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A-317-78
In re une décision rendue le 16 juin 1978 par la Commission des relations de travail dans la Fonc- tion publique (Dossier 161-2-176)
Cour d'appel, les juges Pratte, Heald et Urie— Ottawa, les 2 et 14 novembre 1978.
Examen judiciaire Fonction publique Décision arbi- trale accordant le droit d'opter entre le congé du 1P 1 août, un autre congé ou un jour férié provincial, sous réserve toutefois des nécessités du service au Ministère intéressé Avis donné, avant l'exercice d'un choix, portant qu'un seul congé est possible en raison des nécessités du service au Ministère intéressé La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en décidant que l'employeur s'était conformé à la déci- sion? - Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35, art. 20(1) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2P Supp.), c. 10, art. 28.
Il s'agit d'une demande, fondée sur l'article 28, d'examen et d'annulation d'une décision rendue par la Commission des relations de travail dans la Fonction publique à la suite d'une plainte dont l'avait saisie la requérante, en l'espèce l'Alliance de la Fonction publique du Canada. Selon la plainte, l'employeur n'avait pas appliqué une disposition d'une décision arbitrale. La décision permettait aux employés de choisir par écrit soit le congé du 1 0 1 août, soit un autre jour férié provincial ou munici pal, sous réserve toutefois des nécessités du service au Ministère intéressé. Les employés ont été avisés que le choix d'un jour de congé autre que celui de la Saint-Jean-Baptiste serait refusé au motif des nécessités du service au Ministère intéressé, et ce, avant même l'exercice d'un choix. La requérante soutient que la Commission a commis une erreur de droit en concluant que l'employeur s'était conformé à la décision. On fait valoir qu'un ordre chronologique avait été établi—l'employé indiquait son choix entre les congés; l'employeur étant tenu de respecter ce choix, sauf nécessités du service et, s'il s'y refuse, il doit notifier à cet employé les motifs de ce refus.
Arrêt: la demande est rejetée. L'employeur avait réglé la question a priori au motif que les «nécessités du service» ne permettaient pas d'accorder aux employés le choix entre deux jours fériés. Il est manifeste que la décision arbitrale reconnaît à l'employeur, à titre de prérogative de commandement, le droit de déterminer si le choix fait par un employé en matière de jours fériés s'accommode des «nécessités du service». L'obliga- tion qui incombe à l'employeur de considérer les demandes de ses employés et d'y répondre ne l'interdit pas de décider a priori de rejeter toutes les options autres que le choix d'un jour donné si les nécessités du service ne lui permettent pas d'accéder à ces autres options.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
Maurice W. Wright, c.r. et A. J. Raven pour la requérante l'Alliance de la Fonction publique du Canada.
W. L. Nisbet, c.r. pour l'intimé le sous-procu- reur général du Canada.
PROCUREURS:
Soloway, Wright, Houston, Greenberg, O'Grady & Morin, Ottawa, pour la requé- rante l'Alliance de la Fonction publique du Canada.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit d'une demande, fondée sur l'article 28, d'examen et d'annulation d'une décision rendue par la Commission des rela tions de travail dans la Fonction publique à la suite d'une plainte dont l'avait saisie la requérante, en l'espèce l'Alliance de la Fonction publique du Canada, conformément à l'article 20(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique', S.R.C. 1970, c. P-35.
Selon cette plainte, un nommé Maurice LeClair, secrétaire du Conseil du Trésor et agissant pour le compte de l'employeur, n'avait pas appliqué une disposition d'une décision arbitrale. La plainte visait donc à demander à la Commission d'enjoin- dre à l'employeur de respecter l'esprit et la lettre de cette décision arbitrale.
