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A-143-81
La Commission sur les pratiques restrictives du commerce, le directeur des enquêtes et recherches nommé aux termes de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions et M. H. H. Griffin (appelants) (intimés)
c.
Harold Irvine, Namasco Limited, Charles Ian McKay, Drummond McCall Inc., Samuel, Son & Co. Limited, W. Grant Brayley, Westeel-Rosco Limited, York Russel Inc., L. F. Newbery, Norman Katzman, John M. White, Leon Robi- doux, Timothy H. Coughlin, Newman Steel Ltd., Benjamin P. R. Newman, Sigmund R. Taube, Zenon R. Karcz, Peter R. Sheppard, Lorne Gilbert Coons, James Arthur Jobin, Donald Charles Grinstead, Hugh Fitzgerald Thomson, William Alexander Mowat et Bruce Scott Moore (intimés) (requérants)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges Pratte et Urie—Toronto, 19, 20 novembre et 15 décem- bre 1981.
Brefs de prérogative Certiorari, prohibition et mandamus Appel d'une décision de la Division de première instance annulant certaines décisions rendues par le fonctionnaire qui a présidé une enquête sur les pratiques restrictives du commerce Refus de permettre la présence des requérants et de leurs avocats tout au long des interrogatoires Les avocats se sont vu refuser le droit d'interroger de nouveau sans restriction leurs propres clients et de contre-interroger d'autres témoins
Refus de la demande d'ajournement de la Drummond McCall Inc. qui désirait être représentée par un avocat Appel incident du refus d'annuler la décision de l'officier enquêteur de questionner les témoins au cours de leur témoi- gnage et sa décision selon laquelle il n'était pas nécessaire de fournir des motifs objectifs avant le début d'une telle enquête
Il échet de déterminer si la Division de première instance a commis une erreur Appel accueilli et appel incident rejeté
Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, S.R.C. 1970, c. C-23, art. 5, 7, 8, 16, 17, 18, 19, 20, 22(2)a), 27, 32(1), 47(1),(2) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28.
Appel d'une décision de la Division de première instance qui a ordonné la délivrance d'un bref de certiorari annulant les décisions rendues par un officier enquêteur alors qu'il interro- geait des témoins conformément à l'article 17 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions. L'officier enquêteur a refusé de permettre aux personnes dont la conduite faisait l'objet d'une enquête et aux témoins, représentés par un avocat, d'être présents pendant toute la durée des interrogatoires. Il a égale- ment refusé de permettre aux avocats d'interroger et d'interro- ger de nouveau sans restriction leurs propres clients ou de contre-interroger d'autres témoins. Enfin, il a refusé d'ajourner
l'interrogatoire pour permettre à la Drummond McCall Inc. de demander à un membre de la Commission de l'autoriser à être représentée par un avocat à l'enquête. Les intimés ont formé un appel incident contre les autres parties de l'ordonnance de la Division de première instance qui a refusé la demande visant à faire annuler la décision de questionner les témoins au cours de leur témoignage et la décision selon laquelle il n'est pas néces- saire de fournir des motifs objectifs après le début d'une enquête tenue en vertu de l'alinéa 8b) de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions. Il s'agit de savoir si la Division de première instance a commis une erreur.
Arrêt: l'appel est accueilli. Comme aucune disposition ne prévoit la procédure à suivre ni au moment de l'enquête ni à aucune autre étape d'un interrogatoire de témoins tenu en vertu du paragraphe 17(1), c'est aux membres de la Commission qu'il appartient de déterminer quelle sera cette procédure. Il revient aussi au membre de la Commission, sous réserve des dispositions relatives au huis clos prévues au paragraphe 27(1), de décider quelles personnes peuvent assister à un interroga- toire tenu en vertu du paragraphe 17(1), mais il n'a pas le droit d'empêcher l'avocat de la personne ainsi interrogée d'être pré- sent. De plus, tout ce que le paragraphe 20(1) exige du membre de la Commission, savoir de permettre à une personne interro- gée sous serment d'être représentée par un avocat, c'est qu'il autorise l'avocat à être présent et à représenter son client durant son interrogatoire sous serment. Cette disposition n'ac- corde pas à l'avocat d'autres droits que ceux de pouvoir infor mer son client de ses droits en ce qui concerne certaines questions précises, s'opposer à certaines questions abusives et veiller à ce que son client ait l'occasion de tout raconter ce qu'il a à dire et ce, sans que ses réponses soient faussement interpré- tées. Elle ne lui donne ni le droit d'assister à l'interrogatoire des autres témoins, ni le droit de les contre-interroger. Les décisions rendues par l'officier enquêteur n'ont privé les intimés d'aucun droit. Comme les décisions en question ne constituent guère plus qu'une indication donnée aux personnes présentes par l'officier enquêteur, qui n'était pas membre de la Commission, au sujet de la procédure qu'il entendait suivre au cours de l'interrogatoire des témoins, elles n'auraient pas être tou chées et ce, pour deux raisons: premièrement, parce qu'elles ne sont entachées d'aucune erreur de droit et deuxièmement, parce que ce ne sont pas des décisions à toute fin pratique finales ou non sujettes à révision, puisqu'un membre de la Commission pourrait dans l'exercice de la discrétion dont il dispose, choisir une procédure différente. Le refus de M. Griffin d'accorder l'ajournement ne lui a pas fait perdre compétence. L'appel incident est rejeté. En ce qui concerne la décision de M. Griffin de questionner les témoins durant leur témoignage, en l'absence de dispositions contraires dans la loi, les membres de la Com mission ou les personnes qu'ils désignent en vertu du paragraphe 17(1) ont absolument le droit de poser aux person- nes interrogées devant eux des questions portant sur l'objet de l'enquête. On a prétendu que le directeur devait prouver aux personnes présentes, avant que ne puisse débuter l'interroga- toire des personnes visées dont traite le paragraphe 17(1), qu'il existait des motifs justifiant la tenue d'une enquête, qu'une telle enquête était en cours et que l'interrogatoire des témoins était nécessaire à la bonne marche de cette enquête. La procédure en cause dans le présent litige n'est pas un procès et le directeur n'est pas tenu de prouver quoi que ce soit avant de pouvoir procéder à l'interrogatoire des témoins assignés à comparaître
par un membre de la Commission. La loi autorise un tel membre à ordonner de son propre chef ou sur demande ex parte la tenue d'un interrogatoire. L'ordre du membre de la Commission en ce sens est la seule formalité nécessaire pour que ce membre ou la personne désignée puisse procéder sur-le- champ à l'interrogatoire des témoins.
