A-201-78
C.S.P. Foods Ltd. (Requérante)
c.
Le Conseil canadien des relations du travail, Hugh
J. Wagner et N. William Greer, personnellement
et pour le compte de tous les membres du Grain
Services Union (CLC), et le Grain Services Union
(CLC) (Intimés)
Cour d'appel, les juges Pratte, Heald et Le Dain—
Regina, le 6 novembre; Ottawa, le 21 décembre
1978.
Examen judiciaire — Relations du travail — Compétence
— Ordonnance du Conseil canadien des relations du travail —
Accréditation du syndicat représentant des employés de la
requérante (l'organe de commercialisation et de traitement des
coopératives de blé du Manitoba et de la Saskatchewan)
travaillant au bureau du directeur général des ventes et du
commerce des denrées — Compétence du Conseil pour rendre
l'ordonnance d'accréditation contestée — Les employés exécu-
tent-ils des fonctions intimement reliées à un ouvrage de
compétence fédérale? — Les activités exercées à ce bureau
peuvent-elles être séparées des autres activités? — Code
canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L-1 modifié par S.C.
1972, c. 18, art. 2, 108 — Loi sur les grains du Canada, S.C.
1970-71-72, c. 7, art. 43(1) — Loi sur la Commission cana-
dienne du blé, S.R.C. 1970, c. C-12, art. 45 — Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28.
Cette demande, fondée sur l'article 28, vise à obtenir l'exa-
men et l'annulation d'une ordonnance par laquelle le Conseil
canadien des relations du travail a accrédité le syndicat Grain
Services Union (CLC) comme agent négociateur de l'unité
comprenant tous les employés de la C.S.P. Foods Ltd. (l'organe
de commercialisation et de traitement des coopératives de blé
du Manitoba et de la Saskatchewan) travaillant au bureau du
directeur général des ventes et du commerce des denrées, à
l'exclusion de certains postes de direction. Le principal moyen
invoqué contre l'ordonnance du Conseil est que celui-ci n'était
pas compétent pour rendre cette ordonnance. La compétence du
Conseil, s'il a compétence en l'espèce, lui est attribuée par
l'article 108 du Code canadien du travail. La requérante
prétend qu'il faut démontrer que les employés en cause exécu-
tent des fonctions intimement reliées à un ouvrage de compé-
tence fédérale et que les activités exercées à son bureau de
Winnipeg peuvent être séparées de ses autres activités, de sorte
que le Code canadien du travail ne s'applique pas aux employés
travaillant à cet endroit.
Arrêt: la demande est rejetée. L'article déclaratoire de la Loi
sur la Commission canadienne du blé étend la déclaration de la
Loi sur les grains du Canada à «tous moulins à farine, moulins
à provendes, entrepôts à provendes et moulins de nettoyages des
semences ...» qui sont déclarés «à l'avantage général du
Canada ...». La requérante se livre à la production et à la vente
d'aliments pour le bétail ou provendes, soit des activités aux-
quelles la compétence fédérale s'étend en vertu de l'article
déclaratoire, et la place que tient la mouture des provendes
dans l'ensemble des opérations constitue plus qu'une portion
insignifiante ou incidente des opérations de transformation de
la requérante. Le bureau de Winnipeg joue un rôle vital dans
l'établissement du prix qui sera versé aux fermiers en fin de
compte, en vertu de sa fonction de commercialisation aussi bien
que de sa fonction «commerciale et spéculatrice en matière de
denrées.. Le travail qu'effectue ce bureau contribue à l'intégra-
lité du tout, le tout comprenant les activités, notamment des
moulins à provendes, lesquels ont été déclarés ouvrages
fédéraux.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
W. J. Vancise et D. E. W. McIntyre pour la
requérante.
George Taylor, c.r. et R. Alan Francis pour
l'intimé, le Conseil canadien des relations du
travail.
PROCUREURS:
Balfour, Moss, Milliken, Laschuk, Kyle,
Vancise & Cameron, Regina, pour la requé-
rante.
Goldenberg, Taylor, Randall, Buckwold &
Halstead, Saskatoon, pour l'intimé, le Conseil
canadien des relations du travail.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: Je souscris à la conclusion à
laquelle est arrivé mon collègue le juge Heald; la
demande selon l'article 28 doit être rejetée.
