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T-4157-74
British Columbia Railway Company (Demande- resse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Collier— Vancouver, le 8 novembre et le 8 décembre 1978.
Accise Taxe de vente Marchandises retenues pour son usage par le fabricant et non destinées à la vente La demanderesse conteste la méthode d'évaluation du produit du Ministère Le tribunal doit répondre à des questions de droit préliminaires: (1) s'il y a vraiment une taxe à payer et (2) si la fixation par le Ministre de la valeur du produit peut être contrôlée par une procédure engagée en Division de première instance Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, c. E-13, art. 27 et 28— Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, c. 1-23, art. 11.
Le ministère du Revenu national, Division douanes et accise, a évalué conformément à la Loi sur la taxe d'accise la taxe de vente ou de consommation que devait la demanderesse pour des traverses de chemins de fer. La demanderesse a envoyé ses traverses, non encore traitées, à une autre compagnie pour les faire imprégner de créosote et le prix demandé comprenait d'une part une composante raisonnable pour les coûts de l'opé- ration et, d'autre part, le profit de la compagnie de créosotage. Le ministère du Revenu a calculé la valeur des traverses, aux fins fiscales, comme égale au total du coût des traverses non traitées, de certains frais de transport, du créosotage, plus 15 p. 100 du tout pour la supervision et le bénéfice. La demanderesse a contesté ce pourcentage. Le tribunal doit répondre à deux questions de droit préliminaires: premièrement, la Loi sur la taxe d'accise omet-elle d'indiquer l'époque à laquelle la taxe de vente est payable et, dans ce cas, y a-t-il une taxe à payer? Et, deuxièmement, la fixation par le Ministre de la valeur des traverses de chemins de fer peut-elle être contrôlée par l'intro- duction d'une instance devant la Division de première instance de la présente cour?
Arrêt: la première question doit recevoir une réponse favora ble à la demanderesse. Pour les opérations relevant de l'alinéa 28(1)d), aucune époque de paiement n'est prévue au paragra- phe 27(1). Le sous-alinéa 27(1)a)(i) ne peut être interprété comme fixant l'époque du paiement au moment de la présumée vente spécifiée à l'alinéa 28(1)d). Le paragraphe 50(3) ne fixe pas l'époque la taxe devra être payée. Il permet simplement au contribuable de produire une déclaration et d'envoyer, men- suellement, au percepteur, les taxes perçues ou dues antérieure- ment. Il s'ensuit que les dispositions législatives existantes ne permettent pas au fabricant ou au producteur de savoir quand la taxe sera payable. Le contribuable doit connaître le moment la taxe devient payable afin de se soumettre à ses obligations légales et de les exécuter. Ici il y a une faille ou une omission; il y a incertitude et donc pas d'obligation. Quant à la deuxième question, il avait été convenu que les cotisations seraient aban- données si la première question recevait une réponse favorable à la demanderesse.
ACTION.
AVOCATS:
P. N. Thorsteinsson pour la demanderesse. W. Hohmann pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Thorsteinsson, Mitchell, Little, O'Keefe & Davidson, Vancouver, pour la demanderesse. Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: Les présents motifs concer- nent le règlement préliminaire, d'une question de droit.
Par son action la demanderesse recherche un jugement déclaratoire.
Le paragraphe 2 de la déclaration allègue, comme le reconnaît la défenderesse, que:
[TRADUCTION] 2. Aux époques qui nous intéressent, la deman- deresse a acheté des traverses de chemins de fer de sources diverses, les a remises à des tiers pour les faire traiter puis a utilisé les traverses traitées pour entretenir et prolonger ses voies ferrées.
Le ministère du Revenu national, Division doua- nes et accise, a évalué conformément à la Loi sur la taxe d'accise', la taxe de vente ou de consom- mation que devait la demanderesse pour les traver ses de chemins de fer. Les cotisations portent sur une période allant du 14 juin 1963 au 30 juin 1973. Leur montant est considérable.
