Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-4080-73
B. G. Equipment Co. Inc. (Demanderesse) c.
Care Line Canada Ro/Ro Express et Cie Atlan- tique Maritime, a/s Cie Générale Transatlantique (Défenderesses)
Division de première instance, le juge Walsh— Montréal, le 7 novembre; Ottawa, le 15 novembre 1977.
Droit maritime Connaissement Applicabilité des Règles de La Haye Cargaison transportée de la Suède à Montréal endommagée Aucune déclaration et aucune men tion faite sur le connaissement en ce qui concerne la valeur des marchandises Les défenderesses ont-elles renoncé au béné- fice de la limitation de responsabilité par unité? Faut-il appliquer la loi canadienne ou la loi suédoise? Loi sur le transport des marchandises par eau, S.R.C. 1970, c. C-15 Article IV, Règle 5 des Règles de La Haye.
Les marchandises de la demanderesse ont été endommagées durant leur transport de la Suède à Montréal. Le contrat de transport était régi par les Règles de La Haye, lesquelles, selon la loi suédoise, étaient d'application obligatoire. La valeur des marchandises n'a pas été déclarée aux défenderesses ni men- tionnée sur le connaissement. La demanderesse fait valoir que l'article 12 du connaissement, intitulé «Le montant des indem- nités» s'applique (les parties ayant renoncé à la limitation fixée par les Règles de La Haye) plutôt que l'article 13 intitulé «Dispositions particulières y compris les transports au départ et à destination d'un port». Les questions à trancher sont les suivantes: (1) en vertu des conditions du connaissement, les défenderesses ont-elles renoncé au bénéfice de la limitation de responsabilité par unité et (2) si non, cette limitation doit-elle être fondée sur la loi suédoise ou sur la loi canadienne?
Arrêt: l'action est rejetée. Les procédures ont été introduites de bon droit au Canada mais ce sont les Règles de La Haye adoptées par la Suède qui sont applicables en vertu de l'article 13(1)b). Rien ne permet de restreindre le sens du mot «nonob- stant» utilisé à l'article 13 qui exclut clairement l'application de l'article 12 quand on peut établir le lieu de la survenance des pertes ou dommages, auquel cas le commerçant ou le transpor- teur peuvent demander que la responsabilité soit fixée confor- mément aux dispositions des Règles de La Haye. Il y a peu de fondement à l'argument suivant lequel le mot «responsabilité» utilisé à l'article 13 signifie responsabilité légale pour les dom- mages et exclut le quantum, lequel est traité à l'article 12 seul. Il faut donner à l'article 13 du connaissement plein effet parce qu'il l'emporte sur l'article 12 et qu'il incorpore les Règles de La Haye.
ACTION. AVOCATS:
P. R. D. MacKell, c.r., pour la demanderesse. A. S. Hyndman, c.r., pour les défenderesses.
PROCUREURS:
Martineau, Walker, Allison, Beaulieu, Mac - Kell & Clermont, Montréal, pour la deman- deresse.
McMaster, Minnion, Patch, Hyndman, Legge, Camp & Paterson, Montréal, pour les défenderesses.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: La présente action est enten- due à la suite d'un exposé des faits conformément à la Règle 475. Les faits convenus, les prétentions de la demanderesse ainsi que les questions sur
lesquelles il faut statuer sont indiqués comme suit:
[TRADUCTION] 1. A toutes les époques pertinentes la deman- deresse était la propriétaire des marchandises décrites dans le connaissement, relatif à un transport combiné effectué par Care Line émis le 21 novembre 1972 Copenhague (Danemark), (annexé comme pièce 1), lesdites marchandises se composant d'une grue Climber Kroll démontée et transportée dans quatre caisses ainsi que 64 pièces à monter non emballées (les «marchandises»).
2. A toutes les époques pertinentes, le n.m. MONT LAURIER appartenait à la défenderesse Cie Atlantique Maritime.
3. A toutes les époques pertinentes, la défenderesse Cie Géné- rale Transatlantique était le «transporteur» des marchandises de la demanderesse au sens de la partie I, paragraphe 2 du connaissement, pièce 1.
