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T-4879-79
Valentine Nicholas Leschenko (Demandeur) c.
Le procureur général du Canada, le solliciteur général du Canada et le commissaire aux services correctionnels (Défendeurs)
Division de première instance, le juge en chef adjoint Jerome—Ottawa, 15 février et 23 avril 1981.
Brefs de prérogative Demande de jugement déclaratoire disant que le demandeur a droit de faire porter à son crédit au titre du temps de peine â purger au Canada le temps d'incar- cération purgé aux États-Unis Demande aussi d'un juge- ment déclaratoire disant que l'art. 137(1) du Code criminel s'applique à la peine imposée au demandeur pour tentative d'évasion Calcul par les fonctionnaires du Service canadien des pénitenciers de la durée d'emprisonnement après la con- damnation pour tentative d'évasion en fonction de l'art. 22(4) de la Loi sur les pénitenciers Il échet d'examiner si la peine que purge le demandeur devrait être recalculée afin de porter à son crédit le temps d'incarcération aux États-Unis II échet d'examiner si l'art. 137(1) du Code s'applique en droit à une condamnation pour tentative d'évasion Code criminel, S.R.C. 1970, c. C-34, modifié, art. 137(1),(2),(3),(4) et 4216) Loi sur le transfèrement des délinquants, S.C. 1977-78, c. 9, art. 4, 11(1),(2) Loi sur les pénitenciers, S.R.C. 1970, c. P-6, modifiée, art. 22(4).
Le demandeur voudrait obtenir un jugement déclaratoire disant qu'il a droit de faire porter à son crédit au titre du temps de peine à purger au Canada le temps d'incarcération purgé aux Etats-Unis. Il demande aussi une déclaration disant que l'article 137(1) du Code criminel s'applique à la peine pour tentative d'évasion. Le demandeur, qui purgeait une peine d'emprisonnement dans un pénitencier canadien, avait été con- damné six mois pour tentative d'évasion. En 1975, le deman- deur s'est évadé, a été arrêté, incarcéré et condamné aux États-Unis pour une infraction commise là-bas. En 1978, con- formément aux dispositions de la Loi sur le transfèrement des délinquants, il a été transféré au Canada. Les fonctionnaires du Service canadien des pénitenciers recalculèrent la durée de son emprisonnement conformément à l'article 22(4) de la Loi sur les pénitenciers. Le juge qui a imposé la peine pour la tentative d'évasion a ordonné que le demandeur soit incarcéré pour six mois conformément à l'article 137 du Code criminel. Les défendeurs soutiennent que puisque l'article 137 du Code ne crée pas d'infraction ni n'impose de peine d'emprisonnement, l'endossement doit être considéré comme une erreur d'écriture. Il échet d'abord d'examiner si le demandeur a droit à un jugement déclaratoire disant de porter à son crédit au titre du temps de peine à purger au Canada le temps d'incarcération aux Etats-Unis. Il échet ensuite de déterminer si l'article 137 du Code s'applique à la condamnation pour tentative d'évasion.
Arrêt: le demandeur a droit à un jugement déclaratoire disant que l'article 137(1) du Code criminel s'applique à la condamnation pour tentative d'évasion mais il n'a pas droit à un jugement déclaratoire disant que le temps d'incarcération
passé aux États-Unis peut être porté au crédit du temps de peine à purger au Canada. L'argument des défendeurs est rejeté. Bien qu'il soit vrai que la dénonciation retenait une infraction à l'article 421b) du Code criminel et que l'endosse- ment de la déclaration de culpabilité aurait sans doute dit renvoyer à cet article, l'article 137 est néanmoins directement relié au calcul de toute peine imposée et tant qu'il demeure possible que le juge qui imposa la peine ait pu à l'époque appliquer cet article du Code, l'endossement ne saurait être qualifié d'erreur d'écriture. Le demandeur a droit de se préva- loir de l'application, quelle qu'elle soit, que l'on puisse faire de l'article 137 sa peine et au calcul du temps de peine à purger en fonction de celui-ci. Le terme «incarcération» de l'article 137 signifie incarcéré dans un pénitencier canadien, ce qui peut inclure plusieurs formes de détention mais toujours au Canada. La Loi sur le transfèrement des délinquants ne fait qu'expri- mer la seule intention requise pour donner effet à son objet manifeste de la Loi et ne révèle aucune intention de faire porter au crédit d'une condamnation canadienne antérieure le temps de peine purgé dans une prison américaine, par suite d'une condamnation par une juridiction américaine, pour une infrac tion perpétrée aux États-Unis, comme si tous ces événements, y compris le temps d'incarcération, avaient eu lieu au Canada.
