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T-3763-81
Keith Frederick Couperthwaite (requérant) c.
Commission nationale des libérations condition- nelles (intimée)
Division de première instance, juge suppléant Smith—Winnipeg, 23 novembre 1981 et 30 juin 1982.
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Mandamus Audience de libération conditionnelle Manuel rédigé en application du Règlement sur la libération conditionnelle de détenus interdisant au détenu d'assister à la réunion préalable à l'audience L'objet de la réunion est de mettre la Commis sion au fait des derniers développements, postérieurs à la rédaction des rapports Débat sur l'attribution de la libéra- tion conditionnelle lors de cette réunion La réunion fait-elle partie de l'audience? Obligation de la Commission d'agir équitablement Possibilité pour la Commission de prendre des mesures pour que certains renseignements visés par l'art. 54 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, ne soient pas divulgués au détenu Demande accueillie Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, chap. P-2, art. 6 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 23), 8, 9 (mod. idem, art. 24), 10, 11 (mod. idem, art. 26) Règlement sur la libération conditionnelle de détenus, DORS/78-428, art. 14, 15 (mod. par DORS/81-487, art. 1), 17, 20.1 (ajouté par DORS/81-318, art. 1), 25 Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77, chap. 33, art. 49, 54.
Une disposition du Manuel des politiques et procédures, adoptée en application de l'article 25 du Règlement sur la libération conditionnelle de détenus, interdit au détenu et à son assistant d'être présents à la réunion qui a lieu immédiatement avant l'audience sur la libération conditionnelle totale. A cette réunion, les agents de surveillance portent à la connaissance des commissaires tous les renseignements relatifs au cas d'espèce et les rapports écrits déjà remis à la Commission sont mis à jour. Un détenu a demandé l'autorisation, pour lui et son avocat, d'assister à cette réunion comme à l'audience elle-même. L'au- dience a été prorogée et le détenu a demandé un mandamus pour forcer la Commission des libérations conditionnelles à se conformer aux dispositions de la Loi sur la libération condi- tionnelle de détenus, à son Règlement d'application, à la Déclaration canadienne des droits et à l'obligation de common law d'agir équitablement.
Jugement: la demande est accueillie. L'argument de l'avocat du requérant voulant que toute la procédure d'examen relative à l'obtention d'une libération conditionnelle, selon l'article 14 du Règlement, doit se faire sous forme d'audience, est bien fondé. Une partie de l'examen ne peut avoir lieu avant l'au- dience. L'argument des témoins de la Commission selon lequel la réunion préliminaire ne fait pas partie de l'audience est contredit par l'article 104-3.3.1 du manuel qui désigne cette réunion comme «la première phase» de l'audience. Quoique les témoins de la Commission aient déclaré que le manuel n'énon- çait pas la véritable politique de la Commission en matière d'audiences, la question demeure néanmoins de savoir si en fait
cette réunion ne devrait pas être considérée comme faisant partie intégrante de l'audience. Il a été reconnu que le cas était parfois discuté au fond lors de cette réunion préliminaire et qu'il y avait danger que des commissaires soient amenés à refuser la libération conditionnelle sans avoir entendu le détenu. Même si la Commission n'exerce qu'une fonction administra tive et non une fonction quasi judiciaire, elle doit néanmoins agir équitablement. Sous réserve des renseignements qui, aux termes de l'art. 17 du Règlement sur la libération condition- nelle de détenus, doivent être considérés comme confidentiels, le droit à une audition, qui inclut le droit d'entendre les preuves qu'on prétend opposer au détenu et celui d'y répondre, s'appli- que aux audiences relatives à la libération conditionnelle. La preuve administrée indique que la question de fond, à savoir la libération éventuelle du détenu, a été examinée lors de la réunion préliminaire et qu'elle doit être considérée comme faisant partie intégrante de l'audience. Le nombre de renseigne- ments fournis à la Commission qui, aux termes de l'article 54 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, ne pouvaient pas être communiqués au détenu n'était pas élevé et il n'aurait pas été difficile pour les commissaires de se consulter et, au besoin, d'ajourner brièvement pour décider si certains rensei- gnements ne devaient pas être divulgués au détenu.
DEMANDE. AVOCATS:
Arne Peltz pour le requérant.
Theodore K. Tax et Kim Prost pour l'intimée.
