Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-437-78
La Reine (Demanderesse) c.
RoyNat Ltd. (Défenderesse et demanderesse reconventionnelle)
Division de première instance, le juge Addy— Montréal, 16 et 17 décembre 1980; Ottawa, 9 mars 1981.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Obligations gagées sur les bénéfices Vente d'actions La demande- resse forme appel de la décision de la Commission de révision de l'impôt qui a statué que certaines obligations qu'avait obtenues la défenderesse entraient dans la catégorie des obli gations gagées sur les bénéfices aux termes de l'art. 139(1)1) de la Loi de l'impôt sur le revenu La défenderesse oppose une demande reconventionnelle au rejet de son appel par la Com mission statuant que les profits retirés de la vente de certaines actions et obligations sont imposables à titre de revenu ordi- naire La demande de la demanderesse suppose l'interpréta- tion et l'application des art. 8(3) et 12(1)1)) de la Loi Le paiement intégral des obligations prétendues gagées sur les bénéfices et des intérêts, que l'emprunteur ait ou non fait des profits, était garanti Il échet d'examiner si les obligations peuvent être considérées gagées sur les bénéfices et si les dividendes produites sont non imposables II échet aussi d'examiner si les profits ont découlé d'opérations intervenues dans le cadre des activités commerciales de la défenderesse L'appel de la demanderesse est accueilli La demande reconventionnelle est rejetée Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 8(3), 12(1)1) et 139(1)t).
Appel de la décision de la Commission de révision de l'impôt selon laquelle les obligations en cause étaient des obligations gagées sur les bénéfices aux termes de l'article 139(1)t) de la Loi de l'impôt sur le revenu et les gains retirés de la vente de certaines actions, options et obligations hypothécaires étaient imposables comme revenu ordinaire. Les obligations avaient été émises en vertu de contrats de fiducie qui stipulaient que le paiement tant de l'intérêt que du capital des obligations était garanti par des tiers. La caution assurait le paiement total de tous les intérêts au taux stipulé dans les obligations, même si la société débitrice principale n'avait pas fait de profit et n'était pas elle-même obligée de payer l'intérêt. L'intervention de tiers pour garantir le paiement intégral était une condition de l'oc- troi des prêts. L'article 139(1)t) dispose que l'intérêt n'est payable par le débiteur que si ce dernier a fait un profit au cours de l'année. Il échet en premier lieu d'examiner si les obligations constituent des obligations gagées sur les bénéfices. La défenderesse avait acquis en prime des-actions et des options d'achat d'actions à l'occasion de ses diverses opérations de prêt. Elle soutient que les gains faits sur la vente ne sont pas assimilables à du revenu à cause de la nature des biens, de l'absence de tout élément de spéculation et du fait que la disposition de ces actions n'avait rien à voir avec ses activités de financement. Il échet donc d'examiner en second lieu si l'opéra- tion présente un caractère commercial.
Arrêt: l'appel de la demanderesse est accueilli et la demande reconventionnelle de la défenderesse rejetée. Les obligations ne peuvent être considérées comme des obligations gagées sur les bénéfices et le produit de la vente d'actions constitue du revenu ordinaire. Comme partie intégrante de toute l'opération, le versement d'intérêt sur l'argent prêté était garanti incondition- nellement au prêteur, les obligations n'entrent pas dans la catégorie des obligations gagées sur les bénéfices. Le produit de la vente d'actions constitue un revenu ordinaire. Même s'il a été seulement prévu dans le contrat accessoire, le paiement de l'intérêt, en tant que le bénéficiaire est concerné, doit être considéré comme s'il était prévu dans l'obligation ou le contrat de fiducie puisque l'exécution du contrat accessoire est une condition sine qua non de l'existence de toute l'opération. Quant à la seconde question, les profits ont été retirés d'opéra- tions ou de transactions intervenues dans le cadre des activités commerciales de la défenderesse. La défenderesse a exigé, dans le cours normal de ses activités de prêts d'argent, que lui soient remises, en prime, des actions pour compenser les risques particuliers que présentait chacun des cas; elle avait l'intention de disposer plus tard à profit des actions; elle ne s'attendait pas à recevoir des dividendes, et n'en a d'ailleurs jamais reçu. De plus, la défenderesse n'a pas réussi à démontrer que les actions ont été acquises à leur juste valeur.
Arrêts mentionnés: Riches c. Westminster Bank, Ltd. [1947] 1 All E.R. 469; In the matter of a reference as to the validity of section 6 of the Farm Security Act, 1944, of the Province of Saskatchewan [1947] R.C.S. 394; Re Euro Hotel (Belgravia) Ltd. [1975] 3 All E.R. (Ch. Div.) 1075; Mountstephen c. Lakeman (1871) L.R. 7 Q.B. 196 (Ex. Ch.); Lakeman c. Mountstephen (1874) L.R. 7 H.L. 17; Western Credit, Ltd. c. Alberry [1964] 2 All E.R. 938 (C.A.); Foreign Power Securities Corp. Ltd. c. Le ministre du Revenu national [1966] R.C.É. 358; Le ministre du Revenu national c. Foreign Power Securities Corp. Ltd. [1967] R.C.S. 295; Le ministre du Revenu national c. Taylor [1956-60] R.C.É. 3; Associated Investors of Canada Ltd. c. Le ministre du Revenu national [1967] 2 R.C.É. 96; Stuyvesant-North Ltd. c. Le ministre du Revenu national [1958] R.C.E. 230; West Coast Parts Co. Ltd. c. Le ministre du Revenu national [1965] 1 R.C.E. 422. Distinction faite avec les arrêts: Holder c. Commis sioners of Inland Revenue [1932] A.C. (C.L.) 624; McLaws c. Le ministre du Revenu national 70 DTC 6289; Irrigation Industries Ltd. c. Le ministre du Revenu natio nal [1962] R.C.S. 346; Canada Permanent Mortgage Corp. c. Le ministre du Revenu national 71 DTC 5409. Arrêt examiné: Lomax (H.M. Inspector of Taxes) c. Peter Dixon & Son, Ltd. 25 T.C. 353.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
Roger Roy et Gaston Forré pour la demande- resse.
Thomas S. Gillespie pour la défenderesse et la demanderesse reconventionnelle.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la demanderesse.
Ogilvy, Renault, Montréal, pour la défende- resse et la demanderesse reconventionnelle.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE ADDY: L'action concerne l'impôt sur le revenu réclamé à la défenderesse pour les années d'imposition 1967 à 1970 inclusivement, suite à de nouvelles cotisations établies en fonction de cer- tains gains provenant de la négociation d'actions et d'options de même que de l'intérêt reçu par la défenderesse pour certaines obligations qui, selon la défenderesse, entraient dans la catégorie des obligations gagées sur les bénéfices.