Arrêt appliqué: Re McCaud (1977) 16 N.R. 14, confirmé par la Cour d'appel de l'Ontario. Arrêts mentionnés: Re Hass et La Reine (1978) 40 C.C.C. (2e) 202; Marcotte c. Le sous-procureur général du Canada [1976] 1 R.C.S. 108; Re Kissick (N° 4) (1952) 103 C.C.C. 161; Foster c. La Reine (1976) 34 C.R.N.S. 293; R. c. Robinson (1907) 14 O.L.R. 519; Re Stanton et La Reine (1980) 49 C.C.C. (2e) 177; R. c. Pasek [1974] 3 W.W.R. 759.
DEMANDE. AVOCATS:
Ronald R. Price, c.r., pour le demandeur. Arnold S. Fradkin pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Ronald R. Price, c.r., Kingston, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME: Dans
cette espèce, le demandeur demande un jugement déclaratoire à deux volets relatifs tous deux au calcul de la peine qu'il purge actuellement dans un pénitencier canadien. Les faits sont quelque peu compliqués mais les avocats sont parvenus à les résumer dans une déclaration conjointe qui peut
être ramenée à ce qui suit:
a) Le 3 décembre 1973, le demandeur purgeait une peine dans un pénitencier canadien d'envi- ron 21 ans pour des crimes perpétrés au Canada.
b) Le 29 août 1974, le demandeur avait été condamné à six mois pour tentative d'évasion.
c) Le 20 décembre 1975, le demandeur s'est évadé. Il lui restait alors à purger environ 20 ans.
d) Le 18 février 1976, il était arrêté et incarcéré aux États-Unis.
e) Le 11 juin 1976, il était condamné aux États- Unis à 15 ans d'emprisonnement deux peines cumulées) pour des crimes commis là-bas.
f) Après qu'a été proclamée en vigueur la Loi sur le transfèrement des délinquants, S.C. 1977-78, c. 9, la loi d'exécution d'un traité intervenu entre le Canada et les États-Unis à ce sujet, le 17 juillet 1978, conformément à ces dispositions, le demandeur fut transféré au Canada.
g) Au moment du transfèrement, on porta à son crédit conformément à ladite Loi, notamment son article 11, deux ans, sept mois et 25 jours de temps d'incarcération aux Etats-Unis.
h) Après le transfèrement du demandeur au Canada, les fonctionnaires du Service canadien des pénitenciers découvrirent qu'ils avaient appliqué l'ancien article 137 du Code criminel, S.R.C. 1970, c. C-34, au lieu de l'ancien article 22(4) de la Loi sur les pénitenciers, S.R.C. 1970, c. P-6, lors du calcul de la durée de son emprisonnement après la condamnation pour tentative d'évasion du 29 août 1974. En consé- quence, ils recalculèrent cette durée d'emprison- nement conformément à l'article 22(4) de ladite Loi.
i) L'ancien article 137 du Code criminel est entré en vigueur le 15 juillet 1972 et a été remplacé par l'actuel article 137 le 15 octobre 1977.
j) L'article 22(4) de la Loi sur les pénitenciers était en vigueur depuis 1961 avant d'être abrogé le 1' r juillet 1978.
k) Le demandeur n'a jamais été déclaré coupa- ble ni condamné pour son évasion du 20 décem- bre 1975.
Le demandeur conclut à:
a) une déclaration de la Cour disant qu'il a droit de faire porter à son crédit au titre du temps de peine à purger au Canada le temps d'incarcéra- tion aux États-Unis et de voir la peine qu'il purge actuellement recalculée en conséquence; et
b) une déclaration de la Cour disant que l'article 137(1) du Code criminel' de l'époque s'applique en droit à la peine pour tentative d'évasion à laquelle il a été condamné le 29 août 1974 et qu'il a droit de voir la peine qu'il purge recalcu- lée en conséquence.
