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T-956-75
CAE Industries Ltd. et CAE Aircraft Ltd. (demanderesses)
c.
La Reine (défenderesse)
Division de première instance, juge Collier-Win- nipeg, 19, 20 21, 22, 25, 26, 27, 28 février, 3, 4, 5, 6, 10, 11, 12, 13, 17, 18, 19, 20 mars, 7, 8, 9 avril; Vancouver, 31 juillet 1982.
Couronne - Contrats - Pouvoir ministériel de lier la Couronne - A la demande d'Air Canada et de représentants de la Couronne, la société Northwest, filiale de la demande- resse CAE Industries, a soumis un projet de prise en charge de la base aérienne d'entretien de Winnipeg - Elle a hésité à le faire sans avoir un engagement formel de la Couronne, laquelle fournirait un certain nombre d'heures-travail par an - Lettre signée par le ministre des Transports et contresignée par deux autres Ministres assurant à la demanderesse que le MPD saurait garantir plus de 40 000 à 50 000 heures-travail par an de 1971 à 1976 et que le gouvernement du Canada s'emploierait de son mieux à obtenir le travail supplémentaire d'autres ministères ou de sociétés de la Couronne afin de respecter l'objectif de 700 000 heures-travail directes - La défenderesse prétend qu'il n'existe pas de contrat légal parce que selon la décision La Reine c. Transworld Shipping Ltd., [1976] 1 C.F. 159 (C.A.), le pouvoir du Ministre de lier la Couronne doit reposer sur une loi ou un décret et que ni l'une ni l'autre n'existait en l'espèce - La défenderesse prétend de plus que la lettre ne constitue qu'un avant-contrat et que le fait que Northwest ne soit pas mise en cause à titre de demanderesse affecte la validité de l'action - La lettre crée un contrat valide et exécutoire - L'arrêt J. E. Verreault & Fils Liée c. Le procureur général de la province de Québec, [1977] I R.C.S. 41, qui a statué que la proposition retenue dans Transworld Shipping était trop étroite, s'applique - Une interprétation libérale et raisonnable des diverses lois organi- sant les ministères que dirigeaient les Ministres permet de déduire que les Ministres avaient le pouvoir apparent et mani- feste de lier la Couronne - Les parties entendaient conclure un contrat exécutoire et l'ont traité comme tel - La lettre constituait un accord des volontés sans que rien n'ait été laissé à régler par une convention ultérieure - La mise en cause de Northwest ne servirait aucune fin utile et la Règle 1716 prévoit que la validité d'une action n'est pas affectée par l'omission de mettre une partie en cause - L'expression «s'employer de son mieux» est équivalente à «faire tout son possible» qui signifie «ne laisser aucune avenue inexplorée» - La preuve démontre que la défenderesse n'a pas fourni le travail convenu, en provenance du MPD, pendant quatre des cinq années et ne s'est pas employée de son mieux à combler cette carence - Loi sur la production de défense, S.R.C. 1952, chap. 62, art. 14, 15b),d),g), 17 - Loi sur le ministère des Transports, S.R.C. 1952, chap. 79, art. 3(2) - Loi sur l'aéronautique, S.R.C. 1952, chap. 2, art. 3d) - Loi sur le ministère du Commerce, S.R.0 1952, chap. 78, art. 3, 5 - Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 1716.
Pratique Parties La défenderesse soutient que l'omis- sion de mettre en cause Northwest Industries comme deman- deresse affecte la validité de l'action, étant donné que l'accord a été conclu avec Northwest et qu'il n'y a eu aucune cession écrite ayant force de droit La mise en cause de Northwest ne servait aucune fin utile car il y a eu cession en equity La Règle 1716 prévoit que la validité d'une action n'est pas affectée par l'omission de mettre une partie en cause Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 1716.
Action en dommages-intérêts pour inexécution d'une conven tion qui aurait été conclue avec la Couronne. La demanderesse CAE Industries Ltd. s'est fait offrir par Air Canada et des représentants de la Couronne fédérale d'acheter des ateliers de réparation et de révision d'avions qu'exploitait Air Canada à Winnipeg à titre de propriétaire, pour éviter la perte de plus de 1 000 emplois qualifiés. Des négociations entre CAE Industries, Air Canada et des représentants des gouvernements provincial et fédéral eurent lieu au cours desquelles Northwest Industries, une filiale de CAE Industries, demanda à maintes reprises qu'il y ait un engagement pour un certain nombre d'heures-travail de production par an durant quelques années. Le 26 mars 1969, la demanderesse CAE Industries Ltd. recevait une lettre du minis- tre des Transports, contresignée par deux autres Ministres, dans laquelle il déclarait que le gouvernement du Canada reconnaissait que les 700 000 heures-travail directes par an constituaient un objectif réaliste si l'on voulait faire de l'exploi- tation une entreprise viable. Le MPD ne pouvait garantir plus de 40 000 50 000 heures-travail directes par an de 1971 à 1976, mais le gouvernement du Canada devait s'employer «de son mieux« à obtenir le travail supplémentaire nécessaire d'au- tres ministères ou de sociétés de la Couronne afin de respecter l'objectif de 700 000 heures-travail directes. Un protocole d'entente intervenu entre Northwest et Air Canada fut signé en avril. En septembre, Air Canada, Northwest et CAE Aircraft signèrent une convention qui comportait une clause stipulant la cession par Northwest à CAE Aircraft de l'accord conclu en avril. Il échet d'abord et surtout d'examiner si la défenderesse a conclu une convention valide et exécutoire avec CAE Indus tries. La demanderesse prétend que la lettre du 26 mars est l'aboutissement de longues négociations, que cette lettre énonce les modalités de l'accord intervenu, que les parties entendaient se lier et qu'elles ont agi sur le fondement de ces modalités. La défenderesse s'est appuyée sur le jugement de la Cour d'appel fédérale dans La Reine c. Transworld Shipping Ltd. pour faire valoir que les Ministres n'avaient pas le pouvoir de lier la Couronne, que ce pouvoir devait reposer sur une loi ou un décret et qu'il n'y avait en l'espèce aucune loi ni aucun décret. La défenderesse prétend que la lettre du 26 mars n'était pas exécutoire parce que certains aspects importants ayant trait aux heures-travail avaient été laissés indéterminés. La lettre ne constituait qu'un avant-contrat. En dernier lieu, on a fait valoir que la lettre constatant la convention était adressée à North west et non aux demanderesses et que, par conséquent, North west devait être partie à l'instance étant donné qu'il n'y avait eu aucune cession écrite ayant force de droit. Les autres points en litige portent sur les conditions du contrat, sur la question de savoir si la défenderesse a respecté la convention ainsi que sur la nature et le montant des dommages-intérêts.
Jugement: l'action est accueillie. La lettre créait un contrat valide et exécutoire entre CAE Industries Ltd. et la défende- resse. La preuve administrée indique que divers hauts fonction-
paires, plusieurs ministres et d'autres encore ont considéré l'arrangement comme obligatoire. Saisie de la question dans l'affaire J. E. Verreault & Fils Liée c. Le procureur général de la province de Québec, la Cour suprême du Canada a examiné le principe énoncé dans l'affaire Transworld Shipping et a trouvé que cette interprétation était trop restrictive. La Cour suprême, dans l'affaire Verreault, a trouvé le pouvoir de con- tracter apparent ou manifeste dans la législation provinciale pertinente. Aucun décret exprès ni aucune disposition légale expresse n'était nécessaire. Le pouvoir existait par implication. L'interprétation que fait la défenderesse des diverses lois orga- nisant les ministères que géraient et dirigeaient les Ministres signataires de la lettre du 26 mars est trop étroite. Une interprétation raisonnable et libérale des articles pertinents de la Loi sur la production de défense permet de déduire que le Ministre avait le pouvoir de conclure un contrat stipulant la fourniture d'un certain nombre d'heures de travail. L'alinéa 17(1)d) porte qu'aucun contrat ne saurait être conclu sans l'approbation du gouverneur en conseil. Il faut appliquer l'arrêt Verreault. Il y avait ici approbation tacite, voire manifeste. Un décret en bonne et due forme n'était pas nécessaire. Puisque le ministre des Transports avait l'autorisation légale en vertu du paragraphe 3(2) de la Loi sur le ministère des Transports et de l'alinéa 3d) de la Loi sur l'aéronautique de contracter en matière de réparation et de révision des appareils et du matériel du ministère des Transports, il pouvait aussi conclure un con- trat stipulant la fourniture d'une certaine quantité d'heures de travail. De même, le ministère du Commerce possédait de larges pouvoirs pouvant servir, cela n'est pas inconcevable, à confier aux demanderesses certains travaux à exécuter sur des avions et, par là, un certain nombre d'heures-travail.