C'est un aspect particulier de la cotisation qui a donné lieu à la présente instance. La demanderesse a envoyé ses traverses, non encore traitées, à une autre compagnie pour les faire imprégner de créo- sote. C'est un procédé relativement coûteux. Le prix demandé à la demanderesse pour ce faire comprenait d'une part une composante raisonnable pour les coûts de l'opération et, d'autre part, le profit de la compagnie de créosotage. Le ministère du Revenu a calculé la valeur des traverses, aux fins fiscales, comme égale au total du coût des traverses non traitées, de certains frais de trans port, du créosotage, plus 15 p. 100 du tout pour la supervision et le bénéfice. La demanderesse a con testé ce pourcentage, d'où la présente action.
' S.R.C. 1952, c. 100, modifié et subséquemment: S.R.C. 1970, c. E-13, modifié.
Les parties sont convenues d'obtenir du tribunal la réponse à deux questions de droit préliminaires. La première n'est pas réellement reliée aux 15 p.
100 censés représenter les frais d'administration et les bénéfices. Elle revient à mettre en doute qu'au- cune taxe soit due. La deuxième question porte plus directement sur les 15 p. 100 litigieux.
J'énonce d'abord l'exposé conjoint des faits 2 :
[TRADUCTION] 1. La demanderesse a acheté des traverses de chemins de fer non traitées à certains fournisseurs le long de sa voie ferrée.
2. Elle a livré les traverses non traitées à une usine de créoso- tage exploitée par la Dominion Tar and Chemical Co. Ltd. (la `Domtar'), laquelle a appliqué le traitement.
3. La demanderesse est alors allée chercher les traverses à l'usine de la Domtar et les a utilisées pour son réseau de voies ferrées.
4. La Domtar a demandé à la demanderesse pour le créosotage un prix sans complaisance comportant une composante raison- nable pour couvrir les frais d'administration et le profit.
5. Par analogie avec l'arrêt de la Cour suprême du Canada: La Reine c. Canadian Pacific Railway Company, 1971 Dominion Tax Cases 5078, on considère, aux fins de la taxe de vente, la demanderesse comme le fabricant des traverses que la Domtar, en ce cas-ci, a traitées au créosote.
6. Conformément à l'article 27 de la Loi sur la taxe d'accise, la défenderesse a établi la cotisation de la demanderesse en la considérant comme le fabricant des traverses traitées; elle a imposé la taxe en déterminant en vertu de l'article 28 de la Loi sur la taxe d'accise, que celle-ci porterait sur le total:
a) du prix des traverses non traitées,
b) des frais de transport, lesquels n'ont pas été expressément évalués par la demanderesse,
c) du prix demandé par la Domtar pour le créosotage, plus 15 p. 100 pour la supervision et le profit.
A l'audience, les parties sont en outre convenues que la défenderesse avait choisi, comme époque d'application de la taxe celle les différentes traverses se trouvaient effectivement posées sur l'emprise du réseau ferroviaire de la demanderesse, soit l'époque de la consommation.
J'énonce maintenant les questions de droit qu'il faut résoudre:
[TRADUCTION] 1. La Loi sur la taxe d'accise omet-elle d'indi- quer l'époque à laquelle la taxe de vente ou de consommation sur les traverses de chemins de fer de la demanderesse est payable et dans ce cas celle-ci doit-elle payer cette taxe selon la cotisation établie par le Ministre en l'espèce?
2. La fixation faite par le ministre du Revenu national, confor- mément à l'article 28 de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C.
2 J'ai déjà brièvement résumé ceux-ci.
1970, c. E-13 (modifié) et à l'article 31 de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1952, c. 100 (modifié), de la valeur des traverses de chemins de fer de la demanderesse, aux fins de la taxe de vente ou de consommation, calculée selon l'annexe A de la déclaration modifiée, peut-elle être contrôlée par l'introduc- tion d'une instance devant la Division de première instance de la présente cour?
Les parties sont en outre convenues que:
a) si la première question reçoit une réponse favorable à la demanderesse, les cotisations seront abandonnées; si elle est défavorable, il faudra répondre à la deuxième question;
b) si la deuxième question reçoit une réponse favorable à la défenderesse, l'action de la demanderesse sera rejetée; si la réponse est affir mative, l'action sur le fond devra être jugée.
Lorsque le moment de connaître de ces ques tions est venu, j'ai déclaré, après un échange de vues, que la première question devrait être plaidée et résolue la première.
Je traiterai donc maintenant des allégations relatives à la première question.
