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T-340-76
The Clarkson Company Limited, syndic des biens et de l'entreprise de la Compagnie de Systèmes et d'Équipement Rapid Data Limitée (Demande- resse)
C.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Dubé— Toronto, le 18 octobre; Ottawa, le 31 octobre 1977.
Couronne Impôt La défenderesse a compensé les drawbacks réclamés par la demanderesse au titre de droits de douane et de taxes d'accise payés, par une dette de la deman- deresse au titre d'impôts exigibles Drawbacks relatifs à des opérations effectuées avant et après la nomination du syndic Les réclamations de drawbacks relatives à des opérations effectuées après la nomination du syndic peuvent-elles faire l'objet de compensation? Loi sur l'administration finan- cière, S.R.C. 1970, c. F-10, art. 95 Règlement général sur les taxes de vente et d'accise, DORS/72-61, art. 8 Règle- ment sur les drawbacks relatifs aux marchandises importées et exportées, DORS/73-97, art. 3 Décret de remise visant les marchandises surannées ou excédentaires, TR/74-34, art. 3.
La demanderesse, nommée syndic à titre privé d'une compa- gnie après que le défaut de paiement d'une débenture ait stabilisé une garantie flottante, a présenté des réclamations de drawbacks se montant à $231,291.90 pour des droits de doua- nes et des taxes d'accise payés lors d'opérations survenues avant et après sa nomination. La défenderesse a compensé ce montant par des dettes de la compagnie. La demanderesse allègue que $91,348.23 du total des drawbacks, relatifs à des opérations postérieures à sa nomination comme syndic, ne peuvent pas être compensés par des dettes de la compagnie. Le litige consiste à déterminer si la défenderesse peut compenser des drawbacks par des crédits nés après la mise sous séquestre.
Arrêt: l'action est rejetée. Avant la stabilisation de la garan- tie flottante et la nomination de la demanderesse, la compagnie avait le droit de recouvrer les droits déjà payés, en cas de renvoi ou de destruction des marchandises, et la défenderesse avait le droit de lui réclamer des impôts. Il y avait deux dettes, et chacune d'elles était due par l'une des parties à l'autre. Le fait que le droit au remboursement n'a été exercé qu'après la nomination du syndic n'est pas un obstacle à la compensation d'une dette par l'autre, en ce qui concerne les relations entre les deux parties. Cependant, la situation aurait été tout à fait différente si toutes les opérations—l'importation des marchan- dises, le paiement des droits, et le renvoi ou destruction des marchandises—avaient été effectuées après la stabilisation. Le fait que le syndic n'a pas été nommé par le tribunal n'a aucune importance, pas plus que la prise de connaissance d'une garan- tie flottante.
ACTION.
AVOCATS:
Terence M. Dolan pour la demanderesse. Katharine F. Braid pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Harries, Houser, Toronto, pour la demande- resse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE DUBÉ: La question à résoudre dans la présente affaire consiste à déterminer si la défen- deresse peut compenser les drawbacks réclamés par la demanderesse par une dette encourue par Rapid Data Systems & Equipment Limited à titre d'impôt sur le revenu et de taxe d'accise et échue antérieurement à la nomination de la demande- resse comme syndic, ladite dette n'ayant aucune relation avec lesdits drawbacks.
En application de la Règle 475, les deux parties se sont mises d'accord pour exposer la question sous forme d'un mémoire spécial. De l'exposé con joint, on peut extraire les faits suivants, pertinents dans l'espèce:
En exécution d'une obligation en date du 18 septembre 1973, «Rapid Data», compagnie établie en Ontario et fabriquant des calculatrices électro- niques, a consenti une garantie flottante sur tous les éléments de son actif au profit de la Banque de Montréal. Rapid Data n'ayant pas payé à l'échéance, la «Banque» a nommé la demanderesse syndic le 1 er mars 1974.