La décision arbitrale en question, qui s'appli- quait au groupe d'achat et approvisionnement de la catégorie «Administration et service extérieur», faisait suite à une demande de la requérante qui soumettait à l'arbitrage certaines conditions d'em- ploi. Ce recours à l'arbitrage tenait à l'insuccès des négociations engagées par la requérante et l'em- ployeur pour une nouvelle convention collective du
' Ci-dessous la disposition figure l'article 20(1)b): 20. (1) La Commission doit se renseigner et enquêter sur toute plainte à elle faite portant que l'employeur ou une personne agissant pour son compte, ou une association d'em- ployés ou une personne agissant pour son compte a omis
a) d'observer les interdictions prévues par les articles 8, 9 ou 10;
b) de donner effet à une disposition d'une décision arbitrale;
c) de donner effet à une décision d'un arbitre relative à un grief; ou
d) de se conformer à tout règlement relatif aux griefs, établi par la Commission conformément à l'article 99.
groupe d'achat et approvisionnement.
L'une des questions soumises à l'arbitrage, cel- le-là même qui fait l'objet de cette demande fondée sur l'article 28, était la question des «jours fériés désignés payés». Dans ses négociations avec l'employeur comme dans ses conclusions soumises à la Commission d'arbitrage, la requérante avait cherché à modifier l'article 25 qui traite des «jours fériés désignés payés» par l'adjonction d'un para- graphe autorisant les employés à opter, dans cer- tains cas, pour le jour férié provincial de leur choix.
Sur la question des «jours fériés désignés payés», la Commission d'arbitrage s'est prononcée dans sa décision du 31 mars 1978 comme suit:
ARTICLE 25
JOURS FÉRIÉS DÉSIGNÉS PAYÉS
Les clauses 25.01 a) et j) de la convention collective expirée demeurent en vigueur sans modification et la clause 25.01 k) est supprimée et remplacée par ce qui suit:
Un autre jour dans l'année qui est reconnu comme jour férié provincial ou municipal dans la région l'employé travaille ou demeure. Dans toute région un tel jour férié provincial ou municipal n'existe pas, le premier lundi d'août est désigné en tant que jour férié payé.
L'employé a le droit de donner à son supérieur immédiat un avis écrit d'au moins deux (2) mois indiquant quel jour férié reconnu il préfère, et l'employeur accorde un congé à l'em- ployé ce jour-là à moins que les nécessités du service ne l'en empêchent. Si l'employeur refuse de se conformer au choix de l'employé, il l'en avise par écrit et lui donne les motifs de ce refus.
Sous la signature de son secrétaire Maurice LeClair, le Conseil du Trésor a spécifiquement adressé aux «sous-chefs, chefs d'organismes et directeurs du personnel» une directive en date du 14 avril 1978, qui porte notamment:
OBJET: Observance du congé de la Saint-Jean-Baptiste et du congé municipal d'août
En vertu d'une décision arbitrale rendue le 31 mars 1978, les employés de l'unité de négociation «Achat et approvisionne- ment» peuvent choisir le jour férié payé qui est reconnu comme un jour férié provincial ou municipal soit dans la région ils travaillent soit dans celle ils demeurent. Dans une région il n'y a pas de jour férié reconnu au niveau provincial ou municipal, le premier lundi du mois d'août est le jour férié désigné payé. De plus, l'employé qui choisit l'un ou l'autre jour férié, doit en avertir par écrit son supérieur, au moins deux
mois à l'avance, et l'employeur doit tenir compte de ce choix à moins que les nécessités du service du ministère l'en empêchent.
Étant donné que toutes les conventions collectives, à l'exception de celle du Groupe: «Achat et approvisionnement» (en vertu de la décision arbitrale), prévoient l'arrêt des opérations des minis- tères dans la province de Québec, le jour de la Saint-Jean-Bap- tiste, les nécessités du service ne permettent pas d'accorder le choix du jour férié aux employés de ce groupe. Ainsi, on refusera les demandes des employés du Groupe: «Achat et approvisionnement» relativement au choix du jour férié, et, conformément à la décision arbitrale, on devra avertir les employés par écrit que le refus de l'employeur à donner suite à leur choix est entraîné par les nécessités du service. Par consé- quent, les employés de la région de la capitale nationale du Groupe: «Achat et approvisionnement» qui travaillent dans la province de Québec observeront le jour de la Saint-Jean-Bap- tiste et ceux qui travaillent en Ontario observeront le jour férié municipal en août. Le principe, exprimé dans la présente directive, qui prévoit l'observance du jour férié désigné payé dans la région l'employé travaille s'appliquera naturellement dans d'autres endroits il y a un jour férié provincial ou municipal.