Les avocats ont longuement discuté des paragra- phes 27(1) et (4) et 28(1) de la Loi sur la taxe d'accise'. Je reproduis ici ces passages de la Loi:
27. (1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consom- mation ou de vente de neuf pour cent sur le prix de vente de toutes marchandises,
a) produites ou fabriquées au Canada,
(i) payable, dans tout cas autre que celui mentionné au sous-alinéa (ii) ou (iii), par le producteur ou fabricant à l'époque les marchandises sont livrées à l'acheteur ou à l'époque la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre,
(ii) payable, dans un cas le contrat de vente des marchandises (y compris un contrat de location-vente et tout autre contrat en vertu duquel la propriété des mar- chandises est transmise dès qu'il est satisfait à une condi tion) stipule que le prix de vente ou autre contrepartie doit être payé au fabricant ou producteur par versements (que, d'après le contrat, les marchandises doivent être livrées ou que la propriété des marchandises doive être transmise avant ou après le paiement d'une partie ou de la totalité des versements), par le producteur ou le fabricant pro tanto à l'époque chacun des versements devient exigible en conformité des conditions du contrat, et
3 S.R.C. 1970, c. E-13. La modification de l'article 27 opérée par les S.C. 1970-71-72, c. 62, art. 1, ne fait que hausser la taxe de 9 p. 100 12 p. 100. Je ne crois pas nécessaire d'énoncer les dispositions semblables de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1952, c. 100 et ses modifications en vigueur pendant les années 1963à 1970.
(iii) payable, dans le cas des fourrures apprêtées ou apprê- tées et teintes, par la personne à qui l'apprêteur ou le teinturier les livre, au moment de la livraison, que cette personne soit ou non un marchand en gros muni de licence ou un fabricant muni de licence, et le prix de vente des marchandises est censé être soit l'ensemble de la valeur marchande courante des fourrures à leur état brut et des frais d'apprêtage ou d'apprêtage et de teinture, soit seule- ment les frais de teinture lorsque les fourrures livrées étaient des fourrures apprêtées sur lesquelles la taxe avait été versée aux termes du présent sous-alinéa ou lors de l'importation; et l'apprêteur ou le teinturier doit percevoir la taxe lorsque les fourrures sont ainsi livrées, sous forme d'un chèque visé payable au receveur général qu'il doit remettre immédiatement au receveur général;
b) importées au Canada, payable par l'importateur ou le cessionnaire qui sort les marchandises d'entrepôt pour la consommation, à l'époque les marchandises sont impor- tées ou sorties d'entrepôt pour la consommation;
c) vendues par un marchand en gros muni de licence, par lui payable lors de la livraison à l'acheteur, et la taxe doit être calculée
(i) sur la valeur à l'acquitté des marchandises, si elles ont été importées par le marchand en gros muni de licence, ou
(ii) sur le prix auquel les marchandises ont été achetées par le marchand en gros muni de licence, si elles n'ont pas été importées par lui, et ce prix doit comprendre le mon- tant des droits d'accise sur les marchandises vendues en entrepôt; ou
d) retenues par un marchand en gros muni de licence pour son propre usage ou pour être par lui louées à d'autres, payable par le marchand en gros muni de licence à l'époque les marchandises sont employées à son propre usage ou, pour la première fois, louées à d'autres, et ladite taxe doit être calculée
(i) sur la valeur à l'acquitté des marchandises, si elles ont été importées par le marchand en gros muni de licence, ou
(ii) sur le prix auquel les marchandises ont été achetées par le marchand en gros muni de licence, s'il ... ,
(4) Lorsqu'un véhicule automobile ou un tracteur, ou une machine ou un outil devant être actionné par un véhicule automobile ou un tracteur
a) a été acheté ou importé par une personne qui est le premier acheteur ou importateur, au Canada, de l'article destiné à son usage personnel et qui a acheté ou importé l'article destiné à un usage rendant un tel achat ou une telle importation exempts de la taxe prévue par la présente Partie, ou
b) a été acheté dans les conditions décrites au paragraphe 44(2);
les règles suivantes s'appliquent:
c) si, dans les cinq ans d'un semblable achat ou d'une semblable importation, l'article est affecté par l'acheteur ou l'importateur à un usage quelconque (sauf de façon occasion- nelle) pour lequel il n'aurait pas pu, à l'origine, être acheté ou importé, par l'acheteur ou l'importateur, en exemption de la taxe prévue par la présente Partie, l'acheteur ou l'importa- teur sera réputé avoir vendu l'article à l'époque de son
affectation à cet usage et il sera imposé, levé et perçu sur la valeur de l'article à l'époque de son affectation à cet usage une taxe de consommation ou de vente de neuf pour cent, payable par l'acheteur ou l'importateur à cette époque; et
d) si, dans les cinq ans d'un semblable achat ou d'une semblable importation, l'article est vendu ou loué par l'ache- teur ou l'importateur à une personne quelconque, sauf un marchand en gros muni de licence, l'acheteur ou l'importa- teur sera réputé avoir vendu l'article à l'époque celui-ci a été vendu ou loué à cette personne et il sera imposé, levé et perçu sur la valeur de l'article à l'époque de sa vente ou location à cette personne une taxe de consommation ou de vente de neuf pour cent, payable par l'acheteur ou l'importa- teur à cette époque.
