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T-2923-78
In re la Loi sur la citoyenneté et in re Mohamad Chakib Abdul-Hamid (Appelant)
Division de première instance, le juge Mahoney— London, le 14 décembre; Ottawa, le 18 décembre 1978.
Citoyenneté Connaissance justifiable du Canada ainsi que des droits et privilèges de la citoyenneté Appelant prétendant connaître les réponses aux questions qui lui sont posées mais ne peut les formuler dans une langue officielle La citoyenneté peut-elle être refusée en raison de son impossi- bilité de formuler les réponses dans une langue officielle, et ce, conformément à l'al. 5(1)d)? Loi sur la citoyenneté, S.C. 1974-75-76, c. 108, art. 5(1)c) et d) Règlement sur la citoyenneté, DORS/77-127, art. 15.
Un juge de la citoyenneté a conclu que l'appelant avait une connaissance suffisante de l'une des langues officielles du Canada, conformément à l'alinéa 5(1)c) mais qu'il ne satisfai- sait pas aux exigences de l'alinéa 5(1)d) en ce qui concerne une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et privilèges de la citoyenneté. L'appelant allègue qu'il connaissait les réponses à toutes les questions qui lui ont été posées à cet égard, mais qu'il ne pouvait les formuler qu'en arabe. Il avait besoin d'un interprète qu'on ne lui a pas fourni. La question est de savoir si un requérant doit répondre aux questions qui lui sont posées à l'égard de l'alinéa 5(1)d) dans une langue offi- cielle, ou encore, s'il pourrait satisfaire -aux exigences de cet article en répondant par l'entremise d'un interprète.
Arrêt: l'appel est accueilli. Les exigences des alinéas 5(1)c) et d) de la Loi ne sont pas cumulatives. Il n'y a rien qui puisse permettre d'ajouter aux exigences expresses de l'alinéa 5(1)d), une condition, implicite celle-là, selon laquelle un requérant doit faire la preuve du caractère suffisant de ses connaissances du Canada et des responsabilités et privilèges de la citoyenneté en s'exprimant dans l'une des langues officielles. Exiger qu'un requérant connaisse le français ou l'anglais de manière à être en mesure de parler convenablement dans cette langue de l'his- toire, de la géographie et du système politique canadiens ajou- terait une nouvelle exigence qui irait bien au-delà des normes établies par l'article 14 du Règlement. Dans l'état actuel de la Loi, un requérant a droit, en établissant qu'il satisfait aux exigences de l'alinéa 5(1)d) de la Loi, d'utiliser la langue de son choix, qui n'est pas nécessairement le français ou l'anglais.
APPEL. AVOCATS:
Rachid Chams pour l'appelant. Edward J. McGrath, amicus curiae.
PROCUREURS:
Lamon & McGrath, London, amicus curiae.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: Un juge de la citoyenneté a conclu que l'appelant ne satisfaisait pas aux exigences de l'alinéa 5(1)d) de la Loi, S.C. 1974- 75-76, c. 108, mais qu'il satisfaisait à celles de l'alinéa 5(1)c).' Les autres exigences de l'article sont étrangères au litige. L'appelant, dans son avis d'appel, a allégué qu'il connaissait les réponses à toutes les questions qui lui ont été posées en ce qui a trait à sa connaissance du Canada et aux respon- sabilités et privilèges de la citoyenneté, mais qu'il ne pouvait les formuler qu'en arabe, et qu'il avait besoin d'un interprète qu'on ne lui a pas fourni. A la demande de la Cour, l'amicus curiae a fait le nécessaire pour retenir les services d'un interprète qui a été assermenté à l'audition de l'appel.
L'appelant est un Libanais qui demeure au Canada depuis huit ans. Il est père de famille et travaille comme journalier. En fait, ses connaissan- ces de la langue anglaise sont suffisantes. Il peut parler de son travail, de sa famille et de ses antécédents avec facilité en anglais, quoique avec un accent. Son aptitude à comprendre et à s'expri- mer en anglais sur des sujets qu'il connaît est non seulement suffisante mais bonne.
Par règlement' établi sous le régime de l'article 26 de la Loi,' les critères aux fins de l'application de l'alinéa 5(1)d) s'énoncent comme suit:
15. Une personne est réputée posséder une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et privilèges de la citoyenneté si elle comprend de façon générale des questions orales simples basées sur les renseignements figurant dans des documents conçus à cette fin, approuvés par le Ministre et présentés aux aspirants à la citoyenneté et si elle peut y répondre correctement. Les questions portent sur
' 5. (1) Le Ministre doit accorder la citoyenneté à toute personne qui, n'étant pas citoyen, en fait la demande et qui
c) a une connaissance suffisante de l'une des langues officiel- les du Canada;
d) a une connaissance suffisante du Canada et des responsa- bilités et privilèges de la citoyenneté; ..