Jurisprudence: arrêts examinés: Guay c. Lafleur [1965] R.C.S. 12; St. John c. Fraser [1935] R.C.S. 441. Distinc tion faite avec les arrêts: La municipalité du canton d'In- nisfil c. La municipalité du canton de Vespra [1981] 2 R.C.S. 145; Re The Ontario Crime Commission, Ex parte Feeley and McDermott [1962] O.R. 872.
APPEL. AVOCATS:
G. R. Garton pour les appelants.
J. E. Sexton, c.r., pour l'intimé Harold Irvine.
J. S. Leon pour les intimés Namasco Limited et Charles Ian McKay.
J. Chipman, c.r., pour l'intimée Drummond McCall Inc.
W. J. Miller pour les intimés Samuel, Son & Co. Limited et W. Grant Brayley.
R. B. Smith pour l'intimée Westeel-Rosco Limited.
F. J. C. Newbould, c.r., pour les intimés York Russel Inc., L. F. Newbery, Norman Katz- man, John M. White, Leon Robidoux et Timothy H. Coughlin.
R. Mongeon pour les intimés Newman Steel Ltd., Benjamin P. R. Newman, Sigmund R. Taube, Zenon P. Karcz et Peter R. Sheppard.
J. Weir pour les intimés Lorne Gilbert Coons, James Arthur Jobin, Donald Charles Grin- stead, Hugh Fitzgerald Thomson, William Alexander Mowat et Bruce Scott Moore.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour les appelants.
Osler, Hoskin & Harcourt, Toronto, pour l'intimé Harold Irvine.
Campbell, Godfrey & Lewtas, Toronto, pour les intimés Namasco Limited et Charles Ian McKay.
Ogilvy, Renault, Montréal, pour l'intimée Drummond McCall Inc.
Smith, Lyons, Torrance, Stevenson & Mayer, Toronto, pour les intimés Samuel, Son & Co. Limited et W. Grant Brayley.
Blake, Cassels & Graydon, Toronto, pour l'intimée Westeel-Rosco Limited.
Tilley, Carson & Findlay, Toronto, pour les intimés York Russel Inc., L. F. Newbery, Norman Katzman, John M. White, Leon Robidoux et Timothy H. Coughlin.
Phillips & Vineberg, Montréal, pour les inti- més Newman Steel Ltd., Benjamin P. R. Newman, Sigmund R. Taube, Zenon P. Karcz et Peter R. Sheppard.
Stikeman, Elliott, Robarts & Bowman, Toronto, pour les intimés Lorne Gilbert Coons, James Arthur Jobin, Donald Charles Grinstead, Hugh Fitzgerald Thomson, Wil- liam Alexander Mowat et Bruce Scott Moore.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Le présent appel soulève de nombreuses questions relativement aux droits dont jouissent les témoins, les autres person- nes et les avocats qui les représentent à un interro- gatoire sous serment tenu en vertu de l'article 17 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, S.R.C. 1970, c. C-23. Il s'agit en l'espèce d'un appel et d'un appel incident interjetés à l'encontre
d'un jugement de la Division de première instance [ [ 1982] 1 C.F. 72] accueillant en partie une
demande des intimés fondée sur l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, sollicitant
[TRADUCTION] ... des brefs de certiorari et de prohibition visant à faire interrompre et annuler toutes les procédures pendantes devant M. H.H. Griffin en vertu, apparemment, de l'article 17 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions pour le motif que ce dernier n'est pas compétent pour les présider.
ET sous réserve de ce qui précède, des brefs de certiorari, de prohibition ou de mandamus visant à annuler les décisions ou ordonnances rendues précédemment par M. H.H. Griffin, y compris:
a) son refus d'autoriser les personnes dont la conduite fait l'objet d'une enquête et celles qui sont interrogées à être présentes pendant toute la durée de l'enquête;
b) son refus d'autoriser l'avocat des requérants à interroger ou à contre-interroger des témoins au cours de ladite enquête;
c) son refus d'autoriser l'avocat du témoin à interroger ledit témoin sauf pour éclaircir ou expliquer le témoignage déjà rendu;
d) son refus d'exiger de M. James T. Kirch qu'il témoigne ou de l'autoriser à le faire, et d'autoriser l'avocat des requérants à interroger M. Kirch, ce dernier ayant été assermenté en qualité de témoin durant ladite enquête et ayant déjà com- mencé à témoigner;
e) son refus d'accueillir la demande d'ajournement présentée au nom de la Drummond McCall Inc. afin de pouvoir demander, conformément à l'article 20 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, à un membre de la Commission sur les pratiques restrictives du commerce de permettre à la compagnie d'être représentée par un avocat; et
f) sa décision de questionner les témoins durant leur témoignage.
ET que l'on contraigne M. H.H. Griffin, ou toute autre personne compétente, à ordonner au témoin James T. Kirch de comparaître à nouveau afin que l'avocat des requérants puisse l'interroger.
ET que l'on empêche M. H.H. Griffin de poursuivre les interrogatoires jusqu'à ce que cette honorable Cour ait tranché de façon définitive les questions portées devant elle dans la présente demande.
et rejetant une demande supplémentaire sollicitant
[TRADUCTION] ... des brefs de certiorari et de prohibition visant à faire interrompre et annuler toutes les procédures pendantes devant M. H.H. Griffin en vertu, apparemment, de l'article 17 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, pour le motif que ce dernier n'est pas compétent pour les présider.