28. (1) Chaque fois que des marchandises sont fabriquées ou produites au Canada dans des conditions ou circonstances telles qu'il devient difficile d'en établir la valeur pour la taxe de consommation ou de vente parce que
a) le louage de ces marchandises ou le droit de s'en servir, mais non le droit de les posséder au titre de propriétaire est vendu ou donné;
b) ces marchandises, étant grevées de redevances, celles-ci sont incertaines ou ne constituent pas, pour d'autres causes, un moyen sûr d'estimer la valeur des marchandises;
c) ces marchandises sont fabriquées à l'entreprise pour la main-d'oeuvre seulement et sans qu'il soit inclus la valeur des marchandises, qui y entrent, ou en vertu de toutes autres manières ou conditions inusitées ou particulières; ou que
d) ces marchandises sont à l'usage du fabricant ou du pro- ducteur et non à vendre;
le Ministre peut en fixer la valeur pour la taxe sous le régime de la présente loi et toutes ces opérations sont, pour les fins de la présente loi, considérées comme des ventes.
La défenderesse, lorsqu'elle a établi la cotisation de la demanderesse pour les traverses de chemins de fer, a estimé qu'il était difficile d'établir leur valeur, pour les fins de la taxe, parce qu'elles ont été «fabriquées ou produites» par la demanderesse pour son propre usage et non en vue de les vendre 4 ; l'achat de traverses non traitées, leur créosotage et leur utilisation éventuelle dans le réseau ferroviaire de la demanderesse, sont des «opérations» qui, pour les fins de la Loi sur la taxe d'accise, étaient assimilées à la vente des traverses 5 .
L'avocat de la demanderesse conteste que les étapes ci-dessus énumérées puissent réellement, ou du moins présumément être incluses dans l'expres- sion «toutes ces opérations». Les cas énumérés aux alinéas 28(1)a),b) et c) peuvent tous être qualifiés
° Dans La Reine c. Canadian Pacifie Railway Company [1971] R.C.S. 821, les faits sont presque identiques, on a jugé que la compagnie ferroviaire était le fabricant ou le producteur des traverses au sens de l'alinéa 28(1)d) de la Loi.
5 Voir le paragraphe 28(1).
d'«opérations», dit-on, car ils paraissent envisager la délivrance des produits du fabricant ou du pro- ducteur à quelqu'un d'autre; il n'est donc pas difficile de les «considérer comme des ventes». Mais, fait-on valoir, la fabrication ou la production de marchandises pour son propre usage unique- ment ne peut être une «opération».
Je reconnais la maladresse du libellé du para- graphe 28(1). Le tribunal doit, néanmoins, cher- cher à donner sens et effet aux mots employés. Des «opérations», cela peut vouloir dire des activités. La fabrication ou la production de biens pour son propre usage, et non pour vente ultérieure, peut raisonnablement quant à moi être qualifiée d'opération.
La demanderesse fait principalement valoir que pour qu'une taxe puisse être validement imposée, il faut que sa date d'exigibilité soit d'avance fixée. L'avocat prétend que si l'on se reporte à l'article 27, celui de l'imposition de la taxe, on constate qu'aucune époque n'est prévue pour le paiement de celle-ci dans le cas d'une opération relevant de l'alinéa 28(1)d).