Pour ce qui est de l'argument voulant que la lettre du 26 mars n'était qu'un avant-contrat, il a été établi que, en droit strict, il n'était pas nécessaire de convenir d'autre chose. La défenderesse a convenu de fournir un certain nombre d'heures de travail et de s'employer de son mieux à combler l'écart entre ce que les demanderesses obtenaient en termes d'heures par an de cette source et d'autres sources, et 700 000 heures. La lettre constituait un accord de volontés. Rien n'a été laissé à régler par une convention ultérieure. Ce qui restait à déterminer ne devait l'être que par la défenderesse: la façon d'exécuter les obligations contractées.
Pour ce qui est de la question portant sur les parties contrac- tantes, compte tenu de la preuve administrée, il ne fait aucun doute qu'il y a eu cession, au moins en equity, par Northwest à CAE Aircraft, de tous les droits que Northwest détenait en vertu du contrat du 26 mars. Il ne fait pas de doute non plus que tous les intéressés savaient que c'était CAE Aircraft qui allait reprendre l'exploitation de la base de Winnipeg. La mise en cause de Northwest ne servirait aucune fin utile. D'ailleurs, la Règle 1716 porte que la validité d'une action n'est pas affectée par l'omission de mettre une partie en cause.
Les conditions du contrat étaient que (1) les parties conve- naient que les 700 000 heures-travail directes par année consti- tuaient un objectif réaliste pour une bonne exploitation; (2) le MPD garantissait 40 000 50 000 heures-travail directes de 1971 à 1976 comme travaux de révision et de réparation «réservés»; (3) le gouvernement du Canada convenait de s'em- ployer de son mieux à obtenir d'autres ministères et sociétés de la Couronne le travail supplémentaire nécessaire pour parvenir à 700 000 heures par année, de 1971 à 1976. «S'employer de
son mieux» équivaut à «faire tout son possible» qui signifie «ne laisser aucune avenue inexplorée» selon Sheffield District Rail way Company v. Great Central Railway Company. La défende- resse n'a pas fourni le travail convenu en provenance du MPD, durant quatre des cinq années en question. En outre, la défen- deresse ne s'est pas, par le biais du gouvernement du Canada, employée de son mieux pour combler jusqu'à concurrence de 700 000 heures le déficit en heures et a donc manqué à ses obligations.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
J. E. Verreault & Fils Ltée c. Le procureur général de la province de Québec, [1977] 1 R.C.S. 41; May & Butcher, Ltd. v. The King, [1934] 2 K.B. 17 (H.L.); Sheffield District Railway Company v. Great Central Railway Company (1911), 27 T.L.R. 451 (Comm. des chemins de fer et des canaux).
DÉCISION ÉCARTÉE:
La Reine c. Transworld Shipping Ltd., [ 1976] 1 C.F. 159 (C.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Meates v. Attorney General, [1979] 1 NZLR 415 (S.C.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Diamond Developments Ltd. v. Crown Assets Disposal Corp. (1972), 28 D.L.R. (3d) 207 (C.S.C.-B.).
DÉCISIONS CITÉES:
Walsh Advertising Company Limited v. The Queen, [1962] R.C.E. 115; Terrell v. Mabie Todd & Coy Ld. (1952), 69 R.P.C. 234 (Q.B.D.); Randall v. Peerless Motor Car Co., 99 N.E. 221 (1912) (S.C. Mass.); In Re Heard (1980), 6 B.R. 876; Canada Square Corp. Ltd. v. Versafood Services Ltd. et al. (1982), 130 D.L.R. (3d) 205 (C.A. Ont.).
AVOCATS:
L. N. Mercury, D. G. Hill et M. M. Monnin pour les demanderesses.
L. P. Chambers, c.r., R. W. Cote et D. Kubesh pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Aikins, MacAulay & Thorvaldson, Winni- peg, pour les demanderesses.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: Les demanderesses con- cluent à des dommages-intérêts considérables, motif pris de l'inexécution d'une convention qui aurait été conclue avec la Couronne fédérale.
En 1967, Air Canada exploitait à titre de pro- priétaire une base aérienne importante à Winnipeg au Manitoba. Air Canada décida de la déménager au Québec, à Montréal. La demanderesse, CAE Industries Limited (ci-après «CAE») s'est fait offrir par Air Canada et certains représentants de la Couronne fédérale d'acheter les ateliers de répa- ration et de révision d'avions de Winnipeg et d'en poursuivre l'exploitation. CAE aurait demandé des assurances au «gouvernement canadien» en matière d'heures-travail que ce dernier se serait engagé à fournir pour les années 1971 1976 inclusivement. La défenderesse aurait donné certaines assurances et souscrit certains engagements, qu'elle n'aurait pas respectés; les demanderesses en auraient subi un dommage.
Les demanderesses s'appuient principalement sur une lettre du ministre des Transports, en date du 26 mars 1969, adressée à CAE. Le ministre du Commerce et le ministre de la Production de défense ont contresigné cette lettre.
La demande s'élève à:
2 520 000 $ pour manque à gagner;
3 400 000 $ en pertes de capital.
Les parties ont convenu de l'exposé suivant du litige:
1. La défenderesse a-t-elle conclu, avec la demanderesse CAE Industries Limited, une con vention valide et exécutoire?
2. Si semblable convention a été conclue, quelles en sont les conditions?
3. En ce cas, la défenderesse a-t-elle manqué à ses obligations et, si oui, auxquelles?
4. Si la défenderesse a manqué aux obligations qu'elle avait contractées, quelle est la nature et l'importance des dommages en découlant?
5. Si aucune convention n'a été conclue, la lettre de la défenderesse du 26 mars 1969 renferme- t-elle de fausses et négligentes affirmations à l'égard de la demanderesse CAE Industries et:
a) Cela étant, les demanderesses en ont-elles subi un dommage?
b) En ce cas, quelle est la nature et l'impor- tance de ce dommage?
Il convient d'exposer soigneusement les faits.
Autrefois, les activités d'Air Canada (ancienne- ment T.C.A.) étaient centralisées à Winnipeg. En 1949, on a construit, à Montréal, des ateliers d'exploitation et d'entretien. En 1959, on a para- chevé la construction d'ateliers importants et modernes de révision dans cette ville.
En 1962, Air Canada fit connaître son intention de fermer sa base de Winnipeg. Ce qui suscita de véhémentes protestations. La fermeture allait causer probablement la perte de plus de 1 000 emplois qualifiés dans la région de Winnipeg. À cette époque, les principaux travaux de révision et d'entretien effectués à la base d'Air Canada à Winnipeg concernaient sa flotte d'appareils Vis count.
Le premier ministre de l'époque, fin 1963 début 1964, déclara que la politique du gouvernement consistait à chercher d'une façon ou d'une autre à maintenir la base de Winnipeg en activité. Une commission royale d'enquête fut constituée et saisie de l'affaire. Elle fit certaines recommanda- tions. Mais les négociations qui suivirent, afin d'en arriver à une solution acceptable pour maintenir ouverte la base de Winnipeg, échouèrent.