2 Règlement sur la citoyenneté, DORS/77-127.
3 26. Le gouverneur en conseil peut établir des règlements
d) prescrivant les divers critères applicables pour déterminer si une personne
(i) a une connaissance suffisante de l'une des langues officielles au Canada,
(ii) a une connaissance suffisante du Canada et des res- ponsabilités et privilèges de la citoyenneté, ...
a) le droit de vote aux élections fédérales, provinciales et municipales et le droit de se porter candidat à un poste électif;
b) les formalités liées au recensement électoral et au vote; et
c) l'un des sujets suivants à la discrétion de la personne chargée d'interroger le requérant, à savoir
(i) les principales caractéristiques de l'histoire sociale et culturelle du Canada,
(ii) les principales caractéristiques de l'histoire politique du Canada,
(iii) les principales caractéristiques de la géographie physi que et politique du Canada, ou
(iv) les responsabilités et privilèges de la citoyenneté autres que
(A) ceux visés aux alinéas a) et b), et
(B) lorsque la personne est un objecteur de conscience de par sa religion, ses obligations envers le Canada en temps de guerre.
Cette cour, lorsqu'elle est saisie d'un appel, ne possède pas les documents didactiques mentionnés à l'article 15 du Règlement. Elle n'a aucune idée non plus des sujets choisis par le juge de la citoyen- neté parmi les quatre possibilités énumérées à l'alinéa 15c). Cette carence de renseignements dans le dossier fourni à la Cour ne va pas nous causer quelques inconvénients. La procédure en cette cour est celle d'un procès de novo. Il paraît évident que dans l'exercice de ses fonctions la Cour doive appliquer les mêmes normes que celles que le juge de la citoyenneté aurait appliquer lorsqu'il a tiré des conclusions de fait. Cette cour est proba- blement libre de choisir son propre sujet parmi les choix qu'offre l'alinéa 15c); cependant, il est tout à fait impossible à cette cour d'appliquer les mêmes normes que celles adoptées par le juge de la citoyenneté, étant donné qu'elle n'a aucune notion des documents officiels sur lesquels les connaissan- ces de l'appelant, en ce qui a trait aux sujets obligatoires ou facultatifs, sont censées être fon- dées. Cela étant dit dans l'espoir d'attirer l'atten- tion du Ministre sur cette question et qu'il puisse constater le problème et y apporter une solution, je reviens à l'appel en l'espèce.
L'amicus curiae et la Cour ont posé des ques tions à l'appelant sur plusieurs sujets relevant des matières prévues à l'article 15. Lorsque les ques tions étaient posées en anglais sans interprétation en arabe, plusieurs d'entre elles échappaient à l'appelant qui ne pouvait y répondre. Lorsqu'elles lui étaient posées en arabe, ses réponses en anglais étaient dans l'ensemble confuses et peu intelligi-
bles. Enfin, lorsqu'il répondait par l'entremise de l'interprète à qui on posait les questions, l'appelant en saisissait la portée de façon nettement satisfai- sante. Les réponses que l'appelant a données à l'égard des sujets choisis ainsi que sa conduite habituelle au Canada m'ont tout à fait convaincu qu'il sait ce qu'on attend de lui en tant que citoyen canadien et le montre dans sa vie de tous les jours.
Les exigences des alinéas 5(1)c) et d) de la Loi ne sont pas cumulatives. Je ne vois rien qui puisse permettre d'ajouter aux exigences expresses de l'alinéa 5(1)d) une condition, implicite celle-là, selon laquelle un requérant doit faire la preuve du caractère suffisant de ses connaissances du Canada et des responsabilités et privilèges de la citoyenneté en s'exprimant dans l'une des langues officielles. Exiger qu'un requérant connaisse le français ou l'anglais de manière à être en mesure de parler convenablement dans cette langue de l'histoire, de la géographie et du système politique canadiens ajouterait une nouvelle exigence qui irait bien au-delà des normes établies par l'article 14 du Règlement. 4 Dans l'état actuel de la Loi, un requé- rant a droit, en établissant qu'il satisfait aux exi- gences de l'alinéa 5(1)d) de la Loi, d'utiliser la langue de son choix, qui n'est pas nécessairement le français ou l'anglais.
JUGEMENT
L'appel est accueilli.
4 14. Une personne est réputée posséder une connaissance suffisante de l'une des langues officielles du Canada si, à l'aide de questions approuvées par le Ministre, il est établi
a) que son vocabulaire dans cette langue est suffisant pour l'exercice de celles de ses activités non professionnelles qui sont raisonnablement susceptibles de supposer des contacts avec le grand public dans cette langue;
b) qu'elle comprend, dans cette langue, des affirmations et questions orales simples au passé, au présent et au futur; et
c) que son expression orale dans cette langue lui permet de communiquer avec précision des renseignements simples sur des situations passées, présentes et futures.
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