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T-4100-77
Hillsdale Golf & Country Club Inc. (Requérante)
c.
La Reine (Intimée)
Division de première instance, le juge Walsh— Montréal, le 18 décembre; Ottawa, le 22 décembre 1978.
Pratique Dépens Instance en expropriation Dispo- sitif accordant les dépens, y inclus les honoraires et débours des experts et les frais des pièces Rapport d'évaluation préparé pour négocier l'indemnité à accorder pour un terrain de golf exproprié Abandon de l'expropriation cinq ans plus tard sous réserve d'imposition d'une servitude perpétuelle interdisant tout usage résidentiel de la propriété Prépara- tion d'un second rapport d'évaluation sur les conséquences financières défavorables de l'expropriation et de la diminution de valeur de la propriété causée par la servitude Requête pour directives ou pour une ordonnance qui enjoindrait paie- ment d'une somme fixe et globale en lieu et place des frais Loi sur l'expropriation, S.R.C. 1970 (1 e ' Supp.), c. 16, art. 27 Règle 344(7) de la Cour fédérale, Tarif A, art. 4(2), Tarif B, art. 2(2).
Il s'agit en l'espèce d'une requête afin d'obtenir des directi ves, concernant les dépens de cette instance en expropriation, ou une ordonnance qui enjoindrait le paiement d'une somme fixe et globale en lieu et place des frais. La propriété en cause, un terrain de golf luxueux, fut expropriée pour la construction de l'aéroport de Mirabel. La requérante, se préparant pour les négociations relatives à l'indemnité à accorder, engagea des frais importants dans un rapport d'évaluation détaillé et com- plet. L'expropriation, après cinq ans de négociations, fut aban- donnée sous réserve de l'imposition d'une servitude perpétuelle interdisant tout usage de la propriété à des fins résidentielles. Un nouveau rapport d'évaluation tout à fait différent devint nécessaire pour évaluer les conséquences financières défavora- bles des cinq ans d'expropriation et pour calculer la diminution de valeur de la propriété causée par la servitude. Le jugement éventuellement accorda $180,000 dont on devait déduire $45,000 pour les taxes payées par la Couronne pendant les cinq ans le bien-fonds lui a appartenu par suite de l'expropria- tion, et les «dépens incluant les frais et débours des experts et ceux des pièces».
Arrêt: les frais d'experts de la requérante doivent être taxés. Le dispositif est tout à fait clair et montre qu'on voulait que les honoraires et débours des experts et le coût des pièces soient inclus dans le mémoire de frais. Pour établir ce qui constitue une somme raisonnable, l'officier taxateur doit prendre en compte toutes les circonstances contextuelles. La directive appropriée à donner est donc qu'alors qu'il ne serait pas opportun de taxer le montant entier des deux rapports d'évalua- tion à titre de dépens entre parties, payables par la défende- resse, vu spécialement que la moitié du montant ne fut pas directement utilisée en l'instance présente, une part substan- tielle de celui-ci pourrait être considérée raisonnable, particuliè- rement celle portant sur la procédure effectivement engagée. Le dispositif n'a pas prévu le versement d'une somme globale et la
Cour ne peut maintenant le faire car cela équivaudrait à modifier le dispositif. La Cour donne pour instruction, sans chercher à rendre une ordonnance par laquelle elle établirait le montant des dépens, que les sommes fort peu élevées et irréalis- tes prévues par le tarif soient augmentées de façon à indemniser en partie, mais non en tout, la demanderesse des débours faits pour ses experts et des honoraires versés à son avocat en l'instance.
Arrêt appliqué: Smerchanski c. Le ministre du Revenu national [1979] 1 C.F. 801.
DEMANDE. AVOCATS:
Pierre Pinard pour la requérante. Gilles Fafard pour l'intimée.