ET sous réserve de ce qui précède, des brefs de certiorari, de prohibition ou de mandamus visant à annuler les décisions ou ordonnances rendues précédemment par M. H.H. Griffin, y compris:
a) sa décision, selon laquelle l'avocat de la Commission n'a pas à fournir de motifs objectifs aux parties dont la conduite est examinée après le début d'une enquête tenue en vertu de l'art. 8b) de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, S.R.C. 1970, c. C-23, tel que modifié;
Dans la partie de la première demande que la Division de première instance a accueillie, la Cour a accordé une mesure de redressement sous forme de certiorari:
[TRADUCTION] ... cassant les décisions suivantes, rendues par H.H. Griffin durant l'interrogatoire des témoins qu'il a fait conformément à l'art. 17 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions:
a) son refus de permettre aux personnes dont la conduite fait l'objet d'une enquête et aux témoins, représentés par un avocat, d'être présents pendant toute la durée des interrogatoires,
b) et c) son refus de permettre à l'avocat des personnes dont la conduite fait l'objet d'une enquête et à celui des témoins d'interroger ou d'interroger de nouveau (suivant le cas) sans restriction, leurs propres clients, ou de contre-interroger d'autres témoins,
d) son refus d'accueillir la demande d'ajournement présentée par la requérante, la Drummond McCall Inc., dans le but de lui permettre de demander à un membre de la Commission de l'autoriser à être représentée par un avocat à l'enquête.
Le présent appel porte sur cette partie de l'ordonnance.
Dans son ordonnance, la Division de première instance refuse également les mesures de redresse- ment figurant dans les autres parties de la demande, ainsi que celles figurant dans la demande supplémentaire. L'appel incident vise ces parties de l'ordonnance.
Les demandes présentées devant la Division de première instance étaient appuyées par des affida vits auxquels étaient jointes des copies des docu ments suivants:
(1) un document signé par le président de la Commission sur les pratiques restrictives du commerce nommant et désignant H. H. Griffin pour recueillir les dépositions des quelque 29 personnes appelées à venir témoigner sous serment;
(2) un document modifiant la date de comparu- tion de l'une des personnes appelées à venir témoigner;
(3) une copie de l'ordonnance de comparution de l'une des 29 personnes; et
(4) les transcriptions des notes sténographiques prises lors des procédures qui se sont déroulées devant H. H. Griffin le 25 février 1981, ainsi que les 2, 3 et 4 mars 1981.
Chacun de ces documents, y compris les transcrip tions, porte le titre qui suit:
[TRADUCTION] In re la Loi relative aux enquêtes sur les
coalitions et son article 32 -
et
In re une enquête relative à la production, à la fabrication, à l'achat, à la vente et à la fourniture d'acier laminé, d'acier en plaques, d'acier en barres et d'acier de construction et d'autres produits connexes.
L'ordonnance d'interrogatoire sous serment des témoins rendue en vertu du paragraphe 17(1) ne fait pas partie du dossier. Aucun document éma- nant du directeur ou de la Commission indiquant quels sont les agissements qui font l'objet de l'en- quête ou qui en est l'auteur n'a été versé au dossier. Il ressort toutefois des transcriptions des
procédures du 4 mars 1981, qu'au moins un des intimés, la Drummond McCall Inc., avait reçu du directeur une lettre adressée au secrétaire de la compagnie portant l'intitulé de l'enquête et se lisant comme suit:
[TRADUCTION] Monsieur,
La présente a pour but de vous informer que le 2 mars 1981, à 10 h, à la salle Caledon, deuxième étage, Hôtel Skyline, 655, chemin Dixon, cité de Rexdale, se tiendra, devant un membre de la Commission sur les pratiques restrictives du commerce ou devant une personne nommée à cette fin par un membre de la Commission, une audience à huis clos en vue de recueillir des témoignages sur l'affaire en question.
Vous trouverez ci-joint un exemplaire de la codification de bureau de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions. Veuillez noter que le paragraphe 20(1) de la Loi se lit comme suit:
«20(1): Un membre de la Commission peut permettre à toute personne dont la conduite fait l'objet d'une enquête, et doit permettre à quiconque est personnellement interrogé sous ser- ment d'être représenté par un avocat.»
Les dirigeants de la compagnie, ainsi que son conseiller juridique, en conclurent que la compa- gnie était une personne dont la conduite faisait l'objet d'une enquête au sens du paragraphe 20(1).
On remarque aussi à la lecture des transcrip tions des procédures que les conseillers juridiques d'un certain nombre d'autres compagnies et d'au- tres personnes appelées à venir témoigner ont assisté à cette audience et que des administrateurs ou des dirigeants de certaines compagnies sont venus représenter ces dernières. Ces autres compa- gnies avaient, elles aussi, reçu un avis du directeur et en avaient déduit que leur conduite faisait l'ob- jet d'une enquête. C'est au cours des procédures qui ont suivi que M. Griffin a rendu à la demande des avocats, les décisions attaquées dans les demandes présentées devant la Cour.
