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T-758-82
Affaire intéressant l'interprétation d'un accord conclu le 29 mars 1973 entre le Canada et l'Alberta
Division de première instance, juge en chef adjoint Jerome—Edmonton, ,17 juin; Ottawa, 28 octobre 1982.
Couronne Contrats Demande fondée sur l'art. 19 de la Loi sur la Cour fédérale et l'al. 8 de l'Accord conclu entre les gouvernements du Canada et de l'Alberta et tendant au trans- fert, du premier au second, de la propriété et de la gestion des projets d'irrigation Bow River et St. Mary, en vue de trancher le litige sur l'obligation qu'a le Canada en vertu de l'Accord de transférer des droits miniers relatifs à certains titres de pro- priété dans le projet Bow River Il ressort clairement des al. 3(1) et lb) et de l'ann. B de l'Accord que le Canada doit transférer à l'Alberta tous les droits fonciers et tous les droits miniers acquis aux fins du projet Bow River, qu'ils soient ou non actuellement détenus à cette fin L'al. 3(1) prévoit que le Canada transmettra à l'Alberta tous ses droits et intérêts dans les biens meubles et immeubles relativement au projet Bow River; l'al. lb) définit le projet Bow River comme étant la gestion, l'administration et le contrôle de tous biens immobi- liers et mobiliers et de tous droits et obligations que détient le Canada dans le cadre du projet, et dont celui-ci fait usage en liaison avec l'exploitation et l'entretien dudit projet conformé- ment à la description donnée dans l'ann. B L'ann. B inclut dans le projet tous les biens-fonds et intérêts dans ceux-ci que détient le Canada, y compris les droits miniers détenus (jus- qu'à présent) dans le cadre de la gestion du projet Bow River Il ressort de l'emploi de l'expression «jusqu'à présent. que le Canada est tenu de transférer tous les droits miniers qu'il possédait au moment de la signature de l'Accord et dont il avait eu la gestion. antérieurement, aux fins du projet Bow River Le Canada avait originairement acquis tous les biens-fonds et intérêts dans ceux-ci et les droits miniers en question à des fins se rapportant au projet Bow River Il est sans importance qu'on ait soustrait la responsabilité pour les droits miniers à l'Administration du rétablissement agricole des Prairies, organisme responsable de la totalité du projet Bow River, et qu'on l'ait transférée à un autre ministère qui n'avait rien à voir avec le projet Ces arrangements rele- vaient essentiellement de la gestion interne et ne changent rien au fait que le Canada était propriétaire de ces droits à la date de l'Accord de 1973; ils ne changent pas non plus le but pour lequel ces droits ont, à l'origine, été acquis Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 19.
AVOCATS:
D. Friesen et J. A. Pethes pour le gouverne- ment du Canada.
A. P. Hnatiuk pour le gouvernement de l'Alberta.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada. Le procureur général de l'Alberta.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME: Le 29 mars 1973, les gouvernements du Canada et de l'Alberta ont conclu un accord de cession, du premier au second, de la propriété et de la gestion des projets d'irrigation Bow River et St. Mary. La présente demande, que prévoient le paragraphe 8 de l'Accord et l'article 19 de la Loi sur la Cour fédérale', tend à faire trancher un litige sur l'obli- gation qu'a le Canada de transférer des droits miniers relatifs à certains titres de propriété dans le projet Bow River. La clause 8 dudit Accord est ainsi rédigée:
[TRADUCTION] 8. En cas de litige quant à l'interprétation ou à l'application de cet Accord relativement à toute question qui ne peut être tranchée par les Ministres intéressés, le Canada et l'Alberta, par une entente appropriée, saisiront la Cour fédérale du Canada des questions de fait et de droit en litige.
L'article 19 de la Loi sur la Cour fédérale est ainsi conçu:
19. Lorsque l'assemblée législative d'une province a adopté une loi reconnaissant que la Cour, qu'elle y soit désignée sous son nouveau ou son ancien nom, a compétence dans les cas de litige
a) entre le Canada et cette province, ou
b) entre cette province et une ou plusieurs autres provinces ayant adopté une loi au même effet,
la Cour a compétence pour juger ces litiges et la Division de première instance connaît de ces questions en première instance.