4. Les marchandises provenaient de l'usine de fabrication de grues F. B. Kroll A/S située à Copenhague (Danemark) et ont été reçues à Copenhague en bon état et conditionnement appa- rents par les mandataires de la défenderesse Care Line, d'où elles ont été transportées par caboteur à Goteborg (Suède) pour être chargées à bord d'un navire océanique le MONT LAURIER pour être transportées à Montréal.
5. Le 22 novembre 1972, le chargeur, F. B., Kroll A/S, a envoyé au destinataire, B. G. Equipment Co. Inc., une facture (copie annexée comme pièce 2) confirmant la date de l'expédition ainsi que l'itinéraire décrit ci-dessus.
6. La valeur des marchandises de la demanderesse n'a pas été déclarée aux défenderesses et aucune mention n'en a été faite sur le connaissement.
7. A Goteborg, les marchandises ont été reçues et arrimées à bord du MONT LAURIER, toujours en bon état et conditionne- ment apparents.
8. Pendant la traversée de l'Atlantique Nord et, plus particuliè- rement, entre le 8 et 14 décembre 1972, le navire a essuyé une tempête avec des grands vents atteignant la force 11 (Échelle de Beaufort), avec des vagues et une houle de 35 pieds de haut, faisant rouler et tanguer fortement le navire et lui faisant embarquer de l'eau par-dessus bord.
9. Pendant la durée du mauvais temps décrit ci-dessus, une partie du chargement y compris une partie du chargement de la demanderesse, s'est déplacée et a été endommagée.
10. Aux fins du présent exposé des faits, la demanderesse reconnaît que les défenderesses ont exercé une diligence raison- nable pour maintenir le MONT LAURIER en bon état de naviga- bilité et pour assurer au navire un armement, équipement ou approvisionnement convenables, et pour mettre en état les cales et toute autre partie du navire les marchandises de la demanderesse ont été chargées, de façon qu'elles soient aptes à leur réception, à leur transport et à leur préservation.
11. Aux lins de l'exposé des faits, les défenderesses renoncent à tout moyen de défense fondé sur les périls, dangers et accidents de la mer ou d'autres eaux navigables.
12. A la suite du déchargement des marchandises de la deman- deresse à Montréal le 21 décembre 1972 ou vers cette date, et à la suite d'expertises ultérieures, il a été déterminé que le coût de réparation de ces marchandises totalisait à peu près la somme de $20,000, la demanderesse a fixé le montant des réparations à $17,000.
13. Le contrat de transport était régi, en autant qu'il concerne la période du transport visé dans la présente action, par la Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, 1924 (les «Règles de La Haye»), lesquelles selon la loi suédoise 277 du 5 juin 1936 étaient d'application obligatoire.
14. L'article IV (5) des Règles de la Haye prévoit, notamment:
«Le transporteur comme le navire ne seront tenus en aucun cas des pertes ou dommages causés aux marchandises ou les concernant pour une somme dépassant 100 livres sterling par colis ou unité, ou l'équivalent de cette somme en une autre monnaie, à moins que la nature et la valeur de ces marchan- dises n'aient été déclarées par le chargeur avant leur embar- quement et que cette déclaration ait été insérée au connaissement.»
15. En vertu de l'article 4 (5) de cette loi suédoise, la limitation par colis ou unité était, à toutes les époques pertinentes, de 1800 couronnes suédoises, laquelle, était en décembre 1972, équivalente à 377.82 $CAN.
16. Des dommages ont été occasionnés à 16 colis ou unités de marchandises de la demanderesse.
17. Les défenderesses soutiennent qu'en vertu de la loi suédoise et en vertu de l'article 13 de la partie III du connaissement (intitulé «Responsabilité du transporteur») leur responsabilité totale à l'égard de la demanderesse concernant les 16 colis ou unités est limitée à $6,045.12.
18. Le 27 juillet 1976, les défenderesses ont offert et consigné à cette cour à Montréal la somme de $6,045.12, y compris la somme de $1,084 représentant l'intérêt au taux légal calculé du 27 décembre 1972 au 27 juillet 1976, plus $100 de frais, lesdits intérêt et frais étant sauf à parfaire.