La Loi relative aux enquêtes sur les coalitions a été adoptée par le Parlement en vertu, principale- ment, de son pouvoir de légiférer dans les domai- nes du droit criminel et de la procédure en matière criminelle. Elle comporte un certain nombre de parties portant des titres tels que Enquêtes et recherches, Étude et rapport, Recours spéciaux, Infractions relatives à la concurrence, Autres infractions et Investigation dés situations de mono- pole. Le paragraphe 32(1) de la Partie V qui traite des infractions relatives à la concurrence se lit comme suit:
32. (1) est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement de cinq ans ou d'une amende d'un million de dollars, ou de l'une et l'autre peine, toute personne qui com- plote, se coalise, se concerte ou s'entend avec une autre
a) pour limiter indûment les facilités de transport, de produc tion, de fabrication, de fourniture, d'emmagasinage ou de négoce d'un produit quelconque;
b) pour empêcher, limiter ou diminuer, indûment, la fabrica tion ou production d'un produit ou pour en élever déraison- nablement le prix;
c) pour empêcher ou diminuer, indûment, la concurrence dans la production, la fabrication, l'achat, le troc, la vente, l'entreposage, la location, le transport ou la fourniture d'un produit, ou dans le prix d'assurances sur les personnes ou les biens; ou
d) pour restreindre ou compromettre, indûment de quelque autre façon, la concurrence.
L'article 47 se lit comme suit:
47. (1) Le directeur
a) peut, de sa propre initiative, et doit, sur l'ordre du Ministre ou à la demande de la Commission, procéder à une enquête sur l'existence et l'effet de conditions ou pratiques qui se rapportent à quelque produit pouvant faire l'objet d'un négoce ou d'un commerce et qui se rattachent à des situa tions de monopole ou à la restriction du commerce, et
b) doit, sur l'ordre du Ministre, procéder à une enquête générale sur toute question que le Ministre certifie, dans son ordre, se rattacher aux buts et aux principes directeurs de la présente loi,
et, aux fins de la présente loi, une telle enquête est réputée une enquête prévue par l'article 8.
(2) Il est du devoir de la Commission d'examiner toute preuve ou matière qui lui est soumise en vertu du paragraphe (1), ainsi que la preuve ou matière nouvelle qu'elle estime opportun d'étudier, et d'en faire rapport par écrit au Ministre et, pour les fins de la présente loi, tout semblable rapport est réputé un rapport prévu par l'article 19.
Le directeur dont il est fait mention au paragra- phe 47 (1) est le directeur des enquêtes et recher- ches nommé par le gouverneur en conseil en vertu de l'article 5 de la Loi. Pour ce qui est de la Commission dont il est question au paragraphe 47(2), il s'agit de la Commission sur les pratiques restrictives du commerce établie par le gouverneur en conseil conformément à l'article 16. Le direc- teur et la Commission exercent, aux termes de la loi, des fonctions très différentes. Celles du direc- teur sont prévues à la Partie I et touchent surtout les enquêtes et l'accumulation de la preuve. Les fonctions de la Commission sont énumérées à la Partie II et consistent principalement à étudier les renseignements que lui fournit le directeur, à les
examiner et à les communiquer au ministre de la Consommation et des Corporations. Elle joint à ce rapport son évaluation des répercussions que peu- vent avoir sur l'intérêt public les arrangements et les pratiques révélés par la preuve ainsi que ses recommandations sur l'application des recours prévus par la Loi ou d'autres recours. Aux termes du paragraphe 19(5), tout rapport présenté par la Commission doit, dans les trente jours de sa récep- tion par le Ministre, être rendu public, à moins que la Commission ne donne au Ministre un avis à l'effet contraire et que ce dernier, dans l'exercice de sa discrétion, juge qu'il est préférable en effet de ne pas publier ledit rapport.
En vertu de l'article 7, six personnes qui sont d'avis que des infractions à la Loi ont été commi- ses peuvent demander au directeur de faire tenir une enquête sur ce sujet. L'article 8 prévoit alors que:
8. Le directeur doit,
a) sur une demande faite en vertu de l'article 7,
b) chaque fois qu'il a des raisons de croire
(i) qu'une personne a violé ou transgressé une ordonnance rendue en application des articles 29, 29.1 ou 30,
(ii) qu'il existe des motifs permettant à la Commission de rendre une ordonnance en vertu de la Partie IV.1, ou
(iii) qu'on a commis ou qu'on est sur le point de commettre une infraction visée par la Partie V ou l'article 46.1, ou
c) chaque fois que le Ministre lui ordonne de déterminer au moyen d'une enquête si l'un quelconque des faits visés aux sous-alinéas b)(i) à (iii) existent,
faire étudier toutes questions qui, d'après lui, nécessitent une enquête en vue de déterminer les faits.
Je m'arrête ici pour signaler que rien au dossier, si ce n'est une déclaration qui figure dans les motifs du savant juge de première instance, ne nous indique en vertu de quel alinéa ou sous-alinéa de l'article 8 a été instituée l'enquête qui est à l'origine des présentes procédures. Rien ne nous dit non plus si on n'y a pas procédé en vertu de l'article 47. Le savant juge de première instance soutient qu'il s'agit d'une application du sous-ali- néa 8b)(iii). C'est possible, mais il n'y a aucun document introductif d'instance à cet effet dans le dossier et le titre des documents contenus audit dossier laisse planer une incertitude qui pourrait bien être une des causes déterminantes de certains des problèmes soulevés au cours des présentes procédures.
Aux fins de tenir son enquête, le directeur se voit conférer:
(1) en vertu de l'article 9, le pouvoir d'exiger de toute personne et de tout dirigeant d'une corpo ration qu'il dresse et lui remette un état écrit sous serment ou affirmation, indiquant en détail, au sujet des affaires de la personne mentionnée dans l'avis, les renseignements qui y sont exigés,
(2) en vertu de l'article 10, le pouvoir de péné- trer dans tout local il croit qu'il peut exister des preuves se rapportant à l'objet de l'enquête, examiner toutes choses qui s'y trouvent et copier ou emporter pour en faire un plus ample examen ou pour en tirer des copies tout livre, document, archive ou autre pièce qui, de son avis ou de celui de son représentant autorisé, est suscep tible de fournir une telle preuve,
(3) en vertu de l'article 12, le pouvoir d'exiger, par avis écrit, une preuve sur affidavit ou affir mation dans tous les cas il le juge à propos.