Au début d'octobre 1967, Air Canada annonça que sa flotte d'appareils Viscount serait, vers 1970, réduite à un point tel qu'il faudrait fermer la base de Winnipeg. Cette annonce suscita des rencontres entre le ministre fédéral des Transports et la pro vince du Manitoba. Il en résulta ce qui suit (voir pièces P. 150 et 151):
[TRADUCTION] (1) Le ministre des Transports confirmait l'engagement antérieur du premier ministre, mais rappelait que cela ne signifiait pas nécessairement la continuation des opérations d'Air Canada quoique cela requérerait nul doute un appui substantiel d'Air Canada.
(2) On demandait à Air Canada de réexaminer ses besoins en révision d'appareils à la lumière du changement de cir- constances survenu depuis la remise du rapport de la Com mission royale.
(3) Un groupe de travail intergouvernemental était constitué afin d'étudier les solutions diverses proposées.
On me permettra une digression afin de rappor- ter brièvement l'évolution des compagnies deman- deresses. CAE, Canadian Aviation Electronics Ltd., a été fondée en 1947. Jusque vers 1960 environ, son champ principal d'occupation était, dans le domaine de la défense, l'électronique d'aé- ronautique. Après 1960, elle diversifia ses activi- tés. En 1966, elle avait sept divisions opérationnel- les agissant dans toutes sortes de domaines.
À la date de l'instruction, CAE était, et avait été, essentiellement une société de gestion et un holding. Elle comportait seize filiales en opération. Elle était une sorte de superconseil d'administra- tion de ses filiales.
L'une des filiales de CAE, la société Northwest Industries Limited (ci-après «Northwest»), s'adon- nait depuis les années 1950 à la réparation et à la révision d'avions, surtout d'appareils militaires, à Edmonton.
En 1967, M. C. D. Reekie était président et président-directeur général de CAE. Au cours de l'été de cette année-là, M. G. T. Rayner, le direc- teur de la Direction de l'aéronautique et de l'es- pace aérien du ministère de l'Industrie, demanda à le voir. Il voulait savoir si CAE serait intéressée à conclure des arrangements en vue de l'utilisation de la base de Winnipeg après le départ d'Air Canada.
Reekie consulta ses subordonnés. CAE se montra intéressée. En octobre 1967, CAE soumit un projet «embryonnaire». Ce projet impliquait Northwest.
Les négociations se poursuivirent alors. Il ne s'agissait pas uniquement de négociations avec les fonctionnaires et les ministères fédéraux, il s'agis- sait aussi de négociations, quant à l'accord de prise en charge, avec Air Canada.
Dans le cadre de ces développements, le person nel de CAE, les représentants d'Air Canada et d'autres personnes participèrent à diverses assem blées du groupe de travail intergouvernemental, en 1968.
Le 24 février 1968, Northwest soumettait for- mellement un projet de [TRADUCTION] « ... prise en charge de la base d'entretien d'Air Canada à Winnipeg» (pièce P. 8). Northwest stipulait, notamment, que le ministère de la Défense natio- nale (MDN) s'engageait à fournir, pour un nom- bre d'années convenu, au moins 300 000 heures directes de travail par année. Le projet prévoyait une contribution de Northwest, du MDN (outre les 300 000 heures) et d'Air Canada. Celle-ci con- fierait la réparation et la révision de ses appareils Viscount, tant que ces appareils demeureraient en service, aux nouveaux exploitants.
Le projet ne donna lieu à aucune réponse écrite.
Le 28 mai 1968 se réunit le groupe de travail fédéral-provincial à Ottawa.
Reekie et le président de Northwest, M. E. L. Bunnell, assistèrent à une partie de l'assemblée. Ils expliquèrent le projet de Northwest. Reekie déclara que Northwest n'était pas intéressée, si elle assumait la prise en charge, à avoir à fermer la base pour insuffisance de travail. Il fallait lui assurer au moins 300 000 heures-travail par année, pour sept ans, d'une source quelconque, et ce en sus des travaux que lui confierait Air Canada et de ceux que générerait Northwest elle-même. Les gens de Northwest, à l'assemblée, donnèrent une liste des travaux que le MDN pourrait leur confier.
Quelque temps après, Northwest fit savoir à Rayner que 700 000 heures directes de travail par année seraient nécessaires à une exploitation viable. Lors de l'échec des négociations, on avait parlé de 300 000 heures par année qu'aurait four- niés le MDN.
Le procès-verbal du 27 juin 1968 du groupe de travail fédéral-provincial rapporte l'opinion de Rayner:
[TRADUCTION] ... les 300 000 heures de la nouvelle entreprise, que devra fournir le MDN en 1971, sont tout à fait insuffisan- tes vu les politiques officielles du gouvernement fédéral (pièce P. 10).
Mais d'autres négociations étaient prévues. Elles eurent lieu.
Air Canada rédigea certains projets d'accord et les soumit à Northwest. Northwest poursuivit ses pourparlers avec les fonctionnaires du gouverne- ment. Lors d'une assemblée subséquente du groupe de travail fédéral-provincial, le 23 juillet 1968, le procès-verbal rapporte que:
[TRADUCTION] Les négociations entre Air Canada et NWI suivent leur cours en ce qui a trait aux moyens par lesquels NWI pourrait prendre en charge les ressources physiques et en personnel d'Air Canada et effectuer des travaux pour Air Canada à Winnipeg. Toutefois, avant de conclure un accord avec Air Canada, NWI insiste pour qu'on lui fournisse l'assu- rance qu'elle obtiendra 300 000 heures-travail supplémentaires à compter de 1971 en sus des 400 000 heures-travail qu'elle prévoit obtenir d'Air Canada ou générer elle-même.
Au début de janvier 1969, Northwest soumettait formellement un projet à Air Canada. À la page 34 de ce document, on stipule:
[TRADUCTION] Nous devons répéter à nouveau qu'à moins d'un engagement ferme pour un total de 300 000 heures de production par an, jusqu'à 1976, nous ne serons pas intéressés à prendre en charge et à exploiter les installations d'entretien de Winnipeg. Notre projet, donc, est présenté sous la condition suspensive de l'engagement par Air Canada et le gouvernement canadien de fournir 300 000 heures de travail productif annuel- lement, jusqu'en 1976, en sus du travail que générera North west Industries Limited elle-même. Sans cet engagement, nous ne saurions promettre de maintenir un niveau d'emploi compa rable à celui existant, ni ne pouvons-nous prétendre développer une industrie saine et durable au Manitoba.
Puis, M. E. L. Hewson, le directeur de la Direc tion de la politique en matière de transport et de recherche au ministère des Transports, demanda à M. Reekie d'exposer les demandes de CAE. Ce qui fut fait le 28 février 1969.
La lettre que j'ai mentionnée précédemment, signée par le ministre des Transports et contresi- gnée par les deux autres Ministres, fut la réponse envoyée à Reekie. Je reproduis ici cette lettre en entier:
[TRADUCTION] LE MINISTRE DES TRANSPORTS
Ottawa, le 26 mars 1969.
M. C.D. Reekie,
Président,
CAE Industries Ltd.,
C.P. 6166,
Montréal 3, P.Q.