A la date de la présente, Rapid Data doit à la défenderesse la somme totale de $231,341.97, dont $154,662.28 titre de taxe d'accise et de pénalité et $76,679.69 titre d'impôt sur le revenu. Cette dette n'a aucune relation avec la somme versée à titre de droits de douane et de taxes d'accise qui fait l'objet de la présente action.
En septembre 1974, la demanderesse remit à la défenderesse 15 réclamations de drawbacks relati ves à des opérations effectuées entre le 15 octobre 1972 et le 26 août 1974. Lesdites réclamations ont été approuvées par la défenderesse pour un mon- tant total net de $231,291.90 dont $139,943.67 dus par suite d'opérations exécutées avant le Zef mars
1974, et $91,348.23 postérieurement à cette date.
La défenderesse a compensé le montant total de $231,291.90 par la somme due par Rapid Data. La demanderesse allègue que le montant de $91,348.23 relatif à des opérations effectuées pos- térieurement au 1" mars 1974, date à laquelle elle fut nommée syndic, ne pourrait être compensé par la dette de Rapid Data, car il s'agit de réclama- tions faites par la demanderesse relativement à des opérations exécutées en sa qualité de syndic. Voilà la question à résoudre.
La demanderesse soutient que la nomination d'un syndic ne dissout pas la compagnie, mais supplante celle-ci et la prive de tout droit de conclure des contrats et d'aliéner les biens mis sous le contrôle du syndic. Il a renvoyé à une décision rendue par la Chambre des Lords en 1911, Moss Steamship Co. c. Whinney', et plus spécialement à la déclaration faite par le lord Chancelier à la page 259:
[TRADUCTION] Je conviens avec le lord juge Fletcher Moul- ton que la compagnie subsistait en tant que telle et que ses activités étaient encore menées par M. Whinney, mais celui-ci n'agissait pas à titre d'agent de la compagnie. Il remplaçait celle-ci, et les transactions par lui effectuées relativement à l'ancienne entreprise étaient ses propres transactions, desquelles il était personnellement responsable. Il était en vérité un fidu- ciaire, et les propriétaires de navire ont traité avec le fiduciaire. Il peut certainement y avoir des cas le syndic est, à tous égards, l'agent de la compagnie, et on peut alors se demander jusqu'où va son autorité. Mais dans l'espèce il n'était pas un agent, et l'avis notifié aux propriétaires de navire qu'il était le syndic suffisait à le leur faire comprendre.
La demanderesse soutient que, ayant été nommé syndic à titre privé par la Banque de Montréal, elle a agi à certains égards comme agent de Rapid Data, et à certains autres dans l'intérêt des obliga- taires (la Banque). Dans Ostrander c. Niagara Helicopters Ltd. 2 , le juge Stark s'est ainsi pro- noncé à la page 286:
[TRADUCTION] J'aurais pu statuer autrement si j'étais arrivé à la conclusion que Bawden, en tant que syndic, avait agi en qualité de fiduciaire. Je suis convaincu que tel n'était pas le cas. Son rôle était celui d'agent pour le compte d'un créancier hypothécaire en possession. Son emploi était destiné à protéger la garantie des obligataires .... Une distinction très nette doit être faite entre les devoirs et obligations d'un syndic, tel que Bawden, qui a été nommé en vertu des clauses contractuelles d'une hypothèque, et les devoirs et obligations d'un syndic
' [1912] A.C. 254.
2 (1973) 1 O.R. (2e) 281.
judiciaire, désigné par la Cour, dont l'autorité provient exclusi- vement de cette nomination et des directives données par la Cour. Dans le dernier cas, il est un agent de la Cour et il a très certainement la qualité de fiduciaire relativement à toutes les parties engagées dans le procès.
Il est ainsi allégué que la demanderesse, agissant à titre de syndic, a exercé l'entreprise, non pas au profit de Rapid Data, mais pour le compte de la Banque, afin d'accroître la réalisation de l'actif. La demanderesse a soutenu que, lorsqu'une dette est née au cours d'une transaction avec le syndic, la partie impliquée dans la transaction est liée avec ce dernier et ne peut pas compenser une dette contractée envers elle par la compagnie sous séquestre par une somme qui n'a avec elle aucune relation. Elle a cité plusieurs opinions à l'appui de sa thèse.