Je n'ai rien à ajouter à ce qu'il dit à l'égard de la
prétention de la requérante voulant qu'on lui ait
dénié le bénéfice des principes de justice naturelle.
Quant à la prétention voulant que le Conseil
canadien des relations du travail soit incompétent,
il faut la rejeter car, à mon avis, le dossier ne
montre pas que les employés compris dans l'unité
de négociation ne sont pas «employés dans le
cadre» d'un «moulin à provendes» au sens de l'arti-
cle 45 de la Loi sur la Commission canadienne du
blé, S.R.C. 1970, c. C-12.
* *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Cette demande fondée sur
l'article 28 vise à obtenir l'examen et l'annulation
d'une ordonnance en date du 12 avril 1978 par
laquelle le Conseil canadien des relations du tra
vail accréditait le syndicat Grain Services Union
(CLC) comme agent négociateur de l'unité
comprenant:
tous les employés de la CSP Foods Ltd. travaillant au bureau
du directeur général des ventes et du commerce des denrées, à
l'exclusion du directeur des ventes de N.E.O. Ltd., du régisseur
des emplacements, du directeur des ventes des composants des
aliments du bétail, du directeur du commerce et des opérations
en contre-partie, du directeur de la distribution et de mouve-
ment des marchandises et de leurs supérieurs.
Le principal moyen invoqué contre l'ordonnance
du Conseil est que celui-ci n'était pas compétent
pour rendre cette ordonnance. La compétence du
Conseil, s'il a compétence en l'espèce, lui est attri-
buée par l'article 108 du Code canadien du travail,
S.C. 1972, c. 18, qui dispose ce qui suit:
108. La présente Partie s'applique aux employés dans le
cadre d'une entreprise fédérale, aux patrons de ces employés
dans leurs rapports avec ces derniers, ainsi qu'aux, organisations
patronales groupant ces patrons et aux syndicats groupant ces
employés.
La requérante prétend que pour que le Conseil
soit compétent il faut démontrer que les employés
en cause exécutent des fonctions qui sont intime-
ment reliées à un ouvrage, à une entreprise ou à
une affaire de compétence fédérale et que -leur
travail fait partie intégrante de l'exploitation
même de l'ouvrage, de l'entreprise ou de l'affaire,
ou y est nécessairement connexe. La requérante
fait en outre valoir que certes en divers lieux autres
que son bureau de Winnipeg, elle exerce des activi-
tés dont certaines tombent sous le parapluie légis-
latif du gouvernement fédéral, mais que les fonc-
tions qu'exécutent ses employés à son bureau de
Winnipeg ne sont pas du ressort fédéral. La raison
qu'elle en donne c'est que, à son avis, la nature des
activités exercées à son bureau de Winnipeg relè-
vent du secteur des services reliés bien sûr à ses
autres fonctions mais ne constituent pas une fonc-
tion intimement reliée à ses opérations ni n'en fait
partie intégrante. Ce qui se fait à son bureau de
Winnipeg, fait-elle valoir, peut manifestement être
séparé de ses autres activités et en conséquence les
dispositions de la Partie V du Code canadien du
travail ne s'appliquent pas aux employés travail-
lant à cet endroit.
Il est nécessaire à mon avis pour bien juger de la
question de compétence, de considérer la manière
dont fonctionne la société requérante. Le dossier
conjoint (aux pages 47 64), contient une bro
chure qui décrit ses opérations. De plus, au cours
des débats à l'audience, la Cour a joint au dossier
conjoint les paragraphes 1 à 21 inclusivement de
l'affidavit du 28 juillet 1978 de Reginald S.
Wayman, P.-D.G., section des ventes et du com
merce des denrées, de son bureau de Winnipeg. De
ces documents, s'esquisse l'image suivante de ses
activités:
La société requérante est l'organe de commer
cialisation et de traitement des coopératives de blé
du Manitoba et de la Saskatchewan. Elle fournit
aux fermiers qui en sont membres un débouché
pour leurs récoltes, soit un produit fini ou semi-
fini, généralement sous la forme d'huile végétale
brute. La requérante vend ce produit une fois
conditionné sur les marchés nationaux et interna-
tionaux par l'intermédiaire de bureaux de com
mercialisation situés à Saskatoon, à Winnipeg et à
Toronto ainsi que par un groupe de commercialisa
tion des exportations dont la direction est à Saska-
toon. Elle possède une usine d'huile végétale à
Saskatoon, laquelle sert de minoterie et produit de
la farine et de l'huile de colza aussi bien pour
l'exportation que pour la consommation interne.