19. La demanderesse soutient que:
a) en vertu des conditions du connaissement, les défenderes- ses ont renoncé au bénéfice de la limitation de responsabilité par colis ou unité et donc sont tenues de verser à la demande- resse le montant de $17,000; ou, subsidiairement,
b) si les défenderesses bénéficient de la limitation de respon- sabilité par colis ou unité, cette responsabilité ajoutée à l'effet des articles 5, 12 et 13 du connaissement aurait pour résultat, qu'en vertu de la Loi sur le transport des marchan- dises par eau, 1970 S.R. chap. C-15, le montant actuel serait
de $500 par colis ou unité, auquel cas leur responsabilité à l'égard de la demanderesse serait d'un montant de $8,000.
20. Qu'il doit être statué sur les questions suivantes:
a) En vertu des conditions du connaissement, les défenderes- ses ont-elles renoncé au bénéfice de la limitation de responsa- bilité par colis ou unité pour pertes ou dommages occasionnés aux marchandises de la défenderesse?
b) Si les défenderesses n'ont pas renoncé au bénéfice de la limitation de responsabilité, cette limitation doit-elle être fondée sur la loi suédoise au taux de $377.82 par colis ou unité ou sur la loi canadienne au taux de $500 par colis ou unité?
21. Si la Cour statue que les défenderesses ont renoncé au bénéfice de la limitation de responsabilité par colis ou unité, le jugement sera rendu en faveur de la demanderesse pour un montant de $17,000, plus intérêt au taux légal et les frais, le montant de l'offre faite par les défenderesses ainsi que la provision déposée auprès de la Cour devant être prélevée en faveur de la demanderesse pour l'exécution partielle de ce jugement.
22. Si la Cour statue que les défenderesses bénéficient de la limitation de responsabilité par colis ou unité, et ce conformé- ment aux Règles de La Haye édictées en Suède, l'offre des défenderesses ainsi que la provision déposée seront déclarées valides et le jugement sera rendu en faveur de la demanderesse pour un montant de $6,045.12, plus intérêt au montant de $1,084 ainsi que des frais d'un montant de $100, tous les frais ultérieurs à partir du 27 juillet 1976, seront accordés aux défenderesses.
23. Si la Cour statue que les défenderesses bénéficient de la limitation de la responsabilité par colis ou unité mais conformé- ment à la Loi canadienne sur le transport des marchandises par eau, le jugement sera rendu en faveur de la demanderesse- pour un montant de $8,000, plus les intérêts au taux légal calculés à partir du 27 décembre 1972, ainsi que les frais, le montant de l'offre faite par les défenderesses ainsi que de la provision déposée auprès de la Cour devant être prélevée en faveur de la demanderesse en exécution partielle de ce jugement.
Les articles du connaissement qui ont un rapport avec la solution du litige sont les suivants:
[TRADUCTION] 12. Le montant des indemnités.
(1) Lorsque le transporteur est tenu de verser une indemnité pour des pertes ou dommages occasionnés aux marchandises, cette indemnité sera calculée par référence à la valeur des marchandises aux temps et lieu de leur livraison au commer- çant conformément au contrat, ou aux temps et lieu elles auraient être livrées.
(2) La valeur de la marchandise est déterminée par le cours en bourse ou, à défaut, d'après le prix courant sur le marché ou, à défaut de l'un et de l'autre, d'après la valeur usuelle des marchandises de mêmes nature et qualité.
(3) Cependant, l'indemnité ne dépassera pas 2 $CAN par kilogramme de poids brut des marchandises perdues ou endommagées.
(4) Une indemnité plus élevée peut être réclamée seulement lorsque, avec le consentement du transporteur, la valeur des marchandises déclarées par l'expéditeur, qui dépasse la valeur limite stipulée au présent article, a été indiquée dans ce connaissement. Dans ce cas le montant de la valeur déclarée remplace la valeur limite.