Il s'agit de pouvoirs considérables, mais, dans chaque cas, le directeur ne peut les exercer qu'a- près avoir obtenu de la Commission, par suite d'une demande ex parte, un certificat l'autorisant à prendre les mesures qu'il juge nécessaires. Cependant, une fois que le directeur a obtenu ledit certificat de la Commission, c'est lui qui exerce ces pouvoirs et prend les mesures proposées.
Si, à une étape quelconque de l'enquête, le directeur estime que l'affaire ne justifie pas un plus ample examen, il peut y mettre fin, à condi tion d'obtenir l'assentiment de la Commission dans les cas des preuves ont été déposées devant elle. Il doit informer les requérants, le cas échéant, de sa décision ainsi que le Ministre qui peut, à la demande des requérants ou de son propre chef, ordonner au directeur de procéder à un plus ample examen. En outre, le directeur peut, à toute étape d'une enquête et en plus ou au lieu de la continuer, remettre toutes les preuves qu'il a obtenues au procureur général du Canada pour que celui-ci examine la question et prenne toutes les mesures qu'il juge nécessaires de prendre. Toutes ces dispo sitions figurent à la Partie I de la Loi, laquelle Partie est intitulée Enquêtes et recherches et traite principalement du rôle du directeur, ainsi que de ses pouvoirs et de ses fonctions. Par ailleurs, le paragraphe 18(1) de la Partie II prévoit que le directeur peut préparer un exposé de la preuve qui
devra être présenté à la Commission ainsi qu'à chaque personne contre qui une allégation y a été faite.
La Partie II, intitulée Étude et rapport, prévoit la constitution de la Commission et fixe ses pou- voirs et fonctions générales. La Commission en tant qu'organisme, ainsi que chacun des membres qui la compose, ont, en vertu respectivement de l'alinéa 22(2)a) et de l'article 17, le pouvoir d'exi- ger que des personnes soient interrogées sous ser- ment et produisent des documents. La Commission est tenue, conformément au paragraphe 18(3), d'étudier tout exposé de preuve présenté par le directeur et ce, après avoir entendu les arguments des personnes visées et donné à tous ceux contre qui une allégation a été faite, l'occasion de se faire entendre. Elle doit préparer un rapport sur la question et le transmettre au Ministre. Ces procé- dures peuvent entraîner la publication dudit rap port ou le déclenchement de poursuites ou encore les deux, ou même, le retrait de tarifs douaniers protectionnistes.
Peu importe ce qui a pu, en l'espèce, être à l'origine de l'enquête du directeur, c'est après que le directeur a demandé à un membre de la Com mission d'exercer son pouvoir d'exiger que des personnes témoignent sous serment et produisent des documents que les présentes procédures ont pris naissance. Le dossier nous révèle que deux ans environ avant que lesdites procédures soient enga gées, des documents appartenant à certaines des corporations visées ont été saisis par le directeur. Cependant, rien dans ce dossier n'indique que l'exposé de la preuve visé au paragraphe 18(1) avait été préparé ou présenté à la Commission ou à qui que ce soit, ou encore que l'enquête du direc- teur était rendue à cette étape.
Voici les dispositions des articles 17 21 qui
semblent les plus pertinentes en l'espèce:
17. (1) Sur demande ex parte du directeur, ou de sa propre initiative, un membre de la Commission peut ordonner que toute personne résidant ou présente au Canada soit interrogée sous serment devant lui ou devant toute autre personne nommée à cette fin par l'ordonnance de ce membre, ou produise à ce membre ou à cette autre personne des livres, documents, archives ou autres pièces, et peut rendre les ordonnances qu'il estime propres à assurer la comparution et l'interrogatoire de ce témoin et la production par ce dernier de livres, documents, archives ou autres pièces, et il peut autrement exercer, en vue de l'exécution de ces ordonnances ou de la punition pour défaut
de s'y conformer, les pleins pouvoirs exercés par toute cour supérieure au Canada quant à l'exécution des brefs d'assigna- tion ou à la punition en cas de défaut de s'y conformer.
(2) Toute personne assignée sous le régime du paragraphe (1) est habile à agir comme témoin et peut être contrainte à rendre témoignage.
(3) Un membre de la Commission ne doit pas exercer le pouvoir d'infliger une peine à quelque personne en vertu de la présente loi, pour désobéissance ou autrement, à moins que, sur requête de ce membre, un juge de la Cour de l'Échiquier du Canada ou d'une cour supérieure ou d'une cour de comté, n'ait certifié, comme un tel juge peut le faire, que ce pouvoir peut être exercé en la matière révélée dans la requête, et que ce membre n'ait donné à cette personne un avis de vingt-quatre heures de l'audition de la requête ou tel avis plus court que le juge estimera raisonnable.
(7) Le Ministre peut décerner des commissions en vue de recueillir des témoignages dans un autre pays, et il peut rendre toutes ordonnances appropriées à cette fin et pour le renvoi et l'utilisation des témoignages ainsi obtenus.
(8) Les ordonnances aux témoins décernées en conformité du présent article doivent être signées par un membre de la Commission.
18;(1) A toute étape d'une enquête,
a) le directeur peut, s'il est d'avis que la preuve obtenue révèle une situation contraire à quelque disposition de la Partie V, et
b) le directeur doit, si l'enquête se rapporte à une infraction dont on soutient ou soupçonne la Commission et que vise une disposition quelconque de la Partie V et s'il en est requis par le Ministre,
préparer un exposé de la preuve obtenue au cours de l'enquête, et cet exposé doit être soumis à la Commission ainsi qu'à chaque personne contre qui une allégation y est faite.
(2) Sur réception de l'exposé mentionné au paragraphe (1), la Commission doit fixer un lieu, un jour et une heure des arguments à l'appui de cet exposé pourront être soumis par le directeur ou en son nom et les personnes visées par une allégation y contenue auront l'occasion voulue de se faire entendre en personne ou par un avocat.