Un élévateur est jumelé à cette usine. La requé-
rante exploite aussi une autre usine de ce genre à
Nipawin en Saskatchewan où sont moulus, raffinés
et emballés l'huile de colza et ses dérivés à destina
tion des marchés tant d'exportation qu'internes.
Elle exploite aussi une usine de trituration d'oléa-
gineux à Altona au Manitoba, qui produit des
huiles de colza brutes et raffinées, des huiles de
soja et de tournesol et les produits qui en sont
dérivés, à destination principalement des marchés
nationaux. La requérante possède aussi un bureau
de commercialisation des denrées à Winnipeg,
lequel bureau fait l'objet de l'ordonnance d'accré-
ditation en cause. Il est responsable des opérations
de couverture et d'échange des denrées relatives
aux ventes des huiles végétales et des farines: le
colza, le soja et le tournesol. Les oléagineux sont
achetés régulièrement à des prix concurrentiels en
quantité suffisante pour préserver la structure de
prix la plus favorable aux clients de la requérante.
L'équilibre délicat entre un juste prix de produc-
Lion et un prix concurrentiel à la consommation est
maintenu par un savant usage des principes des
opérations de couverture, cette fonction, comme il
a été dit précédemment, étant exécutée par le
bureau de Winnipeg. Ce sont les différentes usines
d'huile végétale de Saskatoon, de Nipawin et d'Al-
tona qui achètent au comptant les oléagineux. En
opposition à ces achats au comptant d'oléagineux
et à la vente subséquente des produits dérivés, le
bureau de Winnipeg, dans ses opérations de cou-
verture, se livre, par l'intermédiaire de courtiers,
au commerce et à des spéculations sur la farine et
l'huile de soja au Chicago Board of Trade et sur le
colza au Winnipeg Commodity Exchange.
Le Conseil intimé fait valoir que l'unité de
négociation en cause est de son ressort vu certaines
dispositions légales applicables aux fins de l'espèce.
D'abord le Conseil cite l'article 108 du Code
canadien du travail cité ci-dessus. Il réfère ensuite
à l'article 2h) et i) du même code que voici:
2. Dans la présente loi
«entreprise, affaire ou ouvrage de compétence fédérale» ou
«entreprise fédérale» signifie tout ouvrage, entreprise ou
affaire ressortissant au pouvoir législatif du Parlement du
Canada, y compris, sans restreindre la généralité de ce qui
précède:
h) tout ouvrage ou entreprise que le Parlement du Canada
déclare (avant ou après son achèvement) être à l'avantage du
Canada en général, ou de plus d'une province, bien que situé
entièrement dans les limites d'une province; et
i) tout ouvrage, entreprise ou affaire ne ressortissant pas au
pouvoir législatif exclusif des législatures provinciales;
Puis il appelle l'attention sur l'article 43(1) de la
Loi sur les grains du Canada, S.C. 1970-71-72, c.
7 que voici:
43. (1) Tous les élévateurs du Canada, construits actuelle-
ment ou par la suite sont, pris dans leur ensemble ou séparé-
ment, à l'exception des élévateurs mentionnés aux paragraphes
(2) ou (3), déclarés être, par les présentes, des ouvrages à
l'avantage général du Canada.
Les paragraphes (2) et (3) portent sur les éléva-
teurs de la division de l'Est et, conséquemment,
n'ont aucune importance en l'espèce. Il mentionne
aussi l'article déclaratoire correspondant de la Loi
sur la Commission canadienne du blé, S.R.C.
1970, c. C-12, soit l'article 45 dont voici le libellé:
45. Pour plus de certitude, mais sans restreindre la généra-
lité de toute déclaration dans la Loi sur les grains du Canada,
portant qu'un élévateur est à l'avantage général du Canada, il
est par les présentes décrété que tous moulins à farine, moulins
à provendes, entrepôts à provendes et moulins de nettoyage des
semences, qu'ils aient été construits jusqu'ici ou qu'ils le soient
à l'avenir, sont déclarés, et chacun de ces moulins est déclaré,
par les présentes, à l'avantage général du Canada, et, sans
restreindre la généralité de ce qui précède, chacun des moulins
ou entrepôts mentionnés ou décrits dans l'annexe est un
ouvrage à l'avantage général du Canada.