La défenderesse a fait appel de la nouvelle cotisation à la Commission de révision de l'impôt. L'appel a été accueilli en partie, la Commission admettant avec la défenderesse que les obligations en cause entraient dans la catégorie des obligations gagées sur les bénéfices aux termes de l'article 139(1)t) de la Loi de l'impôt sur le revenu' (ci- après appelée «la Loi»). La demanderesse dans la présente cause en appelle de cette décision. D'au- tre part, la défenderesse oppose une demande reconventionnelle au rejet de son appel par la Commission de révision de l'impôt en ce qui con- cerne les profits retirés de la vente de certaines actions, options et obligations hypothécaires au cours de chacune des quatre années d'imposition considérées.
Les parties s'entendent sur les sommes en cause dans cette affaire, mais non sur la façon dont ces sommes devraient être considérées pour fins d'imposition.
Examinons d'abord les prétentions de la deman- deresse en ce qui concerne le revenu provenant de ce que la Commission de révision de l'impôt a considéré comme des obligations gagées sur les bénéfices. La détermination du point de savoir si les intérêts reçus doivent être considérés comme des dividendes exige l'interprétation et l'applica- tion des articles 8(3) et 12(1)f) de la Loi. Ces articles sont ainsi rédigés:
' S.R.C. 1952, c. 148.
8....
(3) Un montant annuel ou autrement périodique payé par une corporation à un contribuable concernant une obligation gagée sur les bénéfices ou une débenture gagée sur les bénéfices est censé avoir été reçu par le contribuable comme dividende, à moins que la corporation n'ait droit de déduire le montant ainsi payé dans le calcul de son revenu.
12. (1) Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune déduction à l'égard
f) d'un montant versé par une corporation autre qu'une corporation personnelle, à titre d'intérêt ou autrement, aux détenteurs de ses obligations ou débentures gagées sur les bénéfices ...
Les expressions «obligation gagée sur les bénéfi- ces» et «débenture gagée sur les bénéfices» sont ainsi définies à l'article 139(1)t) de la Loi:
139. (1). ..
t) «obligation gagée sur les bénéfices ou débenture gagée sur les bénéfices» signifie une obligation ou une débenture à l'égard desquelles l'intérêt ou les dividendes ne sont payables que lorsque la compagnie débitrice a réalisé des bénéfices avant de tenir compte de ses obligations quant aux intérêts ou aux dividendes;
La principale caractéristique de l'obligation gagée sur les bénéfices est que l'intérêt n'est paya ble par le débiteur que si ce dernier a fait un profit au cours de l'année.
Les obligations litigieuses ont été émises en vertu de six contrats de fiducie différents, tous passés en 1966 au profit de diverses sociétés de fiducie, par les sociétés emprunteuses: 1. Crystal Beverages (1963) Ltd.; 2. Agristeel Ltd.; 3. Speed way Express Ltd.; 4. Springdale Mills (Ontario) Limited; 5. North American Plastics Co. Ltd.; 6. Comeau's Sea Food Fishmeal Ltd.
Les obligations ont été décrites dans tous ces contrats de fiducie comme étant des obligations gagées sur les bénéfices, mais, en plus de la réserve accompagnant habituellement ce genre de garan- tie, le paiement tant de l'intérêt que du capital des obligations a été garanti par des tiers. Dans tous les cas, les prêts ont été accordés suite à une offre de financement faite par la défenderesse, offre aux termes de laquelle l'intervention de tiers pour garantir le paiement intégral était une condition de l'octroi des prêts.
La demanderesse soutient que l'intérêt perçu sur les obligations par la défenderesse devrait être
considéré comme un intérêt ordinaire parce que lesdites obligations n'entrent pas dans la catégorie des obligations gagées sur les bénéfices; pour sa part, la défenderesse allègue au contraire que l'in- térêt devrait être considéré comme ayant été reçu à titre de dividende, en application de l'article 8(3) précité, puisque les obligations sont des obligations
gagées sur les bénéfices au sens de l'article 139(1)t), et ce, malgré les garanties fournies par des tiers assurant à la défenderesse le paiement intégral du prêt et de tous les intérêts dus en vertu de celui-ci ou stipulés au contrat de fiducie, inté- rêts qui n'auraient pas été exigibles de l'emprun- teur si ce dernier n'avait pas fait de profit.
L'offre de financement faite par la défenderesse dans le cas du premier contrat de fiducie men- tionné plus haut, c'est-à-dire Crystal Beverages, contient la clause suivante:
[TRADUCTION] Les obligations seront garanties par:
(a) un privilège de premier rang sur toute la machinerie et l'équipement (y compris les véhicules à moteur) que vous possédez aujourd'hui et tous ceux que vous acquerrez dans l'avenir, et plus particulièrement sur toute la machinerie utilisée pour la mise en conserve et l'embouteillage de bois- sons et pour le mélange et l'embouteillage de lait au chocolat;
(b) un privilège de second rang sur le terrain et l'immeuble situés à l'intersection des rues Lotus et Henri Durant dans le parc industriel de Moncton, à Moncton, N.-B. Le terrain mesure approximativement 100,000 pieds carrés et l'immeu- ble occupe environ 52,000 pieds carrés. Les deux sont déjà grevés d'un premier privilège, jusqu'à concurrence de $367,- 500, en faveur d'Eastern Canada Savings & Loan Association;
(c) une charge flottante de premier rang sur tous vos autres biens (non assujettis aux privilèges particuliers ci-dessus mentionnés) formulée de manière à ne pas vous empêcher de transiger ou d'offrir ces biens en garantie à vos banquiers dans le cours normal de vos affaires;
(d) une caution solidaire de $200,000 de Hugh John Flem- ming, Frederick G. Flemming, David Owen, Stanley Shefler et Reno Castonguay. De plus, les cautions s'engageront à payer trimestriellement un intérêt sur la dette au taux de 8 3 / 4 % advenant le cas les profits de la société ne suffiraient pas pour payer l'intérêt échu sur l'obligation gagée sur les bénéfices.
Le cautionnement lui-même contient l'attendu suivant:
[TRADUCTION] ET ATTENDU QUE l'engagement pris ci-après par les cautions était une condition préalable au financement que contient et garantit le contrat de fiducie;
et l'engagement suivant:
[TRADUCTION] IL EST CONVENU QUE, en contrepartie de la somme d'un dollar ($1.00) et de ce qui a été susmentionné, les cautions, par les présentes, s'engagent, au cas la société
n'aurait pas un revenu disponible (tel que défini au contrat de fiducie) pour le paiement de l'intérêt aux dates prévues par le calendrier de remboursement de l'obligation conditionnelle de l'hypothèque de premier rang, à payer l'intérêt à un taux de huit et trois-quart pour cent (8 3 / 4 %) par année.
L'offre de financement et l'acte de cautionne- ment d'Agristeel contiennent des clauses essentiel-
lement identiques.