Les ministères et organismes doivent informer leurs employés de la présente décision.
La directive du 14 avril 1978 a été donnée avant même qu'aucun employé du groupe d'achat et approvisionnement eût fait une demande en matière de choix du jour férié. A la suite de cette directive, la requérante a déposé une plainte fondée sur l'article 20(1)b) cité plus haut pour reprocher à l'employeur de ne pas avoir appliqué l'article 25 de la décision arbitrale du 31 mars 1978. Devant la Commission des relations de tra vail dans la Fonction publique qui entendait cette plainte, la requérante a cité comme témoin un nommé Robert McCormick, fonctionnaire appar- tenant au groupe d'achat et approvisionnement. Dans ses dépositions, celui-ci a déclaré avoir adressé le 18 avril 1978 une note à son supérieur hiérarchique pour l'informer que, conformément à la décision arbitrale du 31 mars 1978 l'égard du groupe d'achat et approvisionnement, lui McCor- mick, avait opté pour le congé civil d'août au lieu de la Saint-Jean-Baptiste. Voici la réponse qu'il a reçue à ce sujet, par note de service signée le 8 mai 1978 par son supérieur hiérarchique:
[TRADUCTION] Au sujet de la note que vous avez envoyée au soussigné et portant sur l'objet de la présente, veuillez prendre acte du fait que votre demande de prendre le lundi 7 août 1978 comme le jour férié désigné payé au lieu du jour de la Saint- Jean-Baptiste est refusée par les présentes en raison «des néces- sités du service».
Vous trouverez ci-joint, pour votre gouverne, une copie de la directive reçue du Conseil du Trésor sur ce point.
Veuillez s'il vous plaît accuser réception de la présente note en paraphant le double et en le retournant au soussigné qui le gardera.
Jointe à cette note de service était une copie de la directive en date du 14 avril 1978 de M. Maurice LeClair, telle qu'elle a été citée plus haut.
Le 26 mai 1978, Robert McCormick a reçu une note de service, émanant cette fois de J. M. Des- Roches, sous-ministre chargé de l'Administration des approvisionnements, ministère des Approvi- sionnements et Services. En voici la teneur:
[TRADUCTION] La présente a pour objet de répondre à votre demande de prendre le jour férié désigné de votre choix et remplace toute autre correspondance ou décision antérieure relative à cette question.
Après avoir étudié votre demande, compte tenu des nécessités du service de l'Administration des approvisionnements, je vous avise officiellement de ma décision de la refuser en raison des nécessités du service.
Étant donné que toutes les conventions collectives, à l'exception de la décision arbitrale applicable au groupe de l'achat et de l'approvisionnement, entraînent l'interruption des services du Ministère dans la province de Québec le jour de la Saint-Jean- Baptiste, l'octroi du jour férié de votre choix serait impossible en raison des nécessités du service.
En rejetant la plainte, la Commission s'est pronon- cée en ces termes:
... nous n'acceptons pas l'argument de la plaignante selon lequel l'employeur a agi de façon arbitraire et qu'ainsi il a omis d'exécuter les dispositions de l'article.
Enfin, la Commission conclut que l'article 25 de la décision arbitrale confère au Conseil du Trésor, à titre d'employeur, le pouvoir de décider si les nécessités du service empêchent de respecter le choix d'une journée fériée reconnue. Agissant au nom de l'employeur, M. LeClair a exercé ce pouvoir et, d'après la preuve présentée, il l'a fait conformément aux dispositions de l'article 25. En conséquence, la plainte doit être rejetée et elle l'est par la présente.