Dans Parsons c. Sovereign Bank of Canada 3 , le lord Chancelier vicomte Haldane s'est ainsi exprimé à la page 166:
[TRADUCTION] Dans le présent appel, la question se pose de savoir si la prétention des appelants de compenser les domma- ges subis est justifiée. La réponse à cette question dépend de la capacité des appelants d'établir que les marchandises leur ont été livrées en vertu des anciens contrats avec la compagnie, et non pas en vertu des nouveaux contrats conclus avec les syndics et administrateurs; car, sur ce dernier fondement, la dette cédée ne serait pas une dette envers la compagnie, et elle pourrait être cédée libre de toute réclamation de dommages-intérêts pour rupture de contrats par la compagnie.
Dans United Steel Corporation Ltd. c. Turnbull Elevator of Canada Ltd. 4 , les parties étaient d'ac- cord sur les faits et demandaient à la Cour de trancher une question de droit. Le juge de pre- mière instance a répondu par la négative à la question suivante:
[TRADUCTION] Le défendeur a-t-il le droit de compenser une dette de $18,397.66 qu'il doit au demandeur par une somme de $15,213.98 représentant une créance qui lui a été cédée par Hamilton Gear and Machine Company?
Le jugement a été confirmé en appel et le juge en chef d'Ontario Gale s'est ainsi exprimé à la page 494:
[TRADUCTION] La compensation est possible seulement au cas où, premièrement, il y a deux dettes, et où, secondement, les deux parties sont mutuellement liées par ces deux dettes. De l'avis du juge Osler, il n'y a pas réciprocité entre les dettes contractées mutuellement par United Steel et Turnbull Eleva tor, au moins antérieurement au 2 juillet 1965. Sur le fonde- ment de la décision majoritaire de la Cour d'appel britannique
3 [1913] A.C. 160.
4 (1973) 34 D.L.R. (3°) 492, la p. 493.
dans N. W. Robbie & Co., Ltd. c. Witney Warehouse Co., Ltd. [1963] 3 All E.R. 613, que nous trouvons préférable aux conclusions de la minorité, nous sommes d'avis que le savant juge avait raison de conclure qu'il n'y avait pas réciprocité.
La demanderesse soutient que, lors de la nomi nation d'un syndic en vertu des clauses de l'obliga- tion, la garantie flottante joue et le créancier obligataire devient propriétaire des biens grevés par ladite garantie.
Dans Business Computers Ltd. c. Anglo-Afri- can Leasing Ltd. 5 le juge Templeman a ainsi cité le lord juge Edmund Davies [dans George Barker
(Transport) Ltd. c. Eynon, infra] à la page 745:
[TRADUCTION] La garantie flottante est mobile et elle grève la propriété jusqu'au moment un événement survient et la stabilise pour la transformer en un privilège spécifique .... La nomination d'un syndic est l'un des événements susceptibles de causer cette stabilisation .... Relativement aux créanciers obligataires, la nomination du syndic a pour effet de transfor mer la cession inachevée constituée par l'obligation en une cession complète en équité des éléments de l'actif soumis audit privilège, au profit des créanciers obligataires ....
D'autre part, la défenderesse soutient que son droit à compensation contre Rapid Data provient de créances existantes au moment de la désigna- tion du syndic. Le privilège de la Banque n'était pas encore fixé au moment de la naissance de. ces créances. Conformément aux modalités de l'obli- gation, la demanderesse est l'agent de Rapid Data. La dernière phrase du premier paragraphe de l'ar- ticle 8 de l'acte d'obligation est ainsi libellée:
[TRADUCTION] Dans l'exercice de l'un quelconque de ses'pou- voirs, l'administrateur doit agir comme agent de la compagnie et la Banque n'est pas responsable de ses actions.