Dans le cas du prêt à la société Speedway, l'offre de financement contient la clause suivante:
[TRADUCTION] 4. GARANTIE
Les obligations seront garanties par:
Une caution de $100,000 de G.M. MacFie. De plus, advenant que la société fasse défaut de payer l'intérêt sur les obligations aux dates d'échéance de l'intérêt mentionnées plus haut, M. G.M. MacFie paiera à RoyNat l'intérêt au taux prévu, plus un intérêt additionnel de 2'/4% par année calculé quotidiennement sur le montant du capital des obligations en souffrance, depuis la date à laquelle, conformément aux conditions des obligations, a eu lieu le dernier paiement complet de l'intérêt à RoyNat, jusqu'à la date effective du paiement par ledit G.M. MacFie;
Il est à noter ici qu'a été prévu un intérêt additionnel à celui que l'emprunteur devait payer. Le cautionnement n'est pas prévu dans un docu ment séparé; le contrat de fiducie lui-même com- porte l'intervention d'un tiers-caution qui s'engage, entre autres choses, à ce qui suit:
[TRADUCTION] 6. Nonobstant les dispositions qui précèdent, et au cas la société ferait défaut de payer l'intérêt sur les obligations gagées sur les bénéfices aux dates d'échéance de l'intérêt ci-dessus mentionnées, ladite caution s'engage par les présentes à payer aux détenteurs d'obligations l'intérêt au taux prévu, plus un intérêt additionnel de deux et un quart pour cent (2 1 4%) par année, calculé quotidiennement sur le montant du capital des obligations gagées sur les bénéfices en souffrance, à partir de la date à laquelle, conformément aux conditions des obligations gagées sur les bénéfices, a eu lieu le dernier paie- ment complet de l'intérêt aux détenteurs d'obligations, jusqu'à la date du paiement réel par ladite caution.
On retrouve, en gros, des clauses similaires dans les prêts accordés à Springdale Mills et à North American Plastics. Comme pour le prêt à Speed way, il n'est pas mentionné expressément que la garantie jouera si les revenus sont insuffisants, mais il ne peut être donné aucune autre interpréta- tion raisonnable à ce texte. La garantie est absolue et la caution est responsable du paiement [TRA- DUCTION] «si la société (débitrice) fait défaut de payer .... »
Dans les six cas, la caution assure à la défende- resse le paiement total de tous les intérêts au taux
stipulé dans les obligations, même si la société débitrice principale n'a pas fait de profit et n'est pas elle-même obligée de payer l'intérêt. Je ne suis pas d'accord avec l'avocat de la défenderesse lors- qu'il prétend qu'une distinction doit à cet égard être faite entre, d'une part, les prêts accordés à Comeau's Sea Food et à North American Plastics et, d'autre part, les quatre autres prêts.
Si les cautions ne garantissaient que le paiement intégral des obligations gagées sur les bénéfices en conformité des conditions contenues dans ces der- nières, il semble évident que cela n'aurait aucun effet sur la nature même des obligations, ni n'em- pêcherait que l'intérêt sur les obligations payé par le débiteur principal ne soit considéré comme un dividende. Cela est admis par le procureur de la demanderesse.
Cependant, les cautions, en admettant qu'on puisse les appeler ainsi dans les circonstances, s'engagent à beaucoup plus que les débiteurs prin- cipaux: comme il a été dit, elles s'engagent à payer l'intérêt au taux stipulé même si les débiteurs ne sont pas tenus par contrat de le payer, et, dans certains cas, elles s'engagent également à payer un intérêt additionnel comme dédommagement.
Dans le cas de Comeau's Sea Food, l'offre d'achat spécifie également que la caution est une condition préalable au prêt. Il semble évident, d'après ce qui précède, que l'obligation addition- nelle des cautions dans chacun des six cas fait partie intégrante de la transaction, et dans les prêts consentis à Crystal Beverages, Agristeel et Comeau's Sea Food, il est dit expressément que cette obligation fait partie de la transaction.
Les dispositions concernant le mode spécial d'imposition de l'intérêt des obligations gagées sur les bénéfices font exception au mode normal d'im- position de l'intérêt. Par conséquent, ces disposi tions doivent être interprétées restrictivement à l'égard du contribuable, et c'est à ce dernier qu'il appartient d'établir que son cas tombe bien dans le champ d'application de l'article.
La Loi ne donne pas de définition du terme «intérêt». Dans Riches c. Westminster Bank, Ltd. 2 , le lord Wright a, à la page 472, cité et endossé la
2 [1947] 1 All E.R. 469.
déclaration suivante du juge Evershed sur la nature de l'intérêt:
[TRADUCTION] ... c'est un montant qui devient exigible parce que le créancier n'a pas reçu son argent à la date d'échéance. Il peut être considéré comme représentant soit le profit qu'il aurait pu réaliser s'il avait eu l'usage de son argent, soit, au contraire, la perte qu'il a subie parce qu'il n'avait pas cet usage. Le principe général est qu'il a droit à une compensation pour sa perte d'usage. De ce point de vue, il semble sans importance que cet argent lui soit suite à un contrat, formel ou tacite, ou en vertu d'une loi, ou qu'il soit pour tout autre motif de droit.
Le juge Rand dans In the matter of a reference as to the validity of section 6 of the Farm Security Act, 1944, of the Province of Saskatchewan 3 a déclaré ce qui suit, aux pages 411 et 412, en ce qui concerne la nature de l'intérêt:
[TRADUCTION] L'intérêt est, d'une manière générale, la con- trepartie ou le dédommagement de l'utilisation ou de la déten- tion par une personne d'une certaine somme d'argent qui appartient, au sens courant de ce mot, à une autre ou qui lui est due. Il se peut qu'il comporte d'autres caractéristiques essen- tielles, mais elles ne sont pas importantes en l'espèce. La relation entre l'obligation de payer un intérêt et celle de rembourser le principal a été analysée dans un certain nombre d'arrêts, notamment dans Economic Life Assur. Society c. Usborne ([1902] A.C. 147) et par le juge Duff dans Union Investment Co. c. Wells ((1929) 39 R.C.S. 645); il ressort de ces arrêts que la première de ces obligations peut, selon ses conditions, exister indépendamment de l'autre, ou que les deux peuvent être parties intégrantes d'une obligation unique, ou que l'intérêt peut n'être qu'un accessoire du principal.
Mais cette définition, de même que l'obligation, suppose que l'intérêt se rapporte à un principal constitué par une somme d'argent ou à une obligation d'effectuer des versements. En l'absence de cette relation dans les faits et quel que soit le mode de calcul du montant, une obligation de verser de l'argent ou de transférer une propriété ne peut être censée constituer une obligation de payer un intérêt.