PROCUREURS:
Ellen St. Community Legal Services, Winni- peg, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT SMITH: Il s'agit en l'es- pèce de la demande d'un bref de mandamus, ou de tout autre recours de même nature, pour forcer l'intimée à se conformer aux dispositions de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, chap. P-2, aux articles 14, 15 et 20.1 du Règlement sur la libération conditionnelle de détenus, DORS/78-428 [mod. par DORS/81-318 et DORS/81-487] et aux alinéas la) et b) et à l'alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, chap. 44 [S.R.C. 1970, Appen- dice III], modifiés, et, en outre, ou subsidiaire- ment, à l'obligation de common law d'agir équita- blement. La demande est fondée sur les moyens suivants:
[TRADUCTION] 1. QUE l'intention de l'intimée de tenir une partie de l'audience en révision de la libération conditionnelle ex parte alors que certaines personnes, dont l'agent d'unité résidentielle, l'agent de classification et/ou l'agent de libération conditionnelle, communiqueront à l'intimée certaines informa- tions ou certaines preuves, enfreint les articles 14, 15, et 20.1 dudit Règlement et, en outre, prive le requérant d'une audience équitable conformément aux principes fondamentaux de justice concernant la détermination de ses droits et obligations, étant la procédure d'application régulière de la loi à laquelle le requé- rant a droit avant toute décision de l'intimée influant sur sa liberté;
2. En outre ou subsidiairement, que la pratique de l'intimée énoncée au paragraphe le' ci-dessus contrevient à l'obligation de respect de l'équité procédurale qu'impose la common law, laquelle requiert au minimum d'informer le requérant de ce qu'il lui est imputé et de lui fournir l'opportunité effective d'y répondre;
3. Subsidiairement aussi, dans le cas l'intimée aurait déjà tenu une partie de l'audience en révision de la libération conditionnelle en l'absence du requérant et de son avocat, il sera demandé à la Cour une ordonnance de prohibition afin d'interdire à la Commission intimée de prononcer une décision définitive relative à la révision de la libération conditionnelle du requérant jusqu'à ce qu'une audience nouvelle relative à cette libération conditionnelle ait lieu et soit tenue conformément à la loi.
4. Et tout autre recours supplémentaire, fondé sur tout autre moyen additionnel qu'on aura fait valoir et que la Cour accueillera.
A l'ouverture de l'audience, l'avocat du requé- rant a dit qu'il abandonnait le moyen énoncé au paragraphe 3, aucune partie de l'audience en révi- sion de la libération conditionnelle n'ayant eu lieu.
Voici, résumés, les faits:
Le 31 mars 1980, le requérant était condamné à Saskatoon en Saskatchewan, pour homicide invo- lontaire coupable, à une peine de trois ans et neuf mois. Il était incarcéré au pénitencier fédéral de Prince Albert en Saskatchewan, puis était trans- féré, en mai 1980, à l'établissement de Stony Mountain au Manitoba. Avisé par l'intimée, peu après son transfèrement, des dates il serait admissible à une libération conditionnelle, soit, pour une libération conditionnelle totale, le 1e' juillet 1981, il demandait formellement sa libéra- tion conditionnelle le 25 juin 1980. Le 6 novembre 1980, il était interrogé par la Commission des libérations conditionnelles au sujet d'une demande de libération conditionnelle de jour; la demande fut rejetée.
On refusa de révéler au requérant, avant la tenue de l'audience relative à sa libération condi- tionnelle totale, le contenu des pièces versées à son dossier. Le 3 juin 1981, il demandait à la Cour une ordonnance de mandamus afin d'obtenir, notam- ment, communication de ces pièces avant l'au- dience. J'ai ordonné cette communication. Ce qui fut fait. A l'audience, tenue le 13 juillet 1981, on a débattu de la demande du requérant et de son avocat d'assister à l'ensemble de l'audience. Cel- le-ci ne fut pas remise mais [TRADUCTION] «proro- gée» au 10 août 1981. Le 20 juillet 1981, le requérant présentait la requête en cause, que j'ai instruite le 23 novembre 1981 Winnipeg.
L'accueil ou le rejet de la demande est fonction de la bonne interprétation et de l'application, aux faits, de certaines dispositions législatives dont les plus importantes se retrouvent dans la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, dans le Règlement sur la libération conditionnelle de détenus et dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77, chap. 33; voici les extraits importants de ces dispositions:
I. Loi sur la libération conditionnelle de détenus:
6. Sous réserve de la présente loi, de la Loi sur les péniten- ciers et de la Loi sur les prisons et les maisons de correction, la Commission est exclusivement compétente et a entière discré- tion pour accorder ou refuser d'accorder une libération condi- tionnelle ... .
8. (1) La Commission doit, aux époques prescrites par les règlements,
a) examiner le cas de chaque détenu qui, pour deux ans ou plus, est condamné à un emprisonnement dans un pénitencier ou y est transféré ....
(2) Sur examen du cas d'un détenu comme le requiert le paragraphe (I), la Commission doit décider s'il y a lieu d'accor- der la libération conditionnelle ou non.
9. (1) Le gouverneur en conseil peut, par règlement,
a) fixer la façon dont la Commission doit en vertu de l'article 8, examiner les cas des détenus et déterminer s'il doit y avoir audition devant la Commission;
g) prévoir en quelles circonstances un détenu a droit à une audition lors de l'examen de son cas en vue de lui accorder la libération conditionnelle;
h) fixer la forme et le contenu des renseignements que la Commission doit fournir à un détenu ou à d'autres personnes ou, du moins, mettre à leur disposition, avant de tenir une audition au sujet de sa libération conditionnelle;
(N.B.: l'article 17 du Règlement sur la libération conditionnelle de détenus a été adopté sur le fon- dement de cet alinéa. Voir ci-dessous.)
i) prévoir quelles circonstances donnent droit au détenu d'obtenir aide et assistance lors d'une audition devant la Commission, sa nature, son étendue et les personnes ou la catégorie de personnes autorisées à la lui fournir;
(N.B.: les articles 14, 15 et 20.1 du Règlement sur la libération conditionnelle de détenus ont été adoptés sur le fondement des alinéas g) et i). Voir
ci-dessous.)