PROCUREURS:
Viau, Bélanger, Hébert, Mailloux, Pinard, Denault & Legault, Montréal, pour la requérante.
de Grandpré, Colas, Amyot, Lesage, Deschè- nes & Godin, Montréal, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Il s'agit en l'espèce d'une requête afin d'obtenir des directives concernant les dépens de l'instance ou une ordonnance qui enjoin- drait le paiement d'une somme fixe et globale en lieu et place des frais. La question de l'attribution de sommes appropriées au lieu de frais taxés et la procédure à suivre pour les attribuer est devenue difficile et controversée; elle induit fréquemment les avocats des parties en erreur vu l'existence, au moins jusqu'à tout récemment, d'une jurispru dence contradictoire. Dans l'affaire Aladdin Industries Inc. c. Canadian Thermos Products Limited'; le juge Kerr a accordé des sommes substantiellement supérieures au tarif, lequel à mon avis est irréaliste et dépassé par les normes contemporaines, si ce n'est pour quelques espèces relativement rares, dont la présente cour a à con- naître, les sommes impliquées et le temps et l'effort dépensés sont minimes; dans le jugement que j'ai rendu dans Crelinsten Fruit Company c. Maritime Fruit Carriers Co. Ltd. [1976] 2 C.F. 316, dans lequel, quoique j'aie substantiellement réduit les sommes réclamées, calculées selon un
I [1973] C.F. 942.
taux horaire, celles accordées furent quand même considérablement supérieures au tarif. J'ai suivi la même ligne directrice dans l'affaire Le Bureau de fiducie de l'Église presbytérienne au Canada c. La Reine, n°' du greffe T-908-74 [[1977] 2 C.F. 107] et A-404-74, non publiée, datée du 2 décembre 1976, qui, contrairement aux deux autres causes précitées, était une action en expropriation enga gée, toutefois, sur le fondement de la nouvelle Loi. 2 Dans l'affaire Crelinsten j'avais fait réfé- rence à l'arrêt de la Cour d'appel: Crabbe c. Le ministre des Transports 3 , de même qu'à l'affaire Thermos et qu'à l'arrêt de la Cour d'appel Bour- que c. La Commission de la Capitale nationale 4 , le juge en chef Jackett, à la page 530, après avoir référé au paragraphe 4(2) du tarif A et au paragraphe 2(2) du tarif B des Règles de la Cour fédérale, écrit, entre parenthèses:
(Il est vrai que cette disposition prévoit que la Cour donnera des instructions dans un délai qui est expiré en l'espèce, mais nous ne doutons pas que ce délai serait prolongé, dans les circonstances de l'espèce, aux termes de la Règle 3c).)
On souleva aussi la question dans Benmar De velopment Corporation c. La Reine, du greffe T-935-71, une affaire d'expropriation semblable à la présente espèce en ce qu'elle fut engagée sur le fondement de l'ancienne Loi sur les expropria tions, S.R.C. 1970, c. E-19 et qui, au lieu de porter sur l'indemnité à accorder en cas d'expropriation, traitait de celle résultant de l'abandon postérieur de celle-ci par la Couronne. C'est moi qui ai rendu jugement en cette affaire le 17 décembre 1971 accordant $265,000, avec intérêts, moins les sommes déjà versées et concluant, simplement, en disant: «le tout avec dépens». Finalement l'officier taxateur procéda à la taxation des dépens, y incluant les frais des experts (qui se trouvaient être les mêmes qu'en l'espèce présente) pour un mon- tant de $33,641.99, qui fut considéré comme un débours, la taxation totale s'élevant à $36,066.99. La défenderesse demanda la révision de la taxa tion; le juge Addy ordonna alors l'ajournement sine die de la révision demandant que de plus amples détails soient fournis. Ceux-ci une fois fournis, il y eut transaction entre les parties et paiement, de consentement mutuel, d'une somme de $27,687.19.
2 S.R.C. 1970 (1" Supp.), c. 16.
3 [1973] C.F. 1091.
4 [1972] C.F. 527.
