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A-547-77
Dianne Gloin, James Brimbleby, Mernagh Kwia- toski, Richard Parney et Raymond Stewart (Requérants)
c.
Le procureur général du Canada (Intimé)
et
La Commission des relations de travail dans la Fonction publique (Tribunal)
Cour d'appel, les juges Heald et Urie et le juge suppléant MacKay—Toronto, le 25 novembre; Ottawa, le 20 décembre 1977.
Examen judiciaire Fonction publique Compétence Requérants, employés des Postes, renvoyés en cours de stage Les renvois font l'objet de griefs par les requérants L'arbitre, siégeant conformément à l'art. 91 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, a allégué défaut de compétence pour entendre les griefs L'arbitre avait-elle compétence pour entendre l'affaire? Y a-t-il eu suffisam- ment de preuves pour permettre à l'arbitre de rendre une décision sur la question de la compétence? Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35, art. 56(2), 90, 91 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28 Article 29 de la Convention collective du groupe des opérations postales (non-surveillants), traitement interne du courrier et services postaux complémen- taires.
Les requérants, employés des Postes, ont été avisés de leur renvoi en cours de stage et de leur droit de présenter un grief contre cette décision. A l'issue du renvoi, par les requérants, de leurs griefs à l'arbitrage conformément à l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, l'arbitre a conclu qu'elle n'avait pas compétence pour entendre l'affaire. Cette décision fait l'objet de la présente demande en vertu de l'article 28.
Arrêt: la demande est accueillie. La décision de l'arbitre portant qu'elle n'avait pas compétence au motif que les person- nes s'estimant lésées n'étaient pas employées au moment du renvoi à l'arbitrage ou au moment du dépôt des griefs, est erronée. Les premiers mots de l'article 90(1) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique s'appliquent à une personne qui s'estime lésée à titre d'employée. Le mot «employé» utilisé dans les premiers mots de l'article 91(1) doit être interprété de la même manière que le mot utilisé dans les premiers mots de l'article 90(1), que l'employé cherche ou non une réparation en vertu des alinéas a) ou b). Il est reconnu qu'un arbitre a droit d'examiner les faits pour déterminer s'il a compétence en vertu de l'article 91(1)b) nonobstant le fait que l'employeur a caractérisé son action comme un renvoi pour un motif déterminé. Il s'ensuit logiquement que le même principe doit s'appliquer à un grief qui concerne l'interprétation ou l'application de dispositions d'une convention collective. L'arbi- tre n'a pas autorisé la présentation de suffisamment de preuves pour rendre cette décision.
Arrêts appliqués: La Reine c. Lavoie [1978] 1 C.F. 778; Jacmain c. Le procureur général du Canada [1978] 2
R.C.S. 15.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
P. Cavalluzzo pour les requérants. P. Mclnenly pour l'intimé.
PROCUREURS:
Golden, Levinson, Toronto, pour les requé- rants.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE URIE: Il s'agit d'une demande en vertu de l'article 28 visant l'examen et l'annulation d'une décision de G. Gail Brent, siégeant en qualité d'arbitre conformément à l'article 91(1) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publi- que, S.R.C. 1970, c. P-35, dans sa forme modifiée'.
Les cinq requérants étaient tous effectivement des employés des Postes à London (Ontario) et avaient été mis en période de stage pour six mois. La date d'emploi pour chaque requérant était dif- férente: le 12 juillet 1976 pour Mlle Gloin; le 9 août 1976 pour Mme Kwiatoski; le 23 août 1976 pour M. Parney; \ le 23 août 1976 pour M. Stewart et le 7 juin 1976e pour M. Brimbleby. M"e Gloin et M. Brimbleby étaient commis des postes (PO4) et les trois autres requérants étaient préposés au codage, au ramassage et au tri (PO4). Les requérants Kwiatoski, Parney et Stewart ont été prévenus que dans l'éventualité d'un échec à leur formation mécanique, ils pourraient être renvoyés pendant la période de stage. M". Gloin et M. Brimbleby n'ont pas été prévenus. Les cinq requérants ont tous été
' 91. (1) Lorsqu'un employé a présenté un grief jusqu'au dernier palier de la procédure applicable aux griefs inclusive- ment, au sujet
a) de l'interprétation ou de l'application, en ce qui le con- cerne, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale, ou
b) d'une mesure disciplinaire entraînant le congédiement, la suspension ou une peine pécuniaire,
et que son grief n'a pas été réglé d'une manière satisfaisante pour lui, il peut renvoyer le grief à l'arbitrage.
avisés qu'ils étaient assujettis aux avantages et conditions de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et le Syndicat des Postiers du Canada, leur agent négociateur, conformément à la convention collective conclue entre ce syndicat et l'employeur, laquelle est entrée en vigueur le 6 décembre 1975.