La demanderesse fait remarquer, à juste titre, je le reconnais, que le législateur, aux alinéas 27(1)a),b),c) et d) et au paragraphe 27(4), a expressément prévu le moment précis la taxe serait exigible. On appelle particulièrement l'atten- tion sur l'alinéa 27(1)d). Dans la mesure il traite d'un marchand en gros titulaire d'une licence et retenant pour son propre usage des marchandises, il vise une situation fort semblable aux faits de la présente espèce, impliquant des opérations ressortissant à l'alinéa 28(1)d). La taxe sur les marchandises d'un marchand en gros qui les retient pour son propre usage est payable au moment celles-ci sont effectivement ainsi utili sées. A l'alinéa 27(4)c), qui porte sur la taxe payable dans le cas de véhicules automobiles, de tracteurs, et de certains types de machines, on trouve une disposition en quelque sorte semblable prévoyant l'époque du paiement.
La demanderesse dit qu'il n'existe aucune dispo sition ni à l'article 27, ni dans la Partie V, qui indique la date d'exigibilité de la taxe payable par le fabricant ou le producteur qui se sert de ses propres marchandises. Il y aurait une lacune, une omission; il n'y aurait donc pas de certitude et, consécutivement, pas d'obligation.
Il peut être utile, à mon avis, d'examiner les autres parties de la Loi sur la taxe d'accise.
La Partie I taxe les primes de certains contrats d'assurance. L'article 4 prévoit que la taxe est payable au plus tard à une certaine date chaque année.
La Partie II impose une taxe de transport aérien sur le prix de certains transports de ce genre. On spécifie que la taxe est payable au moment le prix du transport est payé ou devient payable (article 12). La taxe perçue par les transporteurs aériens doit être remise mensuellement (article 17).
La Partie III de la Loi taxe des marchandises diverses énumérées aux annexes I et II. Par exem- ple la taxe des cigarettes et du tabac se trouve à l'annexe II. Les époques de paiement sont expres- sément énoncées au paragraphe 21(2).
Dans cette partie de la Loi, le paragraphe 21(4) mérite qu'on s'y arrête:
21. ...
(4) Lorsque des marchandises de quelque description énu- mérées aux annexes I et II sont de fabrication ou de provenance canadienne et sont destinées à l'usage de leur fabricant ou de leur producteur, et non à la vente, ces marchandises, pour les fins de la présente Partie, sont censées avoir été livrées à leur acheteur, et la livraison est censée consommée, lorsque les marchandises sont employées ou destinées à l'être. Le Ministre peut déterminer la valeur desdites marchandises pour la taxe.
le législateur a, une fois de plus, spécifié expressément l'époque du paiement de la taxe pour celui qui fabrique ou produit certaines catégories de marchandises pour son propre usage. Par com- paraison, le silence de l'article 27 relatif aux mar- chandises de l'alinéa 28(1)d) fait contraste.
La Partie IV porte sur la taxation des cartes à jouer et des vins. Dans le cas des cartes, le moment précis du paiement est prévu au paragraphe 23(2). Dans celui des vins, les époques de paiement sont spécifiées aux paragraphes 24(2) et 25(2).
J'examine maintenant les arguments de la défenderesse.
Elle plaide qu'il n'est pas nécessaire de distin- guer une par une les marchandises relevant de l'alinéa 28(1)d) et d'énoncer expressément, par des dispositions comme celles du paragraphe 21(4),
l'époque du paiement de la taxe; le sous-alinéa 27(1)a)(i) s'applique. Lorsqu'un fabricant ou un producteur se sert de ses propres marchandises, l'opération est assimilée à une vente. Le montant de la taxe est calculé et devient payable au moment les marchandises sortent du stock et sont utilisées; en fait il y a à cet instant présomp- tion de livraison au fabricant l'acheteur) et cession présumée de la propriété. L'avocat fait valoir qu'il était nécessaire d'énoncer expressément les époques de paiement dans les autres sous-ali- néas de l'alinéa 27(1)a) et aux alinéas 27(1)b),c) et d) afin de couvrir ces cas spéciaux car il pourrait y avoir incertitude quant au moment la taxe est payable.
