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A-391-79
Controlled Foods Corporation Limited (Appe- lante) (Demanderesse)
c.
La Reine (Intimée) (Défenderesse)
Cour d'appel, les juges Heald et Urie et le juge suppléant Kerr—Vancouver, 1e" octobre; Ottawa, 3 novembre 1980.
Douanes et accise Taxe d'accise «Fabricant» ou «producteur» Appel d'un jugement de la Division de pre- mière instance rejetant l'action de l'appelante pour être déclarée fabricant ou producteur L'appelante, un restaurateur, soutient qu'elle est un fabricant ou un produc- teur car elle prépare de la nourriture et des boissons que consomment sur les lieux ses clients Il échet d'examiner si le juge du fond a à tort jugé que les activités de l'appelante n'équivalaient pas à une fabrication ou à une production et que l'appelante n'était pas un fabricant ni un producteur Appel rejeté Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, c. E-13, modifiée, art. 27(1)a) et 29(1), annexe III, Partie XIII, art. la)(i),(ii),(iii),b) et c).
Appel d'un jugement du premier juge rejetant l'action de l'appelante pour être déclarée fabricant ou producteur. L'ap- pelante, propriétaire de restaurants, soutient que la préparation de la nourriture et des boissons que consomment sur les lieux ses clients en fait un fabricant ou un producteur. Elle fait valoir que les traitements et procédés dont elle se sert pour préparer les repas et les boissons font que les matériaux bruts utilisés acquièrent des formes, des qualités et des propriétés nouvelles. Les témoins de l'intimée ont distingué les opérations des fabri- cants d'aliments de celles d'un restaurant. Il échet d'examiner si c'est à tort que le premier juge a jugé que les activités de l'appelante ne constituaient pas de la fabrication ni de la production et que l'appelante n'était ni un fabricant ni un producteur.
Arrêt: l'appel est rejeté. Le premier juge a justement jugé que, pour décider du litige, il pouvait prendre connaissance des vues généralement acceptées dans le commerce sur la nature de la fonction restauration aussi bien que des définitions des termes «fabricant, et «producteur» dans les dictionnaires. Pour connaître ces vues, il pouvait déduire de la preuve administrée devant lui, comme il l'a d'ailleurs fait, que le traitement et le procédé utilisés par l'appelante pour préparer les repas et les boissons n'étaient pas habituellement considérés comme de la «fabrication ou de [la] production». La préparation de nourri- ture, particulièrement de boissons, pour vente immédiate, au détail, sur les lieux du restaurant, ne constitue pas de la fabrication ni de la production au sens de la Loi.
Arrêts mentionnés: La Banque Royale du Canada c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise 79 DTC 5263; R. c. Pedrick (1921) 21 R.C.É. 14; R. c. Karson (1922) 21 R.C.E. 257; R. c. Shelly [1935] R.C.É. 179. Distinction faite avec l'arrêt: R. c. York Marble, Tile and Terrazzo Ltd. [1968] R.C.S. 140.
APPEL.
AVOCATS:
M. R. V. Storrow et D. Morley pour l'ap-
pelante (demanderesse).
W. B. Scarth pour l'intimée (défenderesse).
PROCUREURS:
Davis & Company, Vancouver, pour l'ap- pelante (demanderesse).
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée (défenderesse).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE URIE: Ceci est l'appel d'un jugement de la Division de première instance [[1979] 2 C.F. 825] rejetant l'action de l'appelante par laquelle elle demandait qu'il soit déclaré qu'elle est, aux termes des alinéas la),c) et d) de la Partie XIII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, c. E-13, modifiés, un fabricant ou produc- teur, ce qui aurait pour effet que des machines, des appareils et du matériel qu'elle a achetés soient exempts des taxes de vente autrement payables en vertu du paragraphe 29(1) de la Loi.