Le Conseil se tourne ensuite vers la définition
d'«élévateur» de l'article 2(10)a) de la Loi sur les
grains du Canada que voici:
2....
(10) «élévateur» désigne
a) toute installation de la division de l'Ouest
(i) qui peut recevoir du grain déchargé directement de
wagons ou navires ou d'où le grain peut être chargé
directement sur des wagons ou navires, ou
(ii) construite aux fins d'assurer la manutention et de
stocker du grain reçu directement des producteurs, autre-
ment que dans le cadre de l'exploitation agricole d'un
certain producteur, et qui peut recevoir du grain, où l'on
peut peser, élever et stocker du grain et d'où l'on peut
décharger du grain, ou
(iii) construite aux fins d'assurer la manutention et de
stocker du grain dans le cadre de l'exploitation d'une
minoterie, fabrique de provendes, usine de nettoyage de
semences, malterie, distillerie, usine d'extraction d'huile de
grain ou autre usine de conditionnement de grain, et qui
peut recevoir du grain, où l'on peut peser, élever et stocker
du grain et d'où l'on peut décharger du grain à des fins de
conditionnement ou autres;
et vers celle d'«élévateur de conditionnement» de
l'article 2(38) de la même Loi, que voici:
2....
(38) «élévateur de conditionnement» désigne un élévateur
servant principalement à la réception et au stockage du grain
en vue de le transformer sur place en d'autres produits;
Le Conseil fait ensuite valoir que les usines
d'huile végétale que possède et exploite la requé-
rante à Saskatoon, à Nipawin et à Altona sont des
«élévateurs» au sens de l'article 2(10)a)(ii) et (iii)
de la Loi sur les grains du Canada ou encore des
«élévateurs de conditionnement» au sens de l'article
2(38) de la Loi et qu'à ce titre ils ont été déclarés,
sur le fondement de l'article 43(1) de cette même
loi, «ouvrages à l'avantage général du Canada».
Conséquemment, fait valoir le Conseil, lorsqu'on
analyse les fonctions du bureau de Winnipeg, il est
manifeste que la relation intime, le caractère de
partie intégrante, existe entre le bureau et les
élévateurs en question de sorte que les fonctions du
bureau en font un «ouvrage à l'avantage général du
Canada» ce qui attribue ainsi compétence au
Conseil.
A mon avis il n'est pas nécessaire de décider si
les trois usines de trituration de la requérante sont
des «élévateurs» ou des «élévateurs de conditionne-
ment» au sens de la Loi sur les grains du Canada
pour résoudre la question de compétence. Un coup
d'oeil à l'article déclaratoire de la Loi sur . la
Commission canadienne du blé (son article 45,
précité) suffit pour se rendre compte qu'il étend la
déclaration de la Loi sur les grains du Canada à
«tous moulins à farine, moulins à provendes, entre-
pôts à provendes et moulins de nettoyage des
semences ...» [c'est moi qui souligne] qui sont
déclarés «à l'avantage général du Canada ...».