Ce dernier point est plus facile à résoudre; aussi vais-je en traiter en premier lieu. L'examen du mandat de dépôt sur déclaration de culpabilité montre clairement que le juge de la juridiction provinciale qui a imposé la peine pour la tentative d'évasion a ordonné que le demandeur [TRADUC- TION] «soit incarcéré dans le pénitencier saskat- chewannais pour six mois conformément à l'article 137 du Code criminel». L'article 137 du Code criminel était alors en la forme que lui avait donnée le Parlement en 1972.
137. (1) Sauf disposition contraire de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, une personne qui s'évade pendant qu'elle purge une peine d'emprisonnement doit, après avoir subi toute peine à laquelle elle est condamnée pour cette évasion, purger la partie de la peine d'emprisonnement incluant toute réduction légale de peine mais excluant toute réduction méri- tée, qu'il lui restait à purger au moment de son évasion, moins toute période qu'elle a passée sous garde entre le jour elle a été reprise après son évasion et le jour elle a été condamnée pour cette évasion.
(2) Aux fins du paragraphe (1), l'article 14 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus s'applique pour déterminer la peine d'emprisonnement que purgeait une personne au moment de son évasion.
(3) Une personne qui s'évade alors qu'elle purgeait une peine d'emprisonnement doit subir, s'il en est, la peine à laquelle elle est condamnée pour cette évasion et la peine complémentaire calculée conformément au paragraphe (1) dans un pénitencier si la durée totale de ces peines est de deux ans ou plus ou, si elle est inférieure à deux ans,
a) dans la prison d'où elle s'est évadée, ou
b) lorsque la cour, le juge de paix ou le magistrat qui l'a condamnée pour l'évasion l'ordonne, nonobstant la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, dans un pénitencier,
et, lorsqu'une personne est condamnée pour une évasion elle doit, nonobstant l'article 659, être condamnée en conséquence.
' S.R.C. 1970, c. C-34.
(4) Pour l'application du présent article, le terme «évasion» signifie le bris de prison, le fait d'échapper à la garde légale ou, sans excuse légitime, de se trouver en liberté au Canada avant l'expiration de la période d'emprisonnement à laquelle une personne a été condamnée.
Les défendeurs soutiennent que puisque l'article 137 ne crée pas d'infraction ni n'impose de peine d'emprisonnement, l'endossement doit être consi- déré comme une erreur d'écriture. Je rejette cet argument pour deux motifs. D'abord, bien qu'il soit vrai que la dénonciation retenait une infrac tion à l'article 421 b) du Code criminel et que l'endossement de la déclaration de culpabilité aurait sans doute renvoyer à cet article, néan- moins l'article 137 est directement relié au calcul de toute peine imposée et tant qu'il demeure possi ble que le juge qui imposa la peine ait pu à l'époque appliquer cet article du Code, je ne sau- rais qualifier cet endossement d'erreur d'écriture. Deuxièmement, même si je devais juger que l'en- dossement a été fait par erreur, ce que je ne juge pas, une telle erreur d'écriture doit être soumise au juge qui a prononcé la culpabilité sur requête pour correction 2 . De toute évidence, il ne s'agit pas en l'espèce d'une telle requête ni d'un appel formé de la peine imposée; je dois donc conclure que le demandeur a droit de se prévaloir de l'application, quelle qu'elle soit, que l'on puisse faire de l'article 137 sa peine et au calcul du temps de peine à purger en fonction de celui-ci. J'ai invité les avo- cats à collaborer à ce calcul; ils sont tombés d'ac- cord sur le calcul suivant que je juge adéquat:
Peine initiale du 3 décembre 1973 7660 jours
Moins le temps de peine purgé au 28 août 1974 269
7391
Moins la réduction de peine méritée 24
7367
Plus six mois s'il y a application de l'article 137 183
Nouveau temps à purger à compter du 29 août
1974 7550
Moins la réduction statutaire de peine —1888
5662
Peine purgée du 29 août 1974 au 19 décembre
1975 478
5184
Moins la réduction de peine méritée 42
5142 jours
2 Voir Re Hass et La Reine (1978) 40 C.C.C. (2e) 202.
C'était donc la situation le 20 décembre 1975 lorsque le demandeur s'évada puis éventuellement fut reconnu coupable et condamné aux États-Unis, ce qui met en cause l'autre aspect de la déclaration que demande le demandeur, soit que l'on porte à son crédit son temps d'incarcération aux Etats- Unis non seulement relativement à la peine améri- caine conformément à la Loi sur le transfèrement des délinquants' mais aussi relativement aux peines canadiennes antérieures comme s'il avait été incarcéré après sa capture au Canada.