Après signature de l'Accord de 1973, mais avant tout transfert réel de biens-fonds, un différend survint entre les parties quant à tous les droits miniers. Le premier transfert du Canada à l'Al- berta, en vertu de l'Accord de 1973, ne portait donc que sur des droits de superficie. Par la suite, le Canada a reconnu l'obligation d'inclure des droits miniers lorsqu'ils étaient conjointement détenus avec des droits de superficie, et il a effecti- vement signé l'acte de transfert approprié. Les droits miniers sont séparément détenus en ce qui concerne quarante-neuf (49) titres de propriété, et ceux-ci font l'objet du litige. Les droits miniers distincts relatifs à trois (3) de ces biens-fonds ont été acquis par le Canada quelque temps après
' S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, modifié.
l'acquisition initiale des biens-fonds pour le projet Bow River, et les quarante-six (46) restants ont été acquis en même temps, mais ils ont été par la suite placés sous le contrôle et la gestion d'un ministère qui n'était nullement impliqué dans le projet Bow River ni dans l'application de l'Accord de 1973. La question à trancher en l'espèce est de savoir si l'Accord du 29 mars 1973 exige du Canada qu'il transfère à l'Alberta les droits miniers relatifs à ces quarante-neuf (49) titres de propriété ou à certains d'entre eux. Après examen attentif des éléments de preuve et des observations faites par les avocats des parties à Edmonton le 17 juin 1982, j'arrive à la conclusion qu'en vertu de l'Accord, le Canada est effectivement tenu d'effectuer un tel transfert.
L'alinéa 3(1) de l'Accord de 1973 est ainsi rédigé:
[TRADUCTION] Le Canada transmettra à l'Alberta tous ses droits et intérêts dans les biens immeubles et meubles, notam- ment les comptes à recevoir, relativement aux projets Bow River et St. Mary, et l'Alberta s'engage à accepter la gestion, l'administration et le contrôle de tous les droits, titres de propriété et intérêts que le Canada détient dans les projets Bow River et St. Mary au 1°" avril 1973 ou à toute autre date dont les Ministres peuvent convenir avant le 1°" avril 1974.
L'alinéa 1 b) de l'Accord de cession définit le projet Bow River en ces termes:
[TRADUCTION] `Le projet Bow River' signifie la gestion, l'ad- ministration et le contrôle de tous les canaux, réservoirs, et autres travaux d'irrigation que possède le Canada, du point de prise d'eau dans la rivière Bow dans la partie 31, canton 21,
rang 25, l'ouest du 4 0 méridien de la province d'Alberta, jusqu'aux travaux d'irrigation et y compris ceux-ci, dans le district de Hays limité à l'est par la rivière Bow, dans les cantons 12 et 13, rang 12, l'ouest du 4 0 méridien, ainsi que de tous biens immobiliers et mobiliers, droits et obligations que détient le Canada dans la région dudit projet Bow River et dont celui-ci fait usage en liaison avec l'exploitation et l'entretien dudit projet, conformément à la description plus détaillée dans l'annexe `B' ci-jointe.
L'annexe «Bo de l'accord de cession est ainsi rédigée:
[TRADUCTION] LE PROJET BOW RIVER
(i) Tous les biens-fonds et intérêts dans ceux-ci, y compris les servitudes de passage, les servitudes foncières, les permis d'oc- cupation et les droits miniers que le Canada détient (jusqu'à présent) dans le cadre de la gestion du projet Bow River, et tel qu'il est indiqué au plan R623 joint en annexe;
(ii) Tous les droits incorporels que le Canada peut faire valoir, ou dont celui-ci peut jouir par suite de son exploitation dudit projet;
(iii) La totalité des biens du Canada, immeubles ou meubles, et tous les intérêts dans ceux-ci dans la région du projet, vendus par le Canada en vertu de l'accord de vente;
(iv) Tous les biens appartenant au Canada et dont fait usage ce dernier en liaison avec l'exploitation et l'entretien du projet, savoir: toutes les installations de distribution d'eau; toutes les constructions, tous les ateliers, matériel, équipement, outils et instruments appartenant au Canada et dont fait usage ce dernier dans la réparation, l'entretien et l'exploitation dudit projet; les entrepôts et les stocks appartenant au Canada et dont fait usage ce dernier pour ledit projet; le grain et la provende se trouvant sur les terres; les avantages tirés de tout accord pour la vente de terres, la location, l'octroi de permis et pour la distribution d'eau aux usagers dans le cadre du projet.