13. Dispositions particulières y compris les transports au départ et à destination d'un port.
(1) Nonobstant toute disposition des articles 11 et 12 de ce connaissement, si le lieu de survenance des pertes ou domma- ges peut être établi, le transporteur et(ou) le commerçant pourra(ont) demander que cette responsabilité, c'est-à-dire la responsabilité du transporteur, soit fixée en vertu des disposi tions contenues dans une convention internationale ou dans le droit national, lesquelles dispositions
a) ne peuvent être écartées par contrat particulier conclu au préjudice du réclamant, et
b) se seraient appliquées si le commerçant avait conclu un contrat distinct et sans intermédiaire avec le transporteur pour l'étape particulière du transport les pertes ou dommages sont survenus et s'il avait reçu comme preuve du contrat tout document particulier devant être émis dans le cas cette convention internationale ou ce droit natio nal s'appliquait.
(2) En autant que les Règles de La Haye contenues dans la Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement en date du 25 août 1924, ne s'appliquent pas au transport par mer en vertu des disposi tions précédentes de l'article, la responsabilité du transpor- teur pour tout transport par mer doit être déterminée par cette convention. Les Règles de La Haye détermineront également la responsabilité du transporteur pour le transport le long des côtes ainsi que le transport dans les eaux intérieu- res comme si ce transport était effectué en mer. En outre, elles s'appliqueront aux marchandises transportées sur le pont sous réserve de l'article 8.
(3) Chaque fois qu'il est fait renvoi aux Règles de La Haye dans le présent article, ce renvoi doit, au Canada, être interprété comme visant la Loi sur le transport des marchan- dises par eau de 1936.
5. Loi applicable et attribution de compétence.
Les litiges survenant en vertu de ce connaissement doivent être réglés, au choix du requérant, par les tribunaux et, sous réserve de l'article 13 du connaissement, conformément à la loi
a) du lieu le transporteur a sa résidence habituelle ou de son lieu principal d'affaire, ou de la succursale ou de l'agence par l'intermédiaire de laquelle le contrat ou le contrat de transport combiné a été conclu, ou
b) du lieu les marchandises ont été prises en charge par le transporteur ou du lieu indiqué pour la livraison.
Aucune procédure ne peut être intentée devant d'autres tribu- naux à moins que les parties ne consentent expressément au choix d'une autre cour ou d'un tribunal d'arbitrage et de la loi applicable.
Les Règles de La Haye sont incorporées en annexe dans la Loi sur le transport des marchan- dises par eau' du Canada mais en vertu de l'arti- cle 2 de la Loi, les Règles sont exécutoires relative- ment au transport des marchandises par eau seulement à partir d'un port du Canada à destina tion de tout autre port, soit à l'intérieur, soit en dehors du Canada. Par l'article 4 tout connaisse- ment émis au Canada qui prouve l'existence de contrats visés par les Règles doit renfermer une déclaration formelle qu'il sera exécutoire sous réserve des Règles. Le présent transport a été effectué en vertu d'un connaissement émis à Copenhague (Danemark), faisant venir à Göte- borg (Suède) la cargaison par un caboteur, et ensuite à Montréal sur le n.m. Mont Laurier pro- priété de la défenderesse Cie Atlantique Maritime, de les marchandises devaient être envoyées par camion au destinataire à Rochester (New York). C'était par conséquent un connaissement direct mais il ne fait aucun doute que le dommage est survenu durant le transport du port de Goteborg au port de Montréal. Les défenderesses soutien- nent que l'utilisation par elles d'un formulaire courant de connaissement direct justifie les termes utilisés et en particulier la limite plus élevée du montant de l'indemnité fondée sur le poids dans l'article 12 du connaissement, principalement des- tiné à s'appliquer aux autres étapes du transport plutôt qu'au transport par voie océanique; elles ajoutent que le même connaissement est utilisé pour les transports en direction de l'est aussi bien que de l'ouest, et que c'est ce qui explique le renvoi
fait dans l'article 13(3) la Loi sur le transport des marchandises par eau du Canada, renvoi qui est exigé par l'article 4 de cette loi. Ce qui précède peut bien être exact et expliquer les termes de certains articles du connaissement, mais cela ne peut modifier le fait que le connaissement doit être interprété sur la base des termes utilisés, et qu'il ne s'agit pas d'un transport régi par la Loi sur le transport des marchandises par eau du Canada. Les procédures ont été introduites de bon droit au Canada en vertu de l'article 5 du connaissement qui donne au réclamant trois possibilités, l'une étant le lieu indiqué pour la livraison. Le fait que l'article 13(3) mentionne que chaque fois qu'il est fait renvoi aux Règles de La Haye, ce renvoi doit «au Canada» être interprété comme un renvoi à la
' S.R.C. 1970, c. C-15.