Le passage qui précède a été cité et approuvé en Angleterre par le juge Megarry dans Re Euro Hotel (Belgravia) Ltd. 4 Le juge a de plus ajouté, à la page 1084:
[TRADUCTION] Il me semble ressortir des différentes causes que deux conditions doivent être remplies pour qu'un versement constitue de l'intérêt et, a fortiori, de l"intérêt sur de l'argent'. Il doit en premier lieu exister une somme d'argent par rapport à laquelle le versement prétendu être de l'intérêt doit être déter- miné. Un montant ne peut représenter de ("intérêt sur de l'argent' que s'il y a de ("argent'. Dans la présente cause, il y a manifestement des sommes d"argent'. En second lieu, ces sommes d'argent doivent représenter des sommes dues à la personne qui a droit au prétendu intérêt; c'est surtout cette dernière condition qui est litigieuse en l'espèce. Évidemment, je
3 [1947] R.C.S. 394.
4 [1975] 3 AIl E.R. (Ch. Div.) 1075.
ne prétends pas que dans tous les cas ces deux conditions sont suffisantes ou qu'on ne peut y déroger. Ainsi, je ne vois pas pourquoi des sommes ne pourraient constituer de 1"intérêt sur de l'argent' lorsque A prête de l'argent à B en stipulant que l'intérêt devra être versé à X. J'estime néanmoins que ces conditions sont suffisantes dans un cas ordinaire.
L'avocat de la demanderesse, s'appuyant sur ces définitions de l'intérêt, a soutenu que les cautions, en s'engageant à payer une somme d'argent calcu- lée comme de l'intérêt sur les capitaux prêtés aux sociétés débitrices, s'obligeaient à payer l'intérêt même si elles n'avaient pas reçu le capital sur lequel cet intérêt devait être calculé et n'en avaient pas bénéficié. C'est la nature véritable de la tran saction qui importe et non pas la forme ou le libellé des documents (voir La Société Coopérative Agricole du Canton de Granby c. M.R.N. 5 ). Si ce raisonnement était accepté, il faudrait conclure que les obligations ne sont pas des obligations gagées sur les bénéfices, puisqu'elles contiennent un engagement ferme de payer de l'intérêt.
La défenderesse a allégué de son côté que ce que devait payer la caution n'était ni de l'intérêt ni des dividendes, mais quelque chose d'une nature tota- lement différente.
Il existe une différence fondamentale quant à leur nature entre les obligations d'un débiteur principal et celles d'une caution. La défenderesse a cité le passage suivant du Traité de Droit civil du Québec d'Hervé Roch, vol. 13, pages 591 et 592:
Il faut dire aussi, que la caution d'une obligation de faire ne s'oblige pas à exécuter ce que le débiteur principal a promis, mais elle garantit les dommages-intérêts que pourra devoir le débiteur au cas d'inexécution; d'où il suit que la caution d'une obligation de ce genre ne peut repousser l'action en dommages- intérêts du créancier en excipant de ce qu'elle n'a pas été mise en demeure de suppléer au défaut du débiteur principal. Le cautionnement est, enfin, l'accessoire de l'obligation principale et il est soumis en plus des règles du contrat à certaines règles spéciales tant à l'égard des relations de la caution avec le créancier, que de celles avec le débiteur et entre les cautions.
On doit cependant remarquer que l'auteur fait référence, du moins dans la première partie de la citation, à la caution d'aune obligation de faire» et non d'aune obligation de payer». En d'autres mots, il affirme que lorsqu'un tiers se porte garant de l'engagement d'une partie contractante d'exécuter un travail ou de fournir une prestation, il s'engage
5 [1961] R.C.S. 671.
en réalité à protéger le créancier contre tous les dommages qui pourraient résulter de l'inexécution du contrat par la partie contractante dont il est caution. Il s'agit en fait d'un contrat de garantie.
Voici ce qui est dit de la nature du cautionne- ment dans Halsbury's Laws of England 6 , aux
pages 411 et 412:
[TRADUCTION] 767. Cautionnement. Le cautionnement est un contrat accessoire par lequel une personne s'engage envers le créancier à satisfaire à l'obligation contractée ou à être contrac- tée par le débiteur principal si ce dernier n'y satisfait pas lui-même.
Dans les recueils et les manuels, elle est souvent appelée contrat «collatéral» ou «conditionnel» pour la distinguer du contrat «original» et «absolu».
Le cautionnement est toujours un contrat acces- soire, auxiliaire et subordonné à un autre contrat ou obligation qui lui sert de fondement. (Voir Mountstephen c. Lakeman 7 ; confirmé sous le nom de Lakeman c. Mountstephen 8 .) Mais il ne s'ensuit pas nécessairement qu'une partie d'un versement effectué en vertu d'un tel contrat ne pourrait jamais être considérée comme de l'intérêt entre les mains du bénéficiaire.
L'avocat de la défenderesse a de plus allégué que le montant versé par une caution sur des obligations gagées sur les bénéfices ne peut, con- formément à l'article 8(3) cité plus haut, être considéré comme un dividende, puisqu'une caution peut aussi bien être une personne physique qu'une société et que l'article 8(3) fait exclusivement réfé- rence à «un montant ... payé par une corporation», alors que dans le cas contraire les mots «contribua- ble» ou «personne» auraient été utilisés. Il a aussi affirmé qu'étant donné l'expression «détenteurs de ses obligations ... gagées sur les bénéfices» de l'article 12(1)f) précité, les dispositions contenues dans cet article ne peuvent s'appliquer à des tiers. Cela ne règle pas le problème de savoir si une somme payée par un tiers est ou non déductible, et la Loi ne contient aucune disposition à ce sujet en ce qui concerne les obligations gagées sur les béné- fices. Il a soutenu qu'à cause de cela, la définition d'obligations gagées sur les bénéfices vise seule- ment un débiteur et un créancier et que, puisque
6 Troisième édition, Volume 18.
7 (1871) L.R. 7 Q.B. 196 (Ex. Ch.), à la p. 202, le juge Willes.
8 (1874) L.R. 7 H.L. 17, aux pp. 24 et 25, lord Selborne.
aucune somme payée par un tiers ne saurait être assimilée à un dividende en application de l'article 8(3), aucune somme payée par un tiers ne saurait être considérée comme de l'intérêt. Cette dernière conclusion me semble fausse.
Il existe une jurisprudence permettant d'affir- mer que ce que paie la caution n'est pas un intérêt. Un arrêt de principe en la matière est Holder c. Commissioners of Inland Revenue 9 . La nature du paiement fait par une caution pour dédommager un créancier du défaut de paiement de l'intérêt par un débiteur principal y est analysée. Le vicomte Dunedin s'exprime en ces termes aux pages 627 et 628:
[TRADUCTION] Je crois que l'intérêt payable sur une avance consentie par une banque doit s'entendre de l'intérêt sur une avance consentie à la personne qui effectue le versement. Le garant paie non pas en raison d'une avance qui lui a été consentie, mais en vertu de la garantie qu'il a souscrite. Il est exact qu'il verse une somme payant tous les intérêts dus par la personne à laquelle l'avance a été consentie, mais sa dette existe en vertu de la garantie et n'est pas une dette résultant d'une avance qui lui aurait été consentie.
