T-2228-78
Bartholomew Green 1751 Association Incorporat
ed, opérant sous la raison sociale The Canadian
Periodical Publishers' Association, et The Surviv
al Foundation, opérant sous la raison sociale The
Canadian Forum (Demanderesses)
c.
Le procureur général du Canada (Défendeur)
Division de première instance, le juge Cattanach—
Toronto, le 28 juin, les 6 et 7 juillet; Ottawa, le 2
août 1978.
Couronne — Postes — Tarifs postaux haussés par les
règlements DORS/72-297 et DORS/72-298 établis en applica
tion du décret C.P. 1978-883 en vertu de l'art. 13b) de la Loi
sur l'administration financière — Hausses antérieurement éta-
blies par modifications à la Loi sur les postes — Le décret
C.P. 1978-883 déléguant au ministre des Postes le pouvoir
d'établir des règlements haussant des tarifs est-il ultra vires
du gouverneur en conseil? — Les règlements sont-ils nuls
parce que non autorisés par la Loi sur les postes? — Loi sur
les postes, S.R.C. 1970, c. P-14, art. 6d), 10, 11 — Loi sur
l'administration financière, S.R.C. 1970, c. F-10, art. 13 —
Décret C.P. 1978-883 (TR/78-60) — Règlement sur les envois
postaux intérieurs de première classe, DORS/78-297 -
Règlement sur les objets de la deuxième classe, DORS/78-298
— Preuve — Rapports d'un comité permanent déclarés inad-
missibles parce qu'ils contiennent des énoncés d'opinion
subséquents.
Autorisation a été accordée d'inscrire au rôle un mémoire
spécial pour remplacer l'audition de l'action conformément à la
Règle 475 de la Cour fédérale. Il s'agissait d'une action des
demanderesses contre le défendeur, qui sollicitait a) une décla-
ration portant que les modifications apportées au Règlement
sur les envois postaux intérieurs de première classe,
DORS/78-297 et les modifications apportées au Règlement sur
les objets de la deuxième classe, DORS/78-298 sont nulles
parce que non autorisées par la Loi sur les postes et b) une
déclaration portant que le décret autorisant le ministre des
Postes à prescrire des frais, TR/78-60, promulgué en vertu de
l'alinéa 136) de la Loi sur l'administration financière est ultra
vires du gouverneur en conseil. Les demanderesses ont fait
valas (1) que l'article 13 de la Loi sur l'administration finan-
cière ne s'applique pas aux tarifs postaux parce que le service
fourni par les postes n'est pas un «service» au sens de ce mot
employé à l'article 13 de la Loi en ce sens qu'il n'est pas mis à
la disposition de personnes identifiables qui demandent ce
service; (2) que l'article 13 se limite à un service que «Sa
Majesté fournit» et que cette expression n'englobe pas l'expres-
sion «ministre des Postes» et (3) que les tarifs expressément
prescrits par les articles 10 et 11 de la Loi sur les postes
l'emportent sur les dispositions générales de l'article 13 de la
Loi sur l'administration financière et les règlements que le
ministre des Postes a subséquemment établis sous le régime de
cet article. A l'appui de leur action, les demanderesses ont
cherché à introduire en preuve certains rapports parlementaires
d'un comité permanent.
Arrêt: les questions reçoivent une réponse négative et l'action
des demanderesses est rejetée. (1) Suivant les définitions des
dictionnaires et un examen de l'évolution législative, «service»
désigne «le fait de répondre aux besoins de quelqu'un» et
l'exercice des activités postales est englobé dans le mot «service»
employé dans son sens ordinaire qui est celui de répondre aux
besoins des personnes qui, au Canada, désirent faire livrer à
l'adresse indiquée des lettres et d'autres objets transmissibles
par la poste. (2) Après une revue de l'évolution législative et de
la jurisprudence, la deuxième prétention des demanderesses
n'est pas soutenable. Le ministre des Postes étant un ministre
de la Couronne et un préposé de la Couronne, le service postal
entre dans le cadre des premiers mots de l'article 13 comme
étant un service fourni par Sa Majesté par l'intermédiaire de
ses préposés. (3) Suivant une doctrine bien connue, les disposi
tions générales n'abrogent pas les dispositions antérieures si on
n'y retrouve pas une intention évidente de les abroger. En fait,
le Parlement a prévu deux moyens de hausser les tarifs de port.
L'article 6d) de la Loi sur les postes dans sa forme modifiée est
d'application limitée. Il prévoit que le ministre des Postes peut
établir le tarif de port sur toute classe d'objets transmissibles, y
compris les lettres, pour laquelle un tarif n'est pas prévu dans la
Loi sur les postes. L'article 11 épuise ce pouvoir concernant les
journaux et périodiques canadiens et l'article 10 épuise ce
pouvoir sauf en ce qui concerne les lettres de plus de 16 onces.
Il existe deux moyens de hausser les tarifs de port: a) le
Parlement pourrait modifier les articles 10 et 11 de la Loi sur
les postes et b) le Parlement a prévu à l'article 13 de la Loi sur
l'administration financière que le gouverneur en conseil peut,
par décret, autoriser le ministre des Postes à faire de même. Les
deux moyens sont disponibles, le second étant sanctionné par le
Parlement pour réaliser le même objectif. On a adopté le
second moyen avec l'approbation du Parlement parce que c'est
le Parlement qui l'a rendu accessible. Il est possible que les
rapports du comité permanent aient condamné l'opportunité
politique qui a présidé à l'abandon de la tradition de faire fixer
par le Parlement les tarifs postaux et à la délégation de ce
pouvoir. Le recours approprié se trouve auprès du Parlement et
le rôle de la Cour consiste à se prononcer sur la validité du texte
législatif adopté par voie de règlement. Les rapports qui peu-
vent être admis doivent être antérieurs à l'adoption d'une loi et
doivent avoir pour objet d'interpréter la loi. En l'espèce, les
rapports sont postérieurs à l'adoption de la loi et contiennent
des énoncés d'opinion. Ils ne peuvent être admis comme preuve.
Arrêt suivi: Renvoi relatif à l'application de la Minimum
Wage Act (Sask.) à un employé d'un bureau de poste à
commission [1948] R.C.S. 248. Arrêt appliqué: Fraser c.
Balfour [1918] L.J.K.B. 1116. Arrêts suivis: Lane c.
Cotton [1701] 91 E.R. 1332; Whitfield c. Lord le Despen-
cer [1778] 98 E.R. 1344; Bainbridge c. Postmaster Gener
al [1906] 1 K.B. 178; Postmaster General c. Robertson
(1878) 41 U.C.Q.B. 375. Arrêt mentionné: Treifus & Co.,
Ltd. c. Post Office [ 1957] 2 All E.R. 387.
ACTION.
AVOCATS:
Andrew Kerekes pour les demanderesses.
G. W. Ainslie, c.r., et Deen C. Olsen pour le
défendeur.
PROCUREURS:
Kerekes & Collins, Toronto, pour les deman-
deresses.
Le sous-procureur général du Canada pour le
défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Par avis de requête en
date du 31 mai 1978, le défendeur, avec le consen-
tement des demanderesses, a demandé l'autorisa-
tion d'inscrire au rôle un mémoire spécial en la
forme de celui annexé à l'avis de requête, pour
remplacer l'audition de l'action conformément à la
Règle 475 de la Cour fédérale.
Par ordonnance en date du 5 juin 1978, le juge
en chef adjoint a accordé la permission d'inscrire
au rôle le mémoire spécial annexé à l'avis de
requête.
Le mémoire spécial inscrit au rôle se lit comme
suit:
[TRADUCTION] MÉMOIRE SPECIAL
Mémoire spécial présenté à la Cour conformément à la Règle
475.
La présente action intentée par les demanderesses contre le
procureur général du Canada demande
a) une déclaration portant que les modifications apportées
au Règlement sur les envois postaux intérieurs de première
classe, DORS/78-297, et les modifications apportées au
Règlement sur les objets de la deuxième classe, DORS/78-
298, sont nulles parce que non autorisées par la Loi sur les
postes, S.R.C. 1970, c. P-14, et ses modifications.
b) une déclaration portant que le décret autorisant le minis-
tre des Postes à prescrire des frais, TR/78-60, promulgué en
vertu de l'alinéa 13b) de la Loi sur l'administration finan-
cière, est ultra vires du gouverneur général en conseil.
EXPOSE DES FAITS
1. Une copie conforme d'un décret promulgué par le gouver-
neur en conseil le 23 mars 1978 (CP 1978-883, enregistrement
TR/78-60, le 12 avril 1978, publié dans la Gazette du Canada,
Partie II, vol. 112, la p. 1411), est annexée aux présentes.
2. Une copie du règlement établi par le ministre des Postes le
29 mars 1978 (enregistrement DORS/78-297, le 29 mars 1978,
publié dans la Gazette du Canada, Partie II, vol. 112, la p.
1337), est annexée aux présentes.
3. Une copie du règlement établi par le ministre des Postes le
29 mars 1978 (enregistrement DORS/78-298, le 29 mars 1978,
publié dans la Gazette du Canada, Partie II, vol. 112, la p.
1340), est annexée aux présentes.
4. La demanderesse se réserve le droit de renvoyer au Hansard
et le défendeur se réserve le droit de s'y opposer.
QUESTIONS POSÉES À LA COUR
Les questions posées à la Cour sont celles de savoir si
i) les modifications apportées au Règlement sur les envois
postaux intérieurs de première classe par DORS/78-297 et
les modifications apportées au Règlement sur les objets de la
deuxième classe par DORS/78-298 sont nulles parce que non
autorisées par la Loi sur les postes, S.R.C. 1970, c. P-14; et
ii) le décret C.P. 1978-883, promulgué par le gouverneur en
conseil le 23 mars 1978 et portant l'enregistrement
TR/78-60 est ultra vires du gouverneur en conseil.
Si la Cour répond par l'affirmative à l'une ou l'autre des
questions, elle rendra un jugement déclaratoire dans le sens de
la(des) question(s) qui a(ont) reçu une réponse affirmative,
avec dépens à la demanderesse.
Si la Cour répond par la négative à l'une ou l'autre des
questions, ou aux deux, l'action sera alors rejetée avec dépens
quant aux questions qui ont reçu une réponse négative.
En prévision de ce qui doit suivre il y a lieu, à ce
stade-ci, de reproduire les articles 6, 10 et 11 de la
Loi sur les postes présentement en vigueur, tels
qu'ils ont été édictés par le c. 23, S.R.C. 1970 (2e
Supp.), l'article 13 de la Loi sur l'administration
financière, S.R.C. 1970, c. F-10, le décret C.P.
1978-883, en date du 23 mars 1978 promulgué en
vertu de l'article 13b) de la Loi sur l'administra-
tion financière et les modifications apportées par le
ministre des Postes au Règlement sur les envois
postaux intérieurs de première classe, DORS/78-
297, le 29 mars 1978 et au Règlement sur les
objets de la deuxième classe, DORS/78-298, éga-
lement en date du 29 mars 1978, ces deux modifi
cations étant apportées en application du décret
C.P. 1978-883.
Il y aura également lieu de retracer l'évolution
législative des articles pertinents de la Loi sur les
postes et de la Loi sur l'administration financière
pour en arriver à leurs articles présentement en
vigueur.
I. L'article 6 de la Loi sur les postes, S.R.C. 1970,
c. P-14 se lit en partie comme suit:
6. Le ministre des Postes peut établir des règlements pour
le fonctionnement efficace de la poste au Canada, ainsi que
pour la réalisation des objets et l'application des dispositions
de la présente loi, et, sans restreindre la généralité de ce qui
précède, édicter des règlements
d) établissant le tarif de port sur toute classe d'objets
transmissibles pour laquelle un tarif n'est pas prévu par la
présente loi;
L'article 2(1) du chapitre 23 des S.R.C. 1970
(2e Supp.) a abrogé l'article 6d) et l'a remplacé
par ce qui suit:
d) établissant le tarif de port sur toute classe d'objets
transmissibles, y compris les envois postaux de lettres,
pour laquelle un tarif n'est pas prévu par la présente loi;
Cela a eu pour effet de modifier l'article 6d) en
y insérant les mots «y compris les envois postaux
de lettres» après les mots «objets transmissibles».
II. Voici, depuis les S.R.C. 1952, l'historique de
l'article 10 de la Loi sur les postes qui traite du
tarif de port des envois postaux de première classe:
a) l'article 10, chapitre 212, S.R.C. 1952, fixe
le tarif de port des envois postaux de première
classe à 3¢ pour la première once;
b) l'article 1, chapitre 20, S.C. 1953-1954, Loi
modifiant la Loi sur les postes, abroge l'article
10 et en adopte un nouveau fixant le tarif à 5¢ la
première once;
c) l'article 3, chapitre 5, S.C. 1968-1969, Loi
modifiant la Loi sur les postes, abroge à nou-
veau l'article 10 et adopte un nouvel article ainsi
rédigé qui fixe le tarif à 6¢ la première once:
10. Le tarif de port applicable à chaque lettre postée au
Canada pour livraison au Canada est de six cents pour la
première once ou fraction d'once, et de quatre cents pour
chaque once ou fraction d'once supplémentaire.
Cette loi a reçu la sanction royale le 31 octobre
1968.
Je signale ce fait particulièrement parce qu'il
constitue la base d'une partie importante de l'argu-
mentation de l'avocat de la demanderesse.
d) l'article 3 de la Loi modifiant la Loi sur les
postes, chapitre 53, S.C. 1970-71-72, abroge
l'article 10 de la Loi sur les postes et en adopte
un nouveau qui se lit comme suit:
10. (1) Le tarif de port applicable à chaque lettre postée
au Canada pendant la période commençant le 1°r juillet
1971 et se terminant le 31 décembre 1971, pour livraison au
Canada, est de
a) sept cents pour toute lettre ne pesant pas plus d'une
once;
b) douze cents pour toute lettre pesant plus d'une once
mais ne pesant pas plus de deux onces;
c) dix-huit cents pour toute lettre pesant plus de deux
onces mais ne pesant pas plus de quatre onces;
d) vingt-huit cents pour toute lettre pesant plus de quatre
onces mais ne pesant pas plus de huit onces;
e) trente-huit cents pour toute lettre pesant plus de huit
onces mais ne pesant pas plus de douze onces; et
J) quarante-six cents pour toute lettre pesant plus de
douze onces mais ne pesant pas plus de seize onces.