La phrase a manifestement été insérée pour protéger la Banque, mais on ne peut permettre que celle-ci gagne sur tous les tableaux.
La défenderesse allègue que les revendications sont relatives à des drawbacks et à la remise de droits de douane et de taxes d'accise remboursa- bles par suite de l'exportation ou de la destruction, par la demanderesse, de marchandises importées par Rapid Data, et pour lesquelles celle-ci a payé des droits. Tout droit de Rapid Data sur tout drawback ou toute remise de droits de douane et de taxes d'accise serait soumis au droit de compen sation de la défenderesse. Lorsqu'elle devient syndic, donc agent de Rapid Data, la demande- resse acquiert le droit de réclamer à la défende-
s [1977] 2 All E.R. 741.
resse des drawbacks et des remises lors de l'accom- plissement de certains actes. Au moment même il est acquis, ce droit est soumis à celui de la défenderesse d'opérer des compensations. Dans Business Computers (supra), le juge Templeman s'est ainsi exprimé à la page 745:
[TRADUCTION] A l'égard de ces deux dettes réciproques, un droit de compensation existait au profit des défendeurs anté- rieurement à la réception de l'avis de cession aux créanciers obligataires: voir Hanak c. Green [1958] 2 Q.B. 9, à la p. 23. Ce droit de compensation est opposable aux créanciers obligataires.
En d'autres termes, la défenderesse soutient que Rapid Data était sa débitrice au moment de la nomination du syndic. Au cours de l'exercice de l'entreprise de Rapid Data, le syndic, à titre d'agent de cette dernière, a fait des réclamations de drawbacks et de remises. Lesdites réclamations sont sujettes aux créances préexistantes. La défen- deresse se fonde sur George Barker (Transport) Ltd. c. Eynon 6 , le lord juge Edmund Davies s'est ainsi exprimé aux pages 467 et 468:
[TRADUCTION] La nomination du syndic par les créanciers obligataires a eu pour effet de transformer la cession incom- plète constituée par l'accord de 1970 en une cession achevée en équité, à leur profit, de l'actif grevé de privilège et des droits de la compagnie: Biggerstaff c. Rowatt's Wharf Ltd. [1896] 2 Ch. 93; N. W. Robbie & Co. Ltd. c. Witney Warehouse Co. Ltd. [1963] 1 W.L.R. 1324. Elle a eu également pour effet, à la fois par suite de la clause 6 de l'accord et de la loi, de transformer le syndic, le 31 août 1971, en agent de la compagnie et non des créanciers obligataires. Sous la direction et le contrôle du syndic, la compagnie continuait à gérer son actif. En vertu de son devoir de continuer l'entreprise pour ne pas perdre l'acha- landage, le syndic doit exécuter les contrats conclus par la compagnie antérieurement à sa nomination ou il sera passible de dommages-intérêts en cas de refus injustifiés: voir la juris prudence convenablement compilée dans Buckley on the Com panies Acts, 13° édition (1957), page 244. Et comme la cession des droits de la compagnie était faite sous réserve des droits déjà reconnus par celle-ci à des tierces parties par des contrats commerciaux ordinaires, le syndic et les créanciers obligataires n'étaient nullement exonérés, par suite de la nomination dudit syndic, des engagements pris par la compagnie antérieurement à la conclusion des contrats.
Dans Rother Iron Works Ltd. c. Canterbury Precision Engineers Ltd.', la compagnie demande- resse avait signé une obligation hypothécaire con- tenant une garantie flottante en faveur de la banque. Au 4 octobre 1971, la demanderesse était
6 [1974] 1 W.L.R. 462. [1973] 1 All E.R. 394.