Cher monsieur Reekie,
Le 28 février 1969, vous avez écrit à M. E.L. Hewson du
ministère des Transports pour demander certaines assurances
au sujet du projet d'achat de la base d'entretien d'Air Canada à
Winnipeg par Northwest Industries Ltd., une filiale de CAE
Industries Ltd. Vu l'accord signé par votre firme et par Air
Canada, le soussigné est autorisé à fournir les assurances
suivantes dans cette affaire:
a) Le gouvernement du Canada souscrit à l'objectif voulant que les niveaux d'emploi actuels soient maintenus et que tous les efforts possibles soient faits pour aider à développer une industrie aérospatiale viable et durable à Winnipeg.
b) Il reconnaît aussi, d'une part, que 700 000 heures-travail directes par an constituent un objectif réaliste si l'on veut faire de l'exploitation de ces installations une entreprise viable et, d'autre part, que les évaluations actuelles de la charge de travail future suggèrent qu'éventuellement les niveaux minimums fixés pourraient différer des niveaux réels
entre 1971 et 1976 moins que de nouveaux contrats de réparation et de révision ou de fabrication aérospatiales ne soient souscrits.
c) Le ministère de la Production de défense ne saurait garantir plus de 40 000 50 000 heures-travail directes par an dans la période 1971-1976 au titre de travaux de répara-
tion et de révision «réservés», mais le gouvernement du Canada s'emploiera de son mieux à obtenir le travail supplé- mentaire nécessaire d'autres ministères ou de sociétés de la Couronne afin de respecter l'objectif de 700 000 heures-tra vail directes.
d) Dans l'exécution de l'engagement souscrit en c) ci-dessus, le gouvernement du Canada reconnaît que tout travail sup- plémentaire confié à la base d'entretien de Winnipeg ne proviendra pas des contrats de travail gouvernementaux que Northwest Industries exécute actuellement à Edmonton.
e) Il donne en outre son agrément à ce que le bail liant actuellement Air Canada et le ministère des Transports sera cédé à NWI, aux conditions, financières et autres, actuelles, pour dix ans.
Veuillez accepter l'expression de mes sentiments distingués.
Paul T. Hellyer
Contresigné par:
L'honorable J.L. Pépin, Ministre du Commerce.
L'honorable D.C. Jamieson,
Ministre de la Production de défense.
J'extrais les termes importants sur lesquels s'ap- puient les demanderesses:
... le gouvernement du Canada s'emploiera de son mieux à obtenir le travail supplémentaire nécessaire d'autres ministères ou de sociétés de la Couronne afin de respecter l'objectif de 700 000 heures-travail directes.
Le Cabinet de l'époque avait, le 20 mars 1969, autorisé les trois Ministres à signer la lettre du 26 mars.
Un protocole d'entente intervenu entre North west et Air Canada fut signé le 2 avril 1969. Air Canada s'engageait, notamment, à fournir 100 000
heures-travail par an de 1971 1975, en sus de l'entretien des Viscount alors graduellement mis hors service.
La seconde demanderesse, CAE Aircraft Ltd. (ci-après «Aircraft») fut constituée le 7 avril 1969. Elle appartenait entièrement à CAE. CAE lui a fourni un capital de 100 000 $.
Plusieurs contrats, tous datés du ler septembre 1969, sont intervenus entre Air Canada et Aircraft.
L'un d'eux stipulait qu'Aircraft devait assurer l'entretien de ses appareils Viscount. On s'enga- geait en outre à fournir 100 000 heures-travail par
an de 1971 1975 inclusivement. Un autre pré- voyait la vente par Air Canada à Aircraft de certains outils et équipements pour un prix de
120 000 $. Un troisième stipulait la vente de cer- tains immeubles à Aircraft pour un prix de 300 000 $. Un quatrième prévoyait la fourniture, par Air Canada à Aircraft, de certains matériaux dans le cadre du programme relatif aux appareils Viscount.
Le 3 septembre 1969 fut signée une convention entre Air Canada, Northwest et Aircraft. Elle comportait plusieurs clauses stipulant, notamment, la cession, par Northwest à Aircraft, de l'accord conclu par Northwest le 2 avril 1969. Cet acte, on se le rappellera, portait sur l'entretien des Viscount et sur 100 000 heures-travail additionnelles par an.
Le 18 septembre 1969, la défenderesse a loué à Aircraft un terrain aéroportuaire.
Le 3 septembre 1969, les sociétés de CAE pre- naient en charge la base d'Air Canada. Aircraft commença ses opérations. Les choses allèrent rai- sonnablement bien pendant un certain temps mais, à compter de 1971, la charge de travail des deman- deresses diminua graduellement. À compter de cette époque et jusqu'à la mise en mouvement de l'instance, en 1975, les demanderesses ont toujours prétendu que le gouvernement fédéral n'avait pas respecté les engagements, qui le liaient, souscrits dans la lettre du 26 mars 1969. J'élaborerai ci-des- sous sur ces faits.
Il échet d'abord et surtout d'examiner si la défenderesse a conclu une convention valide et exécutoire avec CAE.
Les demanderesses prétendent que la lettre du 26 mars est l'aboutissement de longues négocia- tions, que cette lettre énonce les modalités de l'accord intervenu, que les parties entendaient se lier et qu'elles ont agi sur le fondement de ces modalités.
La défenderesse prétend, elle, que la lettre du 26 mars 1969 n'a pas, pour plusieurs raisons, créé d'obligation conventionnelle liant la Couronne.
D'abord, dit-on, les trois Ministres n'avaient pas le pouvoir de lier la Couronne par un contrat du genre invoqué; le pouvoir de lier la Couronne, même dans le cas des ministres, devait reposer sur une loi ou un décret; il n'y avait eu en l'espèce aucun décret; aucune des lois en cause n'attribuait
aux Ministres les pouvoirs nécessaires à la conclu sion d'un contrat de ce genre.
Cet argument de droit, avancé plusieurs années plus tard, voulant que n'ait jamais existé aucun lien conventionnel véritable est, à la lumière de tout ce qui s'est fait sur le fondement de la lettre du 26 mars, plutôt estomaquant. Affirmer que ces Ministres aient été incapables de lier le gouverne- ment, n'est-ce pas faire un affront aux citoyens ordinaires de notre pays? Si cet argument s'avérait fondé, tout l'exercice, depuis 1968 jusqu'à la rup ture entre les parties, n'aura été qu'une farce.
La preuve dont je suis saisi indique que divers hauts fonctionnaires, impliqués au cours des ans, plusieurs ministres et d'autres encore ont considéré l'arrangement comme obligatoire. Les témoigna- ges de MM. W. W. Reid et Arthur Bailey sont en ce sens. Reid, un haut fonctionnaire, fut étroite- ment associé à l'affaire du début à la fin. Il a proposé à plusieurs reprises certains programmes pour que l'engagement soit respecté. M. Bailey est le fonctionnaire que la Couronne a présenté en interrogatoire préalable. Il était, à cette époque, sous-ministre adjoint (gestion intégrée) au minis- tère des Approvisionnements et Services. Parlant des négociations dont la lettre du 26 mars fut le résultat, il a déclaré, les deux parties cherchant leur intérêt et ayant leurs motivations: [TRADUC- TION] «leurs volontés se rencontrèrent». Plus loin, il ajoute:
[TRADUCTION] ... manifestement le gouvernement et les trois Ministres concernés pensaient qu'il était de leur intérêt d'enga- ger des pourparlers et d'en arriver à un accord car, pensaient- ils, ils en retireraient quelque chose. [Q. 967: C'est moi qui souligne.]
Mais on soutient qu'il n'existe pas de convention obligatoire; je dois en juger.
La défenderesse fait valoir l'arrêt La Reine c. Transworld Shipping Ltd.' comme source de la règle voulant que le pouvoir d'un ministre de con- clure un contrat au nom de la Couronne ne lui soit attribué que par la loi ou un décret. Le juge en chef Jackett dit aux pages 163 et 164:
Avant d'examiner les questions soulevées en l'espèce, il y a lieu, à mon avis, de passer en revue d'une manière générale certaines considérations que l'on doit avoir à l'esprit quand se pose la question de savoir s'il y a un contrat entre le gouverne- ment du Canada et une autre personne dans un domaine
' [1976] 1 C.F. 159 [C.A.].
relevant de la compétence du ministère des Transports. Je pense aux points suivants:
a) le pouvoir d'agir au nom du Ministère,
b) le contrôle parlementaire,
c) le Règlement sur les marchés de l'État, et
d) l'article 15 de la Loi sur le ministère des Transports.