Je ne puis accepter les arguments de la défenderesse.
Interpréter les articles 27 et 28 sa manière
équivaut, selon moi, à insérer dans les dispositions en question des mots pour leur faire dire [TRADUC- TION] «ce que le législateur aurait pu dire ou aurait dit s'il avait eu connaissance [de ce] cas particulier [les traverses de la demanderesse].» 6
La demanderesse m'a renvoyé, sur le principe général voulant que les lois qui imposent des char ges pécuniaires doivent être entendues restrictive- ment à des textes sur l'interprétation des lois plus classiques et plus anciens.
Je cite Maxwell, On the Interpretation of Statutes 7 :
[TRADUCTION] Des lois qui imposent une charge
Les lois qui imposent un fardeau financier sont aussi objets de droit étroit. C'est une règle de droit bien établie que toutes les charges imposées au sujet doivent l'être en termes clairs et sans équivoque parce que dans une certaine mesure ce sont des peines: le sujet ne doit être taxé que si les termes de la loi le prévoient clairement et il ne faut pas les fausser de façon à pouvoir taxer une opération qui, si le législateur y avait songé, aurait été visée par les mots appropriés. «Dans une loi fiscale,» dit le juge Rowlatt, «il faut s'en tenir uniquement à ce qui est clairement énoncé. On ne doit jamais prêter une intention au législateur. Il n'y a rien d'équitable dans une taxe. Une taxe ne doit pas être présumée. Rien ne doit être supposé, rien ne doit être sous-entendu. On ne peut que s'en tenir honnêtement aux termes employés.» Mais cette interprétation stricte ne joue pas toujours en faveur du sujet, ainsi «si la lettre de la loi vise celui que l'on cherche à taxer, il doit l'être, si inique cela puisse-t-il paraître à la conscience judiciaire.
6 E. A. Driedger, The Construction of Statutes (Butter- worths (Canada) 1974) aux pp. 79 et 80.
7 (12» éd., 1969), 256.
La jurisprudence citée à l'appui des principes qui. précèdent fait pleinement autorité. Craies on Stat ute Law 8 , abonde dans le même sens.
La Cour suprême du Canada a adopté cette règle de l'interprétation stricte dans l'arrêt Le Roi c. Crabbs 9 .
La doctrine que je viens d'évoquer porte sur l'interprétation à laquelle il faut généralement s'en tenir pour établir si oui ou non une taxe est imposée ou exigible. Les mêmes règles d'interpré- tation s'appliquent à mon avis en matière d'époque de paiement d'une taxe. En vertu de la Loi sur la taxe d'accise, un contribuable, comme la deman- deresse, peut être accusé de non-paiement de ses taxes '°. Il me semble qu'il est essentiel que l'épo- que du paiement soit certaine si on veut obtenir une déclaration de culpabilité.
Deux ouvrages plus récents sur l'interprétation des lois prétendent qu'il n'y a pas, ou qu'il ne devrait pas y avoir, de règles spéciales, de règles de droit étroit, pour les lois fiscales ". Comme le signale Me Driedger, la Loi d'interprétation 12 de notre pays dispose (lue:
11. Chaque texte législatif est censé réparateur et doit s'in- terpréter de la façon juste, large et libérale la plus propre à assurer la réalisation de ses objets.
Même en n'appliquant que les règles ordinaires d'interprétation (et non celles de droit étroit) qu'é- noncent les textes de Me Driedger aux pages 67 et
76 80 13 , et du professeur Cross à la page 43, j'en conclus quand même que, pour les opérations rele vant de l'alinéa 28(1)d), aucune époque de paie- ment n'est prévue au paragraphe 27(1). En outre le sous-alinéa 27(1)a)(i) ne peut s'appliquer ici. Ce sous-alinéa ne peut à mon avis être interprété, comme le suggère la défenderesse, de manière à fixer l'époque du paiement au moment de la présu- mée vente spécifiée à l'alinéa 28(1)d).
8 (7e éd., 1971), 112à 115.
9 [1934] R.C.S. 523. Voir aussi les motifs du juge Duff (ultérieurement juge en chef du Canada) dans Versailles Sweets, Ltd. c. Le procureur général du Canada [1924] R.C.S. 466, aux pp. 467 et 468.