Dans l'arrêt récent de la Cour d'appel intitulé Smerchanski c. Le ministre du Revenu national 5 , le juge en chef Jackett, instruisant seul une demande d'ordonnance relative à des dépens, exa- mina attentivement tout l'aspect procédural de la question et, dans une annexe, critiqua les décisions prises dans les affaires (précitées) Crelinsten Fruit et Thermos. Il faut considérer cet arrêt, avec celui de l'affaire Crabbe (précitée) comme réglant défi- nitivement la question de procédure et celle du quantum. J'ai eu aussi l'avantage de lire le juge- ment récent du juge en chef adjoint Thurlow dans l'affaire Parsons c. La Reine, du greffe T-463-77, il conclut qu'il lui est difficile, compte tenu de ce qu'il a devant lui, de penser qu'une indemnité appropriée puisse être correcte- ment évaluée si ce n'est qu'approximativement mais il reconnaît que les $35 prévus par le paragraphe 4(1) du tarif A sont inadéquats en l'espèce et que le paragraphe 4(2) devrait s'appli- quer. Il ordonne alors, conformément à la Règle 344(7) et à l'alinéa 2(2)a) du tarif B, de taxer les débours du témoin-expert en allouant un montant raisonnable pour les services rendus, en se prépa- rant à témoigner et en déposant effectivement au procès, compte étant dûment tenu du montant des dommages recouvrés, du fait qu'il ait été ou non raisonnable dans les circonstances pour le témoin de prendre le temps qu'il a pris pour se préparer à rendre témoignage ainsi que du caractère raison- nable du tarif demandé pour ce faire.
Voici le libellé de la Règle 344(7):
Règle 344... .
(7) Une partie peut
a) après le prononcé du jugement, dans le délai accordé par la Règle 337(5) pour requérir la Cour d'examiner de nou- veau le prononcé du jugement, ou
b) après que la Cour aura décidé du jugement à prononcer, au moment la requête pour l'obtention d'un jugement est présentée,
que le jugement ait ou non réglé la question des dépens, requérir la Cour de donner, au sujet des dépens, des directives spéciales aux termes de la présente Règle, y compris une directive visée au tarif B, et de statuer sur tout point relatif à l'application de tout ou partie des dispositions de la Règle 346. Une demande faite à la Cour d'appel en vertu du présent paragraphe doit être faite devant le juge en chef ou un juge désigné par lui, mais l'une ou l'autre partie peut demander à un tribunal composé d'au moins 3 juges de la Cour d'examiner une décision ainsi obtenue.
5 Supra, à la page 801.
Le paragraphe 4(2) du tarif A se lit comme suit: 4....
(2) Au lieu de faire un versement aux termes de l'article 3, la partie peut verser à un témoin qui comparaît pour déposer en qualité d'expert une somme raisonnable en compensation de ce que le témoin a faire pour se préparer à déposer et. pour déposer.
Voici le texte du paragraphe 2(2) du tarif B:
2. Les frais suivants peuvent être accordés, sauf instructions contraires de la Cour:
(2) Débours:
a) tous les débours visés au tarif A peuvent être accordés; toutefois, les paiements faits à un témoin aux termes du paragraphe 4(2) ne peuvent être accordés que dans la mesure la Cour le permet en vertu de la Règle 344(7).
b) peuvent également être accordés les autres débours qui, selon la conviction du fonctionnaire taxateur, étaient essentiels à la conduite de l'action.
Voici le texte de l'article 3:
3. Il ne doit pas être accordé, par taxation, entre parties, d'autres sommes que celles indiquées ci-dessus; toutefois, tout ou partie des sommes indiquées ci-dessus peuvent être augmen- tées ou diminuées sur instructions données par la Cour dans le jugement relatif aux dépens ou en vertu de la Règle 344(7).
Pour ce qui est de la révision des jugements, il faut se reporter aux paragraphes (5) et (6) de la Règle 337.
Si je comprends bien, voici quel est l'état actuel du droit, après l'arrêt Smerchanski:
1. Si la Cour en rendant jugement se contente d'accorder la taxation des dépens, elle ne peut subséquemment leur substituer une somme globale à moins que ce soit par le biais d'une réévaluation du jugement pour un motif ressortissant à l'une ou l'autre catégorie des cas des paragraphes (5) ou (6) de la Règle 337.
2. Parlant de la taxation subséquente des dépens en vertu de l'article 3 du tarif B et des Règles 344(7) et 350(3), le juge en chef Jackett, à la page 803, écrit:
La nature de l'ordonnance qu'on peut demander sans le consen- tement de la partie adverse et de la Cour ne saurait changer pour autant et l'on ne peut pas dire que la partie adverse ait donné son assentiment pendant l'audition de la présente requête.