En ce qui concerne le pouvoir d'agir pour un ministère en matière de contrat, comme le pouvoir d'une personne passant un contrat en qualité de mandataire d'un particulier, si une personne contracte au nom de Sa Majesté, le mandataire doit avoir la capacité d'agir au nom de son commettant; et, s'agis- sant d'un gouvernement dans notre système de gouvernement responsable, un tel pouvoir est ordinairement conféré soit par une loi, soit par une ordonnance en conseil. A cet égard, on doit noter que les actes ordinaires du gouvernement au Canada sont répartis parmi des ministères créés par la loi, ayant chacun à sa tête un ministre de la Couronne chargé, de par la loi, de la «gestion» et de la direction de son ministère. A mon avis, sauf les restrictions légales qui peuvent par ailleurs être imposées, un ministre a légalement le pouvoir de passer les contrats d'usage, relatifs à cette partie de l'activité du gouvernement fédéral qui est assignée à son ministère. En ce qui concerne le ministère des Transports la disposition pertinente est l'article 3 de la Loi sur le ministère des Transports, ainsi libellé:
3. (1) Est établi un ministère du gouvernement du Canada, appelé ministère des Transports, auquel préside le ministre des Transports nommé par commission sous le grand sceau.
(2) Le Ministre a la gestion et la direction du ministère et occupe sa charge à titre amovible.
Si l'on admet a priori que le Ministre a légalement le pouvoir de passer des contrats dans le cadre de son ministère, il s'ensuit à mon avis que, sauf disposition légale contraire, ce pouvoir peut être et sera, dans le cours normal des choses, exercé par les fonctionnaires de son ministère. [C'est moi qui souligne.]
Le juge Thurlow (aujourd'hui juge en chef), avait déjà dit à peu près la même chose que le juge en chef Jackett dans l'espèce Walsh Advertising Company Limited v. The Queen 2 . La Cour suprême du Canada fut saisie de la question dans l'affaire J. E. Verreault & Fils Ltée c. Le procu- reur général de la province de Québec'. Dans cette affaire, un décret, signé par le lieutenant-gouver- neur du Québec, autorisait le ministre du Bien-être social à signer un contrat d'achat d'un bien-fonds. Le terrain devait servir à la construction d'un foyer pour personnes âgées. Le Ministre signa un contrat avec l'appelante pour la construction du foyer. Le
2 [1962] R.C.É. 115.
' [1977] 1 R.C.S. 41. Le juge en chef Davison analyse aussi la question de l'autorité réelle et manifeste des fonctionnaires de la Couronne dans l'arrêt Meates v. Attorney General, [1979] 1 NZLR 415 [S.C.]. Les faits dans cette affaire différaient fort de ceux en cause comme de ceux de l'arrêt Verreault.
gouvernement ayant changé, la province a voulu résilier le contrat de construction. On faisait valoir qu'aucun contrat exécutoire n'avait été conclu puisque le décret n'autorisait que l'achat du ter rain, non la construction d'un foyer. Le juge Pigeon, auteur de l'arrêt, dit que le contrat a été validement conclu sur le fondement de la loi orga- nique du département du bien-être social (L.Q. 1958-59, chap. 27). L'article 8 de cette loi portait qu'aucun contrat ou écrit n'engageait le départe- ment s'il n'était signé par le ministre ou son sous- ministre. L'article 10 portait que le lieutenant-gou- verneur en conseil pouvait autoriser le ministre à organiser des écoles et autres institutions adminis- trées par son département; il pouvait l'autoriser aussi:
... à acquérir, de gré à gré ou par expropriation, des terrains ou des immeubles nécessaires à ces fins.
Aux pages 45 à 49, le juge Pigeon dit:
Peut-on conclure de ces textes qu'en vertu des lois en vigueur le 7 juin 1960, le ministre du Bien-être social ne pouvait accorder un contrat de construction d'un immeuble destiné à servir de foyer pour personnes âgées sans l'autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil? Je ne le crois pas. Il faut bien noter tout d'abord, que l'art. 10 n'est pas en forme restrictive. Tout comme le c. 6, c'est une loi d'autorisation. Il n'en découle une restriction que dans la mesure où, en vertu des principes généraux du droit, une autorisation législative est nécessaire. Ainsi, en est-il de l'expropriation. Le droit d'exproprier est exceptionnel. Il n'existe donc qu'en vertu d'une disposition explicite.
Pour l'organisation d'institutions de bien-être social, la ques tion ne se pose pas de la même manière car un texte affirmatif de portée restreinte n'a pas, en général, pour effet d'écarter l'application d'une règle générale qui existe par ailleurs.
Il faut donc voir si vraiment, en l'absence d'une législation restrictive, un ministre est incapable de contracter au nom du Gouvernement. De la part de l'intimé, on nous a cité le passage suivant du récent ouvrage de Me René Dussault, Traité de Droit administratif canadien et québécois (p. 888):
... l'agent qui veut contracter pour le compte de l'adminis- tration doit être spécifiquement habilité à le faire: si la loi est la source des pouvoirs de l'Administration, elle en constitue aussi le cadre hors duquel celle-ci ne peut agir. Comme le soulignait le juge Thurlow, de la Cour de l'Échiquier du Canada (Walsh Advertising Co. Ltd. v. R., [1962] R.C.E. 115, 123-124):
[TRADUCTION] Il semble établi comme principe général qu'un ministre de la Couronne n'est pas habilité à signer des contrats au nom de la Couronne à moins qu'il n'y ait été autorisé par une loi ou un arrêté en conseil.
Avec respect, il me paraît que la vraie doctrine est exposée dans les passages suivants de l'ouvrage de Griffith et Street intitulé Principles of Administrative Law (3' éd. 1963, pp. 269-271):
[TRADUCTION] Le gouvernement des États-Unis n'est pas responsable d'un contrat signé par son représentant à moins que celui-ci n'ait été légalement autorisé ou qu'on n'y ait affecté des crédits suffisants pour l'exécuter. D'autre part, en Angleterre, les principes généraux du mandant s'appliquent aux fonctionnaires de l'État. Ils n'ont pas besoin d'autorisa- tion expresse pour engager leur mandat et ils ne sont pas personnellement responsables des contrats à moins qu'ils ne se soient obligés personnellement.
... On a coutume de dire que les contrats du gouvernement sont nuls si le Parlement n'y a pas expressément affecté de crédits. Cela vient d'une mauvaise interprétation des précé- dents, comme un jugement australien l'a reconnu. Cette interprétation repose surtout sur l'obiter dictum d'un seul juge dans Churchward v. Reg., (1865, 1 Q.B. 173, p. 209, M. le juge Shee). Cet énoncé a été profondément modifié, au cours du siècle, par plusieurs arrêts le vicomte Haldane a joué un rôle de premier plan. Nous estimons que la vraie règle est la suivante: Un contrat signé par un représentant du gouvernement agissant dans les limites de son mandat appa rent est un contrat valide obligeant le gouvernement; en l'absence de crédits affectés expressément ou implicitement au contrat par le Parlement, le contrat n'est pas exécutoire.
Sa Majesté est évidemment une personne physique, et je cherche en vain le principe d'après lequel les règles générales du mandat, y compris celles du mandat apparent, ne lui seraient pas applicables. A cet égard, la situation des ministres et autres fonctionnaires du Gouvernement est fondamentalement diffé- rente de celle des fonctionnaires municipaux. Dans notre sys- tème, les municipalités sont des créatures de la loi, par consé- quent, la doctrine de l'ultra vires doit recevoir sa pleine application.
Revenant maintenant à l'affaire Walsh Advertising, il faut noter que la décision a été rendue sous le régime de la Loi sur l'Administration financière S.R.C. 1952, c. 116. Dans cette espèce de code sur le sujet, on trouve relativement aux contrats du Gouvernement des dispositions restrictives sur lesquelles il y avait lieu de s'appuyer sans qu'il soit vraiment nécessaire de recourir aux principes généraux. Comme l'a signalé l'avocat de l'appelante à l'audition, ce n'est qu'en 1961 que la Législature du Québec a décrété des dispositions analogues à celles de cette loi fédérale (1960-61 (Qué.), c. 38).