10. (1) La Commission peut
a) accorder la libération conditionnelle à un détenu, sous réserve des modalités qu'elle juge opportunes, si la Commis sion considère que
(i) dans le cas d'un octroi de libération conditionnelle autre qu'une libération conditionnelle de jour, le détenu a tiré le plus grand avantage possible de l'emprisonnement,
(ii) l'octroi de la libération conditionnelle facilitera le redressement et la réhabilitation du détenu, et
(iii) la mise en liberté du détenu sous libération condition- nelle ne constitue pas un risque indu pour la société;
e) à sa discrétion, révoquer la libération conditionnelle de tout détenu à liberté conditionnelle ....
11. Sous réserve des règlements que peut établir à ce sujet le gouverneur en conseil, la Commission n'est pas obligée, lors- qu'elle étudie la possibilité d'accorder ou de révoquer une libération conditionnelle, de donner au détenu l'occasion de se faire entendre personnellement ou par l'intermédiaire d'une autre personne.
(N.B.: dans le cas de la libération conditionnelle totale, cet article a été remplacé par les articles 14 et 15 du Règlement sur la libération condition- nelle de détenus.)
2. Règlement sur la libération conditionnelle de détenus:
14. La Commission doit examiner le cas d'un détenu, aux termes de l'alinéa 8(1)a) de la loi, à la date de son admissibilité à la libération conditionnelle totale, sauf si la Commission a déjà, de son propre chef ou à la demande du détenu ou d'une personne agissant en son nom, examiné le cas du détenu avant cette date.
15. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), l'examen visé à l'article 14 doit se faire par voie d'audition devant au moins deux membres de la Commission, sauf si le détenu demande par écrit que l'examen se fasse sans audition.
(N.B.: Le paragraphe (2) de cet article ne s'appli- que pas en l'espèce.)
17. (1) Sous réserve du paragraphe (3), la Commission doit fournir, oralement ou par écrit, au détenu dont le cas est
examiné conformément à l'alinéa 8(1)a) de la loi, tous les renseignements pertinents qu'elle a en sa possession.
(2) Lorsque la Commission décide de donner au détenu, par écrit, les renseignements visés au paragraphe (1), ces renseigne- ments doivent lui être fournis au moins quinze jours avant l'examen.
(3) La Commission n'est pas tenue, conformément au para- graphe (1), de révéler au détenu des renseignements
b) visés par les alinéas 54a) à g) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
20.1 (1) Lors d'une audition selon le paragraphe 15(1) ou 20(2), la Commission doit permettre au détenu d'obtenir aide et assistance d'une personne de son choix.
(3) La personne visée au paragraphe (1) a le droit
a) d'être présente à l'audition tant que le détenu qu'elle assiste y est présent;
b) de conseiller le détenu relativement aux questions adres- sées à ce détenu par la Commission pendant l'audition; et
c) à la fin de l'audition, de s'adresser au nom du détenu et pendant une période de dix minutes, aux membres de la Commission qui dirigent l'audition.
25. Le Bureau de la Commission établi en vertu du paragra-
phe 3(2.1) de la loi doit, de concert avec la Commission,
a) élaborer et promulguer des lignes directrices et des procé-
dures que la Commission devra suivre pour s'acquitter de ses
fonctions et pouvoirs aux termes de la loi; ....
3. Loi canadienne sur les droits de la personne:
49. Dans la présente Partie,
«banque fédérale de données« désigne la masse des dossiers relevant d'une institution du gouvernement fédéral et qui contient des dossiers utilisés à des fins administratives;
L'article 52 porte que tout individu a le droit de savoir quels dossiers le concernant, utilisés à des fins administratives, figurent dans les banques fédérales de données, de vérifier l'usage qui a été fait de ces dossiers et d'examiner ces dossiers, ou une copie, quelle que soit la proportion des rensei- gnements qu'il a lui-même fournie.
L'article 54 dispose que le ministre compétent dont relève une banque fédérale de données peut dispenser celle-ci de l'application de tout ou partie du paragraphe 52(1), mentionné ci-dessus, si, à son avis, la divulgation tant de l'existence d'un dossier ou d'éléments d'un dossier que de son contenu est susceptible d'avoir les conséquences décrites aux alinéas 54a) à g), inclusivement. L'ob-
jet de l'article 54 est de conférer au ministre le pouvoir de garder confidentiel tous renseignements susceptibles d'avoir l'une de ces conséquences. Aussi, si le ministre en décide ainsi, ces renseigne- ments ne doivent pas être communiqués au détenu pour les fins d'une demande de libération condi- tionnelle, ou autre.