C'est certes la règle mais elle ne s'applique pas en l'espèce présente l'avocat de la défenderesse lors de l'instruction devant moi de la requête a
consenti à l'application de l'article 3 du tarif B et de la Règle 344(7) aussi bien qu'à la renonciation de tout délai de présentation de la requête en révision du jugement, conformément à la Règle 337, admettant que le tarif ne représente nulle- ment une rémunération raisonnable des experts comme des avocats de la demanderesse, dans les circonstances particulières de l'espèce.
3. Quant à la Règle 350(3), qui se lit ainsi:
Règle 350. .. .
(3) Lorsque, pour une raison quelconque, il y aurait autre- ment un retard dans la taxation d'un mémoire de frais, un juge peut taxer le mémoire de frais comme s'il était protonotaire, s'il estime qu'il peut le faire sans nuire à ses fonctions judiciaires.
elle ne s'applique que dans le cas un juge siège en un lieu aucun officier taxateur autorisé n'est disponible ou s'il s'agit de quelque autre cas excep- tionnel comparable et ne donne pas au justiciable automatiquement droit à la taxation des dépens par un juge en lieu et place de l'officier taxateur attitré. Ce n'est pas le litige en l'espèce puisqu'il existe un officier taxateur attitré à Montréal.
4. Toute directive judiciaire spéciale modifiant le montant prévu par l'article 3 du tarif B doit être obtenue avant que ne soit engagée la procédure de taxation de façon qu'elle puisse être produite à l'appui des sommes réclamées dans le mémoire de frais au moment de la taxation.
5. La lecture des Règles 344(7) et 337(5) montre qu'une demande de directive pour hausser les frais doit être faite alors que le litige est suffisamment présent à l'esprit de la Cour de sorte qu'elle soit à même d'apprécier si oui ou non en l'espèce particu- lière étaient présentes des circonstances justifiant de s'écarter du tarif normal.
En l'espèce, contrairement à ce qui se passa dans l'affaire Smerchanski, il n'y a pas eu de délai déraisonnable. Le jugement a été prononcé le 3 octobre 1978 et j'ai encore la chose en tête. De plus, comme il a déjà été indiqué, le procureur de la défenderesse est consentant, de sorte qu'aucune requête formelle, sur le fondement de la Règle 337, n'est nécessaire. La requête pour directive dont j'ai à connaître demande à la Cour de rendre l'ordonnance jugée appropriée en matière d'adjudi- cation des dépens, ce qui inclurait la révision du dispositif si nécessaire.
6. En exprimant ses vues sur les motifs de donner une directive comme celle ici recherchée, le docte juge en chef écrit à la page 805:
Rien n'indique que le déroulement de l'appel justifiait une augmentation du tarif des frais entre parties. L'étude des Règles pertinentes ne révèle pas l'existence de quelque principe régissant la fixation des frais habituels entre parties. Toutefois, il semble clair, à mon avis, que les frais entre parties ne visent pas à indemniser intégralement la partie qui a gain de cause de ses frais extrajudiciaires.
et encore, à la page 806:
Si, ainsi que je le pense, les dépens entre parties en Cour fédérale ne sont pas destinés à indemniser intégralement la partie à laquelle ils seront versés, ils sont censés se limiter aux sommes tout à fait arbitraires prévues par les règles, sous réserve des modifications autorisées se fondant sur des facteurs relatifs au déroulement de la procédure dont il s'agit."
7. Comme le montre l'annexe de l'arrêt Smer- chanski, le juge en chef est d'avis que la Règle 344(7) autorise les demandes de directives spécia- les portant sur la taxation des dépens mais non celles demandant la modification du prononcé d'un jugement ou celle d'un jugement après qu'il a été signé.
8. Il découle encore de l'annexe que lors d'une révision de la taxation sur le fondement de la Règle 346(2), l'arrêt Crabbe a établi que la Cour doit se contenter de décider si l'officier taxateur a commis une erreur dans l'exécution de ses fonc- tions mais ne peut ni changer le jugement ni donner l'une des directives envisagées soit par la Règle 344 soit par l'article 3 du tarif B.