Selon moi, dans l'arrêt Verreault, la Cour suprême a montré que l'interprétation selon laquelle les contrats administratifs ne sont valides que si autorisés par un décret ou par la législation était trop restrictive.
L'avocat de la défenderesse a cherché à minimi- ser la portée des termes de l'arrêt Verreault, qui ne ferait que répéter ce que l'arrêt Transworld et la jurisprudence antérieure auraient dit.
Je ne saurais souscrire à cette analyse.
La Cour suprême a, à mon avis, trouvé le pou- voir de contracter apparent et manifeste dans la législation québécoise pertinente. Aucun décret exprès, aucune loi expresse, ni aucune disposition légale expresse n'était nécessaire. Le pouvoir exis- tait par implication.
Le procureur de la défenderesse a ensuite ana- lysé les diverses lois organisant les ministères que géraient et dirigeaient les trois Ministres signatai- res de la lettre du 26 mars. On ne trouvait dans aucune de ces lois, soutenait-on, le pouvoir de conclure un contrat portant fourniture d'heures- travail pour une période future.
Cette interprétation est, à mon avis, par trop étroite.
L'article 15 de la Loi sur la production de défense, S.R.C. 1952, chap. 62, modifiée, confère au Ministre le pouvoir, notamment, de:
15....
b) fabriquer ou autrement produire, parachever, assembler, traiter, développer, réparer ou entretenir des approvi- sionnements de défense ou administrer et exploiter des facilités à cette fin;
d) prendre des dispositions en vue de l'accomplissement de services professionnels ou commerciaux;
g) accomplir tout ce qui, de l'avis du Ministre, est acces- soire, nécessaire ou utile aux matières mentionnées dans les dispositions précédentes du présent article, ou toute chose que le gouverneur en conseil peut autoriser en ce qui regarde la fourniture, la construction ou l'aliénation d'approvisionnements de défense ou d'entreprises de défense.
L'article 17 de cette Loi autorise le Ministre à conclure des contrats d'exécution de tout ce qu'il est autorisé à accomplir selon l'article 14 ou 15.
Donnant aux articles pertinents de la Loi sur la production de défense un sens raisonnable et une interprétation libérale, j'en déduis que le Ministre avait le pouvoir de conclure un contrat pourvoyant à ce qui est prévu à l'alinéa 15b), y compris un engagement pour un nombre quelconque d'heures de travail. Dans la lettre du 26 mars, le Ministre n'a fait que s'engager à fournir du travail concer- nant les «approvisionnements de défense», dont les aéronefs et les installations qui leur sont nécessai-
res. Au lieu de spécifier certains projets de travaux précis, un engagement général de fournir du tra vail, en termes d'heures, a été donné. Cette inter- prétation large de l'alinéa 15b) donne, à mon avis, un fondement à la lettre du 26 mars.
Mes conclusions à cet égard visent non seule- ment les 40 000 à 50 000 heures-travail directes garanties, en réparation et en révision «réservées» par le MPD, mais aussi tout le travail supplémen- taire fourni par ce Ministère et contribuant à l'objectif de 700 000 heures.
Je n'oublie pas l'alinéa 17(1)d) qui porte qu'au- cun contrat ne saurait être conclu sans l'approba- tion du gouverneur en conseil. Il faut appliquer l'arrêt Verreault. Il y avait ici, selon moi, approba tion tacite, voire manifeste. Un décret en bonne et due forme n'était pas nécessaire.
J'en viens maintenant à la Loi sur le ministère des Transports, S.R.C. 1952, chap. 79, modifiée. Cette Loi ne concerne pas l'aéronautique. Les pouvoirs du Ministre en l'espèce découlaient de la Loi sur l'aéronautique, S.R.C. 1952, chap. 2, modifiée. Le paragraphe 3(2) de la Loi sur le ministère des Transports confie la gestion et la direction du Ministère au Ministre. L'alinéa 3d) de la Loi sur l'aéronautique impose au Ministre le devoir:
3. ...
d) de contrôler et d'administrer tous les aéronefs et tout l'équipement nécessaires à la direction des services de Sa Majesté;
L'avocat de la défenderesse a reconnu que ces dispositions constituaient une autorisation légale pour le Ministre de contracter en matière de répa- ration et de révision des appareils et du matériel du ministère des Transports. Mais, à nouveau, il faisait valoir l'interprétation restrictive selon laquelle l'autorité en cause n'incluait pas celle de conclure un contrat stipulant la fourniture d'une certaine quantité d'heures de travail à un tiers. Ici aussi, comme dans le cas de la Loi sur la produc tion de défense, la distinction me paraît trop ténue. Si le Ministre pouvait contracter quant à la répa- ration et à la révision des aéronefs de transport, je ne vois pas pourquoi il n'aurait pas pu convenir de fournir une certaine quantité d'heures-travail. Manifestement, le travail en cause portait sur les aéronefs appartenant au Ministère ou sur les autres aéronefs dont le Ministre avait la garde ou l'administration.
Enfin, il y a la Loi sur le ministère du Com merce, S.R.C. 1952, chap. 78. De par l'article 3, le Ministre a la direction et le contrôle du Ministère. L'article 5 dispose que:
5. Les fonctions et attributions du ministre du Commerce s'étendent à la mise à exécution des lois du Parlement du Canada et des arrêtés du gouverneur en conseil, concernant les matières qui se rattachent au commerce et à l'industrie en général, et qui ne sont assignées par la loi à aucun autre ministère du gouvernement du Canada, ainsi qu'à la direction de tous corps publics, fonctionnaires et préposés employés à l'exécution de ces lois et arrêtés.
La défenderesse fait valoir qu'aucune de ces dispositions légales n'autorisait la lettre du 26 mars.
Ce n'est pas mon avis.
Les arrangements souscrits dans la lettre minis- térielle peuvent, selon moi, fort bien relever de la rubrique «commerce», laquelle est fort large. Ce Ministère ne possédait aucun aéronef à lui. Il n'avait pas de direction aérospatiale. Il possédait de larges pouvoirs, pouvant servir, cela n'est pas inconcevable, à confier aux demanderesses certains travaux à effectuer sur des avions et, par là, un certain nombre d'heures-travail.
La défenderesse, s'appuyant sur l'absence de pouvoir exprès ou tacite dans les trois lois discu- tées, soutient que la seule source valable de l'acte du 26 mars était: a) un décret exprès; b) ou une loi d'exception autorisant ce contrat particulier. On allait même plus loin: il n'y avait aucune loi, de quelque genre que ce soit, en vigueur en 1969, autorisant la prise d'un semblable décret.
Par les motifs précités, je rejette les arguments de la défenderesse. La lettre, dans la mesure elle est conforme au droit des contrats, créait un contrat valide et exécutoire entre CAE et la défenderesse.
La défenderesse ajoute:
[TRADUCTION] ... la convention dont l'existence résulterait de la lettre n'est pas un contrat au sens strict mais la simple expression d'une intention de contracter dans l'avenir (»indéter- mination de l'objet du contrat»);
Une certaine jurisprudence, dont des espèces bien connues, a été citée comme source de la règle voulant qu'une convention dont un certain aspect,
ou des aspects, sont laissés indéterminés, ne consti- tue pas un contrat; les parties contractantes ne peuvent validement convenir qu'à l'avenir elles s'entendront sur un ou des éléments vitaux laissés pour l'instant indéterminés.