(2) Le tarif de port applicable à chaque lettre postée au
Canada, à compter du 1" janvier 1972, pour livraison au
Canada, est de
a) huit cents pour toute lettre ne pesant pas plus d'une
once;
b) quatorze cents pour toute lettre pesant plus d'une once
mais ne pesant pas plus de deux onces;
c) vingt cents pour toute lettre pesant plus de deux onces
mais ne pesant pas plus de quatre onces;
d) trente-deux cents pour toute lettre pesant plus de
quatre onces mais ne pesant pas plus de huit onces;
e) quarante-quatre cents pour toute lettre pesant plus de
huit onces mais ne pesant pas plus de douze onces; et
J) cinquante-quatre cents pour toute lettre pesant plus de
douze onces mais ne pesant pas plus de seize onces.
Ainsi, un tarif de 7¢ était fixé pour la première
once d'une pièce de courrier de première classe du
ler juillet 1971 au 31 décembre 1971, et un tarif de
8¢ la première once à compter du l er janvier 1972.
Cette loi a reçu la sanction royale le 30 juin
1971.
Cependant, l'article 8 de cette loi prévoit ce qui
suit:
STATUTS REVISES DU CANADA DE 1970
8. (1) Au présent article,
a) «anciennes lois» désigne les lois en vigueur avant l'en-
trée en vigueur des Statuts revisés du Canada de 1970 et
qui sont abrogées et remplacées par ces derniers; et
b) «nouvelles lois» désigne les Statuts revisés du Canada
de 1970.
(2) Les modifications apportées par la présente loi aux
anciennes lois ou à leurs termes sont également censées avoir
été apportées aux nouvelles lois ou à leurs nouvelles lois ou
de celle de la présente loi si elle lui est postérieure; et la
Commission de revision des Statuts, tout en conservant sans
restriction les pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de la
Loi concernant les Statuts revisés du Canada, doit, en
choisissant les lois à inclure dans le supplément de la codifi
cation mentionné à l'article 3 de cette loi, y inclure les
modifications ainsi apportées par la présente loi en la forme
dans laquelle ces modifications sont, aux termes du présent
article, censées y avoir été apportées.
e) concernant l'article 10 de la Loi sur les
postes, l'«ancienne loi» suivant la définition de
l'article 8, chapitre 53, S.C. 1970-71-72 est
l'article 10 exposé au chapitre 5, S.C. 1968-69
et reproduit à l'alinéa c) précédent.
f) l'article 10 adopté par le chapitre 5, S.C.
1968-69, a été inclus textuellement au chapitre
P-14 des Statuts revisés du Canada de 1970.
g) une proclamation en date du 24 juin 1971 a
déclaré que les Statuts revisés du Canada de
1970 entreront en vigueur et auront force de loi
le 15 juillet 1971. Les Statuts revisés du Canada
comprennent la Loi sur les postes, chapitre
P-14.
h) une proclamation en date du 14 juin 1972 a
déclaré que le Deuxième Supplément des Sta-
tuts revisés du Canada de 1970 entrera en
vigueur et aura force de loi le 1" août 1972.
i) l'article 3 du chapitre 23 du Deuxième Sup-
plément des Statuts revisés du Canada de 1970,
a abrogé l'article 10 de la Loi sur les postes,
S.R.C. 1970, chapitre P-14, et en a adopté un
nouveau fixant le tarif des envois postaux de
première classe à 7¢ jusqu'au 31 décembre et à
8¢ après le lei janvier 1972.
Cela est conforme et constitue une suite à la
modification apportée à l'article 10 de la Loi sur
les postes par l'article 3, chapitre 53, S.C. 1970-
71-72, mentionné à l'alinéa d) précédent.
III. Voici, depuis les Statuts revisés de 1952, l'évo-
lution législative de l'article 11 de la Loi sur les
postes concernant le tarif de port applicable aux
journaux:
a) l'article 11, chapitre 212, S.R.C. 1952, fixe
un tarif de port pour les journaux;
b) l'article 1, chapitre 39, S.C. 1953-54, modifie
la définition de «journaux», mais non le tarif de
port;
c) l'article 4, chapitre 5, S.C. 1968-69, abroge
l'article 11 de la Loi sur les postes, et en adopte
un nouveau qui fixe des tarifs augmentés.
Il s'agit de la même loi modificatrice mention-
née à l'alinéa c) de l'évolution législative de l'arti-
cle 10 de la Loi sur les postes.
Cette loi a reçu la sanction royale le 31 octobre
1968.
Depuis, il n'y a plus eu de modifications appor-
tées par une loi au tarif de port applicable aux
journaux.
d) par la proclamation en date du 24 juin 1971,
(c'est la même proclamation mentionnée à l'ali-
néa g) de l'évolution législative concernant l'ar-
ticle 10 de la Loi sur les postes), les Statuts
revisés du Canada de 1970 sont entrés en
vigueur le 15 juillet 1971.
Aux fins des présentes, j'estime utile de repro-
duire le paragraphe (2) de l'article 11 des S.R.C.
1970, chapitre P-14, puisque ce paragraphe pres-
crit le tarif de port applicable aux journaux cana-
diens et aux périodiques canadiens, puisque le
paragraphe (1) décrit les catégories de journaux et
périodiques et que le paragraphe (3) prescrit un
tarif minimum et une zone libre et que le paragra-
phe (4) définit «journal canadien» et «périodique
canadien».
L'article 11(2) se lit comme suit:
11. ...
(2) Les tarifs de port applicables aux journaux canadiens
et aux périodiques canadiens qui peuvent être transmis par
la poste au Canada selon les tarifs de port spécifiés au
présent article sont les suivants:
a) pour un journal canadien quotidien,
(i) quant à la partie non consacrée à la publicité,
quatre cents et demi la livre durant la période commen-
çant le 1" octobre 1969 et se terminant le 31 mars
1970, et cinq cents la livre par la suite, et
(ii) quant à la partie consacrée à la publicité, douze
cents la livre durant la période commençant le 1°r
octobre 1969 et se terminant le 31 mars 1970, et quinze
cents la livre par la suite;
b) pour un journal canadien hebdomadaire, quatre cents
et demi la livre durant la période commençant le 1°"
octobre 1969 et se terminant le 31 mars 1970, et cinq
cents la livre par la suite; et
c) pour tous les autres journaux canadiens et périodiques
canadiens, quatre cents et demi la livre durant la période
commençant le le' octobre 1969 et se terminant le 31 mars
1970, et cinq cents la livre par la suite.
L'article 6d) de la Loi sur les postes, précité,
autorise le ministre des Postes à établir des règle-
ments établissant le tarif de port sur toute classe
d'«objets transmissibles, y compris les envois pos-
taux de lettres», pour laquelle un tarif n'est pas
prévu par la Loi sur les postes.
Par conséquent, le ministre des Postes peut éta-
blir des règlements en vertu de l'article 6d) pour
les envois postaux excédant 16 onces parce que
l'article 10 de la Loi sur les postes prévoit un tarif
de port pour les lettres jusqu'à ce poids maximum.
De même, l'article 12 de la Loi sur les postes
accorde au ministre des Postes le pouvoir d'établir
par règlement le tarif de port auquel les journaux
et périodiques pour lesquels un tarif de port n'est
pas spécifié à l'article 11, peuvent être transmis
par la poste.
Voilà donc les cas envisagés par les dispositions
de la Loi sur les postes précitées, où le ministre
des Postes peut, par règlement, établir le tarif de
port.
IV. L'article 13 de la Loi sur l'administration
financière.
a) l'article 18, chapitre 116, S.R.C. 1952, se lit
comme suit:
18. Lorsque Sa Majesté fournit un service à une personne
et que le gouverneur en conseil estime que la totalité ou une
partie du coût de ce service devrait être supportée par celui
qui en est destinataire, le gouverneur en conseil peut, sous
réserve des dispositions de toute loi concernant ledit service,
prescrire par règlement le droit susceptible d'être imposé en
l'occurrence.
b) L'article 6, chapitre 27, S.C. 1968-69, a
abrogé l'article 18 et l'a remplacé par le suivant:
18. Lorsque Sa Majesté fournit un service ou procure
l'utilisation d'une installation à une personne et que le
gouverneur en conseil estime que la totalité ou une partie du
coût de fourniture du service ou de l'utilisation de l'installa-
tion devrait être supportée par celui qui en est destinataire,
le gouverneur en conseil, sur la recommandation du conseil
du Trésor, peut,
a) sous réserve des dispositions de toute loi concernant ce
service ou l'utilisation de cette installation, prescrire par
règlement le droit ou les frais devant être payés par la
personne à laquelle est fourni le service ou procurée
l'utilisation de l'installation, ou,
b) nonobstant les dispositions de toute loi concernant ce
service ou l'utilisation de cette installation, mais sous
réserve et en conformité des modalités que peut spécifier
le gouverneur en conseil, autoriser le Ministre compétent
à prescrire le droit ou les frais devant être payés par la
personne à laquelle est fourni le service ou procurée
l'utilisation de l'installation.
c) une proclamation en date du 24 juin 1971 a
annoncé l'entrée en vigueur des Statuts revises
du Canada le 15 juillet 1971.
d) la Loi sur l'administration financière fait
partie des Statuts revisés du Canada de 1970
comme étant le chapitre F-10.
e) l'article 18 de la Loi sur l'administration
financière adopté par l'article 6, chapitre 27,
S.C. 1968-69 et cité à l'alinéa b) précédent, est
reproduit textuellement dans les S.R.C. 1970,
chapitre F-10, mais il y est devenu l'article 13.
Ainsi, lorsque je renvoie en l'espèce à l'article 13
de la Loi sur l'administration financière, S.R.C.
1970, chapitre F-10, je renvoie au texte de l'ancien
article 18 reproduit à l'alinéa b) précédent que je
n'ai pas besoin de citer à nouveau comme étant
l'article 13.
V. Le décret C.P. 1978-883 en date du 23 mars
1978, se lit comme suit:
Enregistrement
TR/78-60 12 avril 1978
LOI SUR L'ADMINISTRATION FINANCIÈRE
Décret autorisant le ministre des Postes à prescrire des
frais
C.P. 1978-883 23 mars 1978
Sur avis conforme du ministre des Postes et du conseil du
Trésor et en vertu de l'alinéa 13b) de la Loi sur l'administra-
tion financière, il plaît à Son Excellence le Gouverneur
général en conseil d'autoriser le ministre des Postes:
a) par dérogation à l'article 10 de la Loi sur les postes, à
prescrire par règlement le tarif de port applicable à
chaque lettre postée au Canada pour livraison au Canada
pesant jusqu'à 16 onces à compter du premier avril 1978;
et
b) par dérogation à l'article 11 de la Loi sur les postes, à
prescrire par règlement le tarif de port applicable, à
compter du premier avril 1978, aux journaux et périodi-
ques canadiens qui peuvent être transmis par la poste du
Canada pour livraison au Canada.
Le décret dit expressément qu'il est établi en
vertu de l'article 13b) de la Loi sur l'administra-
tion financière. Si on avait prétendu l'établir en
vertu de l'article 13a) de cette loi, j'aurais conclu
sans hésitation que le décret est ultra vires, pour
des raisons qui sont évidentes.
VI. Les modifications en date du 29 mars 1978
que le ministre des Postes a apportées au Règle-
ment sur les envois postaux intérieurs de première
classe en vertu du décret C.P. 1978-883 (cité à la
rubrique V précédente), se lisent comme suit:
Enregistrement
DORS/78-297 29 mars 1978
LOI SUR LES POSTES
Règlement sur les envois postaux intérieurs de première
classe—Modification
En vertu du décret C.P. 1978-883 du 23 mars 1978, et de
l'article 6 de la Loi sur les postes, il plaît au ministre des
Postes d'apporter par les présentes, à compter du le' avril
1978, les nouvelles modifications ci-après au Règlement sur
les envois postaux intérieurs de première classe établi le 27
août 1976, par DORS/76-552, dans sa forme modifiée.
Ottawa, le 29 mars 1978
Le ministre des Postes
J. GILLES LAMONTAGNE
ANNEXE
1. L'article 6 du Règlement sur les envois postaux inté-
rieurs de première classe est abrogé et remplacé par ce-qui
suit:
«6. Nonobstant l'article 10 de la Loi sur les postes, le
tarif de port applicable à chaque lettre postée au Canada
pour livraison au Canada est de:
a) quatorze cents pour toute lettre ne pesant pas plus
d'une once;
b) vingt-deux cents pour toute lettre pesant plus d'une
once mais pas plus de deux onces;
c) trente-quatre cents pour toute lettre pesant plus de
deux onces mais pas plus de quatre onces;
d) cinquante cents pour toute lettre pesant plus de
quatre onces mais pas plus de six onces;
e) soixante-six cents pour toute lettre pesant plus de six
onces mais pas plus de huit onces;
f) quatre-vingt-deux cents pour toute lettre pesant plus
de huit onces mais pas plus de dix onces;
g) quatre-vingt-dix-huit cents pour toute lettre pesant
plus de dix onces mais pas plus de douze onces;
h) un dollar et quatorze cents pour toute lettre pesant
plus de douze onces mais pas plus de quatorze onces; et
i) un dollar et trente cents pour toute lettre pesant plus
de quatorze onces mais pas plus de seize onces.»