redevable envers les défendeurs d'une somme de £124 pour des marchandises vendues et livrées. Au cours des jours suivants, elle s'engagea à vendre des marchandises aux défendeurs pour un prix total de £159. Le 21 octobre, avant l'exécution du contrat, la banque nomma un syndic, ce qui stabi- lisa la garantie flottante; et les marchandises furent livrées aux défendeurs en novembre. Le syndic a allégué que les défendeurs n'avaient pas le droit d'opérer des compensations relativement à la dette de £124, puisque celle-ci était née de la livraison des marchandises, après la stabilisation de la garantie flottante. La Cour a conclu que les défendeurs avaient le droit d'opérer des compensa tions. Le lord juge Russell s'est ainsi exprimé à la
page 396:
[TRADUCTION] Dans la présente affaire, nous ne sommes pas en présence d'une situation la demande reconvention- nelle, à laquelle on cherche à opposer la compensation, survient ou a été déposée par les défendeurs après la stabilisation de la garantie. Il ne s'agit pas non plus d'une réclamation faite par le syndic contre les défendeurs en vertu d'un contrat conclu par lui postérieurement à sa nomination; car manifestement la livraison des marchandises a été faite en vertu d'un contrat conclu par la compagnie demanderesse avant ladite nomination. Il n'y a pas non plus de considérations spéciales qui auraient pu provenir d'une liquidation de la compagnie demanderesse. Les faits sont, tout simplement, comme ils ont été énoncés.
A mon avis, le raisonnement des défendeurs a plus de valeur. Il est vrai que le droit de la compagnie demanderesse de poursuivre le recouvrement de la dette de la compagnie défen- deresse était englobé, au moment même ce droit est né, dans la charge de l'obligation. Mais s'il en était ainsi parce que les droits incorporels nés du contrat furent soumis au privilège par suite de la nomination du syndic, l'obligataire ne pouvait pas être en meilleure position pour affirmer lesdits droits que ne l'aurait été la compagnie demanderesse cédante elle-même.
Et c'est justement l'argument ultime de la défenderesse: la demanderesse ne peut pas être en meilleure position, pour réclamer des drawbacks et des remises contre la défenderesse, que Rapid Data ne l'était au moment de la nomination de l'administrateur.
Dans N. W. Robbie & Co., Ltd. c. Witney Warehouse Co., Ltd. 8 , le tribunal a décidé qu'il n'y a pas réciprocité, donc pas de droit de compensa tion, mais la créance en question survint après la nomination du syndic. Le lord juge Sellers s'est ainsi exprimé à la page 616:
8 [1963] 3 All E.R. 613.
[TRADUCTION] Je pense qu'il faut décider que l'obligation fait de chaque créance née après la nomination du syndic un droit incorporel des demandeurs, soumis à une garantie d'équité en faveur de la banque à titre de créancier obligataire. Les deman- deurs ont allégué cette conséquence, et le lord juge RUSSELL l'a traitée et développée dans son jugement auquel je souscris et dont je reprends avec gratitude le raisonnement. L'absence de réciprocité entre les deux dettes ne permet pas d'opposer la compensation.
Dans Biggerstaff c. Rowatt's Wharf Limited», une affaire de chancellerie datant de 1896, «A» s'était engagé à vendre à «H» 7,000 barils, et «H» en avait payé le prix. «A» est ensuite tombé dans une situation difficile et ne pouvait livrer 4,000 des 7,000. Un syndic fut nommé, au moment même «H» avait à payer des arrérages de loyer à «A». Le tribunal a statué que «H» avait le droit d'opérer des compensations entre les arrérages de loyer et le prix des barils non livrés. Le lord juge Kay s'est ainsi prononcé à la page 105:
[TRADUCTION] Il a été ensuite soutenu que ladite réclama- tion n'était pas opposable aux créanciers obligataires, lesquels jouiraient d'un privilège sur tous les biens de la compagnie, dans la mesure Harvey, Brand & Co. était au courant de ladite obligation. Il est vrai qu'aucune compensation n'est opposable à un cessionnaire, relativement à une dette née après notification de la cession à la personne réclamant ladite com pensation. Mais cette règle est-elle opposable aux obligations qui nous concernent ici? L'avocat ne s'est pas aventuré aussi loin, mais a affirmé qu'il n'y avait pas droit à compensation puisque avant le 30 octobre 1894, aucune action n'avait été intentée pour affirmer un tel droit. Je ne suis pas d'accord sur ce point. Je pense que si un droit implicite lors de la compensa tion existait au moment même de la cession, on peut faire valoir ce droit après la cession, car celle-ci est effectuée sous réserve de tous les droits existants.