L'avocat du demandeur a plaidé, fort habile- ment, qu'il y avait, quant à la situation en common law, une jurisprudence abondante permettant de conclure qu'en l'absence de dispositions législatives contraires, la common law aurait placé l'accusé dans cette situation qu'aucun acte de sa part, même l'évasion, n'aurait modifié la durée de ses condamnations. Il n'est pas nécessaire d'élaborer sur les raisons qui sous-tendent cette démarche de la common law si ce n'est pour dire que la société semble s'attendre à ce que l'injustice manifeste qu'il y a à permettre que la peine d'un prisonnier évadé continue à être purgée même au cours de l'évasion, doive être corrigée par la peine appliquée pour l'évasion elle-même. De toute façon, je ne saurais conclure que la situation en common law s'applique de quelque façon à l'espèce car en 1972 le législateur fédéral a adopté la version de l'article 137 du Code criminel précitée. Quelles que soient les autres difficultés d'interprétation qui puissent s'ensuivre, cet article était sans aucun doute en vigueur au moment de l'évasion du demandeur en 1974 et il constituait une modification légale de la position de la common law. La promulgation en 1977 de l'actuel article 137, que voici, soulève un problème fascinant:
137. (1) La personne déclarée coupable d'évasion commise alors qu'elle purgeait une peine d'emprisonnement doit être condamnée à purger concurremment, la partie de sa sentence non encore purgée au moment de son évasion et la peine d'emprisonnement à laquelle elle est condamnée pour l'évasion, sauf si la cour, le juge, le juge de paix ou le magistrat qui l'a condamnée pour l'évasion ordonne que ces deux peines soient purgées consécutivement
a) dans un pénitencier, si le temps à purger est d'au moins deux ans; ou
b) si le temps à purger est inférieur à deux ans, (i) dans une prison, ou
3 S.C. 1977-78, c. 9.
(ii) nonobstant la Loi sur la libération conditionnelle de détenus et l'article 659, dans un pénitencier si la cour, le juge, le juge de paix ou le magistrat qui l'a condamnée pour l'évasion l'ordonne.
(2) Aux fins du paragraphe (1), l'article 14 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus s'applique pour déterminer la peine d'emprisonnement que purgeait une personne au moment de son évasion.
(3) Pour l'application du paragraphe (1), le terme «évasion» désigne le bris de prison, le fait d'échapper à la garde légale ou, sans excuse légitime, de se trouver en liberté avant l'expiration de la période d'emprisonnement à laquelle une personne a été condamnée.
L'article 137 actuel a été introduit par la Loi de 1977 modifiant le droit pénal'', de sorte que l'arti- cle 137 en vigueur à l'époque de l'évasion ne s'applique plus. Comme l'actuel article 137 ne peut qu'influer sur le calcul de la peine du deman- deur après déclaration de culpabilité, il ne peut s'appliquer puisqu'il n'y a eu aucune poursuite pour l'évasion. Nous trouvons-nous alors sans modification légale applicable de la common law? Je ne pense pas et à ce sujet je reconnais fondés les arguments des paragraphes 8 à 13 du mémoire du demandeur. On peut dire, paraphrasant à peine l'article 137, qu'il crée, à mon avis, une obligation pour celui qui s'évade ... de purger la partie de la peine d'emprisonnement . .. qu'il lui restait à purger. En cela il modifie la common law et, à mon avis, il vise l'acte d'évasion au moment de l'évasion. Il était en vigueur en décembre 1974 lorsque le demandeur s'évada et imposait donc à celui-ci l'obligation de purger la partie alors non purgée de sa peine «moins toute période qu' [il] a passée sous garde entre le jour [il] a été repris après son évasion et le jour [il] a été condamné pour [l']évasion», ce qui nous amène au dernier moyen qu'a fait valoir le demandeur. Je reconnais, ce qu'a soutenu le demandeur, que la jurispru dence autorise clairement de créditer aux fins de l'article 137, le temps d'incarcération même s'il a été passé à purger une condamnation pour une infraction autre et postérieures et je reconnais aussi fondé que, pour les fins de l'article 137, on assimile à une incarcération toute forme de déten- tion pour ainsi dire d'un individu arrêté à nouveau, qu'il soit en transfèrement, à l'hôpital, qu'il attende son procès, etc. Je n'ai pu toutefois trouver