Dès la première admission d'un détenu dans un établissement carcéral, les renseignements le con- cernant sont réunis et mis par écrit. Ces renseigne- ments proviennent de sources diverses et peuvent concerner autant sa santé et son genre de vie avant la perpétration de l'infraction pour laquelle il a été condamné à la peine d'emprisonnement, que des rapports sur sa conduite, sur son attitude et sur les progrès qu'il a accomplis au cours de son incarcération.
Le rôle de la Commission est fort chargé. Au paragraphe 8 d'une publication de la Commission d'avril 1981 intitulée Aide aux audiences, pièce 2 de la déposition sous serment de William Outer - bridge (président de la Commission), on dit: «Les commissaires tiennent en moyenne de huit à dix audiences par jour, trois semaines sur quatre.» Avec leurs autres obligations, dont, notamment, la rédaction des décisions et l'étude des dossiers, c'est manifestement, semble-t-il, un horaire fort chargé, qui explique sans doute la règle selon laquelle une audience doit avoir lieu, sauf excep tion, au jour prévu et la règle qui limite à dix minutes le temps dont dispose l'assistant du détenu pour s'adresser à la Commission lors de l'audience.
Conformément à l'article 25 du Règlement pré- cité, un Manuel des politiques et procédures a été rédigé et adopté; son article 4 porte sur les révi- sions et les audiences. L'article 104-3.3 du manuel énonce la politique que suit la Commission quant à la présence de l'assistant du détenu à l'audience; en voici les deux premières phrases:
3.3.1 L'assistant participera aux mêmes phases de l'audience que le détenu. L'assistant n'est pas présent à la première phase durant laquelle le personnel du service correctionnel du Canada fait des exposés à la Commission.
La préparation de l'audition d'un appel com mence des mois avant la date de l'audience. Tous les renseignements connus pouvant influer sur la possibilité pour le détenu d'obtenir une libération conditionnelle sont examinés par le personnel du
Service des libérations conditionnelles, principale- ment par l'agent du Service des libérations condi- tionnelles et par un agent de développement d'unité résidentielle (en abrégé ADUR). Les ADUR font partie du personnel de l'établissement carcé- ral. Ils préparent des rapports factuels qui, réunis aux pièces littérales originales, sur lesquelles ils sont fondés, sont fournis une ou deux semaines avant l'audition aux commissaires (qui doivent au moins être deux) chargés d'instruire et d'examiner la demande de libération conditionnelle. Parfois, l'un ou l'autre de ces agents, ou les deux, recom- mande d'accorder la libération conditionnelle ou de la refuser; parfois, ils ne font aucune recommandation.
La preuve administrée indique qu'au moins avant mon ordonnance du 3 juin 1981, la Commis sion avait l'habitude de fournir au détenu, orale- ment à l'audition, les renseignements qu'elle possé- dait. Après mon ordonnance du 3 juin 1981, la Commission a fourni au requérant (au détenu) ces renseignements par écrit avant la date de l'au- dience, soit le 23 novembre 1981. Par conséquent, aucune question ne se pose en l'espèce au sujet du respect de l'article 17 du Règlement à cet égard.
La Commission réunit habituellement les com- missaires qui présideront l'audience, l'agent de libération conditionnelle, l'ADUR et tout agent de police, garde pénitentiaire ou autre détenteur de renseignements pertinents. Cette réunion a lieu avant que le détenu ne soit admis dans la salle d'audience.
D'après les dépositions sous serment et les con- tre-interrogatoires des trois commissaires relatifs à ces dépositions, M. William Outerbridge, le prési- dent de la Commission, M. Ken Howland, com- missaire et M. John Bissett, administrateur régio- nal, préparation des cas, l'objet de cette réunion est de porter à leur connaissance tous les rensei- gnements relatifs à un cas d'espèce, de les mettre à jour, en y ajoutant tout renseignement postérieur aux rapports du personnel remis à la Commission avec copie des renseignements écrits initiaux. D'après ces trois témoins, il importe que le détenu et son assistant ne soient pas présents à cette réunion car certains de ces nouveaux renseigne- ments pourraient relever des alinéas a) à g) de l'article 54 de la Loi canadienne sur les droits de la personne; le ministre pourrait donc ordonner de
ne pas les divulguer au détenu. Ces témoins sont aussi d'avis que cette réunion ne fait pas partie de l'audience, mais de la phase finale de la prépara- tion de l'audience; ni le détenu ni son assistant n'auraient donc le droit, en vertu de l'article 20.1 du Règlement, d'y être présents.
Cette réunion terminée, le détenu et son assis tant sont autorisés à pénétrer dans la salle. Si de nouveaux renseignements ont été fournis avant qu'ils n'entrent, la Commission les en informe, sauf lorsqu'il s'agit de ceux, jugent-ils, que le ministre pourrait ordonner de garder confidentiels sur le fondement de l'article 54 de la Loi cana- dienne sur les droits de la personne. La Commis sion les informe aussi de l'ensemble des preuves en sa possession avant la réunion.