A mon avis, le dossier de l'affaire montre claire-
ment que la requérante se livre, notamment, à la
production et à la vente d'aliments pour le bétail
ou provendes. Par exemple, à la page 48 du dossier
conjoint, on dit que la [TRADUCTION] «CSP four-
nit aussi un choix complet de farine et de sous-pro-
duits de provendes moulues, en sac, en vrac ou
compactées.» Sur la même page, on dit [TRADUC-
TION] «La plupart des produits oléagineux subis-
sent un autre stade de conditionnement; ...; chez
des producteurs d'aliments pour le bétail, ...» et
encore à la page 57: [TRADUCTION] «... Le labo-
ratoire central de contrôle de la qualité supervise
aussi, sur une base commerciale, les programmes
de contrôle de la qualité et se livre à des analyses
pour plusieurs firmes américaines et canadiennes
de conditionnement de nourriture et de production
de provendes .. .». [C'est moi qui souligne.] Et
encore, aux pages 58, 59 et 60, lorsqu'on décrit les
facilités de production d'Altona, de Nipawin et de
Winnipeg, on réfère aux produits de ces minoteries
en disant qu'ils comprennent: [TRADUCTION] «de
la farine en sac ou en vrac» et «de la farine en vrac
ou compactée». Ces mentions de «moulins à pro-
vendes» comme composantes des opérations de la
requérante laissent entendre qu'il s'agit d'un
aspect assez important de l'ensemble des opéra-
tions puisqu'on mentionne [TRADUCTION] «un
choix complet» de farines et de sous-produits de
provendes moulues. Quoique le dossier ne quantifie
aucunement la place que tient la mouture des
provendes dans l'ensemble des opérations, d'ail-
leurs ce n'est pas nécessaire à mon avis, j'estime
néanmoins, d'après le dossier, que cette compo-
sante constitue plus qu'une portion insignifiante ou
incidente des opérations de transformation de la
requérante.
En conséquence, même si la compétence fédé-
rale ne s'étend pas aux trois usines de la requé-
rante en vertu de l'article déclaratoire et des arti
cles des définitions de la Loi sur les grains du
Canada, il me semble clair qu'elle s'y étend en
vertu des dispositions précitées de la Loi sur la
Commission canadienne du blé.
Ni l'une ni l'autre de ces lois ne définit l'expres-
sion «moulin à provendes», mais si on lui donne son
premier sens, son sens ordinaire accepté par tous,
on doit conclure, à mon avis, que les opérations de
la requérante décrites ci-dessus sont bien celles
d'un «moulin à provendes» quelles qu'elles puissent
être d'autre par ailleurs.
Toutefois cette conclusion, en soi, ne résout pas
la question de compétence car la requérante fait
valoir que les activités de son bureau de Winnipeg
relèvent du secteur des services, mais ne consti
tuent pas une fonction qui est intimement reliée
ses activités, ni n'en font partie intégrante, et qu'à
ce titre, elles peuvent manifestement être séparées
de ses autres activités'.
En toute déférence, je ne puis accepter cette
proposition car, à mon avis, elle n'est pas prouvée.
Dans la brochure qui décrit les activités de la
requérante (dossier conjoint, p. 51), il est dit:
[TRADUCTION] «L'équilibre délicat entre un juste
prix de production et un prix concurrentiel à la
consommation est maintenu par un savant usage
des principes des opérations de couverture». Et
puis les paragraphes 14 et 15 de l'affidavit de
Wayman ajoutent:
' La jurisprudence semble clairement indiquer le critère à
appliquer: l'activité en question fait-elle [TRADUCTION] «partie
intégrante» de l'exploitation même de l'ouvrage fédéral ou lui
est-elle [TRADUCTION] «nécessairement connexe»?
Voir: Renvoi sur les relations industrielles [1955] R.C.S.
529, aux pages 567 et 568, le juge Estey.
Union des facteurs du Canada c. M&B Enterprises Ltd.
[1975] 1 R.C.S. 178, aux pp. 187 et 188, établit aussi qu'il
n'est pas essentiel que les employés visés travaillent exclu-
sivement dans le cadre d'un ouvrage fédéral.
[TRADUCTION] 14. QUE c'est chaque usine d'huile végétale, de
Saskatoon, de Nipawin et d'Altona, qui achète, au comptant,
les oléagineux.
15. QUE, en opposition à ces achats au comptant d'oléagineux
et à la vente subséquente des produits dérivés, le bureau de
Winnipeg, dans ses opérations de couverture, se livre, par
l'intermédiaire de courtiers, au commerce et à des spéculations
sur la farine et l'huile de soja au Chicago Board of Trade et sur
le colza au Winnipeg Commodity Exchange.