Je n'ai pas reproduit l'annexe II substituée à
l'annexe II qui a été abrogée. Il s'agit d'une aug
mentation substantielle du tarif de port pour les
envois de première classe de plus de seize onces.
Le ministre des Postes aurait pu prescrire le
tarif prévu à l'annexe II en vertu de l'article 6 de
la Loi sur les postes cité à la rubrique I parce que
l'article 10 de la Loi (cité à l'alinéa d) de la
rubrique II) ne prévoit pas de tarif de port pour les
lettres de plus de seize onces, et il aurait pu le faire
sans avoir recours au décret C.P. 1978-883 (cité à
la rubrique V) qui a lui-même été établi conformé-
ment au pouvoir que confère l'article 13b) de la
Loi sur l'administration financière.
J'ai déjà indiqué que si le décret avait été établi
en vertu du pouvoir accordé par l'article 13a) de la
Loi sur l'administration financière, je n'aurais pas
hésité à conclure qu'il est ultra vires à cause des
premiers mots de l'article 13a) qui se lisent comme
suit: «sous réserve des dispositions de toute loi
concernant ce service». La Loi sur les postes, dans
son article 10, prévoit un tarif pour ce service.
Cependant, des considérations tout à fait différen-
tes s'appliquent à l'article 13b) de la Loi sur
l'administration financière, dont les premiers mots
sont les suivants: «nonobstant les dispositions de
toute loi concernant ce service».
VTT. Voici le texte des modifications, également en
date du 29 mars 1978, apportées au Règlement sur
les objets de la deuxième classe:
Enregistrement
DORS/78-298 29 mars 1978
LOI SUR LES POSTES
Règlement sur les objets de la deuxième classe—Modification
En vertu du décret C.P. 1978-883 du 23 mars 1978, et de
l'article 6 de la Loi sur les postes, il plaît au ministre des Postes
d'apporter par les présentes, à compter du 1e' avril 1978, les
nouvelles modifications ci-après au Règlement sur les objets de
la deuxième classe établi le 26 novembre 1968, par DORS/68-
550, dans sa forme modifiée.
Ottawa, le 29 mars 1978
Le ministre des Postes
J. GILLES LAMONTAGNE
ANNEXE
1. L'annexe A du Règlement sur les objets de la deuxième
classe est ainsi remplacée:
«ANNEXE A
Tarifs de port—Journaux et périodiques
1. Nonobstant l'article 11 de la Loi sur les
postes, les tarifs de port applicables aux
journaux et périodiques canadiens transmis-
sibles par la poste au Canada sont les
suivants:
a) pour un journal quotidien canadien,
(i) quant à la partie non consacrée à la
publicité 7.5e la livre
et
(ii) quant à la partie consacrée à la
publicité 22.5e la livre
b) pour un journal hebdomadaire cana-
dien 7.5¢ la livre
et
c) pour tous les autres journaux et pério-
diques canadiens 7.5¢ la livre
2. Nonobstant l'article 1,
a) le port minimal pour un objet trans
missible par la poste comprenant un ou
plusieurs journaux ou périodiques cana-
diens visés aux alinéas l a), b) ou c) est de 3¢
et
b) lorsqu'un journal hebdomadaire cana-
dien est publié et posté au Canada dans
une ville ou un village dont la population
ne dépasse pas dix mille habitants, il est
possible de transmettre en franchise par
la poste deux mille cinq cents exemplaires
de chaque édition du journal aux bureaux
de poste n'offrant pas de service de fac-
teurs et situés dans un rayon de quarante
milles du lieu connu de publication de ce
numéro dans cette ville ou ce village.
3. (1) Sauf pour un périodique canadien
adressé à titre de distribution massive à des
personnes qui n'en ont pas fait la demande,
le tarif de port d'un journal ou périodique
canadien
a) posté au Canada à des personnes qui
en ont fait la demande et
b) transmissible par la poste au Canada à
un tarif fixé aux articles 1 ou 2, sauf
(i) s'il n'est pas adressé à un véritable
abonné ou à un marchand de journaux
connu, au Canada,
(ii) si le prix indiqué de l'abonnement
est ordinairement inférieur à cinquante
cents par année ou
(iii) si le tirage payé est ordinairement
inférieur à cinquante pour cent de son
tirage global
est le suivant:
c) jusqu'à 2 oz 4.4¢
d) chaque 2 oz ou fraction en sus 3¢
(2) Aux fins du paragraphe (1), on entend
par «distribution massive» la livraison d'un
périodique à des adresses particulières de
façon qu'il soit distribué à toutes les person-
nes ou à la plupart des personnes d'un
secteur donné de livraison postale compre-
nant un itinéraire de facteur, une route
rurale, un service suburbain, la poste res-
tante ou des cases postales à serrure d'une
installation postale.
4. Le tarif de port d'un journal ou périodique
transmissible par la poste au Canada au
tarif visé à ce règlement, sauf s'il ne s'agit
pas d'un journal canadien ou d'un périodi-
que canadien parce qu'il ne répond pas aux
exigences des alinéas 11(4)a), e), d), e) et
J) de la définition de «journal canadien» ou
«périodique canadien» visée dans la loi est le
suivant:
a) la livre 7.5e
ou
b) chaque envoi portant une adresse dis-
tincte 3¢
soit le plus élevé des deux.
5. Le tarif de port d'un journal ou périodique
transmissible par la poste au Canada au
tarif visé aux articles 1 ou 2, sauf
a) s'il ne s'agit pas d'un journal canadien
ou d'un périodique canadien parce qu'il
ne répond pas aux exigences des alinéas
11(4)a), e), d ) , e) et J) de la définition de
«journal canadien» ou «périodique cana-
dien» visée dans la loi, et
b) s'il ne répond pas aux exigences de
l'alinéa 11(1)J) de la loi,
est le suivant:
c) jusqu'à 2 oz 4.4¢
d) chaque 2 oz ou fraction en sus 3¢
6. Le tarif de port d'un journal ou périodique
transmissible par la poste au Canada au
tarif visé aux articles 1 et 2, sauf s'il ne
s'agit pas d'un journal canadien ou d'un
périodique canadien visé au paragraphe
11(4) de la loi, est le suivant:
a) jusqu'à 2 lb 4.4¢ pour les
premières 2
oz et 30 par 2
oz ou fraction
en sus
b) plus de 2 lb mais pas plus de 4 lb 72¢
e) plus de 4 lb le tarif visé à
l'alinéa b) et
36¢ par 2 lb
ou fraction en
sus»
Traditionnellement, le Parlement s'est réservé
exclusivement et s'est gardé la prérogative de fixer
le tarif de port et a exercé ce pouvoir depuis 1655.
Le service postal est un monopole de la Couronne
depuis au moins 1660, sous le règne de Charles II.
Ce n'est qu'à l'arrivée des modifications au
Règlement sur les envois postaux intérieurs de
première classe, DORS/78-297, et au Règlement
sur les objets de la deuxième classe, DORS/78-
298, en date du 29 mars 1978, que l'on s'est écarté
de cette tradition.
Cette déclaration n'est pas tout à fait exacte
parce qu'en vertu de l'article 10 de la Loi sur les
postes, le tarif de port pour une lettre pesant moins
d'une once postée au Canada pour livraison au
Canada, était de 8¢ depuis le 1" janvier 1972.
L'article 10 de la Loi n'a pas été modifié depuis
cette date et pourtant le taux de port pour ces
lettres a été successivement porté à 100 puis à 12¢
et le décret DORS/78-297, en date du 29 mars
1978, a porté ce tarif à 14¢. Il y a donc eu deux
augmentations apportées au tarif de 8¢ fixé en
vertu de l'article 10 de la Loi sur les postes qui est
entré en vigueur le 1" janvier 1972.
Il est donc logique de présumer que les augmen
tations intervenues avant l'augmentation à 14¢ ont
dû être établies par des modifications que le minis-
tre des Postes a apportées aux règlements en vertu
de décrets analogues au décret C.P. 1978-883 en
date du 23 mars 1978.
Ces décrets et ses modifications que le ministre
des Postes a apportés aux règlements ne sont pas
en cause dans le mémoire spécial.
Il est certain que la validité du décret C.P.
1978-883 est mise en cause dans la seconde ques
tion posée à la Cour, comme l'est, dans la première
question du mémoire spécial, la validité des modi
fications apportées aux règlements postaux sur
l'initiative du ministre des Postes.
J'ai des réserves quant à la rectitude de la
formulation des questions posées.
A la question (i) le point soulevé est celui de
savoir si les modifications apportées aux règle-
ments DORS/78-297 et DORS/78-298 sont nulles
«parce que non autorisées par la Loi sur les postes,
S.R.C. 1970, c. P-14».
Les modifications aux règlements postaux ont
été apportées par l'enchaînement qu'offre l'article
13b) de la Loi sur l'administration financière,
d'abord par la délégation du pouvoir législatif au
gouverneur en conseil et ensuite par la sous-alléga-
tion du pouvoir législatif par le décret au ministre
des Postes.
A mon avis il ne fait aucun doute que la Loi sur
les postes et la Loi sur l'administration financière
relèvent du pouvoir législatif du Parlement du
Canada et sont toutes deux finira vires du Parle-
ment. De plus, je ne doute aucunement que l'arti-
cle 13 de la Loi sur l'administration financière, est
intra vires.
Si je saisis bien le problème, les réponses finales
doivent reposer sur la question de savoir s'il y a
conflit entre les articles 10 et 11 de la Loi sur les
postes adoptés par le chapitre 23, S.R.C. 1970 (2 e
Supp.), d'une part, et l'article 13 de la Loi sur
l'administration financière, S.R.C. 1970, chapitre
F-10 et le décret C.P. 1978-60, d'autre part, et s'il
n'y a pas de conflit, alors, s'il y a conflit entre les
articles 10 et 11 de la Loi sur les postes d'une part,
et les modifications apportées aux règlements
DORS/78-297 et DORS/78-298, qui découlent de
l'article 13 de la Loi sur l'administration finan-
cière et du décret, d'autre part, et, si oui, comme il
appert à première vue, lequel des deux groupes de
textes législatifs doit prévaloir.
La réponse à la question de savoir lequel des
deux doit prévaloir, repose, à mon avis, sur le sens,
la signification et l'efficacité des premiers mots de
l'article 13b) de la Loi sur l'administration finan-
cière, «nonobstant les dispositions de toute loi con-
cernant ce service ou l'utilisation de cette
installation,,.
Voilà, à mon avis, à quoi se résume la question
qu'il faut trancher.
Je suis donc disposé à fermer les yeux sur ce qui
peut être inexact dans la formulation des questions
du mémoire spécial parce que la fin qu'il recherche
est celle que j'ai signalée et que cette fin ne doit
pas être contrecarrée par aucune des inexactitudes
mentionnées.
La façon de résoudre le problème signalée pré-
cédemment est celle que j'adopterai, mais avant de
m'y attaquer, d'autres sujets doivent d'abord être
examinés.
L'avocat des demanderesses a cherché à intro-
duire en preuve les documents parlementaires
suivants:
(1) Le quatrième rapport du Comité mixte permanent sur les
règlements et autres textes réglementaires;
(2) L'accord unanime de la Chambre des communes sur le
quatrième rapport mentionné;
(3) Le troisième rapport du Comité mixte permanent sur les
règlements et autres textes réglementaires; et
(4) La réponse donnée par le ministre des Postes à une ques
tion posée par un député le 13 mars 1974, rapportée dans le
Hansard.
Les avocats ont convenu que, si je concluais à
l'admissibilité de ces documents, ils consentiraient
à ce qu'ils soient reçus en preuve en la forme qu'ils
revêtaient sans qu'il soit nécessaire de faire la
preuve de leur conformité, mais l'avocat du défen-
deur s'est réservé le droit de s'opposer à l'admissi-
bilité des documents.
C'est ce qui s'est produit. L'avocat des deman-
deresses a cherché à introduire les documents en
preuve. L'avocat du défendeur s'est opposé à leur
admissibilité. La question a été débattue.
J'ai immédiatement refusé d'admettre la
réponse du ministre des Postes à une question
posée en Chambre le 13 mars 1974. Je l'ai fait
pour deux motifs:
(1) le principe bien établi que rien de ce qui est dit au
Parlement ne peut servir devant une cour de justice à établir le
sens d'une loi, et
(2) la réponse du Ministre à la question était l'expression de
son opinion personnelle sur la question même que je suis appelé
à trancher.
J'ai également refusé d'admettre en preuve les
autres documents mais avec plus d'hésitation.
Je ne vois pas quel droit peut avoir une cour de
justice d'entendre une opinion de droit positif sur
un motif d'opportunité politique. Le législateur
doit prendre des décisions fondées sur l'opportunité
politique. Il était peut-être opportun du point de
vue politique d'abandonner la tradition de faire
fixer par le Parlement les tarifs postaux et de
déléguer ce pouvoir. Je crois savoir que les rap
ports du Comité permanent condamnent cette pra-
tique. Si tel est le cas, le recours approprié se
trouve auprès du Parlement. La décision d'un tri
bunal ne peut y remédier et la fonction du tribunal
consiste à se prononcer sur la validité du texte
législatif adopté par voie de règlement, rien de
plus.
En l'espèce, je suis appelé à me prononcer sur la
validité des textes législatifs adoptés par voie de
règlement; pour ce faire je dois étudier les textes
qui, prétend-on, sont incompatibles dans l'ensem-
ble. A cet égard, les débats antérieurs et les énon-
cés postérieurs d'opinion ne sont pas admissibles.
On m'a signalé que, pour les motifs exposés dans
les rapports, le Comité est arrivé à la conclusion
provisoire que l'article 13b) de la Loi sur l'admi-
nistration financière n'autorise pas la fin atteinte
ici.
Il est établi que, pour interpréter la loi, on ne
peut avoir recours à ce qui s'est passé devant un
comité avant que celui-ci ne tire sa conclusion.