Tous les requérants, sauf M. Parney, ont reçu 80 heures de formation pour leurs emplois respectifs puis ont subi des examens. M. Parney a commencé son emploi le 23 août 1976 et s'est volontairement retiré de l'école de formation le 3 septembre 1976 sans avoir complété les 80 heures de formation requises. Les quatre autres requérants ont été inca- pables de rencontrer le niveau requis pour les postes en question et chacun d'eux a été avisé par lettre individuelle à des dates différentes en août et septembre 1976, de son renvoi en cours de stage prenant effet à des dates différentes selon chaque cas. La lettre envoyée à M. Parney l'informe de son renvoi en cours de stage parce qu'il s'est retiré volontairement de l'école de formation avant la fin du cours. Chaque requérant a également été avisé de son droit de présenter un grief contre la décision de renvoi dans un délai de 25 jours à partir de la réception de l'avis de renvoi.
Ces lettres de renvoi ont été envoyées par le surintendant ou gestionnaire de la division en ques tion et il a été mentionné qu'elles ont été envoyées [TRADUCTION] «En vertu des pouvoirs qui m'ont été délégués par le sous-ministre, conformément à l'article 28(3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique ....p
Les requérants ont présentés des griefs contre la décision de les renvoyer pour motif déterminé en vertu de la procédure prévue par l'article 90 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique et l'employeur a rejeté leurs griefs. Ils ont alors renvoyé leurs griefs à l'arbitrage confor- mément à l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique (supra).
A l'audience devant l'arbitre, l'avocat de l'em- ployeur a formulé une opposition au motif que l'arbitre n'était pas compétent. L'arbitre a fait droit à l'opposition de l'employeur concernant sa compétence et, pour ce motif, a rejeté les griefs des requérants. C'est cette décision de l'arbitre qui fait
l'objet de la présente demande en vertu de l'article 28.
Les paragraphes essentiels des motifs de la déci- sion donnés par l'arbitre se trouvent aux pages 7, 8 et 9 de la décision et se lisent comme suit:
De toute évidence, l'article 91 se rapporte uniquement à des employés et la définition d'«employé» qui doit valoir est celle donnée à l'article 1 de la loi. Cette définition n'englobe que certaines personnes qui ont cessé de travailler. Les employés s'estimant lésés n'ont manifestement pas cessé de travailler à la suite d'une grève, c'est pourquoi s'ils doivent être considérés comme des employés au sens l'entend la loi, ils doivent soutenir qu'ils ont été indûment congédiés, tel que l'énonce la définition.
La Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique ne définit pas le «congédiement», mais dans l'alinéa 7(1)f) de la Loi sur l'administration financière et dans l'article 106 du Règlement sur les conditions d'emploi dans la Fonction publi- que, le sens de congédiement se limite à une cessation d'emploi «pour manquements à la discipline ou pour inconduite». Aucun employé s'estimant lésé n'a été congédié, ils ont tous été renvoyés pour un motif déterminé, c'est pourquoi aucun d'entre eux n'était un employé au sens l'entend la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique lorsque les renvois à l'arbitrage ont été produits en avril 1977. Puisque personne n'a allégué qu'il avait fait l'objet d'un congédiement disciplinaire déguisé sous une autre forme de cessation, il est donc impossible de me reconnaître compétence conformément à l'article 91, comme c'est le cas dans toutes les affaires que l'avocat m'a citées, les affaires Lee (166-2-2637) et Dancey (166-2-2371) par exemple.
Je conviens en outre que, n'ayant pas compétence dans cette affaire puisque les employés s'estimant lésés n'étaient pas des employés au moment du renvoi à l'arbitrage, et aucune alléga- tion de réel congédiement n'ayant été faite, aucune autre preuve autre qu'une preuve de renvoi pour motif déterminé en cours de stage n'est recevable pour déterminer ma compétence.