Dans l'espèce, la chaîne des événements a com- mencé par l'importation des marchandises par Rapid Data. Lorsque celle-ci versait des droits de douane relativement à ces importations, lesdits droits étaient recouvrables (jusqu'à concurrence de 99 p. 100) sous l'empire de la Loi sur la taxe d'accise'°, de la Loi sur l'administration financière" et de tous les règlements pris en appli cation desdites lois.
L'article 8 du Règlement général sur les taxes de vente et d'accise 12 est ainsi libellé:
9 [1896] 2 Ch. 93.
10 S.R.C. 1970, c. E-13. " S.R.C. 1970, c. F-10. 12 DORS/72-61.
8. Lorsque des marchandises à l'égard desquelles la taxe de vente ou la taxe d'accise a été payée en vertu de la Loi sont exportées sans avoir été utilisées au Canada, les taxes ainsi payées peuvent être remboursées ou être déduites des taxes qui deviendront payables, si,
L'article 3 du Règlement sur les drawbacks relatifs aux marchandises importées et exportées 13 est ainsi libellé:
3. Sous réserve du présent règlement, le Ministre autorise le paiement à l'exportateur ou à l'importateur d'un drawback de quatre-vingt-dix-neuf pour cent des droits de douane et des taxes d'accise payés sur des marchandises importées qui sont exportées et
L'article 3 du Décret de remise visant les mar- chandises surannées ou excédentaires" est ainsi libellé:
3. (1) Sous réserve des articles 6 et 7, par les présentes est accordée une remise de quatre-vingt-dix-neuf pour cent de tous les droits de douane et de toutes les taxes d'accise payés ou payables au moment de la déclaration d'entrée des marchandi- ses importées au Canada si les marchandises
c) ont été détruites sous la conduite d'un agent des douanes et n'ont pas été endommagées avant leur destruction.
En vertu de l'article 95 de la Loi sur l'adminis- tration financière, lorsqu'une personne doit à Sa Majesté une somme d'argent, le Receveur général peut, par voie de compensation, retenir le montant de la dette sur toute somme qui peut être due à cette personne.
Avant la stabilisation de la garantie flottante, Rapid Data pouvait recouvrer les droits déjà payés, en cas de renvoi ou de destruction des marchandises, et la défenderesse avait le droit de lui réclamer des impôts. Il y avait deux dettes, et chacune d'elles était due par l'une des parties à l'autre. A mon avis, le fait que le droit au rem- boursement n'a été exercé qu'après la nomination du syndic n'est pas un obstacle à la compensation d'une dette par l'autre, en ce qui concerne les relations entre les deux parties. Bien entendu, la situation aurait été tout à fait différente si toutes les opérations, à savoir l'importation des marchan- dises, le paiement des droits et le renvoi ou la destruction des marchandises, avaient été effec- tuées après la stabilisation.
Le fait que le syndic n'ait pas été nommé par le tribunal n'a aucune importance (voir l'arrêt N. W.
13 DORS/73-97.
14 TR/74-34.
Robbie c. Witney, supra), pas plus que la prise de connaissance d'une garantie flottante (voir Bigger - staff c. Rowatt's Wharf, Limited, supra). Le der- nier argument de la demanderesse, consistant à soutenir que la défenderesse est irrecevable à allé- guer qu'aucun drawback ne lui est payable, n'est pas applicable en l'espèce.
Pour tous ces motifs, il faut donc répondre affirmativement à la question posée.
L'action de la demanderesse est rejetée avec dépens.
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