L'appelante exploite des restaurants dans cinq provinces. Au cours de l'année 1976, elle construi- sit un bâtiment à Richmond en Colombie-Britan- nique dans le but d'y exploiter un restaurant appelé «The Corkscrew». Pour s'en servir dans le cours de cette exploitation, elle acheta et fit instal- ler des machines, des appareils et du matériel dont elle se sert depuis pour préparer la nourriture et les boissons qu'elle sert à ses clients sur les lieux. Les différents appareils, machines et matériel sont ras- semblés sous trois rubriques dans l'exposé conjoint des faits produit par les parties. Ceux de l'annexe A de l'exposé, les parties en sont convenues, seront exemptés du paiement des taxes de vente si l'appe- lante a gain de cause. Ceux de l'annexe B, a-t-on convenu, ne le seront pas. L'intimée par ailleurs ne reconnaît pas que ceux de l'annexe C en seront exempts même si l'appelante a gain de cause.
La preuve administrée nous apprend que la sur face totale du restaurant est d'environ 12,000 pieds carrés; deux tiers sont mis à la disposition du
public, le tiers restant étant réservé au personnel et aux cuisines. Il y a 210 places dans la salle à manger et 50 dans le salon-bar l'on prépare et sert des breuvages. Des 65 employés de l'appe- lante, les deux-tiers sont au service du public, le reste travaillant dans ce que l'on décrit comme le côté [TRADUCTION] «transformation» de l'exploi- tation.
Voici les articles de la Loi sur la taxe d'accise qui nous importent en l'espèce:
27. (I) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consom- mation ou de vente de douze pour cent sur le prix de vente de toutes marchandises,
a) produites ou fabriquées au Canada,
(i) payable, dans tout cas autre que celui mentionné au sous-alinéa (ii), par le producteur ou fabricant à l'époque les marchandises sont livrées à l'acheteur ou à l'époque la propriété des marchandises est transmise, en choisis- sant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre, ...
29. (1) La taxe imposée par l'article 27 ne s'applique pas à la vente ou à l'importation des articles mentionnés à l'annexe III.
Les alinéas la),b),c) et d) de la Partie XIII de l'annexe III importent dans le présent appel; les voici:
1. Tous les articles suivants:
a) les machines et appareils vendus aux fabricants ou produc- teurs ou importés par eux pour être utilisés par eux directe- ment dans
(i) la fabrication ou la production de marchandises,
(ii) la mise au point de procédés de fabrication ou de production devant être utilisés par eux, ou
(iii) la mise au point de marchandises devant être fa- briquées ou produites par eux;
b) les machines et appareils vendus aux fabricants ou produc- teurs ou importés par eux et destinés à être directement utilisés par eux pour la détection, la mesure, le traitement, la réduction ou l'élimination des polluants de l'eau, du sol ou de l'air qui sont attribuables à la fabrication ou la production de marchandises, ou pour la prévention de la pollution qu'ils causent;
c) le matériel vendu aux fabricants ou aux producteurs ou importé par eux et destiné à être utilisé par eux pour le transport des déchets ou des rebuts des machines et appareils qu'il utilisent directement pour la fabrication ou la produc tion de marchandises ou destiné à être utilisé par eux pour aspirer la poussière ou les émanations nocives produites par leurs opérations de fabrication ou de production;
d) les dispositifs et matériels de sécurité vendus à des fabri- cants ou producteurs ou importés par eux et destinés à être utilisés par eux pour la prévention des accidents dans la fabrication ou la production de marchandises;
Comme il a été dit fréquemment auparavant', pour qu'il y ait exemption des taxes de vente qu'autrement imposerait le paragraphe 27(1), deux conditions doivent être remplies, comme le paragraphe 29(1) et la Partie XIII de l'annexe III l'indiquent clairement. Ce sont:
a) Les marchandises et appareils doivent avoir été vendus à un fabricant ou producteur ou importés par lui;
b) et le fabricant ou le producteur doit utiliser directement les machines ou appareils pour la fabrication ou la production de marchandises.
Le litige en l'espèce donc est de savoir si oui ou non c'est à tort que le distingué juge de première instance a statué, d'abord, que les activités de l'appelante n'étaient pas «de la fabrication ni de la production» et, en second lieu, que celle-ci n'était ni «un fabricant ni un producteur».