Je ne trouve le langage de ces alinéas ni vague ni ambigu. En vertu de l'alinéa (i) de l'annexe «B», le Canada est clairement tenu de transférer tous les droits fonciers et tous les droits miniers qu'il détient aux fins de la gestion du projet Bow River. Sans les mots mis entre parenthèses «jusqu'à pré- sent», on pourrait se demander si l'obligation du Canada pourrait s'étendre au-delà des intérêts ou droits réellement détenus à cette fin au moment de la signature de l'Accord, mais la présence des mots «jusqu'à présent» dissipe tout doute possible. Ils ne peuvent que signifier que le Canada est tenu de transférer tous les droits miniers qu'il possédait au moment de la signature de l'Accord et dont il avait eu la gestion, antérieurement, aux fins du projet Bow River.
L'acquisition par le Canada du projet Bow River remonte à l'Accord du 14 juillet 1950, en vertu duquel le Canada a acheté à Canada Land and Irrigation Company Limited un projet d'irrigation dans la province d'Alberta, lequel comprenait le projet Bow River. En vertu de l'alinéa 4 de l'Ac- cord, le Canada achetait [TRADUCTION] «... l'ex- ploitation de la société . ..», et, aux termes de l'alinéa 5, le mot «exploitation» comprend [TRA- DUCTION] «a) tous les biens-fonds et droits fon- ciers que détient la société, notamment les servitu- des de passage, les permis d'occupation et les droits miniers». Des droits miniers ainsi acquis par le Canada, tous, sauf dans quarante-six (46) cas, se rattachaient à des certificats de titres compre- nant tant les droits de superficie que les droits miniers, mais rien n'indique que le but de l'acquisi- tion par le Canada des droits miniers distincts relatifs aux quarante-six (46) titres de propriété était, de quelque façon que ce soit, différent de
celui du reste de l'acquisition. Tous les droits ont été acquis aux fins du projet Bow River. Il en est de même des droits miniers distincts relatifs aux trois (3) titres de propriété. Le Canada les a achetés à d'autres que Canada Land and Irrigation Company Limited, mais ce fait ne modifie nulle- ment le but du Canada dans l'acquisition. L'acqui- sition s'est effectuée également aux fins du projet Bow River.
L'avocat de la Couronne fait mention du fait qu'après ces acquisitions, l'organisme responsable du projet Bow River était l'Administration du rétablissement agricole des Prairies qui, à l'origine, relevait du ministère de l'Agriculture et, plus tard, du ministère de l'Expansion économique régionale. La responsabilité pour les droits miniers distincts relatifs aux quarante-neuf (49) titres de propriété a toutefois été transférée à un autre ministère et, en mars 1973, relevait de la gestion du ministère du Nord canadien et des Ressources nationales auquel la loi confie la responsabilité des intérêts canadiens dans les droits miniers. Je signale aussi que ce dernier Ministère n'a, à aucun moment, été impliqué dans le projet Bow River et que l'Accord de 1973, qui est en litige en l'espèce, n'a pas été signé par le ministre responsable du Nord cana- dien et des Ressources nationales, mais unique- ment au nom du Canada par le ministre de l'Ex- pansion économique régionale. Je considère ces arrangements comme relevant essentiellement de la gestion interne. Ils ne changent rien au fait que le Canada était propriétaire de ces droits à la date de l'Accord de 1973. Ils ne changent pas non plus le but pour lequel le Canada a, à l'origine, acquis ces droits.
Encore une fois, le texte de l'Accord de 1973 n'est ni vague ni ambigu. Il exige du Canada qu'il transmette les droits miniers qu'il a acquis aux fins du projet Bow River. Les droits miniers distincts relatifs aux quarante-neuf (49) titres de propriété appartenaient au Canada à la date de l'Accord de 1973 et avaient été acquis aux fins de la gestion du projet Bow River, et je conclus donc qu'en vertu de l'Accord de 1973, le Canada est tenu de transmet- tre à l'Alberta les droits miniers distincts relatifs à ces quarante-neuf (49) titres de propriété.
Les avocats n'ont nullement soulevé la question des dépens, et je ne sais pas si l'accord conclu par les parties pour trancher le présent litige contient
des dispositions spéciales à cet égard. J'estime que puisque le litige a été tranché en faveur de l'Al- berta, les dépens devraient être adjugés au gouver- nement de l'Alberta; mais si les parties désirent faire d'autres observations à ce sujet, je les entendrai.
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