A l'audience en l'espèce, l'avocat du requérant s'opposa fortement à cette politique de la Commis sion d'exclure le détenu et son assistant de la réunion précitée. Il se référa d'abord aux articles 14 et 15 du Règlement, appelant l'attention sur l'article 15, qui dit que «l'examen (c'est-à-dire l'examen pour l'obtention d'une libération condi- tionnelle) visé à l'article 14 doit se faire par voie d'audition devant au moins deux membres de la Commission ...». Ces termes, a-t-il soutenu, ne peuvent signifier qu'une partie de l'examen peut avoir lieu avant l'audience, mais bien que tout l'examen doit se faire sous forme d'audience. Je partage cet avis.
Pour répondre à l'argument des témoins de la Commission selon lequel la réunion tenue avant l'admission du détenu et de son assistant dans la salle d'audience ne fait pas partie de l'audience, il s'est référé au Manuel des politiques et procédures de la Commission. L'article 104-3.3.1 de ce manuel, précité, gagne à être répété ici. Le voici:
3.3.1 L'assistant participera aux mêmes phases de l'audience que le détenu. L'assistant n'est pas présent à la première phase durant laquelle le personnel du service correctionnel du Canada fait des exposés à la Commission.
L'article 104-4 du manuel est intitulé «Stades de l'audience». En voici les trois premiers paragra- phes:
4.1 Avant la tenue de l'audience, les commissaires examinent le dossier du détenu qui demande une libération conditionnelle. Il
est tenu compte de tout document écrit spécialement présenté par des personnes non présentes à l'audience.
4.2 La première étape de l'audience comprend des exposés présentés par l'agent de libération conditionnelle et le personnel de l'établissement ainsi qu'un examen préliminaire sous forme de discussion de cas.
4.3 A l'étape suivante, les commissaires rencontrent le détenu. Lorsqu'il s'agit d'un examen en vue d'une libération condition- nelle totale, cette étape commence par la présentation de renseignements touchant la décision à prendre.
Ce manuel, bien sûr, ne constitue pas un texte législatif et n'a pas force de loi; il s'agit d'un manuel de procédure que la Commission a adopté comme guide. On ne m'a pas fait connaître la date exacte de son adoption mais, d'après la déposition de M. Outerbridge, ce serait au début de 1980, peut-être en 1979. Il est clair que les extraits précités n'avaient pas été modifiés au moment j'ai instruit l'affaire. Apparemment aucune ques tion ne s'était posée au sujet des articles 104-3.3.1 et 104-4.1, 4.2 et 4.3 antérieurement à la présente instance.
L'avocat du requérant fait valoir que les termes qu'utilisent les paragraphes cités montrent claire- ment que la Commission elle-même considère la réunion dont ont été exclus le détenu et son assis tant comme faisant partie de l'audience, dont ce serait le premier stade. C'est, je pense, la seule interprétation que l'on puisse donner à ce que disent ces paragraphes. En fait, il n'y a rien à interpréter, ce sont ce que les mots disent expressément.
Lors de son contre-interrogatoire relatif à sa déposition sous serment, M. Outerbridge a été interrogé à ce sujet assez longuement. Il a été catégorique: les extraits cités des articles 104-3.3.1 et 104-4.1, 4.2 et 4.3 étaient erronés; ils n'énon- çaient pas la véritable politique en matière de tenue d'audiences. Selon lui, la conférence prépa- ratoire antérieure à l'admission du détenu et de son assistant ne faisait pas partie de l'audience. Comme ils avaient travaillé à la rédaction du manuel pendant deux à trois ans, ils désiraient son adoption et son entrée en vigueur le plus tôt possi ble; on remédierait à toute bourde au moment de sa découverte. Maintenant qu'elle était découverte, l'erreur serait corrigée dès que possible.
Il semble à peu près certain, quel que soit l'auteur des paragraphes en cause, qu'il pensait énoncer la volonté de la Commission. S'il avait su
qu'on voulait dire autre chose, il est fort peu probable qu'il eût fait la même erreur deux fois, dans des paragraphes si rapprochés. Si quelque correction d'épreuves du document a été faite, elle l'a été soit avec insuffisamment de soin, soit par quelqu'un qui ignorait la procédure qu'on voulait suivre aux audiences concernant les libérations conditionnelles.
Ce que disent les trois témoins de la Commission lors de leur contre-interrogatoire relatif à leur déposition sous serment, dans la mesure ils ont été questionnés sur des sujets semblables, se recoupe. Ils ne se contredisent pas. Aucun témoi- gnage portant sur une libération conditionnelle n'a été donné lors de la présente instruction; je n'ai donc pas eu l'avantage d'observer ces témoins à la barre. Néanmoins, je ne vois aucun motif de penser qu'ils ne disaient pas la vérité selon ce qu'ils comprenaient des politiques directrices et procédu- res suivies en fait aux audiences sur les libérations conditionnelles. J'accepte donc leur témoignage à ce sujet, la portion significative étant qu'à leur avis, les réunions des commissaires, du personnel de libération conditionnelle et du personnel de l'établissement carcéral, précédant l'admission du détenu et de son assistant dans la salle d'audience, de pratiques courantes, ne font pas partie de l'au- dience sur la libération conditionnelle; elles ne font que la préparer. Demeure néanmoins la question de savoir si en fait cette réunion ne devrait pas être considérée comme faisant partie intégrante de l'audience. Pour cela, il faut examiner plus avant les témoignages.