(3) La Commission doit, conformément à la présente loi, étudier l'exposé soumis par le directeur en vertu du paragraphe (I), avec toute preuve ou matière nouvelle ou autre que la Commission juge opportune.
(4) La Commission ne doit présenter, aux termes de l'article 19 ou 22, aucun rapport contre qui que ce soit, à moins que la personne en cause n'ait eu l'occasion voulue de se faire entendre comme le prévoit le paragraphe (2).
19. (1) La Commission doit, aussitôt que possible après la conclusion des procédures intentées sous le régime de l'article 18, faire un rapport par écrit et le transmettre sans délai au Ministre.
(2) Le rapport mentionné au paragraphe (1) doit passer la preuve et la matière en revue, estimer l'effet, sur l'intérêt public, des arrangements et pratiques révélés par la preuve et contenir des recommandations sur l'application des recours prévus par la présente loi ou d'autres recours.
20. (1) Un membre de la Commission peut permettre à toute personne dont la conduite fait l'objet d'une enquête, et doit permettre à quiconque est personnellement interrogé sous ser- ment d'être représenté par un avocat.
(2) Nul n'est dispensé de comparaître et de rendre témoi- gnage et de produire des livres, documents, archives ou autres pièces en conformité de l'ordonnance d'un membre de la Com mission, pour le motif que le témoignage verbal ou les docu ments requis de lui peuvent tendre à l'incriminer ou à l'exposer à quelque procédure ou pénalité, mais nul témoignage oral ainsi exigé ne peut être utilisé ni n'est recevable contre cette per- sonne dans toutes poursuites criminelles intentées par la suite contre elle, sauf dans une poursuite pour parjure en rendant un tel témoignage ou dans une poursuite intentée en vertu de l'article 122 ou 124 du Code criminel à l'égard d'un tel témoignage.
21. La Commission ou l'un quelconque de ses membres possède tous les pouvoirs d'un commissaire nommé aux termes de la Partie I de la Loi sur les enquêtes.
Le paragraphe 27(1) qui figure à la Partie III, laquelle est intitulée Dispositions générales, prévoit en outre que:
27. (1) Toutes les enquêtes prévues par la présente loi doivent être tenues à huis clos, sauf que le président de la Commission peut ordonner que tout ou partie d'une telle enquête qui a lieu devant la Commission ou l'un de ses membres soit menée en public.
Il convient de noter que, suivant la procédure décrite à l'article 18, l'exposé de preuve préparé par le directeur doit être soumis à la Commission ainsi qu'à chaque personne contre qui une alléga- tion y est faite et que la Commission doit, avant d'examiner cet exposé et de faire rapport à ce sujet, entendre les arguments à l'appui de cet exposé et donner à toutes les personnes visées l'occasion voulue de se faire entendre en personne ou par un avocat. La Commission a, de plus, en vertu du paragraphe 18(3), le pouvoir d'examiner toute preuve nouvelle ou autre.
Par opposition, le paragraphe 17(1) est silen- cieux quant aux droits des personnes dont la con- duite fait l'objet d'une enquête d'assister ou de participer à l'interrogatoire des personnes assi- gnées à comparaître. L'article 20 est le seul article qui traite de ce sujet et encore, il ne le fait que de façon indirecte. Aux termes de l'article précité, la Commission peut permettre à une personne dont la conduite fait l'objet d'une enquête d'être représen- tée par un avocat, tandis qu'elle doit permettre à une personne interrogée sous serment de l'être. L'article 20 définit en outre les droits dont jouis-
sent les personnes ainsi interrogées quant aux questions qui tendent à les incriminer. Selon moi, cet article s'applique, peu importe la situation dans laquelle les témoins doivent être interrogés, que ce soit en vertu du paragraphe 17(1), du paragraphe 18(3), ou encore de l'alinéa 22(2)a). Cependant, je suis d'avis que le paragraphe 20(1) ne traite que du droit d'être représenté par un avocat et ne confère pas à ce dernier des droits que son client lui-même n'a pas, c'est-à-dire celui d'assister à l'interrogatoire des témoins ou celui de les interro- ger. L'existence de ces droits dépend, selon moi, de la nature des procédures au cours desquelles des témoins sont interrogés sous serment ou de l'étape des procédures à laquelle ils le sont.
Comme aucune disposition ne prévoit la procé- dure à suivre ni au moment de l'enquête ni à aucune autre étape d'un interrogatoire de témoins tenu en vertu du paragraphe 17(1), c'est aux mem- bres de la Commission qu'il appartient, à mon avis, de déterminer quelle sera cette procédure. Ce que le membre de la Commission prescrira dépendra, sans aucun doute, de la nature des procédures qui doivent se dérouler devant lui. Une procédure qui peut s'avérer appropriée pour une enquête brève dont la portée est restreinte peut par ailleurs se révéler inappropriée et peu commode lorsqu'il s'agit d'une enquête importante impliquant un grand nombre de témoins et de personnes dont la conduite est examinée. Sauf dans les cas les moins compliqués, il semble préférable d'établir dès le départ la procédure qui sera suivie pour la tenue des interrogatoires qui auront lieu durant l'en- quête. Une telle démarche me semble particulière- ment importante si, à la lumière des faits déjà connus ou révélés par l'enquête jusque-là, il appert que l'exposé de la preuve soumis au membre de la Commission par le directeur au terme de son enquête renfermera des allégations d'inconduite contre certaines personnes. La crédibilité d'un tel exposé reposera nécessairement sur la valeur pro- bante des éléments de preuve sur lesquels il est fondé. De son côté, la valeur probante de ces éléments dépendra de la procédure qui aura été suivie et des précautions qui auront été prises pour obtenir ces preuves et en vérifier le bien-fondé. A cet égard, il se peut fort bien qu'il soit utile que les parties dont la conduite fait l'objet d'une enquête ou leurs avocats puissent contre-interroger les témoins. Cependant, je suis d'avis que c'est aux
membres de la Commission qu'il incombe de déter- miner si ces personnes ou leurs avocats doivent être autorisés à contre-interroger des personnes qui témoignent sous serment en vertu du paragraphe 17(1). Il revient aussi au membre de la Commis sion, sous réserve des dispositions relatives au huis clos prévues au paragraphe 27(1), de décider quel- les sont les personnes qui peuvent assister à un interrogatoire tenu en vertu du paragraphe 17(1), mais il n'a pas le droit d'empêcher l'avocat de la personne ainsi interrogée d'être présent. De plus, selon moi, tout ce que le paragraphe 20(1) exige du membre de la Commission, savoir de permettre à une personne interrogée sous serment d'être représentée par un avocat, c'est qu'il autorise l'avocat à être présent et à représenter son client durant son interrogatoire sous serment. A mon avis, cette disposition n'accorde pas à l'avocat d'autres droits que ceux de pouvoir informer son client de ses droits en ce qui concerne certaines questions précises, s'opposer à certaines questions abusives et veiller à ce que son client ait l'occasion de tout raconter ce qu'il a à dire et ce, sans que ses réponses soient faussement interprétées. Selon moi, elle ne lui donne ni le droit d'assister à l'interroga- toire des autres témoins, ni le droit de les contre-interroger.