Selon l'avocat de la requérante, la Commission a commis une erreur de droit en concluant que l'employeur s'était conformé à la clause 25.01k) supra. Il fait valoir que l'article 25 établit l'ordre chronologique suivant: tout employé a le droit de faire connaître à l'avance son choix entre deux «jours fériés reconnus»; l'employeur est tenu de respecter ce choix sauf nécessités du service et, s'il s'y refuse, il doit notifier à cet employé les motifs de ce refus.
L'avocat de la requérante soutient qu'en l'es- pèce, l'employeur a tranché a priori la question des «jours fériés au choix» au moyen de la directive en date du 14 avril de M. LeClair, laquelle constituait un refus général et ce, avant même qu'une seule demande ne fût présentée par quelque employé. Il reproche également à l'employeur de ne pas moti- ver son refus et d'ignorer ainsi la clause 25.01k).
A mon avis, il n'est pas juste de dire que les motifs du refus n'ont pas été communiqués à l'em- ployé M. McCormick. Je pense qu'ils ont été donnés, ces motifs étant ceux qui étaient énoncés dans la directive du 14 avril 1978 de M. LeClair, repris dans la lettre du 8 mai 1978 du supérieur hiérarchique et dans la pièce jointe, et confirmés encore une fois dans la note de service du 26 mai 1978 du sous-ministre. Quoi qu'il en soit, cette irrégularité reprochée ne présente en l'espèce aucune importance, attendu que la plainte rejetée par la Commission portait exclusivement sur la directive de M. LeClair et non sur le refus de l'employeur d'accéder à la demande de M. McCormick.
Par ailleurs, la plainte dont le syndicat requé- rant avait saisi la Commission ne fait nullement état d'un refus de motiver (voir dossier d'appel, pp. 1 et 2).
La deuxième conclusion de l'avocat en matière d'erreur de droit a trait au «règlement a priori» de la question des «jours fériés au choix».
Il ressortirait des témoignages que l'employeur avait réglé la question a priori au motif que les «nécessités du service» ne permettaient pas d'ac- corder aux employés de ce groupe le choix entre deux jours fériés, ainsi que l'expliquait la directive du 14 avril 1978 de M. LeClair. L'avocat de la requérante n'a pas reproché à la Commission de ne pas avoir conclu dans sa décision que l'employeur avait fait preuve d'arbitraire, de mauvaise foi ou de motifs oiseux. Il a par contre reproché à la Commission de ne pas avoir conclu que M. LeClair avait violé la décision arbitrale du fait même de sa directive, cette décision arbitrale ne prévoyant pas de la part de l'employeur une déci- sion d'application générale à l'égard d'un groupe d'employés. Selon cet avocat, la décision arbitrale prescrivait à l'employeur d'instruire, selon le cas
d'espèce, toutes les demandes en matière de choix du jour férié et de décider, dans chaque cas, s'il y avait lieu de donner suite à la demande.
Je ne saurais accepter cette argumentation. A mon avis, il est manifeste que la décision arbitrale reconnaît à l'employeur, à titre de prérogative de commandement, le droit de déterminer si le choix fait par un employé en matière de jours fériés s'accommode des «nécessités du service». L'obliga- tion qui incombe à l'employeur de considérer les demandes de ses employés et d'y répondre ne l'interdit pas de décider a priori de rejeter toutes les options autres que le choix d'un jour donné si les nécessités du service ne lui permettent pas d'accéder à ces autres options.
Je conclus donc que la Commission n'a pas commis une erreur en déclarant que l'employeur avait respecté l'article 25 de la convention collec tive tel qu'il avait été modifié par la décision arbitrale. Par ces motifs, je suis d'avis de rejeter la demande.
* * *
LE JUGE PRATTE: J'y souscris.
LE JUGE URIE: J'y souscris.
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