Lord Thankerton tient les propos suivants à la page 631:
[TRADUCTION] L'intérêt est la rétribution versée pour l'utilisa- tion des sommes avancées et est par la personne qui les a obtenues; celui qui a souscrit la garantie est tenu directement à l'égard du créancier et cette garantie vise à indemniser le créancier de toute perte éventuelle. Le créancier établit sa perte en calculant les sommes qui lui sont dues à la suite de l'incapa- cité du débiteur principal de lui verser intérêts et principal. Lorsqu'il paye le montant de l'indemnité, qu'il soit limité ou non, on ne peut dire à mon avis que le garant paie des intérêts au créancier, même s'il compense une perte d'intérêts.
Lord Macmillan dit ceci à la page 634:
[TRADUCTION] Pour répondre succinctement, je dirai que les appelants n'ont pas reçu d'avances de la banque et ne devaient pas d'intérêts à la banque. Leur situation vis-à-vis de la banque n'était pas celle d'un emprunteur vis-à-vis d'un prêteur et leurs obligations vis-à-vis de la banque étaient uniquement celles de garants de l'endettement d'une tierce partie vis-à-vis de la banque. Lorsqu'ils ont payé la somme de 64,482I. 16s. 8d. à la banque, ils l'ont fait pour s'acquitter de leurs obligations de payer une somme donnée, qu'il s'agisse de principal ou d'inté- rêts, due à la banque par Blumfield, Ld. Par conséquent, en droit, on ne saurait prétendre que les appelants ont, au sens de cet article, payé à la banque un intérêt sur une avance qu'elle avait consentie.
Dans l'affaire McLaws c. M.R.N. 10 , le juge Kerr a cité et suivi l'arrêt Holder, pour en arriver à la conclusion suivante la p. 6295]:
9 [1932] A.C. (C.L.) 624.
10 70 DTC 6289.
[TRADUCTION] Je pense que le même raisonnement pourrait en l'espèce s'appliquer aux versements effectués par l'appelant à la banque. Il les a effectués conformément à la garantie qu'il avait souscrite, ce qui englobait l'intérêt que la compagnie devait à la banque pour les fonds avancés, mais ces versements représentaient sa dette en vertu de la garantie et non une dette pour des fonds qu'il aurait empruntés. Par conséquent, l'appe- lant ne peut déduire à titre d'«intérêt» aucun de ces paiements, conformément à l'article 11(1)c), quel que puisse être son droit, s'il en est, à opérer des déductions en vertu d'autres articles.
Il est intéressant de noter que, dans ces causes, la nature des sommes versées par la caution n'a été examinée qu'en ce qui concernait leur déductibilité comme intérêts dans les mains de celui qui avait déboursé l'argent, et non pas en ce qui concernait leur imposition entre les mains du bénéficiaire des fonds. Une même somme peut souvent être consi- dérée, pour fins d'imposition, comme un revenu entre les mains du bénéficiaire, et comme un capi tal entre les mains du débiteur, ou vice versa. De même, deux montants de même nature payés pour des buts identiques peuvent être traités fort diffé- remment aux fins d'imposition compte tenu de circonstances telles que la profession du contribua- ble.
Quant à l'argument selon lequel les articles con- cernant les obligations gagées sur les bénéfices ne prévoiraient pas le cas des tiers puisqu'on y utilise le mot «corporation», il me semble en quelque sorte tenir pour résolue la question à résoudre, qui est de déterminer si les obligations sont des obligations gagées sur les bénéfices. Si elles n'en sont pas, il ne peut évidemment en aucun cas y avoir de déduc- tion. Dans le cas contraire, il importe peu qu'il y ait des tiers, du moins si ce n'est pas un tiers qui verse les sommes.
Dans l'affaire Holder, il s'agissait d'un véritable contrat de cautionnement. Cependant, lorsqu'un tiers s'engage, comme en l'espèce, à payer plus que ce que paie le débiteur principal, il ne s'agit plus à strictement parler d'un véritable contrat de cau- tionnement, mais plutôt d'un contrat de garantie, même s'il protège ipso facto le prêteur contre le défaut de l'emprunteur.
Pour ce qui est de la nature du cautionnement en droit civil, il convient de se reporter à l'article 1929 du Code civil":
" Titre quinzième, Du cautionnement, Chapitre premier.
Art. 1929. Le cautionnement est l'acte par lequel une per- sonne s'engage à remplir l'obligation d'une autre pour le cas celle-ci ne la remplirait pas.
L'on nomme caution celui qui contracte cet engagement.
et au Rapport sur Le Code civil du Québec 12 : CHAPITRE XIV—DU CAUTIONNEMENT
842 Le cautionnement est un contrat par lequel une personne, appelée caution, s'oblige envers un créancier à exécuter l'obli- gation du débiteur si celui-ci n'y satisfait pas.
Est réputé caution celui qui a promis qu'un débiteur exécu- tera son obligation.
Halsbury's Laws of England 13 donne la défini- tion suivante du cautionnement en common law:
[TRADUCTION] 101. Cautionnement. Le cautionnement est un contrat accessoire par lequel une personne s'engage envers le créancier à satisfaire à l'obligation contractée ou à être contrac- tée par le débiteur principal si ce dernier n'y satisfait pas lui-même. Comme pour tout autre contrat, sa validité exige le consentement mutuel des parties, leur capacité de s'engager et l'existence d'une contrepartie réelle ou implicite.
Il importe de remarquer la distinction faite entre contrat de garantie et cautionnement, à la page 54, paragraphe 108 du même volume:
[TRADUCTION] 108. Cautionnement et garantie. Même si le contrat de cautionnement peut être considéré comme un contrat de garantie au sens le plus large du terme, les contrats de cautionnement se distinguent des contrats dits communément de garantie en ce que le cautionnement est un contrat addition- nel contenant l'engagement de répondre du défaut d'une autre personne, et est donc un contrat accessoire ou subsidiaire, tandis que la garantie est un contrat par lequel une personne s'engage à remplir une obligation distincte et indépendante.
La Cour d'appel d'Angleterre s'est également penchée sur la différence qui existe entre ces deux catégories de contrat dans Western Credit, Ltd. c. Alberry 14 . Les affaires Holder et McLaws et la présente affaire diffèrent sur deux points: d'abord, les deux affaires portaient sur de véritables cau- tionnements par opposition à ce qui est essentielle- ment un contrat de garantie additionnelle, mais surtout, dans les deux cas, il s'agissait de verse- ments effectués en compensation pour le capital prêté, du point de vue de la personne qui payait par opposition au bénéficiaire. Ainsi, dans
12 Volume I, Titre septième, Chapitre quatorze, Du caution- nement, Section I (Office de révision du Code civil, 1978).
13 Quatrième édition, Volume 20, Chapitre sur [TRADUC- TION] «Le cautionnement et l'indemnisation» page 49, paragra- phe 101.