Durant l'audience, de nombreux arrêts ont été cités et discutés, notamment, La municipalité du canton d'Innisfil c. La municipalité du canton de Vespra', Re The Ontario Crime Commission, Ex parte Feeley and McDermott 2 , Guay c. Lafleur 3 , La Reine c. Randolph 4 et St. John c. Fraser 5 .
A mon avis, le jugement de la Cour suprême dans l'arrêt Innisfil [précité] et celui des juges majoritaires de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Ontario Crime Commission [précitée] portent principalement sur l'application et la portée de certaines dispositions particulières de la loi régissant ou concernant la procédure au cours de laquelle la question des droits des personnes visées de participer à l'interrogatoire et au contre- interrogatoire des témoins a été soulevée. Selon moi, ces arrêts ne nous sont d'aucun secours en l'instance.
' [1981] 2 R.C.S. 145. 2 [1962] O.R. 872. ' [1965] R.C.S. 12. ° [1966] R.C.S. 260. 5 [1935] R.C.S. 441.
En l'espèce, tout ce que la loi prévoit en ce qui a trait au moment qui nous occupe, c'est la tenue d'une audience à huis clos aux fins de recueillir les témoignages des personnes interrogées sous ser- ment, laquelle audience ne constitue qu'une étape d'une enquête susceptible de déboucher sur la remise de la preuve au procureur général du Canada en vertu du paragraphe 15(1) ou sur la préparation de l'exposé de la preuve visé au para- graphe 18(1) qui sera soumis au membre de la Commission qui l'examinera. Cet examen sera fait au cours d'une procédure durant laquelle les per- sonnes dont la conduite est attaquée dans l'exposé devront avoir l'occasion voulue de se faire entendre avant qu'un rapport soit transmis au Ministre. Aucune disposition particulière ne confère à qui- conque le droit d'assister à l'interrogatoire des témoins ou de les contre-interroger.
La situation en l'espèce ne diffère pas tellement de celle étudiée par la Cour suprême dans l'arrêt St. John c. Fraser [précité] et ne s'écarte pas trop en principe de celle de l'arrêt Guay c. Lafleur [précité]. Dans les deux arrêts précités, la Cour suprême a jugé que des personnes dont la conduite ou les activités faisaient l'objet d'une enquête n'avaient pas le droit d'assister à l'interrogatoire des témoins ou de les contre-interroger durant une enquête tenue afin de recueillir des éléments de preuve devant être soumis à une autre instance devant laquelle les personnes visées auraient l'oc- casion de se faire entendre avant que l'on établisse leurs droits. Dans l'un des cas rapportés, cette occasion de se faire entendre aurait lieu lors d'un procès criminel alors que dans l'autre, elle aurait lieu lors d'un appel d'une cotisation fondé sur des renseignements obtenus suivant la procédure expli- quée. Ces deux affaires portaient sur des enquêtes à huis clos et pour cette raison on ne peut les comparer à l'enquête dont il était question dans l'affaire Ontario Crime Commission [précitée].
Je me penche maintenant sur les ordonnances visées par l'appel et l'appel incident.
Eu égard aux opinions que je viens d'exprimer, il s'ensuit, je crois, que les décisions de M. Griffin dont il est fait mention aux paragraphes a), b) et c) de l'avis introductif d'instance n'ont privé les intimés d'aucun droit. En effet, ni les personnes dont la conduite fait l'objet d'une enquête, ni les témoins, ni leurs avocats ne sont autorisés de plein
droit à contre-interroger les témoins durant l'en- quête. Les avocats des témoins ne sont pas non plus autorisés de plein droit à poser des questions bien qu'ils puissent, si on le leur interdit, demander au président du tribunal de poser certaines ques tions à leurs clients afin de s'assurer que le témoi- gnage de ces derniers est clair et complet. A mon avis, les avocats des autres parties ne peuvent assister aux interrogatoires et aux contre-interro- gatoires que dans la mesure le membre de la Commission, dans les limites des règles sur le huis clos imposées par le paragraphe 27(1), le leur permet. Comme les décisions en litige ne consti tuent, selon moi, guère plus qu'une indication donnée aux personnes présentes par M. Griffin, qui n'était pas membre de la Commission, au sujet de la procédure qu'il entendait suivre au cours de l'interrogatoire des témoins, je suis d'avis qu'elles n'auraient pas être touchées et ce, pour deux raisons: premièrement, parce qu'elles ne sont enta- chées d'aucune erreur de droit et deuxièmement, parce que ce ne sont pas des décisions à toute fin pratique finales ou non sujettes à révision, puis- qu'un membre de la Commission pourrait, dans l'exercice de la discrétion dont il dispose, choisir une procédure différente. Je ne crois pas que la situation décrite en l'espèce commande que cette Cour intervienne par voie de certiorari ou autre- ment pour imposer ses vues sur des questions qui, en première instance du moins, relèvent du membre de la Commission. J'estime donc que les paragraphes a), b) et c) de l'ordonnance de la Division de première instance devraient être infirmés.