1 ° Voir par exemple les articles 55 et 56.
" Driedger, op. cit. supra, n. 6, aux pp. 148 153.
12 Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, c. I-23, art. 11.
13 J'inclus les ajouts aux pages 76 et 79 du le' Supplément (1976).
Il s'ensuit que les dispositions législatives exis- tantes ne permettent pas au fabricant ou au pro- ducteur de savoir quand la taxe sera payable. On peut avec autant de vraisemblance prétendre que la vente présumée a lieu lorsque les traverses de chemins de fer sont stockées une fois traitées et non au moment elles sont utilisées. Les traver ses peuvent ne pas être utilisées, c'est-à-dire con- sommées, pendant des mois voire des années. Elles peuvent prendre ou perdre de la valeur avec le temps. Le contribuable doit, à mon avis, connaître le moment la taxe devient payable. Il peut alors se soumettre à ses obligations légales ou les exécu- ter. Ici il y a une faille ou une omission.
La défenderesse a évoqué l'article 50 de la Loi et suggéré que cet article fixe l'époque du paie- ment. Voici le libellé des paragraphes pertinents:
50. (1) Toute personne tenue, en raison ou en conformité des Parties III, IV ou V, de payer des taxes doit produire chaque mois une déclaration véridique de ses ventes taxables effectuées pendant le mois précédent; cette déclaration doit contenir les renseignements et être en la forme que prescrivent les règlements.
(2) Toute personne détenant une licence accordée en vertu ou à l'égard des Parties III, IV ou V doit, si aucune vente taxable n'a été effectuée pendant le mois précédent, produire une déclaration comme l'exige le paragraphe (1), indiquant qu'aucune vente taxable n'a été effectuée.
(3) La déclaration requise par le présent article doit être produite et la taxe exigible doit être versée au plus tard le dernier jour du mois qui suit celui pendant lequel les ventes ont été faites.
Je ne suis pas d'accord.
A mon avis, le paragraphe 50(3) ne fixe pas, en l'espèce, l'époque la demanderesse devra payer la taxe. C'est simplement une disposition permet- tant au contribuable de produire une déclaration et d'envoyer, mensuellement, au percepteur, les taxes perçues ou dues antérieurement.
Les avocats ont déclaré n'avoir pu découvrir un précédent l'on exige, pour qu'une taxe soit valide et exigible, que l'époque du paiement soit spécifiée. J'ai, moi aussi, été incapable de décou- vrir une affaire qui ait été publiée à ce sujet. Dans la deuxième édition du Law of Taxation de Coo- ley, " on lit ce qui suit aux pages 8 et 9:
'^ (2e éd. 1886) Callaghan and Company, Chicago. Cette référence m'a été donnée par un tiers.
[TRADUCTION] Maximes de politique: les auteurs d'écono- mie politique énoncent certains principes devant régir l'imposi- tion des taxes, mais il s'agit de guides pour le législateur plutôt que pour les tribunaux. L'auteur de «La richesse des nations» en particulier a énuméré certaines maximes dont la substance peut être énoncée comme suit: 1. Les sujets de tous les États devraient contribuer à soutenir le gouvernement autant que possible en proportion du revenu dont ils jouissent respectivement sous sa protection. 2. La taxe que chacun est tenu de payer, l'époque et le mode du paiement, et la quantité à payer, doivent être certains et non pas arbitraires. 3. Elle doit être perçue à l'époque et selon le mode qu'on peut présumer les plus commodes pour le contribuable. Et 4. Elle doit être conçue de manière à ne faire sortir des mains du peuple, au-delà de ce qu'elle fait entrer dans le trésor de l'État, que le moins d'argent possible, le moins longtemps possible.
Voici les termes qu'emploie Adam Smith pour sa seconde maxime 15 :
Deuxième maxime.—La taxe ou portion d'impôt que chaque individu est tenu de payer doit être certaine, et non arbitraire.