4 S.C. 1976-77, c. 53.
5 Regina c. Pasek [1974] 3 W.W.R. 759.
aucune jurisprudence qui autorise d'élargir l'une et l'autre interprétation à une incarcération à l'exté- rieur du Canada. Sous cette question il faut main- tenant examiner l'espèce Re McCaud 6 , laquelle est suffisamment brève pour être reproduite ici en entier:
[TRADUCTION] LE JUGE VAN CAMP: Cette espèce est une requête en habeas corpus qui, du consentement des avocats, a été plaidée comme une requête de libération. Le litige porte sur la méthode de calcul des jours de peine purgés par le requérant. Le 3 février 1971, le requérant a été reconnu coupable et condamné à une peine de 3 ans d'emprisonnement dans un pénitencier canadien. Il fut autorisé à s'absenter temporaire- ment du 22 décembre 1971, 16 h, au 28 décembre 1971, 16 h, inclusivement, pour passer Noël avec sa famille. Il ne revint pas et fut finalement repris et confié à la garde de la police provinciale d'Ontario à Fort Érié le 15 janvier 1975. II fut acquitté en avril 1975 de l'inculpation d'avoir le 28 décembre 1971 ou vers cette date, dans la province d'Ontario, été illégale- ment en liberté avant le terme de sa peine de prison sans excuse légitime, en infraction à l'art. 133b) du Code criminel du Canada. La nouvelle date de son élargissement, calculée sans qu'aucun crédit ne lui soit accordé pour le nombre de jours il n'était pas incarcéré au Canada serait, d'après l'avocat du procureur général, le 14 mars 1976.
L'avocat du requérant fait valoir qu'une peine de prison peut cesser d'être purgée uniquement s'il y a libération sur caution- nement, libération conditionnelle ou évasion. L'article 137, qui en son paragraphe (4) définit ce qu'est une évasion, énonce la méthode de calcul à suivre lorsqu'il y a évasion. Le requérant n'avait pas été libéré sous caution ni conditionnellement et a été acquitté de l'inculpation d'évasion. L'avocat du procureur gé- néral fait valoir que d'après les dispositions des art. 659 et 660 du Code criminel, la peine devait être purgée dans un péniten- cier conformément aux lois et règles le régissant. Divers articles de la Loi sur les pénitenciers, S.R.C. 1970, c. P-6, prévoient les cas un individu doit être présumé légalement incarcéré quoiqu'il ne soit pas dans un pénitencier: par exemple, l'art. 13(7), au moment d'un transfèrement sous la garde des person- nes autorisées; l'article 19(4), alors qu'il est détenu dans un hôpital provincial; et les articles 22 et 24 prévoient les réduc- tions statutaires et méritées de peines portées au crédit du détenu. L'article 25 prévoit le mode de calcul du temps de la peine alors que le détenu est en liberté sur le fondement de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, c. P-2. L'article 26 prévoit les absences temporaires autorisées. Aucune disposition légale expresse ne prévoit le calcul du temps de peine alors que le détenu est en liberté au Canada sans autorisation. On m'invite à considérer l'art. 11 de la Loi de l'interprétation, S.R.C. 1970, c. I-23 qui dispose que chaque texte législatif doit s'interpréter de la façon libérale la plus propre à assurer la réalisation de ses objets. On m'a aussi renvoyée aux règles qu'énonce l'espèce Re Kissick, 103 C.C.C. 161, soit qu'un individu ne doit pas être incarcéré à moins que la législation n'emploie des termes non équivoques justifiant l'emprisonnement, que tout doute sur la légalité doit profiter au détenu. En l'espèce, il n'est pas nécessaire d'élargir l'interpréta- tion de la loi ni de la juger équivoque. La peine doit être purgée
6 (1977) 16 N.R. 14.
dans un pénitencier. Le requérant n'y était pas au cours de la période en question. Comme il n'y a aucune preuve que l'ab- sence du requérant ait été autorisée et qu'aucune loi ne dispose qu'il doit être présumé légalement incarcéré, on ne peut juger qu'il purgeait sa peine alors qu'il était absent du 28 décembre 1971 au 15 janvier 1975.