Il est maintenant nécessaire de revoir briève- ment la situation particulièrement inhabituelle qui existe en l'espèce présente. La propriété en cause consistait en un terrain de golf luxueux et coûteux situé dans la région expropriée pour la construc tion de l'aéroport de Mirabel au nord de Montréal. Les terrains de golf présentent des difficultés exceptionnelles pour ce qui est de leur évaluation; aussi les demandeurs ont-ils retenu les services de la firme Warnock Hersey, laquelle prépara un rapport d'évaluation détaillé et des plus complets. A l'époque la. Couronne offrait environ $2,000,000 pour la propriété en question alors que, par suite du rapport, la demanderesse demandait environ $4,000,000. Environ $25,000 du compte de War- nock Hersey, présenté le moment venu aux deman- deresses, l'était pour ce travail et certainement la somme en cause justifiait d'avoir passé tant de
temps à se préparer pour les négociations relatives à l'indemnité à accorder et en anticipation de l'engagement éventuel d'une procédure judiciaire pour établir cette indemnité. Les négociations se poursuivirent pendant presque cinq ans au cours desquels les membres du club de golf ont été incapables de prévoir pendant combien de temps ils pourraient continuer à l'exploiter en tant que tel, avec pour résultat une diminution des cotisa- tions d'adhésion des nouveaux membres et le report des dépenses de capital nécessaires, lesquel- les par la suite devinrent plus coûteuses. Finale- ment, en septembre 1974, le ministre des Trans ports décida d'abandonner l'expropriation, laquelle avait été effectuée en 1969, sous réserve de l'impo- sition d'une servitude perpétuelle interdisant tout usage de la propriété à des fins résidentielles. Cela permettait au club de golf de conserver la pro- priété de l'immeuble et de l'exploiter jusqu'à ce que les hausses de taxe que l'on anticipait rendent la chose impossible, sous la réserve fort sévère toutefois de ne pouvoir vendre aucun des immeu- bles de la périphérie du golf à des fins domiciliai- res et d'ainsi en tirer un revenu supplémentaire.
Les experts durent alors préparer un autre rap port d'évaluation tout à fait différent, ce dont ils s'acquittèrent, encore une fois avec la plus grande minutie et force détails, étudiant les cessions de terrains de golf dans la région de Montréal, l'éva- luation du terrain en lui-même, pour les fins de la taxe foncière, au moment ils avaient arrêter leur exploitation, les règlements de zonage dans la région de Mirabel et la valeur des propriétés s'y trouvant en vue d'établir à quel moment futur la taxe foncière de la propriété en cause aurait atteint le point son usage comme terrain de golf devrait cesser, cherchant à prévoir la valeur possible de l'immeuble à ce moment-là, calculant la valeur actuelle, examinant les diminutions d'adhérents et de revenus provenant des cotisations d'adhésion et des comptes envoyés aux membres au cours de la période d'incertitude entre l'expropriation et son abandon, calculant aussi l'augmentation des coûts des dépenses de capital reportées au cours de cette période de cinq ans, et cherchant à calculer la diminution de valeur de la propriété causée par la servitude de non-conversion en usage résidentiel de celle-ci. Il s'agissait d'une méthode entièrement différente impliquant pour les experts des recher- ches et des études supplémentaires fort approfon-
dies, avec pour résultat un coût additionnel pour la demanderesse de quelque $25,000. Par suite de ces études l'indemnité réclamée pour l'abandon était maintenant de $758,180 alors que la Couronne n'offrait que $49,165.32, encore une fois une marge fort importante, d'où il s'ensuivit que la demanderesse engagea la présente instance.
Le jugement éventuellement, quoiqu'il dise que le rapport des experts quant à l'indemnité pour l'abandon de l'expropriation soit trop théorique, parce que fondé sur trop de variables et d'impon- dérables, le trouva néanmoins utile à quelque chose et accorda $180,000, dont on devait déduire $45,000 pour les taxes payées par la Couronne en lieu et place de la demanderesse pendant le temps le bien-fonds lui a appartenu par suite de l'expropriation.
Voici le libellé du dispositif du jugement:
Jugement en faveur de la demanderesse pour $135,000 avec intérêts à compter du 23 septembre 1974 et les dépens, incluant les frais et débours des experts et ceux des pièces.