14 [1964] 2 All E.R. 938 (C.A.).
McLaws, il s'agissait de déterminer si la somme payée par le contribuable devait être imputée au compte de revenus ou au compte de capital.
Je n'ai rien trouvé dans les définitions courantes de l'intérêt qui ferait du paiement par l'emprun- teur lui-même une condition essentielle pour que ce qui est versé en dédommagement de l'argent prêté puisse être considéré comme de l'intérêt, alors même qu'il répond à tous autres égards à la définition de l'intérêt. Au contraire, une personne ordinaire offrant d'agir à titre de caution dirait simplement ce qui suit au prêteur: «Si `X' (l'em- prunteur) ne paie pas l'intérêt, je le paierai». Il ne penserait pas à s'exprimer autrement. En l'espèce, si l'un des débiteurs n'avait pas versé d'intérêt parce qu'aucun profit n'avait été réalisé et si le tiers avait payé conformément à son contrat de garantie, je n'aurais pas hésité à conclure que la somme versée devait être considérée comme un revenu entre les mains de la défenderesse et que, puisque ce montant avait été calculé à partir d'un pourcentage du capital prêté et en proportion de la durée pendant laquelle le capital était resté dû, il ne pouvait être défini que comme un intérêt entre les mains de la défenderesse. Comme je l'ai cons- taté précédemment, les contrats de garantie ou de cautionnement forment dans chaque cas une partie intégrante, essentielle du prêt et en sont une condi tion sine qua non. Comme les obligations ont été émises en vertu de ce dernier, elles ne peuvent être examinées indépendamment de l'engagement du tiers. C'est au fond de l'opération qu'il faut s'atta- cher plutôt qu'à sa seule forme. Le fait que dans certains cas les cautionnements étaient contenus dans des documents séparés ne change rien à l'affaire. Je conclus que, comme partie intégrante de toute l'opération, le versement d'intérêt sur l'argent prêté étant garanti inconditionnellement au prêteur, les obligations n'entrent pas dans la catégorie des obligations gagées sur les bénéfices.
En l'espèce, l'intérêt prévu dans le contrat acces- soire doit, pour les parties à l'opération principale, être considéré comme payable en vertu de l'opéra- tion principale, la caution étant considérée comme partie à l'opération. Même s'il a été seulement prévu dans le contrat accessoire, le paiement de l'intérêt, en tant que le bénéficiaire est concerné, doit être considéré comme s'il était prévu dans l'obligation ou le contrat de fiducie, puisque l'exé-
cution du contrat accessoire est une condition sine qua non de l'existence de toute l'opération. Je ne vois pas de différence entre la présente instance et le cas l'obligation elle-même contiendrait le texte de la garantie inconditionnelle de paiement et le nom du tiers s'engageant à payer. Ce genre d'obligation ne constituerait pas, à mon avis, une obligation gagée sur les bénéfices au sens de l'arti- cle 139(1)t). Il est vrai que lorsque la garantie ne résulte que du seul contrat accessoire, auquel il n'est fait aucunement référence dans les obliga tions ou le contrat de fiducie, et que les obligations sont ultérieurement vendues à un tiers sans que la garantie inconditionnelle ne soit cédée, ces mêmes obligations, dans les mains de ce tiers, entreraient fort probablement dans la catégorie des obligations gagées sur les bénéfices, puisque le détenteur ou bénéficiaire concerné ne serait plus assuré de rece- voir d'intérêt advenant le cas le débiteur princi pal ne ferait pas des profits suffisants. De la même manière, si le texte des obligations et du contrat de fiducie correspondaient strictement aux disposi tions de la Loi en ce qui concerne les obligations gagées sur les bénéfices, et s'il n'y avait pas de caution mais que le débiteur principal, par un contrat accessoire séparé, s'obligeait, directement envers le détenteur d'obligations et non par l'inter- médiaire d'un fiduciaire, à payer l'intérêt en toute hypothèse, les obligations ne pourraient sûrement pas être considérées comme des obligations gagées sur les bénéfices tant que ce contrat accessoire serait en vigueur et ce, même si les obligations elles-mêmes étaient stipulées n'être payables que lorsque le débiteur a fait un profit.
Par conséquent, la décision de la Commission de révision de l'impôt sera sur ce point annulée et la cotisation originale confirmée.
Nous en arrivons maintenant aux questions sou- levées par la défenderesse dans sa demande recon- ventionnelle en ce qui a trait aux gains retirés de la vente de certaines actions, options et obligations hypothécaires, gains qui ont été déclarés imposa- bles comme revenu ordinaire tant par le Ministre que par la Commission de révision de l'impôt.
Les opérations en cause sont les suivantes: [TRADUCTION]
1. 1967—profits provenant de la vente $ d'obligations hypothécaires
(Tri Town Realties) 4,000.00
2. 1968—profits retirés de la vente d'actions et de la cession de l'option d'achat concernant
CHUM -1050 Limited 98,000.00
3. 1969—profits tirés de la vente d'actions:
London Bottling Co. Ltd. 2,850.00
Tubafour Stud Mills Ltd. 100,000.00
Lloyd Bros. Lumber Co. Ltd. 30,000.00
4. 1970—profits tirés de la vente d'actions:
Canadian Fiberform Ltd. 13,050.00
Sodium Sulphate (Sask) Ltd. 1,500.00
profits provenant de la vente ou de la cession d'une option (The
Aylmer Dairy Ltd.) 7,443.66
La preuve a démontré que RoyNat assurait du financement à terme, c'est-à-dire pour 3 à 10 ans, pour les petites et moyennes entreprises. Les prêts consentis s'élevaient en moyenne à $250,000. RoyNat s'adonnait également au financement d'équipement par crédit-bail ou contrat de location avec option d'achat. Elle a acquis en prime dans certains cas, à l'occasion de ses diverses opérations de prêt, des actions et des options d'achat d'ac- tions. Dans un cas, celui de Canadian Fiberform Ltd., elle affirme avoir payé la juste valeur des actions obtenues.
L'avocat de la défenderesse admet volontiers que la jurisprudence a fermement établi que des biens, autres que des actions, acquis à titre de prime à l'occasion de prêts doivent être traités à tous égards comme un revenu ordinaire, puisqu'ils sont considérés comme des gains faits par le con- tribuable dans l'exercice de ses activités. Mais il allègue aussi que dans aucun des cas les biens n'étaient des actions ou d'autres moyens de place ment, et que ces biens devraient être traités diffé- remment parce que lorsqu'il s'agit d'actions, les profits faits par le contribuable sur la revente ne sont imposables en totalité que si le contribuable fait régulièrement des opérations sur des actions ou si l'opération présente un caractère commercial. L'avocat fait aussi valoir que dans l'espèce pré- sente, l'entreprise ne comporte aucun élément de spéculation et que la différence entre les actions et les autres biens réside non seulement dans la nature des biens, mais aussi dans le fait que bien que RoyNat ait acquis les actions en cause à l'occasion de ses activités de financement, la dispo sition de ces mêmes actions n'avait rien à voir avec lesdites activités.