La demande est rejetée.
On a prétendu que l'appel formé de cette décision fut rejeté par la Cour d'appel d'Ontario sans motif. En réalité le juge en chef d'alors, le juge Gale, avait dit, ce qui à mon avis constitue un endosse- ment des plus clairs non seulement du dispositif mais des motifs du juge Van Camp, que:
[TRADUCTION] Cette espèce est l'appel formé du jugement de Madame le juge Van Camp rejetant une requête présentée par M. McCaud en habeas corpus. Les motifs du jugement de Madame le juge Van Camp énoncent proprement et avec exactitude les points litigieux. Nous avons examiné la chose soigneusement et sommes d'avis que l'appel doit être rejeté.
L'appelant fut condamné à une peine de prison à purger dans un pénitencier canadien. Il n'a pas purgé cette peine et ne peut se prévaloir des exceptions qui autoriseraient de porter à son crédit le temps passé à l'extérieur du pénitencier canadien. L'argumentation qu'il a fait valoir devant nous est ingénieuse et persuasive; elle ne l'est suffisamment pas cependant pour nous convaincre que nous devrions réformer le jugement de Madame le juge Van Camp. Comme je l'ai déjà dit, l'appel sera rejeté.
En outre, un appel de cette dernière décision fut porté en Cour suprême du Canada et rejeté sans motif. Il me semble que même l'interprétation la plus restrictive de cet arrêt établit que le terme «incarcération» signifie incarcérer dans un péniten- cier canadien, ce qui peut inclure plusieurs formes de détention mais toujours au Canada; à moins que le demandeur ne puisse se prévaloir d'une disposition de la Loi sur le transfèrement des délinquants qui démontre une intention contraire du législateur, il doit succomber.
Je n'ai pas à rappeler, bien entendu, que suivant l'interprétation la plus large de l'arrêt McCaud, la chose est résolue de la façon la plus simple en partant de la prémisse que la peine du demandeur, de quelque vingt et un ans, qu'il purgeait au moment de son évasion en 1975, était une peine qui, conformément aux articles 659 et 660 du Code criminel, devait être purgée dans un péniten- cier canadien et qu'il n'existe aucune disposition législative qui permette de porter au crédit du temps de cette peine celui pendant lequel le demandeur n'était pas dans un pénitencier cana-
dien, à moins qu'il n'ait été soumis à une autorité quelconque, ce qui manifestement n'était pas le cas.
Le demandeur cite les articles 4 et 11 de la Loi sur le transfèrement des délinquants et soutient ingénieusement, puisqu'une déclaration de culpabi- lité et une condamnation à l'étranger sont réputées canadiennes et que le temps d'incarcération pour la peine étrangère doit être porté à son crédit en calculant la peine comme si elle avait été purgée au Canada, que le temps d'incarcération à l'étran- ger doit aussi être considéré comme une incarcéra- tion au Canada non seulement pour les fins de la Loi sur le transfèrement des délinquants mais à toutes autres fins aussi.
4. Lorsqu'un délinquant canadien est transféré au Canada, sa déclaration de culpabilité et sa sentence, s'il y en a une, par un tribunal de l'État étranger d'où il est transféré sont présumées être celles qu'un tribunal canadien compétent lui aurait impo sées pour une infraction criminelle.
11. (1) Un délinquant canadien transféré au Canada
a) bénéficie des remises de peine que lui a accordées l'État étranger il fut déclaré coupable et condamné calculées au jour de son transfèrement; et
b) peut bénéficier d'une réduction de peine comme s'il était incarcéré le jour de son transfèrement conformément à une condamnation prononcée par un tribunal canadien.
(2) Les remises de peine mentionnées à l'alinéa (I )a) sauf celles accordées pour le temps véritablement passé en détention conformément à la sentence que lui a imposée le tribunal étranger sont sujettes à déchéance pour une infraction discipli- naire comme s'il s'agissait de réductions de peine acquises en vertu de la Loi sur les pénitenciers ou de la Loi sur les prisons et les maisons de correction.