Le juge en chef de la Cour suprême [de la Colombie-Britannique], le juge Wilson, dans l'ar- rêt Diamond Developments Ltd. v. Crown Assets Disposal Corp. 4 , résume l'état du droit tel qu'éta- bli par les principaux arrêts de principe:
[TRADUCTION] Je citerai d'abord la règle énoncée par lord Dunedin dans l'arrêt May & Butcher, Ltd. v. The King, [1934] 2 K.B. 17, et confirmée par lord Wright dans l'arrêt G. Scammell & Nephew, Ltd. v. Ouston, [1941] A.C. 251, la p. 269:
Un contrat n'est valide que s'il est parfait, et un contrat parfait est un contrat est prévu tout ce qui est nécessaire et les parties n'auront rien à déterminer par accord ultérieur. Naturellement, il peut comporter un élément non encore déterminé, mais la détermination de cet élément ne doit pas supposer l'accord des parties.
Le juge Parker a bien circonscrit la règle en cause dans l'espèce Von Hatzfeldt-Wildenburg v. Alexander, [1921] 1 Ch. 284; le juge Judson la cite et l'approuve dans l'arrêt Calvan Consolidated Oil & Gas Co. Ltd. v. Manning (1959), 17 D.L.R. (2d) 1, à la p. 6, [1959] R.C.S. 253; de même le juge Bull, de la Cour d'appel, dans l'arrêt Block Bros. Realty Ltd. v. Occidental Hotel Ltd. (1971), 19 D.L.R. (3d) 194, la p. 198, [1971] 3 W.W.R. 51:
Il paraît être de bonne doctrine que si les papiers ou lettres constatant prétendument un contrat envisagent la conclusion d'un contrat ultérieur entre les parties, se pose alors une question d'interprétation, à savoir est-ce que la conclusion du contrat ultérieur constitue une condition ou une clause de l'accord ou s'agit-il de la simple expression du désir des parties quant au mode d'exécution de l'accord de leur volonté? Dans le premier cas, il n'y a aucun contrat exécu- toire, soit parce que la condition est purement potestative, soit parce que le droit ne reconnaît pas la convention par laquelle on s'engage à en conclure une autre. Dans le deuxième cas, il y a contrat obligatoire et l'on n'a pas à tenir compte de l'acte formel ultérieur.
La défenderesse soutient que la provision d'heu- res-travail ne pouvait se faire que dans des con- trats ultérieurs, relatifs à un aéronef précis. Il faudra alors, argue-t-on, négocier le prix de ces contrats. Il faudra décider si les demanderesses peuvent faire le travail. On ignorait la notion de programmes potentiels de travail en 1969; il fau- drait donc les établir plus tard. Tout cela,
° (1972), 28 D.L.R. (3d) 207 [C.S.C.-B.], à la p. 212. Voir aussi Canada Square Corp. Ltd. v. Versafood Services Ltd. et al. (1982), 130 D.L.R. (3d) 205 [C.A. Ont.].
disait-on, faisait que la lettre du 26 mars n'était pas un contrat ou, si l'on veut, n'était pas exécutoire.
Encore une fois, ce n'est pas mon avis.
L'accord souscrit par la défenderesse visait la fourniture d'un nombre fixe d'heures-travail par le MPD à quoi s'ajoutait l'obligation pour elle (la Couronne) de s'employer de son mieux à combler le fossé entre ce que les demanderesses obtenaient en termes d'heures par an de cette source et d'au- tres sources, et 700 000 heures. J'ai déjà résumé les lignes directrices de la convention. En droit strict, il n'était pas nécessaire de convenir d'autre chose. La défenderesse devait s'employer de son mieux à fournir les heures nécessaires. Quand devait-elle s'employer de son mieux? Quand cela serait nécessaire et uniquement si cela le devenait; c'était à la défenderesse de le discerner. Les néces- sités commerciales et pratiques exigeraient bien sûr que des consultations et des négociations au sujet du travail à fournir, jusqu'à combler un déficit de 700 000 heures, et de son coût, aient lieu. En fait c'est ce qui se produisit. Mais, en droit, aucun accord ultérieur n'était requis pour valider la lettre du 26 mars.
La lettre répond selon moi aux critères de l'arrêt May & Butcher, Ltd. v. The King, [[1934] 2 K.B. 17 (H.L.)]. Il y a eu accord de volontés. Rien n'a été laissé à régler par une convention ultérieure. Ce qui restait à déterminer ne devait l'être que par la défenderesse: la façon d'exécuter les obligations contractées. Cela ne dépendait pas de la conven tion de mars.
La défenderesse excipe ensuite de moyens tech niques. Quelle était, des demanderesses, la partie contractante? L'argument fait appel à l'ancien droit sur les cessions, de droit et d'equity, sur les droits conventionnels, sur le droit d'ester et sur les parties à mettre en cause.
Ce moyen se fonde sur la prémisse que la lettre ministérielle constatant la convention était adres- sée à Northwest, non à CAE ou à Aircraft.
Rayner, le directeur de la Direction de l'aéro- nautique et de l'espace aérien du ministère de l'Industrie avait d'abord contacté M. Bunnell de Northwest. Mais CAE, par l'intermédiaire de Reekie, fut impliquée immédiatement dans les
négociations. Il est vrai qu'à l'origine c'était Northwest qui devait prendre en charge la base d'Air Canada à Winnipeg. La proposition faite à Air Canada venait de Northwest. La convention du 2 avril 1969 fut conclue avec Northwest. Il y était stipulé:
[TRADUCTION] Tant que la présente convention n'aura pas été remplacée, en tout ou en partie, par d'autres contrats plus formels et plus précis, elle exprime la nature et la portée générales de l'ensemble du programme et l'esprit et l'intention dans lesquels les deux parties conclueront les conventions con- nexes (pièce P. 18: p. 1).
Toutefois, je crois Reekie lorsqu'il affirme dans son témoignage que du côté du gouvernement on savait, avant le 26 mars 1969, qu'une filiale de CAE autre que Northwest, pourrait être choisie.
Mais le document clé, la lettre du 26 mars, est adressée à CAE. Selon moi, CAE et Northwest sont devenues parties au contrat constaté par la lettre. Le cocontractant, c'est la défenderesse.
Les conventions formelles, en exécution de l'en- semble de l'arrangement, sont toutes, on se le rappellera, datées du 1" septembre 1969. Elles furent conclues avec Aircraft. CAE se portait cau tion dans deux de celles-ci. Deux jours plus tard, ici encore comme je l'ai déjà dit dans les présents motifs, Northwest cédait tous ses droits dans les conventions conclues avec Air Canada à Aircraft. CAE était partie à cet arrangement.
La lettre du 28 février 1969 que Reekie envoya à Hewson fut la véritable raison d'être de la lettre ministérielle du 26 mars. Dans la lettre de Reekie, on dit, au paragraphe 7:
[TRADUCTION] Le gouvernement acceptera de céder les baux des terrains en vigueur à Northwest Industries comme prévu dans notre projet soumis à Air Canada.
À cet égard, la lettre ministérielle énonce en réponse que le bail en vigueur concédé par le ministère des Transports à Air Canada sera cédé à Northwest, pour dix ans, aux conditions financiè- res existantes. Le 18 septembre 1969, la défende- resse loua un terrain, pour fins d'aéroport, non à Northwest, mais à Aircraft. Quoique la preuve administrée à cet égard ne soit pas des plus claires, ce bail semble avoir été contracté en exécution de l'arrangement locatif convenu. Ce qui confirme que les parties traitaient avec CAE et Aircraft. Northwest n'était plus en cause.
Je ne doute nullement qu'il y ait eu cession, au moins en equity, par Northwest à Aircraft, de tous les droits que Northwest détenait en vertu du contrat du 26 mars. Et également, il n'y a aucun doute que tous ceux qui étaient concernés savaient que c'était Aircraft qui allait reprendre l'exploita- tion de la base de Winnipeg.
La défenderesse fait valoir que Northwest aurait être demanderesse; il n'y avait eu aucune ces sion écrite ayant force de droit; même s'il y avait eu cession en equity, il fallait néanmoins que Northwest soit partie à l'instance. On citait cer- tains extraits de la 9e édition du Cheshire and Fifoot's Law of Contract.