Cela présuppose que les arguments que les parties
adverses ont présentés avant la conclusion finale
du comité ne sont pas admissibles pour interpréter
une loi, mais que la conclusion finale l'est.
On a parfois conclu que, pour découvrir l'inten-
tion du législateur, il faut s'en remettre unique-
ment au libellé de la loi elle-même et à rien
d'autre, mais on a parfois eu recours au libellé
d'un rapport de commission que l'on a comparé au
texte adopté par le législateur et, en cas de diffé-
rence marquée entre les deux, on a conclu qu'elle
ne pouvait être accidentelle mais qu'elle était
intentionnelle.
Suivant la tendance décelée dans des décisions
récentes, on peut se référer aux rapports de com
mission, mais pour des fins soigneusement
exprimées.
En l'espèce, cette jurisprudence aide peu à solu-
tionner la question de l'admissibilité des rapports
du Comité permanent.
Les rapports qui peuvent être admis doivent être
antérieurs à l'adoption d'une loi et on ne peut les
invoquer que pour interpréter la loi, pour préciser
l'intention du législateur ou pour d'autres fins de
ce genre.
En l'espèce, les rapports du Comité ne sont pas
antérieurs à l'adoption des lois en question ni aux
textes réglementaires établis en application d'une
de ces lois. Au contraire, les rapports leur sont de
beaucoup postérieurs et, si je me base sur les
renseignements que les avocats m'ont fournis pen
dant les débats, ils contiennent des énoncés d'opi-
nion subséquents, bien que ces énoncés soient
motivés. On m'a également signalé que les conclu
sions suivant lesquelles les textes adoptés par voie
de délégation et de sous-délégation de pouvoir
législatif pouvaient être ultra vires, étaient tout au
plus provisoires et sujettes à révision.
Sur ce fondement, j'ai conclu que les rapports
sont des énoncés d'opinion subséquents qui, comme
je l'ai déjà dit, ne sont pas admissibles.
En outre, les rapports paraissent être des énon-
cés d'opinion provisoire sur la question même que
je suis appelé à trancher, ce qui est un des motifs
qui m'a amené à conclure que la réponse du
ministre des Postes à une question en Chambre
n'était pas admissible.
Le même raisonnement s'applique avec autant
de force aux rapports du Comité permanent, ce qui
m'a amené à conclure que les rapports étaient
également inadmissibles en preuve.
J'ai toutefois laissé entendre à l'avocat des
demanderesses que rien ne l'empêchait de faire
sien le raisonnement du Comité qu'il connaissait
bien et de faire valoir ces motifs à l'appui de sa
prétention que les textes de loi en cause sont nuls.
C'est précisément ce qu'il a fait.
Il a soutenu que l'article 13 de la Loi sur
l'administration financière ne s'applique pas aux
tarifs postaux principalement parce que le service
fourni par les postes n'est pas un «service» au sens
de ce mot employé à l'article 13 et qu'il ne s'agit
pas d'un service que «Sa Majesté fournit ... à une
personne» comme l'exigent les premiers mots de
l'article 13.
Si sa prétention est exacte, il s'ensuit que les
textes réglementaires en cause sont nécessairement
nuls.
Il a soutenu que le service postal n'est pas un
«service» parce qu'il n'est pas mis à la disposition
de personnes identifiables qui demandent ou reçoi-
vent ce service. Au contraire, a-t-il soutenu, le
service postal constitue une fonction première et
inaliénable du gouvernement mise à la disposition
des membres anonymes du grand public et, dans le
cas des lettres, il constitue également un monopole
en vertu de l'article 8 de la Loi sur les postes.
A partir de ces prémisses, c'est-à-dire que le mot
«service» à l'article 13 de la Loi sur l'administra-
tion financière est limité à des services précis
fournis à des individus identifiables, il a conclu que
l'article 13 ne peut s'appliquer au service postal.
Je ne peux m'empêcher de soupçonner qu'il
s'agit là d'une répétition du raisonnement contenu
au rapport du Comité mixte permanent.
Le mot «service» n'est pas employé dans la Loi
sur les postes ni à l'article 13 de la Loi sur
l'administration financière comme se rapportant à
un art ou une science ni dans un sens technique;
aussi faut-il lui donner le sens qu'on lui donne dans
le langage courant.
Ceci étant, il existe une règle bien établie dans
les cours de justice suivant laquelle on peut avoir
recours aux dictionnaires pour établir le sens d'un
mot employé dans son sens ordinaire.
Dans The Shorter Oxford English Dictionary,
3 e éd., le sens de «service» comme il est employé
dans le contexte de la Loi sur les postes, est
[TRADUCTION] «... le fait de répondre aux besoins
de quelqu'un». C'est la fourniture d'une aide, pro-
fessionnelle ou autre, par opposition à la fourniture
de biens, de marchandises ou d'effets matériels.
L'article 91(5) de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, 1867 confère au Parlement la compé-
tence législative exclusive sur le «service postal».
Le juge Estey, dans Renvoi relatif à l'applica-
tion de la Minimum Wage Act de la Saskatche-
wan à un employé d'un bureau de poste à com
mission ([1948] R.C.S. 248) dit à la page 270:
[TRADUCTION] L'expression «service postal» ne paraît pas
avoir été d'un usage répandu avant la Confédération, mais les
opérations postales alors conduites et l'emploi de l'expression
«affaires et conventions postales» dans l'Acte du Bureau des
Postes (Can. 22 Vict., c. 31, art. 14(16)), indiquent que le
Parlement impérial, en adoptant l'expression «service postal»,—
une expression d'une signification des plus larges—dans l'arti-
cle 91(5) de l'Acte de l'A.N.B., voulait qu'elle soit interprétée
de manière suffisamment large pour englober toutes les com-
modités et facilités offertes par la poste.
Ainsi, il est clair que le juge Estey a interprété
les mots «service postal» comme exprimant leur
sens évident et, à mon avis, ils sont suffisamment
larges pour couvrir «le privilège exclusif de recueil-
lir, transporter et livrer les lettres dans les limites
du Canada» (article 8(1) de la Loi sur les postes).
L'exercice de ces activités est englobé dans le mot
«service» employé dans son sens ordinaire qui est
celui de répondre aux besoins des personnes qui, au
Canada, désirent faire livrer des lettres et d'autres
objets transmissibles par la poste à l'adresse indi-
quée. Ce sont là à mon avis des services et des
commodités fournis par la poste canadienne sous la
direction et le contrôle du ministre des Postes.
L'examen de l'évolution des lois concernant
l'établissement et les opérations de la poste con-
firme ma conclusion que le fait de fournir le
service postal constitue bien un service et une
commodité.
Pour interpréter une loi, surtout une loi comme
la Loi sur les postes dont l'évolution s'échelonne
sur plus de 325 ans, il faut tenir compte de l'histo-
rique du texte législatif, de même que de l'inten-
tion qui ressort de la loi elle-même, et des motifs
qui ont amené son adoption. Il faut tenir compte
de la situation à redresser et du redressement
lui-même.
Quant à la Loi sur les postes présentement en
vigueur, son article 3 prévoit l'établissement d'«un
ministère du gouvernement du Canada, appelé
ministère des Postes, ayant à sa tête le ministre des
Postes».
Le ministre des Postes «a la gestion et la direc
tion du ministère des Postes».
Dans une autre affaire, j'ai eu l'occasion de dire
que les mots «direction et contrôle» confèrent tous
les pouvoirs nécessaires au fonctionnement efficace
du Ministère placé sous le contrôle du Ministre.
L'article 5 dispose que «le ministre des Postes
doit administrer, surveiller et gérer la poste au
Canada et, sans restreindre la généralité de ce qui
précède» exercer différentes fonctions énumérées
sous les lettres de l'alphabet allant de «a» jusqu'à
«t».
Les activités exercées sous son contrôle sont
désignées collectivement par les mots «poste au
Canada» (voir l'article 2).
L'article 6h) autorise le ministre des Postes à
établir des règlements pour le fonctionnement effi-
cace de la poste au Canada et, sans restreindre la
généralité de ce qui précède, à édicter des règle-
ments concernant le fonctionnement des bureaux
de poste, agences postales et routes postales.
L'article 2 définit un bureau de poste comme
étant tout bâtiment, salle, véhicule, boîte aux let-
tres ou autre récipient ou endroit autorisé par le
ministre des Postes:
... pour le dépôt, la réception, le tri, la manutention ou
l'expédition du courrier.
Comme je l'ai déjà mentionné, l'article 8
accorde au ministre des Postes:
... le privilège exclusif de recueillir, transporter et livrer les
lettres dans les limites du Canada.
En vertu de l'article 2, «port» signifie la taxe
exigible pour la manutention et la transmission du
courrier et tous frais exigibles pour un service
rendu par la poste au Canada.
Cela signifie évidemment une taxe payable par
la personne qui a recours à la poste pour la manu-
tention, la transmission et finalement la livraison
du courrier et pour tout autre service fourni par la
poste.
J'ai fait observer précédemment que les activités
de la poste constituent un service et une commo-
dité offerts par la poste pour répondre aux besoins
des personnes qui, au Canada, désirent faire livrer
des objets transmissibles à l'adresse indiquée; les
dispositions de la Loi sur les postes auxquelles je
viens de renvoyer confirment cette conclusion.
La poste fournit les services décrits dans la loi et
il en est de même des installations nécessaires pour
fournir ce service.
Compte tenu de ces dispositions, je ne vois pas
comment ce service devrait se limiter à des person-
nes identifiables qui demandent ou reçoivent ce
service.
Ces services sont accessibles à toutes les person-
nes qui, se trouvant au Canada, désirent utiliser le
service offert et consentent à en acquitter les frais.
La nature même de certains services offerts par la
poste, comme la retenue de courrier pendant des
absences, les cartes A.R. du courrier recommandé,
et autres du même genre, exige que leurs usagers
s'identifient, mais ce n'est certainement pas le cas
pour les personnes qui adressent correctement une
lettre, l'affranchissent suffisamment et la déposent
dans une boîte aux lettres.
A l'origine, au Royaume-Uni, la Couronne four-
nissait des messagers pour transporter le courrier
de Londres jusqu'à quelques villes principales.
Le texte de loi d'où origine le premier service
postal a été établi par Oliver Cromwell, agissant à
titre de lord-protecteur, par une ordonnance de
1654 qui accordait à John Manley:
[TRADUCTION] Le soin et le privilège exclusifs du port et du
transport de toutes les lettres et de tous les paquets, internes et
externes, quel qu'en soit l'expéditeur ou le destinataire
pendant deux ans.
Pour ce privilège, Manley payait au Common
wealth la somme annuelle de 10,000 livres (voir
Actes et Ordonnances de l'interrègne).
Manley était évidemment un entrepreneur indé-
pendant. Le monopole a dû être profitable et nul
doute que les droits annuels se sont ajoutés au
revenu de Cromwell pour le soutien de l'armée
dont il s'était servi pour licencier le Parlement qui
ne s'était pas rendu à ses désirs. Malgré le fait que
Cromwell ait été membre du Parlement et opposé
à la théorie de Charles II suivant laquelle il tenait
son pouvoir de Dieu, Cromwell n'adhérait pas à la
doctrine de la suprématie du Parlement lorsqu'il
ne servait pas ses propres fins. Dans l'Act for the
Constitution of the Commonwealth, on offrit à
Cromwell le titre de roi avec droit de nommer son
successeur. Il refusa le titre de roi mais adopta
celui de lord-protecteur. Même s'il avait participé
à la signature du mandat d'exécution de Charles I,
Cromwell n'était pas opposé à recevoir le titre de
Son Altesse, amputé du mot «royale», et c'est ainsi
qu'on le décrit dans cette ordonnance. A sa mort,
son troisième fils, Richard, qui avait été formé à
cette fin, lui a succédé comme lord-protecteur,
mais Richard ne s'est pas maintenu longtemps au
pouvoir parce qu'il ne pouvait, comme son père
l'avait fait, contrôler un Parlement récalcitrant;
aussi démissionna-t-il.
A la restauration, le monopole des postes a été
rétabli.
Le préambule de 12 Car. II, c. 35 énonce que la
poste privée a donné lieu à de nombreux
inconvénients.
C'était là la situation à redresser et cette loi a
prévu le redressement.
L'article 1 a établi à Londres un Bureau général
des lettres:
[TRADUCTION] ... d'où toutes les lettres et tous les paquets
quels qu'ils soient peuvent être expédiés avec rapidité et dili
gence dans toutes parties des royaumes d'Angleterre, d'Écosse
et d'Irlande, ou dans tout autre Dominion de Sa Majesté ou
dans tout royaume ou pays au-delà des mers, auxquels bureaux
tous les retours et réponses peuvent être de la même manière
reçus, et qu'un maître dudit bureau général des lettres sera de
temps à autre nommé par Sa Majesté le Roi, ses héritiers et
successeurs pour devenir ou constituer, par lettres patentes
émises sous le Grand Sceau de l'Angleterre le maître-général
des Postes de Sa Majesté.....
Également en vertu de l'article 1, un des maîtres
du Bureau général des lettres devait être nommé
par lettres patentes et désigné comme [TRADUC-
TION] «maître-général des Postes de Sa Majesté»
et, en vertu de l'article 7, [TRADUCTION] «Nulle
personne ... autre que le maître-général des
Postes ... son suppléant et ses suppléants ou man-
dataires ne doit prétendre transporter et livrer des
lettres contre rémunération».
C'est encore une situation de monopole mais,
cette fois, en faveur de la personne désignée par la
Couronne.
L'article 15 exige que, dans l'exécution de ses
fonctions, le maître-général des Postes observe les
règles et directives établies par le Roi.