L'époque du payement, le mode du payement, la quantité à payer, tout cela doit être clair et précis, tant pour le contribua- ble, qu'aux yeux de toute autre personne. Quand il en est autrement, toute personne sujette à l'impôt est plus ou moins mise à la discrétion du percepteur, qui peut alors, ou aggraver la taxe par animosité contre le contribuable, ou bien, à la faveur de la crainte qu'a celui-ci d'être ainsi surchargé, extor- quer quelque présent ou quelque gratification. L'incertitude dans la taxation autorise l'insolence et favorise la corruption d'une classe de gens qui est naturellement odieuse au peuple, même quand elle n'est ni insolente ni corrompue. La certitude de ce que chaque individu a à payer est, en manière d'imposi- tion, une chose d'une telle importance, qu'un degré d'inégalité très-considérable, à ce qu'on peut voir, je crois, par l'expérience de toutes les nations, n'est pas, à beaucoup près, un aussi grand mal qu'un très-petit degré d'incertitude.
Dans la quatrième édition du Law of Taxation de Cooley 16 on trouve, au paragraphe 1311, ce qui suit:
[TRADUCTION] Le moment les taxes deviennent dues et payables et celui elles deviennent en souffrance est générale- ment prévu par la loi.
Aucune référence n'est faite à La Richesse des nations. On cite de la jurisprudence américaine.
Je réponds donc à la première question en faveur de la demanderesse. La réponse formelle à cette question de droit sera comme suit:
La Loi sur la taxe d'accise ne précise pas l'époque la taxe de vente ou de consommation était payable pour les traverses de chemins de fer de la demanderesse. La demanderesse n'est pas
15 La Richesse des nations (1776) Livre V, chap. II, Partie II [TRADUCTION] édictée et préparée par Gérard Mairet, NRF, Gallimard, p. 402.
16 (4» éd. 1924) (Callaghan and Company, Chicago) vol. III.
obligée au paiement de la taxe de vente ou de consommation demandé par le ministre du Revenu national par les cotisations énoncées au paragraphe 3 de la déclaration.
C'est après beaucoup d'hésitation que j'en suis arrivé à cette conclusion. La taxe de vente sur les marchandises qu'un fabricant ou un producteur utilise pour son propre usage est en vigueur depuis environ cinquante-cinq ans ". On m'informe que la position de la demanderesse n'a jamais encore été opposée au ministère du Revenu; les fabricants et producteurs manifestement imposables en vertu de l'alinéa 28(1)d), paient la taxe de vente et de consommation fidèlement depuis des années.
Tout cela ne peut détourner la Cour d'interpré- ter la loi contrairement à ce qui peut avoir été une pratique fiscale établie, si l'interprétation de la loi à laquelle on arrive est, de l'avis de celui qui l'interprète, manifestement contraire aux présomp- tions ou arrangements de longue date ayant cours entre beaucoup de contribuables et le ministère du Revenu' 8 .
L'avocat de la demanderesse rédigera un projet de dispositif donnant effet aux présents motifs et le soumettra à l'avocat de la défenderesse pour com- mentaires. A défaut d'accord, les avocats pourront se faire entendre.
" Voir les modifications apportées à la Loi spéciale des revenus de guerre, 1915 par les S.C. 1923, c. 70, art. 6. Le paragraphe (13) de l'article 19 BBB de la loi modificatrice est maintenant devenu le paragraphe 28(1). Le libellé est demeuré inchangé pendant toutes ces années.
's Un juge peut, dans certains cas, hésiter à interpréter une loi d'une manière qui perturbe une pratique fort longue. Voir dans The S.S. «Glensloy» Co. Ltd. c. Lethem (1911-1915) 6 T.C. 453, les propos du lord président, à la p. 462; toutefois lord Mackenzie, à la p. 465, a dit:
[TRADUCTION] Je partage la conclusion de Votre Seigneu- rie. D'abord je voudrais dire qu'en ce qui concerne la prati- que, je crains de ne pouvoir lui attacher quelque poids en l'espèce. Si cette pratique n'a pas l'aval des dispositions de la loi, nous ne pouvons lui donner quelque effet que ce soit; pour ma part, je ne puis procéder selon une règle de pratique qui n'a été ni prouvée ni admise en l'espèce. Il s'ensuit que je dois m'en tenir à mon interprétation de cet acte du législateur.
Le juge Cameron, dans Gilhooly c. M.R.N. [1945] R.C.É. 141, aux pp. 148 et 149, semble avoir préféré les vues du lord président.
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