D'autre part, je conviens avec l'avocat de l'employeur que l'article 29 de la convention collective ne peut modifier ni transformer aucune clause ou condition de travail stipulées dans la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. Si cet article de la convention collective avait le sens que l'avocat des employés s'estimant lésés aurait voulu que j'adopte, aucun employé des postes en stage ne pourrait alors être renvoyé parce qu'il est incapable d'apprendre les nouvelles opérations mécani- ques et de répondre aux normes et cette incapacité ne constitue- rait pas un motif de renvoi mais plutôt un motif de mutation à un autre poste, ou à des postes successifs, jusqu'à ce que le stagiaire ait maîtrisé les tâches entraînées par le changement technologique ou ait démontré qu'il est incapable d'effectuer un travail existant avant le «changement pré-technologique». L'ar- ticle 28 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique serait alors démuni de tout sens pratique puisque les stagiaires auraient l'assurance d'être nommés d'office à un autre poste, s'ils étaient renvoyés du poste auquel ils ont été engagés.
Par conséquent, pour toutes les raisons ci-dessus, je conclus que je n'ai pas compétence, en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, pour entendre la présente
affaire, étant donné que les employés s'estimant lésés n'étaient pas des employés à l'époque du renvoi à l'arbitrage et de la présentation des griefs.
En concluant qu'il n'y avait pas compétence au motif que les personnes s'estimant lésées n'étaient pas employées au moment du renvoi à l'arbitrage ou au moment du dépôt des griefs, l'arbitre a rendu une décision contraire à un arrêt récent de cette cour dans La Reine c. Lavoie' dans laquelle il a été décidé que les premiers mots de l'article 90(1) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique' s'appliquent à une personne qui s'estime lésée à titre d'employée. L'avocat de l'intimé a essayé d'établir une distinction avec l'arrêt Lavoie au motif que son application se limitait au cas d'un employé cherchant à démon- trer que le renvoi était en réalité un congédiement disciplinaire en vertu de l'article 91(1)b) et ne s'appliquait pas à une personne demandant répara- tion en vertu de l'article 91(1)a), comme c'est le cas ici. A mon avis cette prétention n'a aucune valeur et le mot «employé» utilisé dans les premiers mots de l'article 91(1) doit évidemment être inter- prété de la même manière que le mot utilisé dans les premiers mots de l'article 90(1) et signifie toute personne qui s'estime lésée à titre d'employée, qu'elle cherche ou non une réparation en vertu des alinéas a) ou b) de l'article 91(1). Si on l'inter- prète de cette façon, les requérants en l'espèce sont sans aucun doute compris dans la définition d'em- ployé se trouvant aux articles 90(1) et 91(1). En conséquence, l'arbitre a erré en concluant que les requérants n'étaient pas des employés.
2 [1978] 1 C.F. 778.
3 90. (1) Lorsqu'un employé s'estime lésé
a) par l'interprétation ou l'application à son égard
(i) de quelque disposition d'une loi, d'un règlement, d'une instruction ou d'un autre instrument établi ou émis par l'employeur, concernant des conditions d'emploi, ou
(ii) d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale; ou
b) par suite d'un événement ou d'une question qui vise ses conditions d'emploi, sauf une disposition indiquée au sous- alinéa a)(i) ou (ii),
relativement à laquelle ou auquel aucune procédure administra tive de réparation n'est prévue en vertu d'une loi du Parlement, il a le droit, sous réserve du paragraphe (2), de présenter ce grief à chacun des paliers, y compris le dernier palier, que prévoit la procédure applicable aux griefs établie par la pré- sente loi.
Si c'était le seul motif pour lequel l'arbitre avait conclu à son incompétence, la demande en vertu de l'article 28 devrait être accueillie parce que l'erreur que nous venons de mentionner est une erreur de droit. Cependant, il existe à mon avis une seconde possibilité, c'est-à-dire qu'elle ait jugé qu'en réalité, même si elle avait tort de conclure à son incompétence parce que les requérants n'étaient plus des employés, elle était en droit de décider si elle avait compétence, en vertu de l'arti- cle 91(1)a), parce qu'il lui fallait interpréter ou appliquer les dispositions d'une convention collec tive, et que, sur ce point, elle ne pouvait pas adopter l'interprétation de l'article 29 de la con vention collective que l'avocat des requérants pré- conisait. A son avis, l'article 29 ne peut modifier aucune condition d'emploi établie par la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32, ce qui serait interdit par l'article 56(2) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique 4 . En conséquence, en présumant que l'ar- bitre a disposé des appels sur cette base (présomp- tion formulée avec quelque réserve compte tenu du dernier paragraphe de sa décisions), il devient nécessaire de déterminer si sa conclusion fondée sur cette seconde possibilité peut tenir.