La fonction de maître-général des postes pouvait
être transmise par voie d'héritage et la Couronne
avait le pouvoir de concéder cette fonction ainsi
que les profits en provenant moyennant les rede-
vances qu'elle estimait appropriées pour [TRADUC-
TION] «l'avantage et le bénéfice du Royaume».
La Loi 12 Car. II, c. 35 a été abrogée par 9
Anne c. 10 et pour la première fois le monopole a
été étendu à toutes les colonies britanniques.
L'article 4 autorise le maître-général des Postes
à tenir un bureau principal des lettres à New York
et [TRADUCTION] «d'autres bureaux principaux à
des endroits appropriés dans chacune des provinces
de Sa Majesté ou de ses colonies en Amérique» et
à nommer des suppléants en nombre suffisant pour
assurer [TRADUCTION] «la gestion, l'ordre, le
recouvrement et l'augmentation du revenu».
Cette loi adoptée sous Anne a établi des tarifs
pour le transport du courrier, dont le paiement
incombait à la personne qui recevait la lettre et
celle-ci pouvait être poursuivie pour non-paiement
du port. A cette époque, la correspondance revêtait
une certaine importance et les destinataires ne
subissaient pas la pollution postale que nous con-
naissons aujourd'hui.
Le maître-général des Postes était tenu de verser
à l'Échiquier la somme de 700 livres par semaine
et de tenir des comptes appropriés. Un tiers de ce
qui dépassait une somme désignée était réservé au
Parlement pour l'usage du public.
Par cette loi, le maître-général des Postes était
tenu d'obéir à- tous les ordres, décisions, directives
et instructions concernant la poste qu'il recevait de
la Couronne.
En 1839, par 2 & 3 Vict., c. 52, le Parlement du
Royaume-Uni a autorisé les lords du Trésor à fixer
les tarifs postaux jusqu'en octobre 1840.
C'est la première fois que les tarifs postaux
pouvaient être fixés par une personne ou entité
autre que le Parlement.
En 1840 était adoptée une loi établissant de
nouveaux tarifs de port payables sur le courrier au
Royaume-Uni. Cela marque un retour à la fixation
des tarifs de port par le Parlement mais, du même
coup, on prévoyait que le maître-général des Postes
pouvait exiger pour le port de lettres à l'intérieur
d'une colonie les frais que les commissaires du
Trésor de Sa Majesté pouvaient fixer par
ordonnance.
En 1844, l'Act for the Better Regulation of
Colonial Posts, 7-8 Vict., c. 49, confirmait le
pouvoir des commissaires du Trésor de fixer les
tarifs de port à l'intérieur d'une colonie et leur
donnait le pouvoir de modifier ces tarifs.
Par 12-13 Victoria c. 66, adopté en 1849, les
législatures coloniales ont reçu le pouvoir d'adop-
ter des lois pour établir un service postal à l'inté-
rieur de la colonie en assumant le contrôle d'un
service postal existant.
Ainsi les colonies pouvaient diriger leur propre
service postal.
C'est ce que la province du Canada a rapide-
ment fait par loi adoptée en 1850 [13-14 Vict. c.
17] qui prévoit:
... que les postes et communications postales intérieures dans
cette province, en autant que cela ne répugnera pas aux actes
du parlement du Royaume-Uni en force en icelle, seront exclu-
sivement sous le contrôle et l'administration du gouvernement
provincial;...
En vertu de cette loi de 1850, le port provincial
sur les lettres ne pouvait excéder 3 «deniers» et, sur
les journaux, le tarif devait demeurer tel qu'il était
jusqu'à ce qu'il soit modifié par règlement établi
en vertu de la Loi. En vertu du règlement, le port
pouvait être diminué mais non augmenté.
Cette loi prévoyait la livraison à domicile; quant
à ce service, le gouverneur en conseil était autorisé
à promulguer des ordonnances et règlements con-
cernant le tarif à payer par les personnes qui
préféraient recevoir leurs lettres et colis à domicile
plutôt qu'aller les réclamer au bureau de poste.
Il s'agissait là à mon avis d'un service fourni par
la poste à des personnes identifiables pour lequel
des frais étaient réclamés.
L'article 9 de cette loi prévoit que le maître-
général des postes provincial «aura seul et exclusi-
vement le privilège de transporter, recevoir,
recueillir, envoyer et remettre des lettres en cette
province».
Cet article répète les dispositions antérieures en
ce sens en des termes presque identiques sauf
quelques variantes dictées par les circonstances et
les termes de cet article ont été repris dans toutes
les lois fédérales subséquentes sauf encore une fois
les variantes que commandaient les circonstances.
L'effet et l'intention sont demeurés les mêmes.
A la Confédération, le Parlement du Canada a
adopté en 1867 une loi intitulée: «Loi pour régler
le Service Postal».
Cette loi a été modifiée et codifiée en 1875 par
une loi intitulée: «Acte pour amender et refondre
les statuts relatifs au Service Postal».
Dans les Statuts revisés de 1886, l'intitulé au
complet a été modifié pour devenir: «Loi concer-
nant le service des postes».
Les Statuts revisés de 1952 et de 1970 emploient
le titre: «Loi concernant la poste au Canada».
A l'article 2, S.C. 1951 c. 57; à l'article 2,
S.R.C. 1952 c. 212 et à l'article 2, S.R.C. 1970 c.
P-14, les expressions «poste au Canada» ou «postes
canadiennes» sont définies comme signifiant «l'ac-
tivité exercée sous la direction et le contrôle du
ministre des Postes». J'ai déjà renvoyé à l'article
2(1) S.R.C. 1970, c. P-14.
L'Acte du Bureau des Postes, 1867 a créé un
ministère des Postes chargé «de la surveillance et
de l'administration du service postal du Canada,
sous la direction d'un maître-général des postes».
Les refontes de 1875, 1886, 1906 et 1927
reprennent les mêmes termes.
Dans la Loi sur les postes, 1951, une légère
modification a été apportée. Le ministre des Postes
a été autorisé à administrer, surveiller et gérer la
poste au Canada.
L'esprit de la loi est le même dans les articles 3
et 4 de la Loi sur les postes, S.R.C. 1952, c. 212 et
les articles 3 et 4 de la Loi sur les postes, S.R.C.
1970, c. P-14.
L'article 32 de la Loi de 1867 a prévu le mono-
pole conféré au ministre des Postes.
Ce monopole a été conservé dans tous les autres
textes de loi pour être repris finalement à l'article
8(1), S.R.C. 1970, c. P-14, que j'ai déjà cité.
A mon avis, ce que le ministre des Postes est
autorisé à fournir en vertu de ce monopole conféré
par la loi, c'est le service offert au public au
Canada, et tout membre de ce public peut utiliser
ce service. C'est une description du service.
L'article 28 de la Loi de 1867 prévoyait que le
port de toute lettre devait être payé au maître-
général des Postes par le destinataire s'il n'avait
pas été acquitté à l'avance par l'expéditeur.
En vertu de la Loi de 1875 et dans la refonte de
1886, c. 7, art. 19, le tarif de 3¢ pour les lettres de
moins d'une demi-once a été établi et on y pré-
voyait le paiement à l'avance par timbre-poste et,
en cas d'insuffisance de ce paiement, le double de
la différence devait être recouvré du destinataire.
L'article 33(2) de la refonte de 1875 fixait un
droit de 2¢ par lettre de 1¢ pour chaque journal ou
pamphlet livré à domicile.
Les mêmes dispositions ont été reprises dans les
refontes de 1886 et de 1906.
Cependant, en vertu de 4 Ed. VII, c. 30, S.C.
1904, le ministre des Postes était autorisé à créer
un système de livraison gratuite par facteur. Lors-
que le système serait établi, aucun frais ne devait
être exigé pour la livraison de lettre. Apparem-
ment, il a fallu plus de deux ans pour mettre au
point le système de livraison à domicile parce que
la refonte de 1906 prévoyait encore des frais pour
ce service.
Depuis l'Acte du Bureau des Postes, 1867, les
lois fédérales concernant le recouvrement et la
gestion du revenu public et la vérification des
comptes publics ont été applicables à la poste et
aux personnes employées dans sa gestion.
Cette revue de l'évolution législative de la poste
confirme la conclusion que j'ai déjà tirée suivant
laquelle la poste fournit un service au sens de ce
mot employé à l'article 13 de la Loi sur l'adminis-
tration financière et a toujours été considérée
comme un service depuis 1645.
L'avocat des demanderesses a soutenu que l'arti-
cle 13 de la Loi sur l'administration financière se
limite à un service ou une installation que «Sa
Majesté fournit ... ou procure». C'est bien le cas.
Mais il poursuit en disant que l'expression «Sa
Majesté» employée dans une loi canadienne, n'en-
globe pas l'expression «ministre des Postes».
Me fondant sur la revue de l'évolution législative
concernant la poste et sur un examen des disposi
tions de la Loi sur les postes présentement en
vigueur, j'estime que cette prétention n'est pas
soutenable.
La Couronne fournit le service postal depuis
1645. J'assimile Oliver Cromwell, à titre de lord-
protecteur, à la Couronne. Il a pris le titre de Son
Altesse mais, dans ce cas précis, il a effectivement
agi par l'intermédiaire du Parlement. Le contrat
de transport de courrier accordé à John Manley
par l'Ordinance of the Interregnum a pu être un
contrat portant sur l'exécution d'un service plutôt
qu'un contrat de service parce que je ne peux y
déceler aucun élément déterminant de contrôle,
même s'il y est déclaré que la fonction de maître
des postes internes et externes devait relever du
pouvoir exclusif du Parlement et même si le Con-
seil d'État a effectivement, par contrat spécial,
cédé et donné à bail lesdites fonctions à John
Manley.
12 Car. II, c. 35 dissipe tout doute possible.
Un des maîtres du Bureau général des lettres a
été nommé par lettres patentes au poste de «Maî-
tre-général des postes de Sa Majesté» et, dans
l'exécution de ses fonctions, il était tenu de se
conformer aux règles et directives que le Roi éta-
blirait de temps à autre. Par conséquent, il était
nettement un préposé de la Couronne et il en
résulte que le service était fourni par la Couronne
par l'intermédiaire de ses préposés.
A mon avis, il n'y a pas eu de changement
depuis cette époque et la même situation prévaut
aujourd'hui.
La prétention de l'avocat des demanderesses
porte essentiellement que c'est le ministre des
Postes et non Sa Majesté qui fournit le service
postal.
L'article 3 de la Loi sur les postes, précité,
établit un ministère du gouvernement du Canada,
appelé ministère des Postes, ayant à sa tête le
ministre des Postes. Le ministre des Communica
tions est le ministre des Postes; il a la gestion et la
direction du ministère des Postes.
L'article 5(1) accorde et confie au ministre des
Postes l'administration et la surveillance de la
poste au Canada. La poste au Canada est définie
comme signifiant l'activité exercée sous la direc
tion et le contrôle du ministre des Postes.
Le ministre des Communications (qui est égale-
ment ministre des Postes) est un ministre de la
Couronne nommé par lettres patentes émises sous
le Grand Sceau.
Dans Jones & Maheux c. Gamache ([1969]
R.C.S. 119) le juge Pigeon, rendant la décision de
la Cour, a conclu que le ministre des Transports
était un «fonctionnaire» de la Couronne au sens de
l'article 29c) de la Loi sur la Cour de l'Échiquier.
A mon avis, cette décision renversait des décisions
antérieures de la Cour de l'Échiquier. On peut
logiquement aller un peu plus loin et conclure que
si un ministre est un fonctionnaire de la Couronne
il en est également un préposé. Plusieurs décisions
vont dans ce sens.
Dans Fraser c. Balfour ([1918] L.J.K.B. 1116)
le lord Chancelier (lord Finlay) a rejeté en Cham-
bre des Lords une action contre le Premier lord de
l'Amirauté.
Il dit à la page 1118:
[TRADUCTION] En ce qui concerne le paragraphe de la
déclaration concernant l'emprisonnement que l'on prétend
injustifié, il est tout à fait clair et bien établi en droit qu'il n'y a
pas de droit d'action contre le chef d'un ministère du gouverne-
ment pour un acte préjudiciable accompli par un fonctionnaire
subalterne. Le rapport de maître à serviteur n'existe pas entre
eux. Tous deux sont au service de la Couronne.
Avant l'introduction de la Loi sur la responsa-
bilité de la Couronne, S.R.C. 1970, c. C-38, la
maxime que «le Roi ne peut mal faire» empêchait
un sujet de poursuivre la Couronne lorsqu'il avait
subi des dommages à la suite de la négligence d'un
préposé de la Couronne.
Pour se soustraire à cette maxime, on a pour-
suivi nombre de fois le ministre des Postes en se
fondant sur la théorie que les employés de la poste
étaient des employés du ministre des Postes, de
sorte que la négligence d'un employé de la poste
pouvait être imputée au ministre des Postes en sa
qualité officielle. La ratio decidendi de ces déci-
sions est qu'un employé de la poste est un préposé
de la Couronne et non un préposé du ministre des
Postes qui est lui-même un préposé de la Cou-
ronne, et que tous deux sont des préposés de la
Couronne.
Dans Lane c. Cotton ([1701] 91 E.R. 1332) on a
jugé qu'un maître-général des Postes n'était pas
responsable envers un sujet de la perte occasionnée
par la faute d'un préposé. Le lord juge en chef
Holt était dissident.
Whitfield c. Lord le Despencer ([1778] 98 E.R.
1344) fait jurisprudence en la matière et contient
un examen revêtu d'autorité de toutes les lois
concernant la poste à partir de l'ordonnance de
Cromwell, 12 Car. II, c. 35, jusqu'aux lois adop-
tées sous le règne d'Anne (que j'ai toutes mention-
nées précédemment).
On a jugé qu'il n'y a pas de droit d'action contre
le maître-général des Postes pour un billet de
banque volé par un des préposés au tri d'une lettre
livrée au bureau de poste.