Il est admis que c'est l'appelante qui s'est portée acquéreur des machines, des appareils et du maté riel en cause, que la nourriture et les breuvages préparés et offerts constituent des marchandises aux termes des exemptions prévues par la Loi. Cet accord entre les parties toutefois ne s'étend pas aux deux questions mentionnées ci-dessus. L'appe- lante se dit «fabricant ou producteur», de repas et de boissons et prétend avoir droit aux exemptions prévues dans ces alinéas de la Partie XIII de l'annexe III précités car:
1. les machines et appareils qu'elle a achetés, dans la mesure ceux-ci sont utilisés directe- ment dans la production de repas et de boissons, relèvent du sous-alinéa 1 a) (i);
2. le matériel destiné à être utilisé par elle et le transport des déchets ou rebuts des machines et appareils qu'elle utilise pour la fabrication de repas et de boissons relève de l'alinéa l c);
3. le matériel destiné à être utilisé par elle pour aspirer la poussière ou les émanations nocives produites par la fabrication ou la production de repas et de boissons relève aussi de l'alinéa lc);
4. les dispositifs et matériels de sécurité destinés à être utilisés par elle pour la prévention des
V.g. La Banque Royale du Canada c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise 79 DTC 5263, à la p. 5264 (C.A.F.).
accidents dans la fabrication ou la production de repas et de boissons relèvent de l'alinéa 1 d).
L'avocat de l'appelante s'est largement appuyé dans son argumentation devant la Cour sur l'arrêt de la Cour suprême du Canada La Reine c. York Marble, Tile and Terrazzo Ltd. 2 Comme il importe de replacer l'extrait de l'arrêt, que rédigea le juge Spence au nom de la Cour, dans son contexte, extrait sur lequel l'appelante, on le com- prendra, s'appuie, je cite ci-après une large part de ce texte, à compter de la page 144:
[TRADUCTION] Le distingué juge de la Cour de l'Échiquier, dans ses motifs, a statué que lesdites activités n'avaient rien de l'exercice d'un art ou d'un procédé qui aurait modifié la nature du produit naturel importé en cause, de façon à ce qu'il tombe dans l'acception des termes «produit ou fabriqué» de la Loi sur la taxe d'accise, ce que conteste Sa Majesté la Reine en cet appel.
On a cité une abondante jurisprudence, fort peu instructive à mon avis. On doit toujours se rappeler que les décisions judi- ciaires portant interprétation d'autres lois, particulièrement les décisions judiciaires d'autres juridictions, ne peuvent apporter qu'une aide limitée dans l'interprétation exacte des dispositions d'une loi canadienne. Se référant aux expressions «toute mar- chandise: a) produite ou fabriquée au Canada» le juge en chef Duff, dans l'arrêt Sa Majesté le Roi c. Vandeweghe Limited ([1934] R.C.S. 244 la page 248, 3 D.L.R. 57), note:
Les termes «produit» et «fabriqué» n'ont pas un sens vraiment précis et, en conséquence, nous devons regarder le contexte pour déterminer leur sens et leur portée dans les dispositions que nous avons à interpréter.
On se référera à nouveau à cet arrêt plus loin. Il fut prononcé le 6 mars 1934, or le 2 décembre 1933 le juge Archambault, dans Ministre du Revenu national c. Dominion Shuttle Com pany Limited ((1 933), 72 Que. C.S. 15), prononca un jugement fort intéressant en la Cour supérieure de la province de Québec.
Ces deux jugements ont examiné lesdits art. 85 et suivants de la Loi spéciale des revenus de guerre les mêmes termes «produit ou fabriqué au Canada», étaient employés. Le juge Archambault résume les faits comme suit:
La preuve administrée montre que ces grandeurs de bois furent vendues et livrées par la scierie de Colombie-Britanni- que aux défenderesses à Lachute, en longueur de 20', 16' et 25', tant le mille pieds.
Le bois fut traité par la défenderesse de la façon suivante: premièrement, coupe, en longueur de 10' ou de 8'; deuxième- ment, créosotage, ou plonge des billots dans des huiles créo- sotées, pour les préserver contre les intempéries (les défende- resses possèdent une usine spéciale pour effectuer ce traitement); troisièmement, arrondissement, usinage ou taille du bois pour lui donner une forme ronde; quatrièmement, perçage de trous dans ceux-ci pour y insérer la tige de l'isolateur et, une fois le travail terminé, vente à la Canadian Pacific Railway au prix, non pas à tant le mille pieds mais à tant les cents «traverses».
