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A-403-77
Rawle Ramkissoon (Requérant) c.
Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra- tion (Intimé)
Cour d'appel, les juges Heald et Urie et le juge suppléant MacKay—Toronto, le 24 novembre; Ottawa, le 13 décembre 1977.
Examen judiciaire Immigration Ordonnance d'expul- sion exécutée par le départ volontaire du requérant avant que la Commission d'appel de l'immigration entende l'appel Retour du requérant après le rejet de l'appel Seconde ordonnance d'expulsion La Commission d'appel de l'immi- gration a rejeté la requête visant à obtenir l'autorisation de déposer un appel contre la seconde ordonnance d'expulsion et une requête visant la réouverture et la réaudition du premier appel Demande d'examen judiciaire Loi sur l'immigra- tion, S.R.C. 1970, c. I-2, art. 2, 18, 35 Loi sur la Commis sion d'appel de l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-3, art. 15 dans sa forme modifiée par S.C. 1973-74, c. 27, art. 6 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 » Supp.), c. 10, art. 28.
Le requérant; qui a fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion parce que déclaré coupable au criminel, a volontairement quitté le Canada avant que la Commission d'appel de l'immigration entende et rejette son appel. Quelque temps après cette déci- sion, le requérant est revenu au Canada et une ordonnance d'expulsion a, encore une fois, été délivrée contre lui au motif qu'il avait fait l'objet d'une première ordonnance d'expulsion. Le requérant a, en premier lieu, déposé une requête auprès de la Commission d'appel de l'immigration en vue du dépôt d'un appel contre la seconde ordonnance d'expulsion et a ultérieure- ment déposé une autre requête pour faire reprendre et entendre à nouveau l'appel contre la première ordonnance d'expulsion. La présente demande sollicite l'examen et l'annulation de la décision de la Commission de rejeter les deux requêtes.
Arrêt: la demande est rejetée. Le sens ordinaire du mot anglais removal n'est pas étroit au point d'empêcher une per- sonne de «se transporter» elle-même du Canada «à l'endroit d'où elle est venue au Canada». «Remove» est notamment défini dans The Shorter Oxford English Dictionary comme «s'en aller ou partir d'un endroit» et «changer son lieu de résidence». Ces deux définitions peuvent inclure un acte positif volontaire de la part de la personne concernée. Le «transport» du Canada à Trinidad par le requérant s'est effectué lorsque le requérant est volontai- rement retourné à Trinidad, et l'effet de ce «transport» a été d'«exécuter» la première ordonnance d'expulsion. Le requérant, par conséquent, a été privé de son droit d'interjeter appel contre la première ordonnance d'expulsion en vertu de la compétence d'équité de la Commission, car l'article 15 ne confère aucune compétence lorsque l'ordonnance d'expulsion a été exécutée. Pour ce qui est de la seconde ordonnance d'expulsion, les motifs donnés dans Ali c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, page 277 (supra), s'appliquent.
Arrêts appliqués: Grillas c. Le Ministre de la Main-d'oeu- vre et de l'Immigration [1972] R.C.S. 577; Ali c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration [1978] 2 C.F. 277.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
J. Lockyer pour le requérant.
K. Braid pour l'intimé. PROCUREURS:
Charles C. Roach, Toronto, pour le requé- rant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Le 15 janvier 1973, le requé- rant, un citoyen de Trinidad, a obtenu le statut d'immigrant reçu au Canada. Le 14 février 1974, il a fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion (la première ordonnance d'expulsion) parce qu'il était une personne visée par l'article 18(1)e)(ii) de la Loi sur l'immigration, ayant été reconnu coupable d'une infraction en vertu du Code criminel, et également du fait qu'il était une personne visée par l'article 18(1)e)(iii) de la Loi sur l'immigration, étant un détenu dans une maison de correction. Le requérant a interjeté appel contre la première ordonnance d'expulsion auprès de la Commission d'appel de l'immigration et l'audition a eu lieu à Toronto le 17 novembre 1975, en l'absence du requérant ainsi que de son conseiller, le révérend John Robson. Le 16 mars 1975, le requérant avait volontairement quitté le Canada pour assister aux funérailles d'un proche parent et n'était pas revenu. Par une ordonnance rendue le 8 décembre 1975, la Commission d'appel de l'immigration a rejeté l'appel du requérant. Aux environs du 13 mars 1976, le requérant est revenu au Canada et, le 19 novembre 1976, a fait l'objet d'une ordon- nance d'expulsion (la seconde ordonnance d'expul- sion) du fait qu'il était une personne visée par l'article 18(1)e)(ix) de la Loi sur l'immigration, étant revenu au Canada après l'émission de l'or- donnance d'expulsion, sans que l'appel contre cette ordonnance ait été admis ou sans avoir obtenu l'autorisation du Ministre. Donc, d'après l'opinion de l'enquêteur spécial, le requérant était passible d'expulsion conformément à l'article 35 de la Loi sur l'immigration'.