Le libellé des articles pertinents de la convention collective qui était en vigueur au moment des nominations respectives des requérants, et à laquelle ils étaient assujettis aux termes de leur lettre d'engagement, se lit comme suit:
29.01 Définitions
Dans le présent article, l'expression «changements technolo- giques» désigne l'introduction par le Ministère des Postes dans
4 56....
(2) Aucune convention collective ne doit prévoir, directe- ment ou indirectement, la modification ou la suppression d'une condition d'emploi existante ni l'établissement d'une nouvelle` condition d'emploi
a) dont la modification ou la suppression ou dont l'établisse- ment, selon le cas, exigerait ou aurait pour effet d'exiger l'adoption ou la modification de quelque loi par le Parlement, sauf aux fins d'affecter les crédits nécessaires à sa mise en oeuvre, ou
b) qui a été ou peut être, selon le cas, établie en conformité d'une loi spécifiée à l'annexe M.
5 «Par conséquent, pour toutes les raisons ci-dessus, je conclus que je n'ai pas compétence, en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, pour entendre la présente affaire, étant donné que les employés s'estimant lésés n'étaient pas des employés à l'époque du renvoi à l'arbitrage et de la présentation des griefs.»
le traitement du courrier, de matériel différent par sa nature, par son genre ou par son nombre de celui que le Ministère des Postes utilisait précédemment, tout changement dans la manière dont les Postes effectuent le traitement du courrier qui se rapporte à l'introduction de ce matériel et tout changement dans les méthodes de travail et d'exploitation des services postaux, tel changement affectant un ou plusieurs employés.
29.02 Élimination des effets défavorables
Dans l'implantation de changements technologiques, l'em- ployeur s'engage à éliminer toutes les injustices ou effets défa- vorables causés aux employés et tout déni de leurs droits contractuels ou légaux en conséquence de tels changements. 29.03 Avis
Lorsque l'employeur songe à introduire dans un secteur quelconque du service postal canadien un changement technologique:
a) L'employeur accepte de mettre le Syndicat au courant le plus longtemps possible à l'avance de son intention et de procéder à la mise à jour au fur et à mesure que des développements et des modifications se produiront.
b) Nonobstant ce qui précède, au moins quatre-vingt-dix (90) jours avant l'introduction d'un changement technologi- que, l'employeur fournit au Syndicat un exposé circonstancié du projet qu'il entend réaliser, tel avis devant dévoiler tous les effets et répercussions prévisibles sur les employés.
L'avocat des requérants a prétendu que cet arti cle s'applique à tous les employés soumis à la convention collective sans tenir compte de leur statut d'employé permanent ou stagiaire. En outre, puisque les changements technologiques ont été introduits et, en fait, se sont poursuivis après le départ de ses clients, ils doivent, selon lui, bénéfi- cier de la protection de cet article. De plus, à son avis, l'arbitre n'a pas pu décider si oui ou non l'article 91(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique lui attribue compétence au motif que l'interprétation d'une convention collective était en cause, sans permettre aux requérants de fournir des preuves pertinentes à cette fin. D'après l'avocat des requérants, l'arbitre a refusé d'autoriser la communication de ces preu- ves et donc a rendu une décision entachée d'une erreur de droit ou a refusé de reconnaître sa compétence.
D'autre part, l'avocat de l'intimé a déclaré que des preuves suffisantes ont été fournies ou recon- nues, permettant à l'arbitre de rendre une décision. Il a fait remarquer que parmi les documents dépo- sés on retrouvait les lettres d'engagement de chacun des requérants, les lettres de renvoi adres- sées à chacun d'eux de même que des griefs, et les réponses qu'y ont données les employés. En outre, il a mentionné la page 6 de la décision de l'arbitre
qui renvoie à la plaidoirie de l'avocat qui équivaut à un exposé conjoint des faits. Le passage dont il est fait mention se lit comme suit:
L'avocat du syndicat m'a ensuite exposé la preuve qu'il désirait apporter. La preuve à l'effet que la mécanisation du bureau de poste de London a commencé à la fin de l'année 1975 ou au début de 1976; que les tests subis par les employés s'estimant lésés ont été conçus pour voir si les employés étaient capables de manoeuvrer les nouvelles machines; que ces mêmes tests ont été introduits à London en mars 1976; et que les employés s'estimant lésés ont subi ces tests et ont tous été incapables de satisfaire aux normes prescrites. Il m'a exhorté aussi à tenir compte des faits se rapportant au changement technologique du bureau de poste de London traités par l'arbi- tre en chef dans les décisions 169-2-81 et 169-2-83.