Il est évident que sans ces textes rien n'autorise d'incarcérer le délinquant transféré dans un péni- tencier canadien et il n'existe plus aucun fonde- ment pour le calcul de la peine, de sa réduction et des libérations conditionnelles; rien n'y est dit cependant qui puisse indiquer que le Parlement voulait que la peine étrangère soit réputée une peine canadienne pour toute autre fin. De même, quant à la disposition tout aussi évidente que lors du calcul du temps de peine à purger après le transfèrement, il faut créditer le temps de la peine étrangère déjà purgée, rien n'indique une intention de la part du législateur d'étendre ce crédit à un autre objet. J'ai à l'esprit le principe bien établi d'interprétation que si des ambiguïtés réelles sont constatées ou des doutes substantiels naissent lors-
qu'il s'agit d'interpréter et d'appliquer une loi por- tant atteinte à la liberté du sujet, celle-ci doit être interprétée en faveur de celui contre qui on veut l'appliquer'. Je suis loin d'être certain toutefois que le programme de transfèrement des délin- quants qui, après tout, n'est qu'un arrangement volontaire pour le profit des détenus, doive être considéré comme une véritable loi pénale; de toute façon, il n'y a ni ambiguïté ni doute. La loi ne fait qu'exprimer la seule intention requise pour donner effet à l'objet manifeste du programme et ne révèle, à mon avis, aucune intention de faire porter au crédit d'une condamnation canadienne anté- rieure le temps de peine purgé, en l'espèce dans une prison américaine, par suite d'une condamna- tion par une juridiction américaine, pour une infraction perpétrée aux États-Unis, comme si tous ces événements, y compris le temps d'incarcéra- tion, avaient eu lieu au Canada; le demandeur est donc débouté sur ce moyen. J'ajouterais aussi que si le législateur avait eu une intention semblable, il aurait être plus explicite encore s'il entendait accorder rétroactivement un crédit de remise de peine. La condamnation du demandeur fut pronon- cée le 11 juin 1976; plus de deux ans du temps de peine que celui-ci voudrait voir porter au crédit du reliquat de sa peine canadienne antérieure ont donc été purgés aux États-Unis avant la proclama tion de la Loi sur le transfèrement des délin- quants, le 17 juillet 1978.
Le demandeur n'a donc pas droit à un jugement déclaratoire disant que le temps d'incarcération passé aux États-Unis peut être porté au crédit du temps de peine à purger au Canada et à ce que la peine qu'il purge soit recalculée en conséquence.
Revenant donc au calcul antérieur, le deman- deur devait, au moment de son évasion en décem- bre 1975, tout comme lorsqu'il fut réincarcéré en octobre 1978, purger une peine de 5,142 jours. Le lei juillet 1978, toutefois, l'article 22(4) de la Loi sur les pénitenciers 8 fut abrogé; les avocats ont
7 Voir: Marcotte c. Le sous-procureur général du Canada [1976] 1 R.C.S. 108; Re Kissick (No 4) (1952) 103 C.C.C. 161; Foster c. La Reine (1976) 34 C.R.N.S. 293; Le Roi c. Robin- son (1907) 14 O.L.R. 519; Re Stanton et La Reine (1980) 49 C.C.C. (2') 177.
8 S.R.C. 1970, c. P-6, modifiée par la Loi de 1977 modifiant le droit pénal, S.C. 1976-77, c. 53, articles 40 et 41.
donc coopéré à appliquer les nouvelles dispositions à la peine du demandeur, avec le résultat suivant:
Nouvelle réduction de peine selon l'article 24.2
a) Admissibilité à la nouvelle réduction de peine méritée: 7550 x
1/3 soit: 2517
b) Moins la réduction statutaire de
peine acquise: —1888
c) Moins la réduction de peine
méritée acquise: 42
587 jours
A compter du 13 octobre 1978
Temps
de peine Réduction Diffé-
(jours) de peine rente
5142
Au 31 décembre 1978 80 39 5023
Au 31 décembre 1982 1461 548 3014
Au 31 décembre 1990 2922 92
Au 2 avril 1991 92
La date de sa libération sous surveillance obliga- toire est donc le 2 avril 1991 et celle de l'expiration du mandat d'incarcération le 21 février 1998.
Comme le demandeur a gain de cause en partie, il aura droit aux dépens.
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