Lord Mansfield a examiné la question sous
deux aspects: (1) de la façon dont elle se présentait
en 1699 avant l'arrêt Lane c. Cotton (précité) et
(2) de la façon dont elle se présentait après cet
arrêt et ce qui a été fait par suite de cette décision.
Il rapporte [à la page 1349] que: [TRADUC-
TION] «la poste a été mise sur pied pendant l'usur-
pation, par une ordonnance de Cromwell, et par la
suite elle a été réglementée plus à fond par la loi
12 Car. 2, c. 35». Lane c. Cotton fut la première
action intentée en vertu de l'ordonnance ou de la
loi. Cette action n'était pas une réclamation contre
le «fonds» comme on l'a fait valoir dans Whitfield
c. Lord le Despencer. (Par réclamation contre le
«fonds» je comprends une réclamation contre le
«revenu».) Lord Mansfield dit plutôt qu'il s'agissait
d'une réclamation contre le maître de poste per-
sonnellement, fondée sur une négligence résultant
de ses propres actes, ou par interprétation, de la
faute de son préposé. Si le fonds était de la nature
d'une police d'assurance qui assurerait tout usager
de la poste contre les pertes par vol ou négligence,
les pertes que représente cet événement seraient
prélevées sur le fonds et une action intentée contre
les bonnes personnes serait accueillie, mais ici la
Loi du Parlement a affecté la totalité du revenu.
Donc, si une perte est payée, elle doit constituer un
poste de dépense et ce poste doit figurer dans
l'affectation.
Commentant l'opinion dissidente du lord juge en
chef Holt, lord Mansfield, après avoir dit que
l'action se fondait sur la prétention que le maître
de poste, comme conséquence du salaire qu'il rece-
vait, était responsable de tous les dommages qui
peuvent survenir, qu'ils soient dus à la négligence
ou à la malhonnêteté des personnes qu'il emploie
pour faire fonctionner le bureau, a ajouté ceci [à la
page 1349]:
[TRADUCTION] Mais le raisonnement du lord juge en chef
Holt, qui a différé d'opinion dans Lane c. Cotton, ne va pas
aussi loin; en effet, il voit une distinction entre le cas d'une
lettre perdue dans le bureau par un préposé du maître de poste
et celui d'une perte survenue sur la route ou à l'occasion d'un
vol de courrier après que la lettre est bien ressortie du bureau.
L'opinion émise par le lord juge en chef Holt dans cette affaire
se fonde sur la comparaison qu'il établit entre la situation du
maître de poste et celle du voiturier public ou du capitaine d'un
navire qui accepte des marchandises à bord en contrepartie
d'un fret. Sauf le respect qui sied à une si belle opinion, la
comparaison entre un maître de poste et un voiturier ou le
capitaine d'un navire ne tient aucunement selon moi. Le maître
de poste n'a aucun engagement, ne passe aucun contrat, ne
transporte aucune marchandise et n'exploite aucun commerce.
En revanche, la poste est une division du revenu et de la police,
créée par une loi du Parlement. A titre de division du revenu, il
lui échoit des recettes importantes; mais le public tire aussi de
ce fonds beaucoup plus de bénéfices et d'avantages.—A titre de
division de la police, elle place (à de rares exceptions près)
toute la correspondance du Royaume sous la responsabilité du
gouvernement et elle en confie la gestion et la direction à la
Couronne et aux employés nommés par la Couronne. Il n'y a
donc pas d'analogie entre un maître de poste et un voiturier.—
La division du revenu et la division de la police doivent être
dirigées par des employés différents. Le supérieur nomme les
employés subalternes; mais ils fournissent caution à la
Couronne.
Commentant ce passage, mon collègue le juge
Mahoney dans La Fédération canadienne de l'en-
treprise indépendante c. La Reine ([1974] 2 C.F.
443,à la page 450) dit, dans une note en bas de
page:
Il est évident que le mot «police» est utilisé dans son sens le
plus ancien englobant le concept de gouvernement organisé ou
d'administration civile.
Plus loin, lord Mansfield dit [à la page 1350]:
[TRADUCTION] Quant à une action contre la partie qui a
réellement causé le préjudice (en l'espèce le préposé au tri), il
ne peut y avoir de doute; .... Il en est de même du maître de
poste pour toute faute personnelle. Ici, aucune négligence per-
sonnelle n'est imputée aux défendeurs et l'action n'est pas
fondée sur ce motif; elle est uniquement fondée sur une négli-
gence par interprétation de l'acte accompli par leurs préposés.
Pour réussir, il faut donc démontrer qu'il s'agit d'une perte que
doit supporter le maître de poste, ce qui n'est certainement pas
le cas. Passons maintenant à l'argument fondé sur le salaire que
touchent les défendeurs. En matière de revenu et de police
relevant d'une loi du Parlement, le salaire attaché au poste vise
uniquement à payer les efforts que comporte l'exécution du
travail. Le cas d'un maître de poste n'est donc en aucune
manière analogue à celui d'un voiturier; le maître de poste est
comme tous les autres fonctionnaires publics, comme les lords
commissaires du Trésor, les commissaires des Douanes et Acci-
ses, les vérificateurs de l'Échiquier, etc. que l'on n'a jamais cru
responsables de la négligence ou de l'inconduite des fonction-
naires subalternes de leurs différents ministères.
Il ne fait aucun doute qu'en vertu de la Loi sur
les postes actuelle, le revenu tiré de l'exploitation
de la poste est un revenu de la Couronne. Cela
ressort de façon évidente de la disposition de l'Acte
du Bureau des Postes, 1867 concernant l'obliga-
tion de rendre compte qui a été reprise systémati-
quement dans toutes les lois subséquentes y com-
pris les Statuts revisés du Canada de 1970.
A la suite des commentaires de lord Mansfield
concernant la responsabilité possible du fonds que
l'on avait soulevée devant lui et portant qu'un
préposé des postes est personnellement responsable
de sa négligence (y compris le ministre des Postes),
il est intéressant de noter que, sans doute à la suite
de ces considérations, les alinéas 1) et s) de l'arti-
cle 5 de la Loi sur les postes donnent au ministre
des Postes le pouvoir de:
s. ...
1) établir et maintenir une caisse provenant de sommes
reçues des employés de la poste et payer, sur la caisse, les
pertes subies par suite du manquement ou de la négligence de
tout employé de la poste, ou entrepreneur de transport postal,
dans l'exécution de ses fonctions à l'égard de toute matière
relative aux postes canadiennes;
s) payer, sur les recettes postales, les pertes résultant de
l'incendie, du vol ou d'un faux; ...
L'alinéa 1) envisage un fonds d'assurance consti-
tué des contributions des employés de la poste pour
protéger un employé des effets d'une poursuite
réussie contre lui pour une faute qu'il aurait
commise.
Puisque le revenu de la poste est un revenu de la
Couronne et a été ainsi affecté, l'alinéa s) consti-
tue un poste exempté de cette affectation.
A mon avis, la décision rendue dans Whitfield c.
Lord le Despencer est une source autorisée qui
permet de dire que le ministre des Postes est un
préposé de la Couronne et que les employés du
ministère des Postes sont également des préposés
de la Couronne et non du ministre des Postes et
cette proposition a toujours été suivie dans les
décisions subséquentes.
Dans Bainbridge c. Postmaster General ([1906]
1 K.B. 178) qui porte sur la situation du ministre
des Postes agissant à ce titre, le Maître des rôles
Collins, à la page 187, résume ainsi qu'il suit les
jugements de la majorité dans Lane c. Cotton:
[TRADUCTION] Le juge Gould qui est le premier à exprimer
son avis dit à la page 648 du recueil: «Si cette action se fonde
sur quelque chose, ce doit être sur un contrat exprès ou tacite;
mais ici on ne retrouve ni l'un ni l'autre, La sécurité du tri
repose sur la réputation de solvabilité du bureau que l'on
retrouve dans la Loi. Breese» (le délinquant) «est un employé au
même titre que les défendeurs, mais ceux-ci sont des fonction-
naires supérieurs. Mais Breese est l'employé du Roi, et s'il
existe un contrat c'est entre le demandeur et Breese; c'est ce qui
ressort de la Loi qui assigne différentes fonctions à tous et fait
confiance à tous. Ils se rapprochent donc d'un groupe d'em-
ployés agissant à différents titres; et chacun ne répond que de
lui-même, l'un ne répondant pas des actes de l'autre comme
dans le cas du doyen d'un chapitre, 1 Edward V., 5a. Si les
défendeurs étaient décédés, Breese serait demeuré un employé;
son poste et ses fonctions sont donc attachés à sa personne et il
n'est pas un fondé de pouvoirs des défendeurs.» Puis, à la p. 650
du recueil, le juge Powys dit: »Les défendeurs n'ont pas le
pouvoir de diriger le bureau à leur discrétion; ils sont soumis au
contrôle du Roi et du Trésor. Parce que les employés subalter-
nes sont des serviteurs du Roi, et non des défendeurs, leur
salaire leur étant versé par prélèvement sur le revenu des
postes, et puisqu'ils fournissent caution au Roi, il n'est pas
logique que les défendeurs doivent répondre des actes des
employés subalternes.» Le juge Turton a formulé une opinion
dans le même sens d'où il résulte que, puisqu'il n'y a pas de
rapport de maître à serviteur, ou de mandant à mandataire,
entre un employé subalterne de la Couronne et son supérieur,
on a conclu que l'employé supérieur n'était pas responsable de
l'acte qu'avait accompli l'employé subalterne dans cette affaire;
et le même principe s'applique, que la réclamation ait un
fondement délictuel ou contractuel. Étant tous également des
serviteurs de la Couronne, ils ne sont pas serviteurs les uns les
autres.
La dernière phrase est particulièrement impor-
tante, savoir: [TRADUCTION] «Étant tous égale-
ment des serviteurs de la Couronne, ils ne sont pas
serviteurs les uns les autres.»
Dans Postmaster General c. Robertson ((1878)
41 U.C.Q.B. 375) le juge Morrison, dans ses
motifs de jugement auxquels ont souscrit le juge en
chef Harrison et le juge Wilson, dit à la page 377:
[TRADUCTION] de ne vois rien qui me permette de conclure,
comme le soutiennent les défendeurs, que le maître-général des
postes en sa qualité officielle ne peut devenir cessionnaire d'un
droit d'action pour le bénéfice de la Couronne qu'il représente
dans l'exercice des devoirs et fonctions de sa charge. [C'est moi
qui souligne.]
Dans Treifus & Co., Ltd. c. Post Office ([1957]
2 All E.R. 387), le lord juge Parker dit à la page
394:
[TRADUCTION] Il est évident que le ministre des Postes est dans
une situation tout à fait différente d'un simple particulier. Il est
responsable envers la Couronne du fonctionnement d'un service
public et, incidemment, d'un monopole. Les sommes que verse
le public constituent un revenu.
Dans Renvoi relatif à l'application de la Mini
mum Wage Act de la Saskatchewan â un employé
d'un bureau de poste à commission ([1948]
R.C.S. 248) le litige portait sur la question de
savoir si les dispositions de la Minimum Wage Act
de la Saskatchewan étaient applicables à une per-
sonne, Leo Fleming, qui avait été temporairement
au service de Mme Graham, la maîtresse de poste à
Maple Creek (Saskatchewan), et que la Commis
sion du service civil avait nommé pour l'aider dans
la manutention de l'abondant courrier de Noël. Si
Leo Fleming était une personne «employée à des
opérations de la poste au Canada» alors la loi de la
Saskatchewan concernant le salaire minimum ne
lui était pas applicable.
Le juge Taschereau dit à la page 257:
[TRADUCTION] Il est reconnu que Fleming a été nommé
adjoint et payé par M" 1 e Graham, mais je ne crois que cela
puisse avoir une importance sur le litige. Bien qu'il ait été
rémunéré de cette façon, il demeure que Fleming faisait partie
du «service des Postes». Il faisait partie de l'organisme créé par
le Parlement pour manutentionner le courrier et il était égale-
ment, comme le dit l'article 2c) de la Loi «une personne
employée à des opérations». ... Le fait qu'il ait été payé par
Mme Graham ne change pas la nature des fonctions qu'il était
appelé à exécuter. ... Le mode de paiement adopté en l'espèce
est une question d'administration interne et le rapport contrac-
tuel de l'emploi de Fleming ne signifie pas qu'il n'était pas un
«employé des postes du Canada».
Le juge Rand (donnant son propre avis et celui
du juge Locke) dit à la page 262:
[TRADUCTION] Si la maîtresse de poste n'avait pas fait partie
du service civil mais avait conclu un contrat en vertu duquel on
pourrait dire que le travail postal à Maple Creek lui avait été
cédé à bail à titre d'entrepreneur indépendant, il se pourrait que
toute personne appelée à l'aider ait été engagée à son service.
Mais ici elle agit à titre d'employée du gouvernement; et
comme elle ne s'est pas engagée à exécuter personnellement
tout le travail postal à Maple Creek, on ne peut dire que
l'adjoint l'aide à faire son propre travail. Quand l'adjoint est
embauché, le rapport contractuel limité qui existe entre la
maîtresse de poste et lui-même est complété par celui de son
autorité dans le bureau de poste; il devient un employé de la
Couronne à toutes fins, sauf pour ce qui est de la rémunération
et du manquement à ses engagements. [C'est moi qui souligne.]
Le juge Rand ajoute à la page 263:
[TRADUCTION] Dans la présente espèce, la maîtresse de poste
ne dirige aucune entreprise ou service qui lui soit propre dont
l'employé fait ou peut faire partie;
Le juge Kellock dit à la page 266:
[TRADUCTION] A mon avis, il est évident qu'en vertu de ces
dispositions législatives, une personne embauchée comme l'a été
Fleming, devient un préposé de la Couronne. Le fait qu'il ait
été payé directement par la maîtresse de poste, bien que ce soit
indirectement par la Couronne, ne change pas son statut de
préposé direct de la Couronne soumis à son contrôle.