Loi du transport des marchandises par eau, 1936 du Canada ne rend pas applicable, à mon avis, la limitation canadienne à un montant ne dépassant pas $500 par colis ou unité prévue à l'article IV, Règle 5 des Règles de La Haye, puisque la Loi énonce clairement que ces Règles ne s'appliquent qu'au transport à partir du Canada.
La prétention principale de la demanderesse est que l'article 12 du connaissement s'applique, les parties ayant renoncé à la limitation fixée par les Règles de La Haye. Pour appuyer cet argument, elle fait remarquer que l'article 12 est intitulé «Le montant des indemnités» et que l'article 13 est intitulé «Dispositions particulières y compris les transports au départ et à destination d'un port». C'est durant le transport au départ et à destination d'un port que le dommage est survenu. La deman- deresse soutient qu'il faut donner une interpréta- tion étroite à l'expression «Nonobstant toute dispo sition des articles 11 et 12», et affirme que cela signifie que l'article 13 l'emporte en cas de conflit avec l'article 12, mais qu'il n'existe pas de conflit puisque l'article 12 prévoit une limitation de res- ponsabilité plus élevée, ce que permettent les Règles de La Haye. L'article IV, Règle 5 des Règles de La Haye est libellé comme suit:
Le transporteur comme le navire ne seront tenus en aucun cas des pertes ou dommages causés aux marchandises ou les concernant pour une somme dépassant 100 livres sterling par colis ou unité, ou l'équivalent de cette somme en une autre monnaie, à moins que la nature et la valeur de ces marchandi- ses n'aient été déclarées par le chargeur avant leur embarque- ment et que cette déclaration ait été insérée au connaissement.
Cette déclaration ainsi insérée dans le connaissement consti- tuera une présomption, sauf preuve contraire, mais elle ne liera pas le transporteur, qui pourra la contester.
Par convention entre le transporteur, capitaine ou agent du transporteur et le chargeur, une somme maximum différente de celle inscrite dans ce paragraphe peut être déterminée, pourvu que ce maximum conventionnel ne soit pas inférieur au chiffre ci-dessus fixé.
Ni le transporteur ni ie navire ne seront en aucun cas responsables pour perte ou dommage causé aux marchandises ou les concernant, si dans le connaissement le chargeur a fait sciemment une déclaration fausse de leur nature ou de leur valeur.
En conséquence la demanderesse soutient qu'étant donné que les Règles autorisent une augmentation du montant maximum de la limitation de respon- sabilité et que l'article 12 augmente ce montant, cet article l'emporte. Deux objections peuvent être formulées à l'égard de ce raisonnement. En pre-
mier lieu, bien que la nature des marchandises ait été déclarée par le transporteur et incorporée dans le connaissement, leur valeur n'y figure pas. Le connaissement renferme l'expression [TRADUC- TION] «en transit vers les É.-U. pour le compte et aux risques des destinataires», et bien qu'aucune valeur des marchandises n'ait été déclarée, les frais de transport devaient être calculés sur le transport direct. Si l'on considère seul l'article 12, il semble- rait que la limitation de $2 par kilogramme prévue au paragraphe 3 l'emporterait en l'absence d'une déclaration de valeur pour mettre en oeuvre con- formément au paragraphe 4 une limitation d'un montant plus élevé. Cependant la limitation de $2 par kilogramme, même s'il a été convenu de l'utili- ser et peut-être l'a-t-elle été, pour déterminer les frais de transport, pourrait être considérée comme une dérogation à l'article IV, Règle 5 des Règles de La Haye qui n'autorisent aucune dérogation concernant la limitation à moins que la nature et la valeur des marchandises n'aient été déclarées.