' 35. Sauf lorsqu'un appel d'une telle ordonnance est admis, une personne contre qui une ordonnance d'expulsion a été rendue et qui est expulsée ou quitte le Canada, ne doit pas subséquemment être admise dans ce pays, ou il ne doit pas lui être permis d'y demeurer, sans le consentement du Ministre.
Le 15 mars 1977, le requérant a déposé une requête auprès de la Commission d'appel de l'im- migration pour obtenir une ordonnance autorisant le dépôt d'un appel contre la seconde ordonnance d'expulsion. Pour appuyer cette demande, il a pré- senté un affidavit établissant qu'il ignorait l'exis- tence de son droit d'appel. Cette requête a été entendue par la Commission d'appel de l'immigra- tion et elle a été renvoyée jusqu'au 11 mai 1977. Le 6 mai 1977, le requérant a déposé une autre requête auprès de la Commission d'appel de l'im- migration pour faire reprendre et entendre à nou- veau l'appel du 17 novembre 1975 contre la pre- mière ordonnance d'expulsion. Le 11 mai 1977, la Commission d'appel de l'immigration a entendu ces deux requêtes, qu'elle a rejetées par jugement prononcé le 13 mai 1977. La Commission a rendu les motifs de ce jugement le 6 juin 1977.
Cette demande en vertu de l'article 28 sollicite de la Cour la révision et l'annulation du jugement de la Commission d'appel de l'immigration pro- noncé le 13 mai 1977 concernant les deux requêtes mentionnées précédemment.
Traitant d'abord de la seconde ordonnance d'ex- pulsion, je rejetterai la demande en vertu de l'arti- cle 28 concernant cette ordonnance pour les mêmes motifs que j'ai donnés dans Ali c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra- tions. A mon avis, ces motifs ont la même valeur pour les faits en l'espèce en autant que la seconde ordonnance d'expulsion est en cause.
Je passe maintenant à la requête présentée à la Commission d'appel de l'immigration pour faire reprendre et entendre à nouveau l'appel du 17 novembre 1975 contre la première ordonnance d'expulsion. La Commission d'appel de l'immigra- tion a jugé que, vu le retour volontaire du requé- rant à Trinidad au cours du mois de mars 1975, celui-ci avait en fait exécuté sa propre ordonnance d'expulsion et que, pour ce motif, elle n'était pas compétente pour reprendre l'appel du requérant. La Commission a exprimé l'opinion que, bien que
2 Voir à la page 277 précitée.
la Cour suprême du Canada ait décidé, à la majo- rité, dans l'affaire Grillas' que la Commission était compétente pour reprendre un appel sur la base d'une nouvelle preuve ayant rapport avec sa compétence d'équité en vertu de l'article 15 de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration, cette compétence, étant une compétence qui se prolonge dans le temps, prenait fin dès l'exécution de l'ordonnance d'expulsion. La Commission, pour appuyer cette opinion, a cité les motifs que le juge Abbott a rendus en son propre nom et celui du juge Judson, il a déclaré à la page 582:
Pour les mêmes motifs que ceux qu'énonce mon collègue le Juge Martland, je suis d'avis que jusqu'à l'exécution effective de l'ordonnance d'expulsion, la Commission a le pouvoir, comme elle l'a fait dans ce cas-ci, de reprendre un appel, d'entendre une nouvelle preuve, et, si elle le juge à propos, de réviser la décision qu'elle a déjà rendue et d'exercer le pouvoir discrétionnaire qu'elle possède en vertu de l'art. 15 d'autoriser un appelant à demeurer au Canada.