Lors du contre-interrogatoire portant sur sa déposition sous serment, M. Outerbridge a été longuement interrogé sur ce qui se passe à la réunion que l'on tient avant l'admission du détenu et de son assistant dans la salle d'audience. Une partie de ce témoignage a été résumée ci-dessus. En outre, commençant à la page 16 de la trans cription du témoignage, pour se poursuivre en page 17, on trouve les questions et réponses suivantes:
[TRADUCTION] 56. Q. A ce moment-là, n'y a-t-il pas une discussion, au fond, entre la Commission, l'agent de libération conditionnelle et l'ADUR sur le cas du détenu? R. Non. La discussion porte habituellement sur les rensei- gnements qui n'étaient pas à la disposition des commis- saires lorsqu'ils ont étudié le dossier à leur bureau. La raison en est que pour permettre aux commissaires de se préparer à l'instruction, ils reçoivent au préalable le
dossier du détenu, mais celui-ci ne contient que des renseignements remontant à six ou à huit semaines antérieurement à l'audience. Il en résulte que, lorsque commence l'audience dans l'établissement que vous mentionnez, cette discussion permet avant tout à l'agent de développement d'unité résidentielle et à l'agent de libération conditionnelle de renseigner les commissaires sur ce qui n'était pas connu au moment l'étude a été faite, de répondre aux questions qui se posent au cours de l'étude du cas. Des questions de fond peuvent être discutées, mais habituellement ce n'est pas le cas; on cherche d'abord à s'assurer que les renseignements four- nis aux commissaires sont les meilleurs du moment.
57. Q. La discussion qui a lieu, qu'il s'agisse de se mettre à jour ou non, porte sur le fond de l'instruction de la Commis sion, c'est-à-dire sur les progrès du détenu et sur l'oppor- tunité de le libérer?
R. C'est exact.
58. Q. N'est-elle pas uniquement tangentielle, procédurale? R. Non. Elle peut l'être. Il peut s'agir d'un emploi trouvé, ou de l'existence d'un foyer d'accueil pour le détenu, de questions disciplinaires survenues depuis l'audience, etc.
59. Q. Vous admettez que ce sont des questions de fond? R. Oui, c'en sont.
60. Q. Et cela a lieu en l'absence du détenu et de son assistant?
R. C'est exact.
Il est significatif que, dans sa réponse à la question 56, M. Outerbridge ait dit: «Des questions de fond peuvent être discutées, mais habituelle- ment ce n'est pas le cas; on cherche d'abord à s'assurer que les renseignements fournis aux com- missaires sont les meilleurs du moment.» Le fait que l'affaire soit parfois discutée au fond avec l'agent de libération conditionnelle et l'ADUR importe car, lorsque cela se produit, il est impossi ble de prétendre que ce qui a été dit alors n'a pas influencé les commissaires dans leur décision d'ac- corder ou de refuser la libération conditionnelle. Il est fort probable que la plupart de ce qui est dit sur le fond ne portera pas sur des renseignements concernant des faits mais sur des opinions quant aux conclusions qui peuvent ou doivent être tirées de ces faits. Dans cette mesure, il ne s'agit pas de renseignements, mais d'opinions que peut ne pas partager le détenu qui, n'étant pas présent et n'ayant pas connaissance de la discussion, se trouve dans l'impossibilité d'expliquer, de clarifier ou de corriger les faits sur lesquels l'opinion est fondée.
Il y a toujours danger même si cela n'est pas voulu, que des discussions de ce genre amènent un ou des commissaires à conclure qu'il faut refuser la
libération conditionnelle bien qu'ils n'aient pas encore vu le détenu ni entendu ce qu'il a à dire.
La Commission des libérations conditionnelles n'est pas un tribunal, mais un organisme adminis- tratif, sans compétence juridictionnelle. Il m'arrive de me demander si sa fonction ne serait pas, dans certaines circonstances, de nature quasi judiciaire. Quoi qu'il en soit, les décisions de la Commission, en matière de libération conditionnelle, influent sérieusement sur l'intérêt qu'a le détenu requérant à être en liberté. Etre libéré conditionnellement plutôt qu'incarcéré, c'est un intérêt important, même s'il est conditionnel. Même en présumant que la Commission en l'espèce n'exerce qu'une fonction administrative et non une fonction quasi judiciaire, elle doit néanmoins respecter ce prin- cipe général qu'est l'équité. Lorsqu'un individu dont on examine la situation a droit à une audi tion, comme c'est le cas en l'espèce, il a normale- ment, en équité, droit d'entendre la preuve qu'on prétend lui opposer et celui d'y répondre. Ce prin- cipe, à mon avis, s'applique aux audiences relatives aux libérations conditionnelles sous cette unique réserve que les renseignements que visent l'article 17 du Règlement sur la libération conditionnelle de détenus et les alinéas 54a) à g) de la Loi canadienne sur les droits de la personne doivent être considérés comme confidentiels et ne pas être divulgués au détenu. Dans la situation dont nous parlons où, en l'absence du détenu, on discute de faits et parfois du fond du cas, ce principe peut être enfreint, car il est possible, et probable je pense, qu'on ne lui fasse pas connaître, après son admission dans la salle d'audience, tout ce qui a été discuté.
