime appliqué par la Cour d'Amirauté ait jamais inclus une loi traitant des droits du propriétaire du navire contre le char- pentier en vertu d'un tel contrat, ou donnant à un propriétaire de navire un recours en dommages- intérêts dans un cas comme celui qui nous occupe. En outre, je ne pense pas que le fait que le contrat en question soit afférent à la construction d'un navire à livrer à flot suffise à le caractériser comme un contrat maritime, dans le sens les affaires que j'ai examinées emploient cette expres sion ou, à toutes fins utiles, comme une question maritime ou d'amirauté.
Il reste à examiner si l'alinéa 22(2)n) de la Loi sur la Cour fédérale a apporté quelque change- ment à cette situation. L'avocat estime qu'elle en a apporté un fort notable et, à l'appui de ce point de vue, il renvoie à Le Roi c. Armstrong 19 , il a été statué que l'article 16 de l'Acte à l'effet de.modi- fier l'Acte des cours Suprême et de l'Échiquier, et d'établir de meilleures dispositions pour l'instruc- tion des réclamations contre la Couronne, Statuts du Canada, 1887, c. 16, qui donne compétence à la Cour pour instruire et juger («entendre et déterminer»)
16....
c) Toute réclamation contre la Couronne provenant de la mort de quelqu'un ou de blessures à la personne, ou de dommages à la propriété, sur un ouvrage public, résultant de la négligence de quelque employé ou serviteur de la Cou- ronne, pendant qu'il agissait dans l'exercice de ses fonctions ou de son emploi;
19 (1908) 40 R.C.S. 229.
a créé un droit positif en faveur du requérant qui, auparavant, n'avait aucun droit d'action contre la Couronne en matière de responsabilité délictuelle. Le Conseil privé a confirmé plus tard le jugement Armstrong et les autres jugements analogues, dans Nisbet Shipping Co. Ltd. c. La Reine 20 . Toutefois, le libellé du texte législatif examiné dans l'affaire Armstrong diffère du présent libellé et, vu qu'il a été adopté dans un contexte il n'y avait aucune responsabilité de la Couronne à «déterminer,,, il faut en conclure que le Parlement a eu l'intention d'imposer une responsabilité à la Couronne quand les blessures ou les dommages étaient dus à la négligence dans certaines circonstances. A l'appui de cette conclusion, on peut faire remarquer que la loi en question contenait des dispositions autori- sant des poursuites pour toutes les réclamations introduites contre la Couronne par pétition de droit et requérant le ministre des Finances de payer sur les fonds sans destination spéciale du Fonds de revenu consolidé toutes les sommes adju- gées au pétitionnaire. En l'espèce, on ne trouve pas, selon moi, une situation comparable. Aucune responsabilité n'est imposée spécifiquement ou par déduction à un charpentier de navire et aucun droit n'est conféré spécifiquement ou par déduc- tion au propriétaire du navire. A mon avis, en fait de responsabilités et de droits, ils n'ont en vertu du contrat que ceux prévus par les lois provinciales applicables.
En conséquence, et nonobstant la plaidoirie très valable que Me Nuss a présentée au nom de la Couronne, je conclus qu'il n'existe pas de droit fédéral donnant à la Cour compétence pour con- naître de la réclamation de la demanderesse. Ces conclusions différant de celles formulées en 1975 par le juge Addy, lors d'une demande de radiation de l'avis d'un tiers pour cause d'incompétence, je
20 [1 9 55] 4 D.L.R. 1, à la page 3:
[TRADUCTION] La Loi sur la Cour de l'Échiquier, tant dans sa version originale que modifiée, est censée conférer seulement la compétence, mais par une série de décisions, dont l'autorité ne peut être mise en cause, il a été statué qu'elle ne conférait pas seulement une compétence à la Cour, mais imposait aussi une responsabilité à la Couronne. Voir, par exemple, la Ville de Québec c. La Reine (1894) 24 R.C.S. 420; Filion c. La Reine (1894) 4 R.C.É. 134; R. c. Armstrong (1908) 40 R.C.S. 229; Gauthier c. Le Roi (1918) 56 R.C.S. 176. La question qui se pose alors est la suivante: quelle est la mesure d'une responsabilité qui n'est pas définie dans la loi mais doit être déduite de la création d'une compétence?
tiens à faire remarquer que son jugement est anté- rieur aux arrêts rendus par la Cour suprême dans Quebec North Shore Paper Company et McNa- mara, sur lesquels se fonde l'objection que soulève la défenderesse.
Je rejetterai donc l'action mais, vu que la demanderesse et la défenderesse ont toutes deux présumé, depuis le début de l'action jusqu'à l'arrêt de la Cour suprême dans McNamara, que la Cour était compétente, la défenderesse n'aura droit qu'aux dépens des procédures engagées en vertu de la Règle 474.
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