Les faits ne sont pas contestés, la demanderesse n'ayant fait comparaître aucun témoin lors du procès et les deux parties s'étant mises d'accord pour utiliser certaines preuves documentaires pro- duites lors du procès et le témoignage rendu devant la Commission de révision de l'impôt par le vice-président aux placements de la défenderesse, de même que les pièces déposées à cette audition. A partir des éléments de preuve fournis, j'en suis arrivé aux constatations de fait suivantes:
1. Les prêts considérés ont été consentis par le contribuable dans le cours normal de ses activités de prêteur d'argent, mais ils ne représentaient qu'une faible portion de ces dernières. Les place ments sélectifs en valeurs constituaient approxima- tivement 1% de l'ensemble de ses activités.
2. Les sociétés concernées étaient pour la plupart des sociétés privées dont la propriété et le contrôle étaient entre les mains de trois personnes au plus.
3. RoyNat ne participait pas à la gestion effective des sociétés dans lesquelles elle avait investi et n'était pas représentée à leur conseil d'administra- tion. Il semble de plus que c'est à la demande des emprunteurs et non à celle de RoyNat que les actions ou options ont été vendues.
4. Au début, les primes se composaient unique- ment d'actions. Plus tard, ce furent des options d'achat d'actions et finalement, on demanda que ce soit des combinaisons d'actions et d'options d'achat d'actions.
5. Des actions ou des options gratuites étaient ajoutées à l'intérêt lorsque le risque couru était considéré comme élevé. S'il n'avait pas été accordé de prime, l'intérêt exigé sur les prêts aurait été d'un quart à un demi pour cent plus élevé. La défenderesse n'a jamais accordé de financement au moyen de prises de participation seulement.
6. Dans tous les cas, les primes n'étaient pas offertes par les emprunteurs mais réclamées par la défenderesse, qui en faisait une condition sine qua non du financement.
7. S'il n'y avait pas eu de financement, la défende- resse n'aurait pu obtenir ni les actions ni les options considérées.
8. RoyNat avait manifestement l'intention de dis- poser plus tard à profit des actions, généralement après une analyse attentive de la situation de la société. Elle ne s'attendait pas à ce que des divi- dendes soient payés sur les actions, et elle n'en a effectivement jamais reçu.
9. RoyNat était à même de déterminer, avant de réclamer les primes sous forme d'actions ou d'op- tions, s'il y avait des chances de réaliser un profit. Elle considérait également les rentrées sur les actions comme faisant partie des profits. (Voir la note de service interne produite comme pièce P1, document F.)
10. Les éléments de preuve concernant les dates auxquelles les actions ou options ont été vendues ne semblent pas corroborer l'argument de la défen- deresse selon lequel RoyNat envisageait des place ments à long terme sur une période de 5 à 8 ans, période après laquelle des dividendes auraient été touchés. Les actions ou les options ont été vendues sans qu'aucun dividende n'ait été payé après les laps de temps suivants:
CHUM Radio 7 mois
London Bottling Co. 4 ans
Tubafour Stud Mills 3 1 / 2 ans
Lloyd Brothers Lumber 4 ans
Canadian Fiberform 6 mois Sodium Sulphate (Sask)
1" financement 2 ans
2' financement 4 ans
Aylmer Dairy 11 mois
West Craft 4 1 / 2 ans
En ce qui concerne le problème de savoir quand une transaction constitue une opération commer- ciale, l'avocat de la défenderesse a cité un arrêt de la Cour suprême du Canada, Irrigation Industries Limited c. M.R.N. 15 , dans lequel le juge Martland, après avoir cité des causes il a été décidé que c'est la nature et la quantité des biens achetés et vendus qui font qu'une opération peut être quali- fiée de commerciale, a établi la distinction sui- vante entre les actions et les biens ordinaires:
[TRADUCTION] Les actions de compagnie sont dans une situation différente parce qu'elles constituent quelque chose dont l'achat, en lui-même, est un investissement. En elles- mêmes, ce ne sont pas des articles de commerce; elles représen- tent plutôt un intérêt dans une corporation créée dans un but commercial. Leur acquisition est une méthode bien reconnue d'investir du capital dans une entreprise commerciale.
15 [1962] R.C.S. 346, la p. 352.
Il importe de signaler qu'il s'agissait dans cette affaire d'une opération isolée. L'avocat a égale- ment invoqué les propos tenus par le juge Noël, tel était alors son titre, dans l'affaire Foreign Power Securities Corporation Ltd. c. M.R.N. 16 Le juge, à
la page 385, après avoir cité le précédent passage tiré de la cause Irrigation Industries, précitée, a en effet affirmé ce qui suit:
[TRADUCTION] La courte période pendant laquelle l'appe- lante a conservé ces valeurs mobilières peut être de peu d'utilité pour l'intimé car M. Wert a donné une explication valable de leur cession rapide: les administrateurs de l'appelante auraient fait preuve de négligence dans l'exercice de leurs fonctions s'ils n'avaient pas tiré avantage de cette hausse surprenante du marché au moment de leur vente. Le fait que l'appelante ait conclu ces transactions dans le but de réaliser un bénéfice dès qu'elle l'a pu et qu'elle ait tiré avantage de cette hausse aussitôt qu'elle s'est présentée, ne devrait pas modifier la nature de ses placements si telle était bien leur nature et les rendre imposa- bles à titre de recettes commerciales. C'est également ce qui ressortirait des remarques du juge Martland à la p. 355 de la même décision:
Le seul critère que l'on a appliqué en l'espèce était celui de savoir si l'appelante avait conclu la transaction dans l'inten- tion de disposer des actions avec profit dès qu'une occasion raisonnable lui serait offerte. Ce critère est-il suffisant pour déterminer si oui ou non cette transaction constitue une initiative d'un caractère commercial? Je ne pense pas qu'il soit en lui-même suffisant.
La décision du juge Noël a été confirmée en appel par la Cour suprême du Canada dans M.R.N. c. Foreign Power Securities Corporation Limited' 7 .
L'avocat a également cité la décision du prési- dent Thorson dans la célèbre affaire M.R.N. c. Taylor 18 concernant quelques-uns des critères à prendre en considération pour déterminer si une opération est commerciale. Il a aussi fait remar- quer qu'une distinction s'imposait, cette affaire concernant l'achat de plomb, c'est-à-dire d'une matière première, alors qu'en l'espèce il s'agit d'achat d'actions.
La défenderesse s'est de plus appuyée sur les propos du Maître des rôles, lord Greene, dans Lomax (H.M. Inspector of Taxes) c. Peter Dixon & Son, Ltd. ' 9 , propos rapportés à la page 363 du recueil:
18 [1966] R.C.É. 358.
17 [1967] R.C.S. 295.
