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A-901-80
Cutter (Canada), Ltd. (Appelante) c.
Baxter Travenol Laboratories of Canada, Limited, Travenol Laboratories, Inc., et Baxter Travenol Laboratories, Inc. (Intimées)
Cour d'appel, le juge en chef Thurlow, les juges Heald et Urie—Ottawa, 23 décembre 1980.
Pratique Requête en sursis à l'exécution d'un jugement de la Division de première instance portant injonction et autres mesures dans une action en contrefaçon de brevet Requête introduite après appel par-devant la Cour d'appel Il échet d'examiner s'il y a lieu d'appliquer en l'espèce la Règle 1909 sur la suspension de l'exécution d'un jugement de la Cour Définition du mot «Cour» Demande rejetée La Règle 1909 ne vise pas une demande de ce genre, introduite en première instance devant la Cour d'appel Le mot «Cour» figurant à la Règle 1909 vise la Division de première instance Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10, art. 50(1)— Règles 2(1) et 1909 de la Cour fédérale.
DEMANDE. AVOCATS:
J. D. Kokonis, c.r. pour l'appelante.
D. F. Sim, c.r. et C. E. R. Spring pour les
intimées.
PROCUREURS:
Smart & Biggar, Ottawa, pour l'appelante. D. F. Sim, c.r., Toronto, pour les intimées.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: L'appelante demande que soit suspendue, par voie d'ordon- nance, l'exécution d'un jugement prononcé par la Division de première instance' dans une action en contrefaçon de brevet. Ce jugement, en vertu duquel furent émises une injonction et une ordon- nance,
exige la saisie ou la destruction des articles jugés en contrefaçon du brevet. Un appel interjeté contre ce jugement est actuellement pendant.
L'appelante fonde sa demande uniquement sur le paragraphe 50(1) de la Loi sur la Cour fédé- rale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, et sur la Règle
' [Jugement rendu le 18 décembre 1980, du greffe T-167-80.1
1909 de cette même Cour. Le paragraphe 50(1) se lit ainsi:
50. (1) La Cour peut, à sa discrétion, suspendre les procédu- res dans toute affaire ou question,
a) au motif que la demande est en instance devant un autre tribunal ou une autre juridiction; ou
b) lorsque, pour quelque autre raison, il est dans l'intérêt de la justice de suspendre les procédures.
Suivant mon interprétation de ce paragraphe, celui-ci autorise la Cour fédérale du Canada à suspendre des procédures pendantes devant elle. Mais, même si l'on admet l'interprétation selon laquelle il permet de suspendre l'exécution d'un jugement de la Cour, ce dont je doute fort, il est clair à mon avis qu'une partie ne pourrait exciper de cette disposition que si les Règles de la Cour le lui permettent. La Règle 1909 se lit ainsi:
Règle 1909. Une partie contre laquelle a été rendu un jugement ou une ordonnance peut demander à la Cour la suspension de l'exécution du jugement ou de l'ordonnance ou quelque autre redressement à l'encontre de ce jugement ou de cette ordon- nance, et la Cour peut, par ordonnance, accorder le redresse- ment qu'elle estime juste, aux conditions qu'elle estime justes.
La Règle 2(1) définit en ces termes l'expression «Cour>:
Règle 2. (1)...
«Cour» désigne la Cour fédérale du Canada et, selon le con- texte, doit s'entendre soit de la Division de première instance, soit de la Cour d'appel, soit de l'une et l'autre,
A mon avis, l'utilisation de l'expression «Cour» dans la Règle 1909 ne permet pas que soit intro- duite, en première instance devant la Cour d'appel, une demande telle que celle présentement en cause. D'après moi, la Cour visée, selon le con- texte, est la Cour dont le jugement fait l'objet de la demande de suspension, c'est-à-dire, en l'occur- rence, la Division de première instance. A mon avis, si l'on interprète la Règle en cause comme permettant qu'une telle demande soit introduite en première instance devant la Cour d'appel, les con- séquences en découlant seraient absurdes et iné- quitables. Logiquement, une telle interprétation pourrait nous amener à conclure que la Division de première instance peut suspendre un jugement de la Cour d'appel rendu sur appel d'un jugement de cette Division. D'un autre côté, si une telle demande était entendue en Cour d'appel par un seul juge, la partie perdante n'aurait d'autres choix, si elle désire en appeler de cette décision devant plus d'un juge, que de procéder par voie d'appel devant la Cour suprême du Canada. Par
conséquent, sur cette question d'interprétation, je suis d'avis que la Règle en cause ne peut s'appli- quer de cette façon.
Cela est d'ailleurs compatible avec le jugement rendu par cette Cour dans l'affaire Marketing International Ltd. c. S. C. Johnson and Son, Ltd. 2 et dans l'affaire Procter & Gamble Co. c. Bristol- Myers Canada Ltd.', l'on avait interjeté appel contre des décisions rendues par la Division de première instance à l'égard de demandes de sus pension dont elle avait été saisie. Le point présen- tement en cause n'a pas été soulevé dans ces affaires.
Toutefois, même si l'on interprète la Règle en cause comme permettant qu'une telle demande soit introduite devant la Cour d'appel, il appert selon moi que le fait d'entendre cette demande alors qu'elle n'a pas été antérieurement présentée devant la Division de première instance, aurait pour effet de créer un précédent de mauvais aloi. Je suis donc d'avis que, dans l'exercice de notre pouvoir discré- tionnaire, nous ne devrions pas entendre cette demande avant qu'elle ait été examinée par la Division de première instance. En Angleterre, cette question fait, semble-t-il, l'objet d'une Règle spé- ciale. (Voir la Règle 14(4) de l'Ordonnance 59.)
Par conséquent, je suis d'avis de rejeter la demande avec dépens.
* * *
LE JUGE HEALD y a souscrit.
* * *
LE JUGE URIE y a souscrit.
2 [1977] 2 C.F. 618.
3 (1979) 39 C.P.R. (2') 171.
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