La requérante est l'organe de transformation et
de commercialisation des coopératives de blé de la
Saskatchewan et du Manitoba, organisations aux-
quelles adhèrent quelque 100,000 fermiers. La
raison d'être avouée de la requérante, c'est de
fournir à ces fermiers un débouché et un juste prix
pour leurs récoltes. Il découle clairement des preu-
ves précitées que le bureau winnipégois joue un
rôle vital dans l'établissement du prix qui sera
versé aux fermiers en fin de compte, en vertu de sa
fonction de commercialisation aussi bien que de sa
fonction [TRADUCTION] «commerciale et spécula-
trice en matière de denrées». Soutenir que l'organe
d'une compagnie qui gère la commercialisation de
ses produits et la fixation de ses prix ne fait pas
partie «intégrante» de l'exploitation même d'une
entreprise qui commence au moulin à provendes ou
à l'usine de trituration et qui se termine par un
produit, fourrages ou huile végétale, qu'on vendra
et sur le marché interne et outre-mer, c'est, à mon
avis, être dans l'erreur. La fixation du prix auquel
le produit brut est acheté et auquel le produit
transformé est vendu, et la commercialisation du
produit transformé sont des composantes toutes
aussi essentielles à l'ensemble de l'opération que le
travail de l'employé du moulin qui pèse ou moud le
colza du fermier. The Living Webster Dictionary
définit le mot anglais «integral» (intégrante)
notamment comme suit: [TRADUCTION] «se dit des
parties qui contribuent à l'intégrité d'un tout». A
mon avis, le travail qu'effectue le bureau winnipé-
gois de la requérante contribue à l'intégralité du
tout, le tout comprenant les activités, notamment,
des moulins à provendes, lesquels ont été déclarés
ouvrages fédéraux.
En conséquence, et pour les motifs qui précè-
dent, je conclus que le Conseil intimé est compé-
tent en l'espèce.
Le seul autre moyen de contestation qu'a avancé
l'avocat de la requérante à l'instruction c'est que le
Conseil intimé n'a pas observé les principes de
justice naturelle en délivrant ladite ordonnance
sans avoir tenu audience ni donné à la requérante
la possibilité de présenter des preuves et de se faire
entendre comme elle l'avait demandé. Sa plaidoirie
terminée, la Cour a informé l'avocat de la requé-
rante qu'il ne l'avait pas convaincue qu'il y ait eu
quelque fondement à ce moyen. En conséquence
les avocats des intimés n'ont pas été appelés à
élaborer sur ce point. La Cour est d'opinion que,
appliquant à l'espèce les principes énoncés dans
Durham Transport Inc. c. La fraternité interna-
tionale d'Amérique des camionneurs (1978) 21
N.R. 20 et dans Re Greyhound Lines of Canada
Ltd. and Office and Professional Employees
International Union, Local 458 (1979) 24 N.R.
382, la requérante n'a pas réussi à établir que le
Conseil se soit écarté des principes de justice natu-
relle et de la règle audi alteram partem.
Pour tous les motifs énoncés ci-dessus, je rejette-
rais la demande fondée sur l'article 28.
* *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: Je suis également d'avis que
la demande selon l'article 28 doit être rejetée. Si
les ouvrages pour l'avantage général du Canada
étaient en l'espèce les élévateurs de conditionne-
ment fonctionnant en relation avec les usines
d'huile végétale, alors je douterais sérieusement
que le commerce des denrées et l'activité de com
mercialisation du bureau winnipégois de la requé-
rante soient suffisamment reliés de près à l'exploi-
tation des élévateurs pour en être une partie
intégrante ou nécessairement connexe. Mais si les
ouvrages sont constitués par les usines elles-même,
vu leur caractère de moulins à provendes, alors il
ne peut à mon avis n'y avoir aucun doute, pour les
motifs qu'a donnés mon collègue Heald, les fonc-
tions qu'exécute le bureau winnipégois sont au
moins nécessairement connexes à l'exploitation des
moulins. Il y a, comme l'a montré mon collègue
Heald, des preuves qui permettent de conclure que
les usines d'huile végétale exploitées à Altona,
Nipawin et Saskatoon, constituent, elles aussi, des
moulins à provendes au sens de l'article 45 de la
Loi sur la Commission canadienne du blé. J'hésite
toutefois à conclure ainsi en l'absence de preuves
supplémentaires qui montreraient l'importance
relative de la production de provendes de ces
usines. Il suffit en l'espèce, je pense, que dans un
dossier qui soulève la possibilité bien réelle que les
usines d'huile végétale soient aussi des moulins à
provendes, la requérante, à qui il appartenait
d'établir le défaut de compétence allégué, n'ait pas
réussi à démontrer qu'il ne s'agit pas de moulins à
provendes.
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