Je préfère, et fais miennes, les vues de Chitty dans Chitty on Contracts (24e éd., vol. 1), au paragraphe 1169:
[TRADUCTION] 1169 Effet juridique de la cession, en equity, d'un bien incorporel. Antérieurement au Judicature Act de 1873 la cession d'un bien incorporel, en droit, ne pouvait normalement recevoir d'effet, si ce n'est au nom du cédant, puisque l'effet devait être sanctionné par les juridictions de common law, qui ne reconnaissent comme capable d'ester que le cédant. Après l'adoption du Judicature Act, on a jugé que, certes les cessions en droit de biens incorporels, en dérogation à la législation, conservaient leur validité en equity, mais le cédant et le cessionnaire devaient toujours être tous deux parties à l'instance. Lorsque la cession n'était pas légale, parce que le cédant n'avait pas complètement aliéné son droit, (par ex. lorsque l'aliénation est sous forme de charge uniquement ou comme partie d'une créance) cette règle a sa raison d'être puisqu'elle assure la mise en cause de toutes les parties intéressées au bien. Mais, lorsque le cédant ne conserve aucun droit dans le bien incorporel et que la cession ne fait qu'être contraire à la législation, c.-à-d. lorsqu'elle n'est pas par écrit, l'obligation de rendre le cédant partie à l'instance ne semble plus servir pareille fin si les vues précitées quant à l'effet, en equity, des cessions sont acceptées.
Toutefois, on notera que le débiteur peut renoncer à l'obligation de mettre en cause le cédant et, de toute façon, les règles de la Cour suprême portent maintenant qu'aucun droit d'action ne saurait être décliné pour absence de mise en cause d'une partie, la Cour pouvant ordonner la mise en cause de la partie en question.
La mise en cause de Northwest à titre de partie demanderesse ne servirait à mon avis aucune fin utile. D'ailleurs les Règles de cette Cour [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663] portent que:
Règle 1716. (1) La validité d'une action n'est pas affectée à cause d'une fausse constitution de partie ou de l'omission de mettre une partie en cause, et la Cour peut dans toute action
disposer des points ou des questions en litige dans la mesure ils touchent aux droits et intérêts des personnes qui sont parties à l'action.
Je vais donc statuer sur les points en litige dans la mesure ils influent sur les droits des parties actuellement en cause.
Sur le second point: quelles sont les conditions du contrat?
On les retrouve dans la lettre du 26 mars. Les voici résumées:
(1) Les parties convenaient que les 700 000 heures-travail directes par année constituaient un objectif réaliste pour une bonne exploitation, objectif qui maintiendrait les niveaux d'emploi de 1969.
(2) Le MPD garantissait 40 000 50 000
heures-travail directes de 1971 1976 au titre
de travaux de révision et de réparation «réser- vés». J'ajoute que c'était une garantie sans réserve; si le MPD, afin d'exécuter son obliga tion, se voyait forcé d'enlever des commandes à d'autres, c'était son affaire; il n'y avait dans la convention de mars aucune stipulation contraire.
(3) Le gouvernement du Canada (défendeur en l'espèce) convenait de s'employer de son mieux à obtenir d'autres ministères et sociétés de la Cou- ronne le travail supplémentaire nécessaire pour combler toute carence, jusqu'à 700 000 heures par année, pour les années 1971 à 1976.
Il n'est pas nécessaire de résumer les alinéas d) et e) de la lettre ministérielle.
Avant de statuer sur l'inexécution du contrat, je statuerai sur la stipulation primordiale, sur l'obli- gation de moyen, de «s'employer de son mieux».
Le juge A. T. Lawrence, siégeant à la Commis sion des chemins de fer et des canaux, interpréta une expression semblable, [TRADUCTION] «faire tout son possible», dans l'espèce Sheffield District Railway Company v. Great Central Railway Company 5 :
5 (1911), 27 T.L.R. 451 [Comm. des chemins de fer et des canaux] à la p. 452. Voir aussi: Terrell v. Mabie Todd & Coy Ld. (1952), 69 R.P.C. 234 [Q.B.D.] à la p. 237; Randall v. Peerless Motor Car Co., 99 N.E. 221 (1912) [S.C. Mass.] à la p. 226 ([TRADUCTION] «mettre toutes ses énergies à»); In Re Heard (1980), 6 B.R. 876 aux pp. 883 et 884 ([TRADUCTION] «de son mieux»).
[TRADUCTION] Les intimés prétendent invoquer la jurispru dence de la Cour interprétant d'autres expressions dans des circonstances différentes. Nous pensons que rien n'est plus trompeur que cet usage des précédents. Nous pensons que «de son mieux» veut dire ce que les mots veulent dire: cela ne veut pas dire ne pas avoir fait de son mieux. Nous sommes tout à fait d'accord avec M. Balfour Browne; ces termes ne sauraient être interprétés comme signifiant que Great Central doit remet- tre la moitié ou quelque autre portion bien définie de son commerce au district de Sheffield. Ils ne signifient nullement que Great Central doive gérer son entreprise de façon à nuire à ses partenaires et à les diriger vers des avenues concurrentes. Ils ne signifient pas que l'on doive dépasser les limites de la raison pour ce qui est du coût du service. Mais, ceci dit, ces mots signifient que Great Central Company doit, généralement par- lant, ne laisser aucune avenue inexplorée dans le but de favori- ser le développement du trafic sur la ligne du district de Sheffield.
Voici le principal point litigieux suivant: le res pect par la défenderesse de la convention. Dans les termes de l'arrêt Sheffield: la défenderesse a-t-elle fait moins que «de son mieux»? A-t-elle laissé certaines avenues inexplorées dans ses tentatives pour combler au profit des demanderesses toute carence en matière d'heures-travail directes, jus- qu'à concurrence de 700 000 par année.
La preuve administrée démontre clairement deux choses: la garantie du MPD de 40 000 à 50 000 heures directes n'a été respectée qu'au cours de l'année 1972-1973. L'obligation de moyen, de s'employer de son mieux, n'a pas joué au cours de l'année 1971-1972; Aircraft a atteint son objectif de 700 000 heures à partir d'autres sources. Mais, pour les quatre années suivantes il y a eu carence.
J'en conclus que la défenderesse n'a pas, comme énoncé dans le paragraphe précédent, fourni le travail convenu, en provenance du MPD, pour quatre des cinq années en question. Au sujet de l'engagement des 700 000 heures, j'en suis venu aussi à la conclusion que la défenderesse ne s'est pas, par le biais du gouvernement du Canada, employée de son mieux à combler toute carence jusqu'à 700 000 heures.
[Note de l'arrêtiste: L'arrêtiste a choisi d'abréger les présents motifs de jugement en raison de la faible valeur jurisprudentielle de la partie suppri- mée et par souci d'économie d'espace. La partie qui a été omise a trait à l'étude de la preuve administrée à l'appui de la conclusion selon laquelle le gouvernement ne s'est pas employé de
son mieux à combler la carence de travail à la base de Winnipeg, et au calcul des dommages-intérêts qui s'élèvent à 4 300 000 $.]
Dans l'exposé du litige convenu entre les parties, une solution de rechange avait été prévue pour le cas il aurait été jugé qu'il n'existait aucun contrat valide et exécutoire entre CAE et la défen- deresse. Alors, les demanderesses auraient fondé leur demande sur les [TRADUCTION] «fausses et négligentes affirmations» de la défenderesse. Comme j'ai jugé qu'il y avait contrat valide et exécutoire, et inexécution de celui-ci, il n'est pas nécessaire de traiter de cette question de «fausses et négligentes affirmations».
Les demanderesses auront droit aux dépens de l'action.
Les avocats des demanderesses rédigeront le dispositif formel qu'ils soumettront à l'agrément de ceux de la défenderesse. À défaut d'accord, je fixerai moi-même ce dispositif.
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