Devant la présente cour, l'avocat du requérant a prétendu que les remarques précitées du juge Abbott n'ont pas été partagées par la majorité de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Grillas (supra) et qu'elles ne liaient donc pas la présente cour. En outre l'avocat a prétendu que même si ces observations avaient force obligatoire, elles ne s'appliquaient pas aux faits en l'espèce parce que, le requérant ayant quitté volontairement le Canada pour assister à des funérailles, son départ n'était pas une «exécution de l'ordonnance d'expul- sion». Il a ajouté qu'une ordonnance d'expulsion ne peut être «exécutée» que par les autorités du minis- tère de l'Immigration et, pour appuyer cette opi nion, il a renvoyé à l'article 2 de la Loi sur l'immigration qui définit ordonnance d'expulsion comme suit:
«expulsion» signifie le transport, selon la présente loi, d'une personne d'un endroit au Canada à l'endroit d'où elle est venue au Canada, ou au pays de sa nationalité ou citoyen- neté, ou au pays de sa naissance, ou à tel pays que le Ministre peut approuver en vertu de la présente loi, suivant le cas;
L'avocat a prétendu que le mot «removal» employé dans le texte anglais de cette définition implique clairement le transport par le ministère de l'Immigration.
'Grillas c. Le Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immi- gration [1972] R.C.S. 577.
Avec tout le respect voulu, je ne crois pas que le sens ordinaire du mot «removal» donné par les dictionnaires de langue anglaise soit étroit au point d'empêcher une personne de «se transporter» elle- même du Canada «à l'endroit d'où elle est venue au Canada» ce qui s'est exactement produit en l'espèce. «Remove» est notamment défini dans The Shorter Oxford English Dictionary comme [TRA- DUCTION] «s'en aller ou partir d'un endroit» et [TRADUCTION] «changer son lieu de résidence». Ces deux définitions peuvent inclure un acte positif volontaire de la part de la personne concernée. Donc, à mon avis, d'après les faits de l'espèce, le «transport» du Canada à Trinidad par le requérant s'est effectué le 16 mars 1975 et l'effet de ce «transport» a été d'«exécuter» la première ordon- nance d'expulsion. En conséquence, il me semble que son départ volontaire du Canada a eu comme effet juridique de le priver de son droit d'interjeter appel contre la première ordonnance d'expulsion en vertu de la compétence d'équité de la Commis sion prévue à l'article 15. Je suis arrivé à cette conclusion après avoir examiné en détail les pou- voirs accordés à la Commission en vertu des diffé- rents paragraphes de l'article 15. Le paragraphe (1) accorde cette compétence d'équité après que la Commission a rejeté un appel formé contre une ordonnance d'expulsion et accorde à la Commis sion, dans certaines circonstances, le pouvoir de surseoir à l'exécution de l'ordonnance d'expulsion, d'annuler l'ordonnance ou encore d'annuler l'or- donnance et d'accorder le droit d'entrée ou de débarquement. Le paragraphe (2) vise également les cas la Commission a ordonné de surseoir à l'exécution d'une ordonnance d'expulsion. Le para- graphe (3) accorde à la Commission le pouvoir de modifier les conditions de la suspension ou de l'annuler. Le paragraphe (4) accorde à la Commis sion le pouvoir d'annuler l'ordonnance d'expulsion ayant fait l'objet d'une suspension et, dans certains cas, d'annuler l'ordonnance de suspension et de décréter que soit accordé le droit d'entrée ou de débarquement. Nulle part dans les dispositions de l'article 15 il n'est accordé à la Commission le pouvoir de prendre des mesures lorsque l'ordon- nance d'expulsion a été exécutée. Tous les pouvoirs accordés à la Commission en vertu de l'article 15 se rapportent à des mesures possibles avant l'exé- cution de l'ordonnance d'expulsion.
En conséquence, et pour les motifs exposés pré- cédemment, j'appuie la décision de la Commission d'appel de l'immigration suivant laquelle elle n'avait plus compétence pour reprendre l'audition concernant la première ordonnance d'expulsion.
En ce qui concerne la requête pour reprendre et entendre de nouveau l'appel contre la première ordonnance d'expulsion, la demande en vertu de l'article 28 doit donc également être rejetée.
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LE JUGE URIE y a souscrit.
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LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY y a souscrit.
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