Lane c. Cotton date de 1701 et Whitfield c.
Lord le Despençer de 1778. Ces décisions valent
toujours et ont été suivies depuis. Elles portent
qu'un employé de la poste est un préposé de la
Couronne et non du ministre des Postes qui lui-
même est un préposé de la Couronne et, par
conséquent, il n'y a pas de rapport entre le préposé
et le ministre des Postes, le seul rapport existant
étant avec la Couronne elle-même, tous deux étant
des préposés de la Couronne.
Une jurisprudence ininterrompue de quelque
278 ans conforme à des principes bien établis ne
peut être mise de côté, encore moins par moi qui
suis lié par cette jurisprudence.
Je conclus donc, me fondant sur l'examen et
l'analyse qui précède
(1) des dispositions de la Loi sur les postes, S.R.C. 1970, c.
P-14;
(2) de l'évolution législative concernant la création et l'ex-
ploitation de la poste; et
(3) des arrêts auxquels j'ai fait référence;
que le service postal a toujours été un service et un
service fourni par la Couronne depuis l'époque de
Charles II.
Ceci étant, il en résulte que le service postal
entre dans le cadre des premiers mots de l'article
13 de la Loi sur l'administration financière à titre
de service ou de commodité fournis par Sa Majesté
à toute personne au Canada et que les demande-
resses ne peuvent prétendre le contraire.
Cela ne clôt pas la question.
L'avocat des demanderesses a soutenu que les
dispositions de la Loi sur les postes, particulière-
ment ses articles 10 et 11 qui prescrivent expressé-
ment des tarifs de port applicables aux lettres,
journaux et périodiques, doivent l'emporter sur
l'article 13 de la Loi sur l'administration finan-
cière, sur le décret C.P. 1978-883 adopté par le
gouverneur en conseil le 23 mars 1978 en vertu de
l'article 13b) de la Loi sur l'administration finan-
cière et sur les modifications DORS/78-297 et
DORS/78-298 apportées au Règlement sur les
envois postaux intérieurs de première classe et au
Règlement sur les objets de la deuxième classe
par le ministre des Postes le 29 mars 1978 en
application du décret C.P. 1978-883.
Pour ce faire l'avocat des demanderesses men-
tionne et invoque des principes bien connus appli-
cables à la validité des lois et à leur interprétation.
J'accepte d'emblée ces principes.
Cependant, je dois résoudre le problème de l'ap-
plication de ces principes à l'affaire dont je suis
saisi.
Suivant le premier principe cité par l'avocat des
demanderesses, le Parlement du Canada, dans le
champ de sa compétence législative, constitue l'au-
torité suprême. Le Parlement a le droit de chan-
ger, modifier et abroger les lois existantes. Sous
réserve des limites exposées à l'Acte de l'A.N.B., il
n'y a pas de loi que le Parlement ne puisse adopter
ou abroger.
Il découle de ce principe qu'un parlement anté-
rieur ne peut lier un parlement subséquent. Ainsi,
tout parlement subséquent peut abroger la Décla-
ration canadienne des droits, qui n'est qu'une loi,
la Loi sur les langues officielles, l'abolition de la
peine capitale et d'autres lois du même genre de
même que toute autre loi. Si par exemple une loi
disposait qu'il sera illégal d'abroger cette loi ou de
l'abroger avant un certain nombre d'années, cette
disposition serait nulle et sans aucun effet.
Comme autre conséquence de cette prémisse
incontestable, nous retrouvons la règle fondamen-
tale suivant laquelle les lois subséquentes abrogent
les lois antérieures qui leur sont incompatibles ou
qui viennent en conflit avec elles. Les tribunaux se
sont efforcés d'interpréter les textes émanant du
Parlement de manière à éviter l'incompatibilité et
à éviter ainsi l'abrogation implicite de la loi anté-
rieure avec laquelle la loi subséquente vient en
conflit.
L'avocat des demanderesses a signalé que l'arti-
cle 13 de la Loi sur l'administration financière
dans sa forme actuelle a été adopté par l'article 6,
S.C. 1968-69, c. 27, qui a reçu la sanction royale le
28 mars 1969. Le 28 mars 1969 est donc la date
réelle d'entrée en vigueur de l'article 13.
L'article 10 de la Loi sur les postes, S.R.C.
1952 a été abrogé et remplacé par l'article 10
actuel en vertu de l'article 3, S.C. 1970-71-72, c.
53. Cette loi a reçu la sanction royale le 30 juin
1971.
L'article 11, tel qu'il se lisait dans les S.R.C.
1952 a été abrogé et remplacé par l'article 4, S.C.
1968-69, c. 5, qui a reçu la sanction royale le 31
octobre 1968.
Par conséquent, l'avocat des demanderesses sou-
tient que, puisque l'article 13 de la Loi sur l'admi-
nistration financière est entré en vigueur le 28
mars 1969 et que l'article 10 de la Loi sur les
postes est entré en vigueur le 30 juin 1971, cet
article 10 de la Loi sur les postes étant postérieur,
doit l'emporter sur l'article moins récent de la Loi
sur l'administration financière, et ce en vertu de la
maxime leges posteriores priores contrarias abro-
gant, qui signifie simplement que les lois postérieu-
res abrogent les lois antérieures qui sont en sens
contraire.
Il ne fait pas valoir d'argument analogue concer-
nant l'article 11 de la Loi sur les postes parce que
l'article 11 est entré en vigueur le 31 octobre 1968
tandis que l'article 13 de la Loi sur l'administra-
tion financière est entré en vigueur le 28 mars
1969. Ainsi, suivant la prétention de l'avocat quant
à l'application de la maxime qu'il invoque, l'in-
verse serait vrai quant à l'article 11 de la Loi sur
les postes, et l'article 13 de la Loi sur l'adminis-
tration financière devrait prévaloir, puisqu'il lui est
postérieur.
Mais la prétention concernant l'article 10 de la
Loi sur les postes, ainsi que la même application
de la maxime à l'article 11 de la Loi qui n'a pas
été invoquée, doit se fonder sur la proposition que,
si l'article 10 de la Loi sur les postes constitue le
droit plus récent et, réciproquement, si l'article 13
de la Loi sur l'administration financière est posté-
rieur à l'article 11 de la Loi sur les postes, l'article
10 de la Loi sur les postes est contraire à l'article
13 de la Loi sur l'administration financière qui
lui-même est contraire à l'article 11 de la Loi sur
les postes.
L'avocat des demanderesses a fourni une solu
tion qui, prétend-il, doit prévaloir. Elle est basée
sur les efforts déployés par les tribunaux pour
interpréter les lois de manière à éviter l'incompati-
bilité et éviter ainsi l'abrogation implicite de la loi
antérieure par la loi subséquente. Suivant sa solu
tion, les mots «nonobstant les dispositions de toute
loi» que l'on trouve à l'article 13b) de la Loi sur
l'administration financière devraient se lire
«nonobstant les dispositions de toute loi en vigueur
au moment de l'adoption de l'article 13b)», c'est-à-
dire qu'il faudrait insérer les mots «en vigueur au
moment de l'adoption de l'article 13b)».
Il ne faut jamais favoriser l'abrogation par inter-
prétation et, lorsque l'abrogation n'est pas
expresse, il incombe à celui qui prétend qu'il y a
abrogation implicite de démontrer que les deux
textes ne peuvent coexister.
Suivant la «Règle d'or» de lord Wensleydale, on
ne peut modifier le sens grammatical et ordinaire
si ce n'est pour éviter une absurdité, une contradic
tion ou une incompatibilité, mais la grande règle
souveraine consiste à s'attacher le plus possible au
sens littéral des mots.
On peut suppléer aux omissions évidentes par
interprétation, mais en aucun autre cas les tribu-
naux ne peuvent suppléer aux déficiences du légis-
lateur. Une cour de justice ne devrait pas suppléer
à une omission car elle se ferait alors législateur.
On ne devrait pas conclure, par interprétation, à
une omission si ce n'est en cas d'absolue nécessité.
Pour ma part, j'estime nécessaire de ne pas
insérer dans les textes de loi des mots qui n'y sont
pas. En l'espèce, je ne vois aucune absolue néces-
sité de ce faire et, par conséquent, je refuse la
solution offerte par l'avocat des demanderesses et
accepte l'article 13b) de la Loi tel qu'il est.
Commentant la façon dont la première question
du mémoire spécial est formulée, j'ai indiqué qu'il
n'y avait aucun doute que la Loi sur les postes et
la Loi sur l'administration financière relèvent de
la compétence législative du Parlement. Elles ne
sont pas en conflit. Et il n'y a pas conflit entre la
Loi sur les postes et le décret C.P. 1978-883.
L'article 10 de la Loi sur les postes fixe un tarif
pour le courrier de première classe tandis que
l'article 13 de la Loi sur l'administration finan-
cière permet au gouverneur en conseil d'autoriser
un ministre à prescrire un droit pour un service
fourni par la Couronne. L'article 11 de la Loi sur
les postes fixe un tarif de port pour les journaux et
périodiques canadiens.
L'article 13b) de la Loi sur l'administration
financière autorise le gouverneur en conseil à fixer
un tarif pour des services fournis par la Couronne
«nonobstant les dispositions de toute loi concernant
ce service».
C'est à mon avis la loi habilitante sur laquelle
est fondé le décret C.P. 1978-883. Je n'ai pas
oublié la prétention des demanderesses suivant
laquelle le décret est ultra vires; j'examinerai cette
prétention un peu plus loin.
Si je comprends bien, il y a conflit entre les
articles 10 et 11 de la Loi sur les postes et les
modifications apportées aux règlements postaux
établis par le ministre des Postes en application du
décret haussant les tarifs de port sur le courrier de
première et de deuxième classe.
Le décret qui modifie le tarif du courrier de
première classe mentionne expressément que le
ministre des Postes agit en vertu du décret du
conseil et, en ce qui concerne les lettres de plus de
16 onces, qu'il agit en vertu de l'article 6 de la Loi
sur les postes. De même, la modification apportée
au tarif de port des objets de deuxième classe se
veut également faite en application du décret et de
l'article 6 de la Loi sur les postes.
Les modifications aux règlements disposent:
6. Nonobstant l'article 10 de la Loi sur les postes, le tarif de
port applicable à chaque lettre postée au Canada pour livraison
au Canada ...
suivent les augmentations de tarifs, et
1. Nonobstant l'article 11 de la Loi sur les postes, les tarifs de
port applicables aux journaux et périodiques canadiens trans-
missibles par la poste au Canada...
suivent les tarifs.
On se rappellera que dans l'évolution législative
de la Loi sur les postes et de la Loi sur l'adminis-
tration financière, nous avons vu que l'article 13
de la Loi sur l'administration financière a été
adopté par le chapitre F-10 des S.R.C. 1970 et que
les Statuts revisés du Canada sont entrés en
vigueur et ont eu force de loi le 15 juillet 1971 en
vertu de la proclamation en date du 24 juin 1971.
L'article 10 de la Loi sur les postes a été
modifié par le chapitre 53 des Statuts du Canada
de 1970-71-72. Cette modification a été reprise
dans l'article 3 de la Loi modifiant la Loi sur les
postes, chapitre 23 du 2 e Supplément des S.R.C.
1970 qui, en vertu d'une proclamation en date du
14 juin 1972, sont entrés en vigueur et ont eu force
de loi le 1" août 1972, mais qu'en vertu de la
disposition précise de l'article 8(2) du chapitre 53
des Statuts du Canada de 1970-71-72, il a pris
effet le jour où les Statuts revisés du Canada sont
entrés en vigueur, c'est-à-dire le 15 juillet 1971.
Par conséquent, les articles 10 et 11 de la Loi
sur les postes et l'article 13 de la Loi sur l'admi-
nistration financière sont tous entrés en vigueur le
même jour, c'est-à-dire le 15 juillet 1971.
Les Statuts revisés ne doivent pas être tenus
pour exécutoires à titre de lois nouvelles mais ils
doivent être interprétés et avoir effet à titre de
codification et comme texte énonciatif de la loi
telle qu'elle se trouvait dans les lois abrogées (voir
l'article 9, S.C. 1964-65, c. 48, appendice aux
S.R.C. 1970, p. ix).
Ainsi, le Parlement a formulé le droit concer-
nant la Loi sur les postes et la Loi sur l'adminis-
tration financière, le même jour.
Par conséquent, la maxime leges posteriores
priores contrarias abrogant n'est pas applicable
aux articles 10 et 11 de la Loi sur les postes ni à
l'article 13 de la Loi sur l'administration finan-
cière et les demanderesses ne peuvent s'en préva-
loir. Au contraire, la maxime semblerait bénéficier
au défendeur parce que le décret et les modifica
tions apportées par le ministre des Postes sont
postérieurs aux articles 10 et 11 de la Loi sur les
postes.
L'avocat des demanderesses a également sou-
tenu que les articles 10 et 11 de la Loi sur les
postes sont des articles spéciaux traitant d'objets
spéciaux contenus dans une loi particulière tandis
que l'article 13 de la Loi sur l'administration
financière est un article de portée générale. Il
invoque la maxime «Generalia specialibus non
derogantn qui signifie que les choses de portée
générale ne s'écartent pas des choses de portée
particulière.
Une règle fondamentale de l'interprétation des
lois veut qu'une loi subséquente rédigée en des
termes généraux ne doive pas être interprétée de
manière à abroger une loi antérieure de portée
particulière si elle ne renvoie pas expressément au
texte antérieur sur le sujet ou s'il n'est pas néces-
sairement impossible que les deux lois puissent
coexister. La même règle s'applique à un article de
portée particulière et à un article de portée géné-
rale d'une même loi et, à mon avis, elle s'applique
également à des lois de la même époque.