L'avocat de l'employeur a convenu de l'exactitude des faits énumérés ci-dessus, à supposer que je sois habilité à entendre à leur égard des éléments de preuve autres que ceux qui, selon lui, sont recevables. Il m'a demandé, cependant, de bien prendre note qu'il n'abandonnait nullement sa position initiale quant à la recevabilité d'une telle preuve.
L'avocat des requérants n'est pas d'accord avec la prétention que des preuves suffisantes ont été fournies permettant à l'arbitre de décider s'il pou- vait se reconnaître compétente en vertu de l'article 91(1)a) pour entendre l'appel et il soutient que des preuves supplémentaires sont nécessaires pour qu'il puisse rendre sa décision. Lorsque la Cour a insisté pour que l'avocat des requérants fasse connaître la nature des preuves à fournir en plus de celles déjà présentées, il a seulement été capable d'indiquer l'existence de certaines différences importantes dans les lettres d'engagement de deux des cinq requérants, de l'absence de renseignements quant aux dates de l'introduction du nouvel équipement au bureau de poste de London et si l'arbitre était effectivement saisi de la décision de l'arbitre en chef concernant les changements technologiques survenus à London.
Ces omissions, ou du moins le manque de certi tude sur la nature des preuves fournies à l'arbitre, me font douter fortement de la connaissance suffi- sante qu'elle a eu «des faits juridictionnels» lui permettant de rendre une bonne décision en ce qui concerne sa compétence en vertu de l'article 91(1)a). Nul doute que la décision de la Cour suprême du Canada dans Jacmain c. Le procureur général du Canada [1978] 2 R.C.S. 15, établit qu'un arbitre a droit d'examiner les faits pour déterminer s'il a compétence en vertu de l'article 91(1)8) nonobstant le fait que l'employeur a caractérisé son action comme un renvoi pour un
motif déterminé. A mon avis, il s'ensuit logique- ment que le même principe doit s'appliquer lors- qu'il est allégué que le grief concerne
l'interprétation ou ... l'application, en ce qui le concerne, d'une disposition d'une convention collective....
en vertu de l'article 91(1)a).
A la lecture du dossier, je constate que l'arbitre n'a pas autorisé la présentation de suffisamment de preuves pour rendre cette décision. A mon avis, non seulement les lacunes citées par l'avocat des requérants existent, mais le renvoi à d'autres para- graphes de l'article 29 précise la nature des preu- ves qui sont essentielles à sa décision sur la compé- tence, preuves qui apparemment n'ont pas été présentées.
Par exemple, les articles 29.03 et 29.04 exigent que l'employeur donne un avis écrit au syndicat au moins 90 jours avant l'introduction d'un change- ment technologique. L'avis doit indiquer notam- ment le genre de changement, la date à laquelle il est proposé d'effectuer ce changement, et, ce qui est plus important, en vertu de l'article 29.04c) «le nombre approximatif d'employés qui risquent d'être touchés par le changement ainsi que le genre d'employés et leur lieu de travail.» Les parties à la convention, dans l'ensemble du contexte de l'arti- cle 29, sont en droit de connaître les endroits des problèmes peuvent surgir ainsi que les person- nes qui seront affectées par les changements pro- posés avant qu'ils ne se réalisent dans les faits, et naturellement, les dates auxquelles les change- ments doivent être mis en oeuvre. Il me semble que ces renseignements sont d'importance vitale pour que l'arbitre puisse décider si oui ou non l'article 29 s'applique aux requérants. En autant que le montre le dossier, en refusant d'autoriser la pré- sentation de preuves autres que celles que j'ai mentionnées précédemment, au moins certains faits sur lesquels l'arbitre aurait pu établir si elle était compétente n'ont pas été mis en preuve. En conséquence, sa présomption de compétence fondée sur la seconde possibilité, en vertu de l'arti- cle 91(1)a) semble manquer de preuve pour l'étayer.
En conséquence, pour tous les motifs qui précè- dent, lesquels sont, bien entendu, limités aux cir- constances entourant le déroulement de la décision en question, je suis d'avis que la demande en vertu de l'article 28 doit être accueillie, la décision de
l'arbitre annulée et l'affaire renvoyée à l'arbitre pour qu'elle décide, sur des preuves valables, si oui ou non elle a compétence pour entendre les appels des requérants contre le règlement de leurs griefs, et sur la base de cette décision, quelle suite valable doit être donnée aux appels.
* * *
LE JUGE HEALD: Je souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: Je souscris.
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