J'estime que les questions 57, 58 et 59, et les réponses qui y ont été apportées, sont aussi, sinon plus, importantes que l'extrait cité de la réponse à la question 56 dans le troisième paragraphe précé- dant le présent paragraphe. Répondant à la ques tion 57, M. Outerbridge a reconnu que la discus sion qui a lieu, qu'il s'agisse d'une mise à jour ou non, porte sur le fond de la question dont est saisie la Commission, soit sur les progrès du détenu et sur sa libération éventuelle.
A la question 58, on lui a demandé: «N'est-elle pas uniquement tangentielle, procédurale?» Il a répondu: «Non. Elle peut l'être. Il peut s'agir d'un
emploi trouvé, ou de l'existence d'un foyer d'ac- cueil pour le détenu, de questions disciplinaires survenues depuis l'audience, etc.» Répondant à la question 59, il reconnaît que ce qu'il vient de mentionner, ce sont des questions de fond.
De ces réponses, on déduira l'existence mani- feste d'un lien important entre cette réunion de la Commission avec les agents du personnel immé- diatement avant d'admettre le détenu et son assis tant à l'audience et l'objet de l'audience et l'in- fluence que cela peut avoir sur la décision que prendra subséquemment la Commission. Cela étant, après examen de l'ensemble de la preuve, et en dépit de l'opinion contraire, qu'a si bien et si fortement exprimée M. Outerbridge, appuyé de MM. Howland et Bissett, j'en viens à la conclusion qu'il faudrait normalement considérer cette réu- nion comme faisant partie intégrante de l'audience sur la libération conditionnelle.
La question de l'effet du paragraphe 17(3) du Règlement sur la libération conditionnelle de détenus et des alinéas 54a) à g) de la Loi cana- dienne sur les droits de la personne doit être approfondie. L'article 17 du Règlement sur la libération conditionnelle de détenus a déjà été cité. Pour la commodité, on citera à nouveau l'extrait pertinent du paragraphe (3) de cet article:
17. ...
(3) La Commission n'est pas tenue, conformément au para- graphe (1), de révéler au détenu des renseignements
b) visés par les alinéas 54a) à g) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
L'article 54 de la Loi canadienne sur les droits de la personne autorise en fait le ministre compé- tent, notamment, à ne pas divulguer un dossier ou des renseignements concernant un individu, que contient la banque de données d'une institution, à l'individu si, de l'avis du ministre, la divulgation des renseignements y figurant est susceptible
a) de causer un préjudice aux relations internationales, à la défense ou à la sécurité nationale ou aux relations fédérale-provinciales;
b) de violer le secret attaché aux travaux du Conseil privé de la Reine pour le Canada;
c) d'entraîner la divulgation de renseignements recueillis par tout ou partie d'une institution gouvernementale constituée en organisme d'enquête,
(i) sur la sécurité nationale,
(ii) au cours d'enquêtes sur la détection ou la prévention du crime en général, ou
(iii) au cours d'enquêtes sur l'application des lois du Parlement;
d) dans le cas d'un individu condamné pour infraction à une loi du Parlement,
(i) d'avoir de graves conséquences sur son programme pénitentiaire, sa libération conditionnelle ou sa surveillance obligatoire,
(ii) d'entraîner la divulgation de renseignements qui, à l'origine, ont été obtenus expressément ou implicitement sous le sceau du secret, ou
(iii) de causer, à lui ou à quiconque, des dommages, corporels ou autres;
e) d'entraîner la divulgation de renseignements personnels concernant un autre individu;
J) d'entraver le fonctionnement d'une cour de justice ou d'un tribunal quasi-judiciaire, notamment un office ou une com mission, ou le déroulement d'une enquête instituée en vertu de la Loi sur les enquêtes; ou
g) d'entraîner la divulgation de consultations juridiques don- nées à une institution gouvernementale ou de violer le secret professionnel existant entre l'avocat et son client à propos d'une affaire d'ordre administratif.
Les seuls alinéas qui pourraient s'appliquer en l'espèce sont les alinéas d) et f). A l'instruction, on a débattu devant moi la question de savoir si la Commission, ou le ministre seul, pouvait décider de ne pas divulguer certains renseignements décrits par ces alinéas aux détenus. A mon avis, la ques tion n'est pas là. L'article 17 du Règlement ne mentionne pas le ministre. Il dit simplement que la Commission n'a pas l'obligation de divulguer aux détenus les renseignements décrits aux alinéas a) à g) de l'article 54 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La Commission doit, natu- rellement, s'assurer que les renseignements deman dés sont visés par l'un ou plusieurs de ces alinéas, mais, à mon avis, la Commission est habilitée à rendre cette décision, sous réserve de tout droit d'appel du détenu.