L'application de la règle repose essentiellement
sur l'impossibilité que les deux lois puissent coexis-
ter. Dans les circonstances du présent mémoire
spécial, je suis d'avis que la règle doit être étendue
pour comprendre les textes réglementaires établis
par délégation et sous-délégation de pouvoir légis-
latif en application de l'article 13 de la Loi sur
l'administration financière parce que c'est dans les
règlements modifiés établis par le ministre des
Postes que réside l'incompatibilité avec les articles
10 et 11 de la Loi sur les postes.
Cela étant, la maxime generalia specialibus non
derogant ne s'applique pas parce que les règle-
ments postaux modifiés et les articles 10 et 11 de
la Loi sur les postes ont des degrés identiques de
spécificité. Ces deux groupes de textes législatifs
visent des objets identiques et établissent un tarif
de port pour le courrier de première et de
deuxième classe.
Ces dispositions ne peuvent certainement pas
coexister. Elles sont mutuellement incompatibles
et l'une doit laisser la place à l'autre.
Le problème est de savoir laquelle doit prévaloir
et, comme je l'ai dit au début en examinant la
méthode à adopter pour résoudre ce problème, il
s'agit d'une question d'interprétation des lois et
particulièrement du sens évident à attribuer aux
mots employés à l'article 13 de la Loi sur l'admi-
nistration financière. Pour ce faire, les deux maxi-
mes invoquées par l'avocat des demanderesses ne
sont d'aucune aide pour les motifs que j'ai
exprimés.
L'avocat des demanderesses a également sou-
tenu que l'article 13 de la Loi sur l'administration
financière n'est pas applicable parce qu'il dispose:
lorsqu'un service est fourni et que le gouverneur en
conseil estime que la totalité ou une partie du coût
devrait être supportée par celui qui en est le desti-
nataire, et qu'en vertu de la Loi sur les postes, la
totalité ou une partie de ce coût est recouvrée.
Suivant sa prétention, l'article 13 ne serait applica
ble que si le service avait été gratuit ou en l'ab-
sence de quelque droit imposé par ailleurs. Compte
tenu du fait que les articles 10 et 11 de la Loi sur
les postes imposent déjà un droit, on ne peut pas
dire que la poste ne recouvre pas une partie du
coût ou même peut-être la totalité du coût. L'er-
reur dans ce raisonnement est que le mot «ou»,
entre les mots «la totalité» et une «partie du coût»,
est employé dans son sens disjonctif. Cela signifie
que lorsque le gouverneur en conseil arrive à sa
conclusion, alors, soit la «totalité» soit une «partie
du coût» peut être recouvrée. A cela s'ajoute égale-
ment une règle d'interprétation suivant laquelle le
plus grand inclut le plus petit. Par conséquent, le
gouverneur en conseil peut conclure qu'une partie
encore plus grande du coût devrait être recouvrée
jusqu'à concurrence de la totalité du coût. On n'a
pas fourni de preuve quant au coût du service
fourni. Il se peut fort bien que la totalité du coût
ait pu être recouvrée en vertu de l'ancien taux
moins élevé mais qu'il y ait eu une escalade des
coûts dans l'intervalle. C'est ce qu'envisage et
permet le libellé de l'article 13 et le même raison-
nement est applicable à une partie du coût. Une loi
parle toujours au présent et est par conséquent
applicable aux faits tels qu'ils sont actuellement.
Je ne pense pas non plus, vu le sens évident des
mots de l'article 13, que l'article doive se limiter
au cas où la loi en vertu de laquelle ce service est
fourni ne prescrit aucun droit.
Pour ces motifs je n'accepte pas cette prétention.
Comme je l'ai dit précédemment dans un autre
contexte, la clé de la solution d'un conflit entre
deux lois ou dispositions de ces lois, dont une est de
portée particulière et l'autre de portée générale,
repose sur la doctrine bien connue suivant laquelle
la disposition générale n'abroge pas la disposition
antérieure si on n'y retrouve pas une intention
évidente de l'abroger.
C'est la règle exprimée par le lord Chancelier
Selborne dans l'arrêt Seward c. «Vera Cruz»
([1884] 10 A.C. 59) auquel se sont référés les
avocats des deux parties.
Les règles générales applicables aux dispositions
législatives de portée particulière et de portée
générale sont très claires, la seule difficulté réside
dans leur application.
En de nombreux cas, lorsqu'il y a contradiction
entre des dispositions législatives qu'il faut réconci-
lier si possible, on a souvent recours au procédé qui
consiste à modifier le sens grammatical et ordi-
naire en réduisant le champ ou la portée des mots
de sens général, en choisissant entre des significa
tions subsidiaires, en ignorant des mots et(ou) en
introduisant des mots.
Un exemple de ce procédé mentionné en dernier
lieu est celui qu'a formulé l'avocat des demande-
resses lorsqu'il a prétendu que l'article 13b) de la
Loi sur l'administration financière pouvait trouver
son sens si on y ajoutait les mots pour indiquer que
les mots «nonobstant les dispositions de toute loi»
devraient s'appliquer seulement aux lois existant à
l'époque de l'adoption de l'article 13b). Je m'y suis
refusé pour les motifs déjà exprimés et, plus parti-
culièrement, l'article 10 de la Loi de l'interpréta-
tion, S.R.C. 1970, c. I-23, dispose que la loi parle
toujours et que lorsqu'une chose est exprimée au
présent, il faut l'appliquer aux circonstances au fur
et à mesure qu'elles surgissent.
Ainsi, dans le présent mémoire spécial, l'article
13b) de la Loi sur l'administration financière,
emploie le présent et est par conséquent applicable
au moment où le gouverneur en conseil autorise le
ministre des Postes à prescrire des tarifs postaux
par règlement et au moment où le ministre des
Postes prescrit en fait le tarif de port.
Revenant au redressement de la contradiction
entre les dispositions législatives, l'introduction des
mots «sous réserve des dispositions de toute loi
concernant ce service» au début de l'article 13a) de
la Loi sur l'administration financière et des mots
«nonobstant les dispositions de toute loi concernant
ce service» à l'article 13b) de cette loi, est une
indication claire que le Parlement voulait que le
pouvoir ainsi conféré soit exercé de manière à
supplanter et rendre inopérants les mots précis
d'une autre loi, en l'espèce les articles 10 et 11 de
la Loi sur les postes.
Voilà le sens évident de ces mots. Ce n'est que
lorsque des mots employés dans une loi sont ambi-
gus qu'il faut avoir recours aux règles fondamenta-
les d'interprétation des lois. Elles ne sont que des
auxiliaires à l'interprétation et on ne doit y avoir
recours qu'en cas d'ambiguïté.
Par l'emploi des mots «nonobstant les disposi
tions de toute autre loi» à l'article 136) de la Loi
sur l'administration financière, le Parlement a
supprimé tout conflit parce que, vu le sens évident
et non ambigu de ces mots utilisés pour la concor
dance, l'article 13b) de la Loi sur l'administration
financière doit avoir préséance sur les articles 10 et
11 de la Loi sur les postes.
En fait, le Parlement a prévu deux moyens de
hausser les tarifs de port. L'article 6d) de la Loi
sur les postes dans sa forme modifiée est d'appli-
cation limitée. Il prévoit que le ministre des Postes
peut établir le tarif de port sur toute classe d'objets
transmissibles, y compris les lettres, pour laquelle
un tarif n'est pas prévu dans la Loi sur les postes.
L'article 11 épuise ce pouvoir concernant les jour-
naux et périodiques canadiens et l'article 10 épuise
ce pouvoir sauf en ce qui concerne les lettres de
plus de 16 onces.
Il existe deux moyens de hausser les tarifs de
port: (1) le Parlement pourrait modifier les articles
1D et 11 de la Loi sur les postes de manière à
établir des tarifs plus élevés, et (2) le Parlement a
prévu à l'article 13 de la Loi sur l'administration
financière que le gouverneur en conseil peut, par
décret, autoriser le ministre des Postes à faire de
même.
Les deux moyens sont disponibles, le second
étant sanctionné par le Parlement pour réaliser le
même objectif. On a adopté le second moyen et il a
été adopté avec l'approbation du Parlement parce
que c'est le Parlement qui l'a rendu accessible.
L'avocat des demanderesses a soutenu qu'une
interprétation de l'article 13 de la Loi sur l'admi-
nistration financière qui en ferait le fondement de
l'établissement de tarifs postaux est déraisonnable,
absurde ou illogique.
Une abondante jurisprudence établit que lorsque
les termes d'une loi sont clairs et non ambigus il
faut les interpréter dans leur sens ordinaire, même
si cela peut conduire à une absurdité, à une contra
diction ou à une injustice manifestes.
Dans les Commentaires de Blackstone, on dit à
la page 91, [TRADUCTION] «Si le Parlement
adopte effectivement une loi en vue de faire une
chose qui n'est pas raisonnable, je ne connais
aucune autorité, dans les formes ordinaires de la
constitution, qui soit revêtue du pouvoir de le
contrôler.»
Il n'appartient certainement pas à la division
judiciaire du gouvernement d'exercer ce contrôle.
Blackstone continue comme suit à la page 91:
[TRADUCTION] ... lorsque l'objet principal d'une loi est dérai-
sonnable, il [n']est [pas] loisible au juge de le rejeter, car ce
serait placer le pouvoir judiciaire au-dessus du pouvoir législa-
tif, ce qui, dans tout gouvernement, serait de la subversion.
L'argument avancé à l'appui de la prétention
que cette interprétation est déraisonnable et illogi-
que est que si en conformité d'une loi un droit doit
être fixé, le gouverneur en conseil doit alors s'atta-
quer à la tâche en vertu de l'article 13a) de la Loi
sur l'administration financière, mais s'il faut fixer
un droit qui abroge une échelle tarifaire établie
par la loi, on peut alors, en vertu de l'article 13b),
confier la tâche à un ministre seul.
Que cela soit contraire à la raison ou à la
logique ou que cela ne le soit pas, c'est précisément
ce que le Parlement a autorisé à l'article 13 de la
Loi sur l'administration financière en des termes
clairs et non équivoques.
On a aussi laissé entendre que la sous-délégation
de pouvoir législatif du gouverneur en conseil au
ministre des Postes en vertu de l'article 13b) de la
Loi sur l'administration financière prévoyant que
«... mais sous réserve et en conformité des modali-
tés que peut spécifier le gouverneur en conseil», est
mauvaise parce qu'aucune modalité n'a été
spécifiée.
La réponse complète à cette objection se situe
dans l'emploi du mot «peut». Son emploi implique
un pouvoir discrétionnaire. Le gouverneur en con-
seil pouvait, s'il l'avait jugé nécessaire, imposer des
modalités, mais il ne l'a pas fait. Au contraire,
dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire que lui
accorde l'article, aucune modalité n'a été imposée
et le gouverneur en conseil a délégué au ministre
des Postes, comme il était autorisé à le faire, un
pouvoir discrétionnaire complet.
Ces derniers arguments sont, à mon avis, une
répétition de ceux avancés contre l'empiétement de
la législation par voie de règlement sur la supréma-
tie du Parlement et contre l'érosion de cette supré-
matie par des invasions bureaucratiques, des mani
festations du «nouveau despotisme» qu'a décrié feu
lord Hewart, juge en chef de l'Angleterre, dans son
essai intitulé «The New Despotism» publié en
1929.
Lord Hewart a bien dit que la méthode par
laquelle le Parlement délègue ses pouvoirs de légi-
férer était nécessaire dans certaines limites, au
moins en ce qui concerne des matières de détails,
parce qu'il est impossible, ne fût-ce que par
manque de temps, au Parlement d'examiner de
manière adéquate et détailler toutes les affaires
qui demandent, ou sont censées demander, une
intervention législative.
Lord Hewart n'avait aucune objection aux
règlements qui ne doivent avoir d'effet que s'ils
sont approuvés par le Parlement, mais il n'en a pas
moins déploré catégoriquement et condamné éner-
giquement le pouvoir d'établir, à l'insu du Parle-
ment, des pouvoirs qui ont l'effet de lois qui
entrent en vigueur sans la sanction, ni même la
connaissance du Parlement, et il s'est également
opposé à ce que ce pouvoir soit attribué à un
ministre seul.
En substance, voilà comment j'interprète cette
objection fondamentale aux modifications présen-
tement en cause apportées par le ministre des
Postes aux règlements postaux haussant les tarifs
de port. On y est arrivé dans le passé par la voie de
modifications apportées aux articles appropriés de
la Loi sur les postes qui fixent les tarifs de port,
lesquelles modifications ont été présentées au Par-
lement et, suivant le présent argument, il devrait
continuer à en être de même.
Les juges de Sa Majesté n'ont pas le pouvoir de
donner un avis ou de critiquer les mesures du
Parlement, mais l'on peut dire que si le Parlement,
dans sa sagesse, estime que des mesures législati-
ves touchant les tarifs de port devraient relever
exclusivement du Parlement lui-même et ne pas
faire l'objet d'un règlement, le recours se trouve
alors auprès du Parlement, par le truchement de
ses différentes institutions comme les réunions pré-
liminaires, les comités permanents, la période des
questions et ainsi de suite.
A des fins de commodité, je répète les deux
questions posées dans le mémoire spécial. Elles
demandent si:
(1) les modifications apportées au Règlement sur les envois
postaux intérieurs de première classe par DORS/78-297 et
les modifications apportées au Règlement sur les objets de la
deuxième classe par DORS/78-298 sont nulles parce que
non autorisées par la Loi sur les postes, S.R.C. 1970, c. P-14;
et
(2) le décret C.P. 1978-883, promulgué par le gouverneur en
conseil le 23 mars 1978 et portant l'enregistrement
TR/78-60 est ultra vires du gouverneur en conseil.
Pour les motifs exprimés, ces deux questions
reçoivent une réponse négative. L'action des
demanderesses est donc rejetée avec dépens.
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