Notons que le jugement ne se bornait pas à accor- der les dépens mais qu'il adjugeait expressément les honoraires et débours des experts et les frais des pièces. J'ai fait ce prononcé précisément parce qu'ayant en tête la différence qu'il y a entre l'an- cienne Loi sur les expropriations, S.R.C. 1970, c. E-19, sur le fondement de laquelle l'instance fut engagée, et la nouvelle Loi, S.R.C. 1970 (ler Supp.), c. 16. L'article 33 de l'ancienne Loi, qui traite des dépens, se lit comme suit:
33. Les frais de toutes procédures prévues aux présentes ou occasionnés par ces procédures sont laissés à la discrétion de la cour, laquelle peut ordonner que la totalité ou partie en soit payée par la Couronne ou par quelque partie à ces procédures.
Je crois que les mots, dans la version anglaise de l'article, «incident to» (rattachés aux) sont signifi- catifs comme l'est, dans l'une et l'autre version, l'expression «à la discrétion de la cour»; ils sem- blent viser des frais supérieurs au tarif normale- ment prévu pourvu que la Cour estime approprié de les autoriser. Quoiqu'il ne soit spécifiquement rien dit au sujet des experts, les débours faits pour eux pourraient peut-être être considérés comme rattachés aux «procédures». Dans la nouvelle Loi, l'article 27 prévoit:
27. (1) La Couronne doit payer à chaque personne ayant droit à une indemnité en vertu de la présente Partie un montant égal aux frais d'estimation, frais légaux et autres frais qui ont été raisonnablement encourus par cette personne pour faire
valoir son droit à cette indemnité, sauf ceux de ces frais qui ont été encourus après l'institution de procédures en vertu de l'article 29.
il s'ensuit que tous les frais d'experts et les frais extrajudiciaires antérieurs à l'engagement de la présente instance font maintenant partie de la réclamation et doivent y être inclus au lieu d'être taxés après jugement. En outre l'article 36 prévoit que lorsque l'indemnité accordée sera supérieure à l'offre de la Couronne et à moins que la réclama- tion ne soit jugée déraisonnable, les frais seront déterminés sur une base procureur-client et payés par la Couronne. Bien entendu je ne prétends nullement que cette loi soit applicable à la présente instance en tant que telle mais les avocats des deux parties et la Cour avaient certainement en tête les principes d'équité qui y sont énoncés; cela expli- querait le libellé du dispositif, lequel reprend celui des conclusions de la déclaration en prévoyant expressément que les dépens devraient inclure les honoraires et débours des experts et le coût des pièces, ceux-ci, dans la déclaration, n'ayant pas été réclamés à même l'indemnité comme cela aurait été fait sous la nouvelle Loi.
Quant à la question des honoraires et débours des experts et du coût des pièces, je crois que le dispositif est tout à fait clair et montre qu'on voulait qu'ils soient inclus dans le mémoire de frais; il s'ensuit qu'il n'y a pas nécessité de reconsi- dérer ce point sur le fondement de la Règle 337 quoiqu'il puisse être nécessaire, pour expliquer ce à quoi je pensais, de donner une directive expresse, conformément à la Règle 344(7), portant que les experts, conformément au paragraphe 4(2) du tarif A, se voient accorder «une somme raisonnable en compensation de ce que le témoin a faire pour se préparer à déposer et pour déposer». Cela autorise l'officier taxateur, en vertu de l'article 2(2)a) du tarif B, à accorder à titre de débours un paiement «raisonnable» de ce genre. Pour établir ce qui constitue une somme raisonnable, l'officier taxateur doit prendre en compte toutes les circons- tances contextuelles. En l'espèce, le compte de la firme Warnock Hersey s'élève à $50,478.03 dont, comme déjà dit, environ $25,000 pour la prépara- tion de la négociation de la transaction ou du procès portant sur la valeur de la propriété. Finale- ment il ne fut pas nécessaire de présenter cette preuve mais cela n'est nullement de la faute des
experts, ni des avocats de la demanderesse qui leur avaient donné instruction de se préparer sur cette base, car la modification de la nature de la récla- mation résulta de l'abandon de l'expropriation cinq ans après par les autorités responsables de celle-ci; ce qui mena à une évaluation entièrement diffé- rente impliquant environ $25,000. Le compte est appuyé dans le menu détail par des pièces mon- trant le temps passé sur l'affaire, les honoraires quotidiens moyens variant entre $114 et $185 et le taux horaire des équipes d'évaluation variant entre $10 l'heure pour les jeunes évaluateurs, app`oxi- mativement $12 pour les techniciens, $15 pour les évaluateurs moyennement expérimentés et $35 pour les plus chevronnés. Ces taux ne paraissent ni excessifs ni déraisonnables. Toutefois comme l'in- demnité nette ne fut augmentée que de quelque $85,000 de plus que l'offre de la Couronne, il est évident que les frais seraient disproportionnés par rapport au résultat obtenu. Il n'appartient pas à la Cour de décider qu'en conséquence les frais que les experts demandent à la demanderesse doivent ou seront réduits. C'est matière à négociation entre eux. Il me semble que la directive appropriée à donner à l'officier taxateur en l'espèce est donc qu'alors qu'il ne serait pas opportun de taxer les $50,478.03 en leur entier, comme débours pour les experts, à titre de dépens entre parties, payables par la défenderesse, vu spécialement que la moitié de ceux-ci ne furent pas directement utilisés en l'instance présente, il semblerait certainement qu'une part substantielle de ceux-ci pourrait être considérée «raisonnable», particulièrement celle portant sur la procédure effectivement engagée.