M. Outerbridge craint fort qu'autoriser un détenu et son assistant à être présents à la réunion entre la Commission et les agents du personnel qui, selon la politique de la Commission, se tient en l'absence du détenu et de son assistant, immédiate- ment avant leur admission dans la salle d'audience, pourrait avoir pour résultat que des renseigne- ments visés aux alinéas d) ou f) dudit article 54 soient divulgués aux détenus. Il craignait et les conséquences de cette divulgation dans le cas de l'alinéa d) et la possibilité (une certitude quant à lui) que la crainte de telles divulgations aurait
deux conséquences graves: ceux qui possèdent des renseignements du genre décrit ne les fourniraient pas aux agents de libération conditionnelle, aux ADUR ou autres agents du personnel et, dans bien des cas, les agents de libération conditionnelle et les ADUR considéreraient contre-indiqué, ou à tout le moins fort peu sage, de divulguer en présence du détenu des renseignements susceptibles de mettre en danger sa sécurité ou celle de tiers. Il s'ensui- vrait que les sources de renseignements pertinents se tariraient; la Commission verrait ainsi l'exercice de ses fonctions entravé.
Il sera tenu dûment compte des craintes de M. Outerbridge. Il faut cependant, je pense, répondre à deux questions. Dans quelle mesure ce danger existe-t-il dans le cas des audiences de libération conditionnelle? Peut-il être évité?
Dans la mesure il ne s'agit que de faire connaître des faits nouveaux lors de la réunion, M. Outerbridge n'a pas d'objection véritable à la pré- sence du détenu et de son assistant. Ces faits nouveaux sont nécessairement communiqués au détenu lorsqu'il est admis dans la salle d'audience. C'est la possibilité que certains renseignements confidentiels soient divulgués qui l'inquiète. Quelle importance faut-il accorder à cette possibilité?
La preuve administrée indique que dans la plu- part des cas, il n'y a pas de faits nouveaux au moment de l'audience sur la libération condition- nelle. En outre, lorsqu'il y en a, la plupart du temps ceux-ci ne relèvent pas des alinéas a) à g) de l'article 54 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. M. Outerbridge a laissé entendre que la proportion de renseignements qu'on ne pouvait divulguer aux détenus ne dépasserait pas dix pour cent des renseignements, accumulés au cours de l'ensemble de la période d'incarcération du détenu entendait-il, non ceux concernant uniquement les faits nouveaux survenus au cours des six à huit semaines écoulées depuis l'achèvement des rap ports des agents de libération conditionnelle et des
ADUR.
Les commissaires qui présideront l'audience détiennent donc déjà, depuis une semaine ou deux, tous les renseignements, sauf ceux obtenus au cours des 6 à 8 semaines précédant l'audience, et ils les ont étudiés. Dans les rares cas un certain
nombre de renseignements seraient visés aux ali- néas a) à g) de l'article 54 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, on attirera leur attention à ce sujet probablement par une note à cet égard dans le rapport de l'agent de libération conditionnelle ou de l'ADux. Il ne devrait pas être difficile dans ces circonstances, pour les commis- saires, de se consulter s'ils le jugent nécessaire et de décider de leur divulgation ou non aux détenus. En fait, comme ils doivent fournir tous les rensei- gnements pertinents avant l'audience, ils doivent le faire.
Quant aux renseignements qui ne sont portés à la connaissance de la Commission que le jour de l'audience, il ne devrait pas être difficile ni dila- toire pour les commissaires, soit en apprenant que certains renseignements qui ne devraient peut-être pas être divulgués seront produits, soit de leur propre mouvement, d'ajourner l'audience pour quelques minutes, en faisant évacuer la salle sauf pour, outre eux-mêmes, les agents du personnel concerné par ces renseignements, ou en se retirant dans une salle attenante pour, dans les deux cas, étudier la question et prendre une décision, puis de reprendre l'audience. De cette façon, le détenu ignorerait tout renseignement qu'on refuse de lui divulguer.
En l'espèce, tous les renseignements pertinents en la possession de la Commission ont été, confor- mément à mon ordonnance relative à la précédente demande, fournis au détenu (au requérant) en l'espèce avant l'audition; on n'a refusé de commu- niquer aucun renseignement pour cause de confidentialité.
Je comprends que M. Outerbridge craigne que des renseignements ne devant pas être divulgués au détenu ne lui soient pas communiqués non plus, mais je crois qu'il existe des moyens permettant d'éviter efficacement toute divulgation irrégulière, comme celui souligné ci-dessus, auquel il ne serait pas difficile, je crois, d'avoir recours. Il y a, je le reconnais, risque qu'à l'occasion il y ait oubli et que certains renseignements confidentiels soient divulgués, mais la pratique actuelle n'élimine pas non plus ce risque. Tout compte fait, je crois que ce risque peut être réduit à un minimum sans qu'il soit nécessaire d'exclure le détenu de la première phase de l'audience.
Il ne m'apparaît pas nécessaire de discuter de l'effet des alinéas la) et b) et de l'alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits dont on a, d'ail- leurs, à peine débattu.
Il y aura lieu à ordonnance accueillant la demande, avec dépens.
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