18 [1956-60] R.C.É. 3.
19 25 T.C. 353.
[TRADUCTION] La situation est plus compliquée lorsque A prête 1002 B à un taux commercial d'intérêt raisonnable et stipule un remboursement de 1202 à l'échéance du prêt. Dans un tel cas, il est possible que A exige le paiement de 20£ comme dédommagement pour le risque que court le capital; ou il peut simplement s'agir d'un intérêt différé. S'il est prouvé par ce qui s'est passé durant les négociations qu'il y a lieu de retenir la première hypothèse, il est difficile de voir sur la base de quel principe ces 202 pourraient être considérées comme un revenu. Mais quelle conclusion faut-il tirer en l'absence d'une telle preuve? Un élément de solution est peut-être la durée pour laquelle l'argent est prêté. Si cette période est courte, il est peut-être plus facile de considérer les 202 comme un intérêt différé ....
J'évoque ces problèmes non pas pour les régler, mais pour faire voir qu'on ne peut poser comme règle que toute somme d'argent qu'un prêteur reçoit en sus du montant prêté doit être considérée comme un revenu. A mon avis, chaque cas est un cas d'espèce, et il devrait toujours être permis de recourir à des éléments de preuve extérieurs au contrat pour déterminer la qualification de la somme dont il s'agit, chose que le contrat lui-même ne précise généralement pas.
Je ne puis dire que je suis d'accord avec cette déclaration si elle est faite sans réserve, car elle est trop générale: une prime est toujours imposable lorsqu'elle est reçue par le contribuable dans le cours normal de ses activités ou par suite d'une opération commerciale.
La défenderesse s'appuie également sur le juge- ment rendu par le juge Heald, de cette Cour, dans l'affaire Canada Permanent Mortgage Corpora tion c. M.R.N. 20 Cependant, contrairement à la situation dans la présente affaire, le juge Heald a constaté dans cette cause que le contribuable était intéressé par le rendement des actions plutôt que par les profits de leur revente, et que les actions avaient été achetées et détenues pour leurs dividendes.
Dans l'affaire Associated Investors of Canada Limited c. M.R.N. 21 , en Cour de l'Échiquier, le président Jackett, tel était alors son titre, a fait, aux pages 102 et 103, cette remarque sur les cas une opération doit être incluse dans les profits d'une entreprise:
[TRADUCTION] (Il n'a pas été soutenu qu'on ne pouvait tenir compte d'une perte lors du calcul du profit à moins qu'elle ne résulte d'une opération ou d'une transaction effectuée dans le but de produire un profit. Il est clair qu'une telle prétention ne pourrait être admise. Un profit provenant d'une opération ou transaction qui fait partie intégrante de l'activité rapportant ordinairement des profits, doit être inclus dans les profits tirés
20 71 DTC 5409.
21 [1967] 2 R.C.É. 96.
de l'entreprise. Voir l'arrêt Le ministre du Revenu national c. Independence Founders Limited, ([1953] R.C.S. 389) et les arrêts sur les devises étrangères tels que Tip Top Tailors Limited c. Le ministre du Revenu national ([1957] R.C.S. 703)
Cette affaire n'avait pas rapport à des actions et cette remarque est un obiter dictum, mais elle reste néanmoins valable comme énoncé général de la loi. De même, le juge Thurlow, tel était alors son titre, dans Stuyvesant-North Limited c. M.R.N. 22 , déclarait ce qui suit aux pages 240 et 241 au sujet des options d'achat d'actions obtenues comme primes par le contribuable:
[TRADUCTION] Car, même en présumant que ces droits étaient des gratifications ou primes accordées et reçues en compensa tion des risques sur les capitaux que présentait l'octroi des deux prêts, et qu'ils pourraient de ce fait être considérés comme du capital si les prêts étaient de simples placements, il ne pourrait en être ainsi si ces gratifications ou primes avaient été obtenues dans le cours normal des affaires de l'appelante. Cette distinc tion a été clairement faite dans l'affaire Californian Copper Syndicate c. Harris (5 T.C. 159), le lord juge Clerk déclare à la p. 165:
C'est un principe bien établi quand il s'agit de questions de cotisations d'impôt sur le revenu que, lorsque le propriétaire d'un placement ordinaire décide de le réaliser et obtient un prix plus élevé que le prix d'acquisition, la hausse du prix ne constitue pas un bénéfice soumis à l'impôt sur le revenu au sens de l'annexe «D» de l'Income Tax Act de 1842. Mais il est également bien établi que les plus-values résultant de la réalisation ou de la conversion de titres peuvent aussi être soumises à l'impôt, lorsqu'il ne s'agit pas simplement d'une réalisation ou d'un changement de placement mais d'un acte fait dans le cadre de ce qui constitue véritablement la poursuite ou la réalisation d'une entreprise ....
Dans West Coast Parts Co. Ltd. c. M.R.N. 23 , mon collègue le juge Cattanach, à la page 432 du recueil, après avoir cité l'affaire Taylor mention- née plus haut, a déclaré ceci:
[TRADUCTION] Il n'y aucun doute qu'un prêteur d'argent qui avance de l'argent pendant l'exercice d'une entreprise établie, à des conditions telles qu'il prélève en plus des intérêts propre- ment dits un montant fixe qui est déterminé en relation avec le risque particulier encouru, compterait comme bénéfices prove- nant de son «commerce» non seulement les intérêts reçus comme tels, mais aussi les montants exigés en plus, en raison de risques particuliers. S'il est exact qu'un tel montant constitue un bénéfice provenant d'un commerce de prêts d'argent, il s'ensuit, à mon avis, que lorsqu'une personne qui n'est pas dans le commerce de prêts d'argent passe un contrat de ce genre et exerce ainsi une initiative d'un caractère propre au commerce de prêts d'argent, et réalise un bénéfice semblable, elle a acquis un bénéfice provenant d'une entreprise d'un caractère commercial.
22 [1958] R.C.É. 230.
23 [1965] 1 R.C.É. 422.
Il semble évident en l'espèce que les profits ont été retirés d'opérations ou de transactions interve- nues dans le cadre des activités commerciales de la défenderesse. La défenderesse a exigé, dans le cours normal de ses activités de prêts d'argent, que lui soient remises, en prime, des actions ou des options pour compenser les risques particuliers que présentait chacun des cas; elle avait l'intention de disposer plus tard à profit des actions; elle ne s'attendait pas à recevoir des dividendes, et n'en a d'ailleurs jamais reçu. De plus, la défenderesse n'a pas réussi à me convaincre que, dans les transac tions en cause, les actions ou options ont été acquises à leur juste valeur.
Dans ces circonstances, et en application des principes dégagés par les arrêts que j'ai commen tés, il semble évident que la demande reconven- tionnelle doit être rejetée et les conclusions de la Commission de révision de l'impôt et du Ministre être confirmées sur ce point.
La demanderesse aura droit à tous ses dépens.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.