Pour ce qui est du paragraphe d) de cette ordon- nance de la Division de première instance, je ne peux concevoir en quoi le refus par M. Griffin d'accorder un ajournement lui a fait perdre com- pétence ou sur quoi l'on s'est fondé pour casser son refus.
J'accueillerais donc l'appel et j'annulerais les paragraphes a), b), c) et d) de l'ordonnance.
Quant à l'appel incident, la Division de première instance a eu raison, je crois, de refuser la mesure de redressement demandée à l'égard des points soulevés au paragraphe d) de l'avis de requête et ce, pour le même motif que j'ai mentionné ci-des- sus, savoir que l'avocat des personnes dont la conduite fait l'objet d'une enquête n'a pas le droit
de contre-interroger les témoins, sauf dans la mesure un membre de la Commission peut, dans les limites des règles relatives au huis clos prévues au paragraphe 27(1), l'y autoriser. Si je ne m'abuse, aucun argument n'a été présenté à l'égard du sujet abordé au paragraphe f), c'est-à- dire la décision de M. Griffin de questionner les témoins durant leur témoignage. De toute façon, en l'absence de dispositions à l'effet contraire dans la loi, j'estime que les membres de la Commission ou les personnes désignées par eux en vertu du paragraphe 17(1) ont absolument le droit de poser aux personnes interrogées devant eux des questions portant sur l'objet de l'enquête.
Cela m'amène à la question soulevée au para- graphe a) de l'avis de requête supplémentaire qui porte:
... sa décision, selon laquelle l'avocat de la Commission n'a pas à fournir de motifs objectifs aux parties dont la conduite est examinée après le début d'une enquête tenue en vertu de l'art. 8b) de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, S.R.C. 1970, c. C-23, tel que modifié;
Le savant juge de première instance a traité de cette question aux passages suivants [aux pages 77 et 78] de ses motifs:
La question des motifs du directeur pour engager l'enquête a été soulevée au cours de l'instance devant l'officier enquêteur. On a soutenu qu'un commencement de preuve, à tout le moins, devait être administré devant l'officier enquêteur afin de démontrer l'existence de certains motifs objectifs justifiant le directeur d'ouvrir la procédure d'enquête. M. Griffin a dit que le directeur ou ses représentants n'avaient pas à administrer semblables preuves.
Cette décision, de même que le défaut des intimés de faire valoir un élément objectif quelconque en l'instance, invaliderait, dit-on, toute la procédure d'enquête et, bien entendu, l'interro- gatoire des témoins auquel on a procédé devant M. Griffin.
Je ne partage pas cet avis.
Je ne suis pas saisi, dans cette instance engagée selon l'article 18, de l'autorisation ou de l'ordre, comme on voudra, du directeur qui a mis en branle l'ensemble de la procédure d'enquête. Elle n'a pas vraiment d'ailleurs été contestée en l'instance. Si cette contestation était permise, elle devrait, à mon avis, faire l'objet de la procédure prévue (article 18 ou 28 de la Loi sur la Cour fédérale) en évocation de cette autorisa- tion du directeur, non celui d'une procédure en évocation de certaines décisions d'un officier enquêteur. La décision du juge Addy dans Stevens c. La Commission sur les pratiques restric- tives du commerce [1979] 2 C.F. 159, spécialement à la page 160, me paraît raisonnablement analogue.
Ce moyen donc est rejeté. Ce qui dispose, en fait, de l'avis additionnel de requête du 5 mars 1981 et de son paragraphe a).
Suivant cet argument, si je comprends bien, le directeur devait prouver aux personnes présentes, avant que ne puisse débuter l'interrogatoire des personnes visées dont traite le paragraphe 17(1), qu'il existait des motifs justifiant la tenue d'une enquête, qu'une telle enquête était en cours et que l'interrogatoire des témoins était nécessaire à la bonne marche de cette enquête.
Je souscris à la décision du savant juge de première instance relativement à cette demande. Il me semble que l'avocat cherche, par cet argument, à mettre sur un même pied l'interrogatoire visé au paragraphe 17(1) et le procès intenté par suite de la perpétration d'une infraction créée par la loi et l'enregistrement d'un plaidoyer de non-culpabi- lité, procès au cours duquel la poursuite doit démontrer que le magistrat présidant l'instruction a compétence pour connaître de l'accusation. A mon avis, il s'agit d'un argument fallacieux. La procédure en cause dans le présent litige n'est pas un procès et le directeur n'est pas tenu de prouver quoi que ce soit avant de pouvoir procéder à l'interrogatoire des témoins assignés à comparaître par un membre de la Commission. La loi autorise un tel membre à ordonner de son propre chef ou sur demande ex parte la tenue d'un interrogatoire. Selon moi, les seules formalités nécessaires pour qu'un membre de la Commission ou la personne désignée puisse procéder sur-le-champ à l'interro- gatoire des témoins sont l'ordre d'un membre de la Commission en ce sens et la désignation, le cas échéant, d'une personne pour recevoir les témoi- gnages.
L'appel incident est, par conséquent, rejeté.
Je suis donc d'avis d'accueillir l'appel avec dépens, d'annuler l'ordonnance de la Division de première instance et de lui substituer une ordon- nance rejetant, avec dépens, la demande et la demande supplémentaire. En outre, l'appel inci dent est rejeté avec dépens.
LE JUGE URIE: Je souscris à ces motifs.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: Je souscris à l'opinion du juge en chef et je fais miens ses motifs et ses conclu sions quant à l'appel et à l'appel incident.
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