En outre, rien ne permet de restreindre le sens du mot «nonobstant» utilisé à l'article 13 qui, à mon avis, exclut clairement l'application de l'arti- cle 12 quand on peut établir le lieu de la surve- nance des pertes ou dommages, auquel cas le commerçant ou le transporteur peuvent demander que la responsabilité soit fixée conformément aux dispositions des Règles de La Haye. Je crois que l'article 13(1)b) s'applique et que le connaissement a été conclu avec le transporteur pour cette étape particulière du transport la perte ou le dom- mage est survenu. Bien que le connaissement englobe également d'autres étapes du transport et, dans ce sens, n'ait pas été un contrat distinct sans intermédiaire avec le transporteur, il mentionne qu'il est sur la base de la formule «quai à quai» et il n'est pas contesté que c'est durant cette partie du transport que le dommage est survenu.
La demanderesse présente un autre argument lié avec sa prétention que l'article 13 ne s'applique pas. Elle s'appuie sur l'expression «c'est-à-dire la responsabilité du transporteur» pour dire que res- ponsabilité signifie simplement responsabilité légale pour les dommages et ne comprend pas leur quantum qui est traité à l'article 12 intitulé «Le montant des indemnités». Cette prétention est fondée sur le fait que non seulement les Règles de La Haye limitent le montant qui peut être réclamé
par colis, mais également qu'elles précisent les obligations du transporteur. L'article II des Règles déclare que le transporteur «sera ... soumis aux responsabilités et obligations, comme il bénéficiera des droits et exonérations ci-dessous énoncés». En outre, l'article IV en plus d'indiquer les différentes conditions dans lesquelles le transporteur ne sera pas tenu responsable, précise à la Règle 5 (supra) qu'il ne sera tenu en aucun cas des pertes ou dommages dépassant la somme de £100 sterling par colis ou unité. Un autre exemple de l'utilisa- tion du mot «responsabilité» dans le droit maritime peut être trouvé dans la Loi sur la marine mar- chande du Canada, S.R.C. 1970, c. S-9, aux arti cles 647 et suivants qui se trouvent sous la rubri- que Limitation de responsabilité et concernent le montant qui peut être réclamé dans certaines cir- constances. En conséquence, je trouve peu de fon- dement à l'argument suivant lequel le mot «respon- sabilité» utilisé à l'article 13 exclut le quantum, lequel est traité par l'article 12 seul.
Pour les motifs indiqués ci-dessus, je conclus qu'il faut donner à l'article 13 du connaissement plein effet parce qu'il l'emporte sur l'article 12 et qu'il incorpore les Règles de La Haye, avec le résultat qu'il ne peut être fait droit à la première prétention de la demanderesse suivant laquelle les défenderesses ont renoncé au bénéfice de la limita tion de responsabilité par colis ou unité, et la réclamation de $17,000 ne peut aboutir.
Comme déjà mentionné, je conclus également que bien que les procédures soient intentées au Canada, ce n'est pas la limitation de responsabilité se trouvant dans les Règles de La Haye adoptées au Canada par la Loi sur le transport des mar- chandises par eau du Canada qui s'applique à ce transport à destination du Canada, ce sont plutôt les Règles de La Haye adoptées en Suède par la Loi suédoise 277 du 5 juin 1936 qui sont applicables en vertu de l'article 13(1)b) comme «convention internationale ou loi nationale» de la Suède. Les parties conviennent que la limitation serait de 1,800 couronnes suédoises par colis ou unité ce qui, en décembre 1972, était l'équivalent de 377.82 $CAN. Puisque 16 colis ou unités ont subi des dommages, le montant de la réclamation est de $6,045.12 avec $1,084 d'intérêt au taux légal calculé du 27 décembre 1972 au 27 juillet 1976, comme il est indiqué au paragraphe 18 de
l'exposé des faits. Les défenderesses ayant consi gné ce montant auprès de la Cour le 27 juillet 1976, plus la somme de $100 des frais taxés, le jugement est rendu en faveur de la demanderesse pour ce montant et une ordonnance sera émise pour que la Cour verse à la demanderesse le total de $7,229.12 avec les intérêts accumulés. Les défenderesses ont droit à leurs dépens postérieurs au 27 juillet 1976 engagés pour contester ces procédures.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.