2 [1968] R.C.S. 140.
et il poursuivait:
Voici ce qu'il y a à décider: Premièrement, les défenderes- ses sont-elles productrices ou fabricantes de ces «traverses»? deuxièmement, le prix du transport depuis la Colombie-Bri- tannique jusqu'à Lachute doit-il être inclus dans le prix de vente?
D'abord qu'est-ce qu'un fabricant? Il n'y a aucune défini- tion du terme «fabricant» dans la Loi et il est pratiquement impossible de trouver une définition qui soit absolument précise mais d'après toutes les définitions des principaux dictionnaires, Corpus Juris, Encyclopédie, etc., la Cour com- prend que fabriquer c'est confectionner; c'est l'acte le processus de faire que des objets puissent servir; c'est l'opéra- tion consistant à faire des marchandises ou des produits de toute sorte; c'est produire des objets utiles à partir de maté- riaux bruts, ou préparés, en donnant à ces matériaux des formes, des qualités et des propriétés nouvelles ou en les combinant, que ce soit à la main ou à la machine.
C'est exactement ce que la compagnie défenderesse a fait. Elles recevaient le matériau brut ou préparé, soit diverses longueurs de bois, et leur faisaient subir le processus déjà mentionné pour faire des «traverses» et les vendre au consommateur.
Aux fins de l'espèce, je prends acte et je fais mienne l'une des définitions citées par le savant juge, à savoir «la fabrication est l'action de produire, à l'aide de matières premières ou transfor- mées auxquelles on a donné des formes, des qualités et des propriétés nouvelles, ou en les combinant, par des procédés manuels ou mécaniques, des articles destinés à être utilisés». (Italiques ajoutés.) Si l'on appliquait le dernier critère à la question en l'espèce, il faudrait, à mon avis, conclure que les dalles de marbre finies qui ont quitté l'usine de l'intimée avaient reçu, tant par des procédés manuels que mécaniques, des formes, des qualités et des propriétés nouvelles. [C'est moi qui souligne.]
L'appelante a naturellement soutenu que la preuve administrée voulant que tous les traite- ments et procédés dont elle se servait pour prépa- rer les repas et les boissons faisaient que les maté- riaux bruts utilisés acquéraient des formes, des qualités et des propriétés nouvelles et se trouvaient substantiellement modifiés en leur essence entre le début du traitement et l'apparition du produit fini. Ainsi ce que faisait l'appelante, c'était fabriquer ou produire des repas et des boissons.
Comme le distingué juge du fond l'a observé en administrant la preuve destinée à supporter son argumentation, l'expert de l'appelante a repris les mots mêmes du juge Spence, disant que, dans la préparation des repas et des boissons, ce qui était fait avait pour résultat de conférer à leurs parties composantes des formes, des qualités et des pro- priétés nouvelles. Toutefois, ce fut aussi son avis que, bien que ces changements aient effectivement
lieu, ils n'étaient pas concluants et ne permettaient pas de juger que l'appelante, même si l'on pouvait dire qu'elle fabriquait et produisait quelque chose, était bel et bien un fabricant ou un producteur. Je partage son opinion pour deux raisons.
Premièrement on remarquera que le juge Spence adopta «aux fins de l'espèce» une seule des définitions, uniquement, de «fabricant» cité par le juge Archambault dans l'affaire Dominion Shuttle. Manifestement il a choisi la définition à la lumière des faits particuliers de l'espèce et n'a donc pas exclu l'application d'autres définitions ni la considération d'autres principes en d'autres cir- constances. Le recours aux définitions d'un dic- tionnaire usuel, qu'il n'est pas nécessaire de citer ici, montre que celle choisie par le juge Spence ne s'applique pas nécessairement dans tous les cas.