Lorsqu'on en arrive à la question des frais d'avo- cats de la demanderesse, les choses se corsent puisque le dispositif n'a pas prévu le versement d'une somme globale et que la Cour ne peut maintenant le faire car cela équivaudrait à modi fier le dispositif. Que la Cour ne l'ait pas fait, résulte peut-être, comme le reconnaît l'avocat de la défenderesse, d'une erreur de droit dont il aurait été la cause. Il a admis qu'à un certain stade au cours du procès, l'avocat de la demanderesse pro- posa de demander à la Cour d'accorder par son jugement une somme globale et que lui, avocat de la défenderesse, laissa entendre qu'il ne considérait pas cela nécessaire car la question du caractère raisonnable des honoraires des avocats de la demanderesse pourrait être résolue au moment de
la taxation. Éventuellement aucune ordonnance de ce genre ne fut demandée, l'aurait-elle été, je l'aurais immédiatement accordée. Toutefois je me demande si cela constitue un motif justifiant de modifier le dispositif en vertu de la Règle 337(5)b) parce qu'«on a négligé ou accidentellement omis de traiter d'une question dont on aurait traiter». Toutefois je ne crois pas que la jurisprudence m'interdise d'accorder une requête pour directives et de donner des directives spéciales à l'officier taxateur au sujet des dépens. Je ne m'occupe pas de la révision d'une taxation ni ne tente de donner des directives sur le fondement de la Règle 344(7) au sujet d'une telle révision comme dans les affai- res Crelinsten Fruit et Thermos, procédure jugée inacceptable dans les affaires Crabbe et Smer- chanski, pas plus que je ne cherche à rendre une ordonnance par laquelle j'établirais moi-même le montant des dépens, comme on le demandait dans l'affaire Smerchanski, plutôt que de les laisser taxer par l'officier taxateur. Je propose simple- ment, avec l'approbation de l'avocat de la défende- resse, de donner certaines directives à l'officier taxateur lui permettant de conclure à l'augmenta- tion des sommes prévues par le tarif en appliquant les indicateurs que j'énonce maintenant.
Le compte de l'avocat de la demanderesse, qui s'élève à $25,000, énumère par le détail les nom- breux services rendus à partir de 1971. Au moins la moitié de ces services concerne les consultations avec ses clients, avec les experts, les représentants du Ministre, les fonctionnaires municipaux etc. et les négociations pour tenter d'évaluer l'indemnité payable pour l'expropriation; il serait déraisonna- ble de conclure qu'étant donné que presque tout ceci fut une perte de temps vu que finalement il y eut abandon de l'expropriation et que l'action fut engagée sur un tout autre fondement, l'avocat de la demanderesse ne devrait pas être rémunéré pour ce qui précède. Toutefois les dépens taxés doivent l'être pour la procédure effectivement engagée. Comme dans le cas des honoraires d'experts, il serait inapproprié de ma part de chercher à dire si la somme de $25,000 constitue des honoraires qu'il était approprié pour l'avocat de demander lorsque le jugement éventuellement obtenu en faveur de la demanderesse n'a été que pour un montant net de $135,000, quelque $85,000 seulement de plus que l'offre. Il est intéressant de considérer le paragra- phe 89(1) du Règlement du Barreau du Québec
qui suggère un tarif en matière d'expropriation; le voici:
89. (1) En matière d'expropriation, les honoraires extrajudi- ciaires suggérés sont les suivants:
a) Un pour cent (1%) du montant de l'indemnité (sauf dans les cas il a déjà droit à des honoraires équivalents en vertu du tarif des frais judiciaires), plus
b) Dix pour cent (10%) de la différence entre le montant de l'indemnité et le montant de l'offre initiale faite par l'expro- priant ou dans le cas l'expropriant ne fait pas d'offre, la différence entre le montant de l'indemnité et le montant minimum établi par les experts de l'expropriant.