Deuxièmement une jurisprudence constante en droit canadien, remontant à soixante ans, soutient qu'«il faut tenir compte des usages du commerce.» 3 Le distingué juge analysa et se référa à la jurispru dence sur laquelle le principe est fondé, y compris certaines décisions des tribunaux américains, et conclua, à bon droit, qu'il pouvait prendre en compte, pour en arriver à sa décision, les vues généralement acceptées des commerçants en sem- blables matières sur la nature des opérations effec- tuées dans un restaurant. Il statua comme suit la page 832]:
Compte tenu de toutes les décisions étudiées et après avoir examiné l'ensemble de la preuve, m'être guidé sur l'usage commercial et limité aux faits de l'appel, j'estime que les opérations que Controlled Foods a fait subir et continue de faire subir aux matières premières dont elle se sert et qu'elle traite et transforme à l'aide de machines, d'appareils et de matériel, n'équivalent pas, en fait, et ne peuvent être générale- ment reconnues comme équivalent à la «fabrication ou la production de marchandises». En outre, Controlled Foods ne peut être considérée et ne peut être généralement reconnue comme un «fabricant» ou un «producteur» au sens de la Loi sur la taxe d'accise, et en particulier, en vertu de l'annexe III y afférente. [C'est moi qui souligne.]
Je suis d'avis qu'en droit il a justement jugé que, pour décider du litige en cause, il pouvait prendre connaissance des vues généralement acceptées dans le commerce sur la nature de la fonction
3 La Banque Royale du Canada c. D.M.N.R., précitée, à la p. 5266. Voir aussi: Le Roi c. Pedrick (1921) 21 R.C.E. 14, la p. 17. Le Roi c. Karson (1922) 21 R.C.E. 257, aux pp. 260 263. Le Roi c. Shelly [1935] R.C.E. 179.
restauration aussi bien que des définitions de ces termes dans les dictionnaires. Pour les connaître, il pouvait déduire de la preuve administrée devant lui, comme il l'a d'ailleurs fait, que le traitement et le procédé utilisés par l'appelante pour préparer les repas et les boissons qu'elle servait à ses clients, ne seraient pas habituellement considérés comme de la «fabrication ou de [la] production» dans l'accep- tion habituelle qu'ont ces termes, ni qu'elle ait été, parce qu'effectuant ces opérations, un «fabricant ou [un] producteur».
L'appelante a cité deux témoins dans l'unique but de démontrer que [TRADUCTION] «tous les traitements et les procédés dont s'est servie la demanderesse, comme le décrit ce rapport, fai- saient que le matériau brut traité et utilisé dans le procédé acquérait des formes, des qualités et des propriétés nouvelles et subissait une modification substantielle entre le moment la demanderesse commençait le traitement et celui il en sortait un produit fini» 4 . En autant que je sache, l'appe- lante n'a fourni aucune preuve portant sur les usages commerciaux.
D'autre part l'intimée a fait témoigner à titre d'expert J. A. Kitson, chef de la section Traite- ment des aliments, du ministère fédéral de l'Agri- culture. Il a admis que le changement apporté aux divers aliments et breuvages préparés par l'appe- lante pour consommation par ses clients sur les lieux, au cours de la préparation, comme l'avait décrit M. Richards, était véritable. Mais il a aussi distingué les opérations des fabricants d'aliments, comme les fabricants de conserves (produits cannés, poissons et volailles) et de produits conge- lés, de celles d'un restaurant. La tâche des pre miers est essentiellement de préserver et de prolon- ger la conservation des aliments devant être consommés après un certain temps après leur pré- paration. Un restaurant, d'autre part prépare ses aliments pour consommation immédiatement après la cuisson. Voici ce qu'il a dit en partie:
[TRADUCTION] Q. Bon, d'après votre expérience de l'indus- trie de la transformation alimentaire, un restaurateur est-il considéré comme un transformateur alimentaire?
R. Non pas du tout d'après mon expérience. Par exemple nous avons ici en Colombie-Britannique une association des fabricants d'aliments: la Western Food Processors Association, laquelle a plusieurs membres, tous fabricants
4 Témoignage de M. James F. Richards, pp. 9 et 10.
de conserves ou de produits congelés, ou encore, une association comme la Mushroom Growers Association, impliquée elle aussi dans l'industrie de la transformation.
Q. Êtes - vous à même, M. Kitson, de dire que la préparation de nourriture par un restaurant n'est pas en général considérée par ceux qui œuvrent dans la transformation alimentaire?