Si on appliquait ce tarif, les honoraires extrajudi- ciaires appropriés voisineraient les $9,850. Ce tarif bien entendu n'est aucunement obligatoire pour la présente cour. L'officier taxateur doit garder à l'esprit en outre la mise en garde du juge en chef Jackett dans l'affaire Smerchanski: les frais entre parties du tarif ne sont pas destinés à rembourser entièrement les frais que la partie qui obtient gain de cause a débourser au cours du litige. Il serait manifestement déraisonnable toutefois, vu les faits de la présente espèce, de s'attendre à ce que la demanderesse qui, quoique ayant cause gagnée, voit déjà sa demande considérablement réduite par le jugement, étant ramenée à $135,000, ait à payer $50,000 pour les experts et $25,000 de frais d'avo- cat pour obtenir cette indemnité, laissant un solde fort mince à n'en pas douter. C'est pour cette raison que je donne pour instruction que les sommes fort peu élevées et irréalistes prévues par le tarif soient augmentées de façon à indemniser en partie, mais non en tout, la demanderesse des débours faits pour ses experts et des honoraires versés à son avocat en l'instance. En outre on pourrait ajouter que c'est ainsi que les réclama- tions de tous les expropriés de l'aéroport Mirabel ont été traitées avant l'arrêt Smerchanski et quoi- qu'il n'y ait aucun principe de droit voulant que l'erreur, s'il est vrai que ces taxations furent erro- nées, commise dans les affaires précédentes doive être perpétuée et qu'une procédure différente ne puisse être adoptée dans les causes subséquentes consécutivement à l'arrêt d'une juridiction d'un degré supérieur, ce serait faire de la discrimination à l'égard de la demanderesse si, par suite d'un raisonnement différent en l'espèce, les dépens ne lui étaient accordés que conformément aux mon- tants très minimes du tarif.
ORDONNANCE
Le délai de présentation de cette requête est prorogé à aujourd'hui et il est donné comme ins truction, conformément à la Règle 344(7) et au paragraphe 2(2) du tarif B, que les débours de la demanderesse au sujet de ses témoins-experts soient taxés et adjugés conformément au paragra- phe 4(2) du tarif A de façon à accorder une somme raisonnable pour les services rendus par le témoin en se préparant à rendre témoignage et en déposant au procès, compte étant dûment tenu du montant de l'indemnité accordée dans l'action sur le fond, du caractère raisonnable, dans les circons- tances, du temps passé par les experts à se prépa- rer à rendre témoignage et du caractère raisonna- ble du taux demandé pour ce temps aussi bien que pour celui passé à assister au procès et à témoigner et, de plus, que conformément à la Règle 344(7) et au paragraphe 2(3) du tarif B, il y ait hausse du montant taxé des honoraires d'avocat de la deman- deresse compte étant dûment tenu du montant de l'indemnité accordée par l'action sur le fond, du caractère raisonnable du temps passé par l'avocat relativement à cette instance, du taux demandé pour ce temps et de la somme minimale auquelle il aurait eu droit à titre d'honoraires extrajudiciaires si le tarif en matière d'expropriation applicable dans la province de Québec devait être respecté, mais aussi gardant à l'esprit que les sommes ainsi accordées ne sont pas destinées à indemniser entiè- rement la partie ayant obtenu gain de cause des frais du litige mais seulement d'une portion raison- nable de ceux-ci. Les dépens de cette requête peuvent être taxés comme partie des frais.
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