R. C'est exact; on considère généralement cela comme une industrie différente.
Q. Et alors la différence essentielle entre la restauration et la transformation alimentaire, c'est quoi?
R. Le restaurant qui prépare des pommes de terre, en ce cas ci, ou tout autre produit, le fait pour qu'elles soient conservées pendant un temps relativement court, un jour, peut-être deux dans certains cas, la plupart du temps quelques minutes ou une heure, alors que le transforma- teur alimentaire prépare un produit qui devra se conser- ver fort longtemps pendant qu'il parcourt la chaîne de distribution jusqu'au consommateur final, lequel doit pouvoir le conserver encore, aussi longtemps qu'il le désirera, avant de le consommer.
rote SCARTH: Mon éminent collègue est-il prêt à accepter la déposition de M. Kitson comme lue?
Me STORROW: Ah! d'accord.
LA COUR: En quoi cela s'applique-t-il ou a-t-il quelque chose à voir avec la question de la transformation ou non de la nourriture?
R. Ce à quoi je me réfère, votre seigneurie, c'est à l'accep- tion généralement reconnue dans le commerce du terme transformation alimentaire.
LA COUR: En quoi cela a-t-il quelque chose à voir avec le sens des termes fabrication ou production de nourriture? Est-ce synonyme?
R. Fabrication et production sont synonymes de LA COUR: Transformation?
R. Fabrication d'aliments penserait-on, je crois, de confec tion d'aliments à partir d'un groupe d'ingrédients. En transformation, selon l'acception généralement reconnue dans le domaine je travaille, nous parlons toujours de conservation prolongée, d'un certain degré de stérilisa- tion.
LA COUR: S'agit-il de fabricants alimentaires? R. Oui.
LA COUR: Sont-ce des fabricants ou des producteurs à votre avis?
R. Ce sont des producteurs. LA COUR: Des producteurs?
R. Laissez-moi y penser. Je ne me sens pas qualifié pour répondre.
LA COUR: Vous vous en tenez seulement à ce qu'un fabricant alimentaire dans le commerce n'est pas habituellement appelé un restaurateur n'est pas considéré dans le commerce comme un transformateur alimentaire; voilà tout ce que vous dites?
R. Oui.
De tout ce qui précède il ressort clairement, à mon avis, que la preuve administrée autorisait le distingué juge du fond à en arriver aux conclusions précitées en ce qui concerne l'acception habituelle du traitement que l'appelante fait subir aux maté- riaux bruts dont elle se sert.' En outre ses conclu sions s'accordent aussi avec mon opinion: la prépa- ration de nourriture, particulièrement de boissons, pour vente immédiate, au détail, sur les lieux du restaurant, ne constitue pas de la fabrication ni de la production au sens de la Loi.
Étant donné que j'ai aussi exprimé l'opinion qu'il était en droit de chercher à connaître l'opi- nion généralement acceptée dans le commerce sur ce que c'est que la restauration, il s'ensuit que ce n'est pas à tort qu'il a statué que l'appelante n'avait pas droit aux exemptions réclamées en matière de taxe de vente imposée par le paragra- phe 27(1) de la Loi sur la taxe d'accise. Vu cette conclusion, il n'est pas nécessaire d'examiner quel appareil, machine ou matériel en particulier, énu- méré à l'annexe de l'exposé conjoint des faits, est ou non exempt de droit.
Pour les motifs qui précèdent, l'appel devrait
être rejeté avec dépens.
* * *
LE JUGE HEALD: Je souscris à cet avis.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KERR: Je partage cette opinion.
5 A ce sujet, bien qu'il n'y ait dans le dossier aucune preuve appuyant cette opinion, je crois qu'il est impensable qu'une maîtresse de maison puisse concevoir qu'elle puisse être décrite comme un fabricant ou un producteur lorsqu'elle prépare les aliments pour sa famille, opération qui ne diffère qu'en degré seulement de celle du chef d'un restaurant. Ce qui ne veut pas dire que lorsqu'elle met en conserve ou fait mariner des fruits et des légumes pour usage ultérieur et non pour consommation immédiate, qu'elle ne puisse pas, peut-être, se considérer comme un transformateur alimentaire.
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