Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A-19-82
Procureur général du Canada (requérant)
c.
Teresa Stevenson (intimée)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juge Le Dain et juge suppléant Clement -Toronto, 17 janvier; Ottawa, 7 mars 1983.
Assurance-chômage - Prestations de maternité - Période normale de prestations établie en faveur de l'intimée le 13 septembre 1979 - Celle-ci a touché des prestations jusqu'à ce qu'elle commence un nouveau travail le 29 avril 1980 - Enfant devant naître le 23 mai 1980; le 25 mai - L'intimée n'avait pas droit à des prestations pendant la période de huit semaines qui a précédé la date prévue de son accouchement ni pendant la période de six semaines qui a suivi la semaine de la naissance - On peut encore se fonder sur l'analyse du juge Ritchie dans l'arrêt Bliss - L'expression «fait la preuve de sa grossesse» employée à l'art. 30(1) signifie qu'une femme réclame des prestations parce qu'elle est en chômage et enceinte - Il n'est pas nécessaire qu'elle soit capable de travailler et disponible à cette fin - Contrairement à l'affaire Bliss, l'intimée a exercé un emploi ou a touché des prestations pendant une période de dix semaines, comme le prévoit l'art. 30(1) - La période d'admissibilité prévue à l'art. 30(2)a) et b) n'est pas nécessairement la même que celle mentionnée à l'art. 46 - La période d'admissibilité commence la semaine de l'accouchement si une femme travaille jusqu'à la naissance de son enfant - La période d'admissibilité de l'intimée a com- mencé huit semaines avant la semaine prévue de son accouche- ment - Le travail effectué avant la naissance ne prolonge pas la période d'admissibilité en raison de la limite fixée par l'art. 30(2)b)(ii) - Aucune prestation ne peut être versée pour une semaine faisant partie de la période d'admissibilité à moins qu'il ne s'agisse de «l'une des quinze premières semaines pour lesquelles les prestations sont demandées et payables au cours de sa période de prestation» - «Sa période de prestation» est la période définie par les art. 2, 19, 20 - L'art. 30(2)b)(ii) désigne la même période - L'intimée avait déjà touché des prestations pendant 15 semaines avant la période d'admissibi- lité - La décision est infirmée et l'affaire renvoyée au juge- arbitre - Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970- 71-72, chap. 48, art. 2 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 26(1),(6)), 16(1)a), 17, 19, (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 32), 20 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 33), 25, 30(1) (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 38(1)), (2) (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 66, art. 22 et par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 38(2)), 32 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 40), 46 - Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, chap. 44 [S.R.C. 1970, Appendice III, art. 1b)J - Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28.
L'intimée a travaillé pendant une période de trente-deux semaines, c'est-à-dire du 6 novembre 1978 au 15 juin 1979, avant de quitter son emploi. Elle a touché des prestations d'assurance-chômage jusqu'à l'expiration d'une période de pres- tations découlant d'un emploi antérieur. Le 13 septembre 1979, l'intimée a déposé une nouvelle demande et elle a bénéficié d'une nouvelle période de prestations calculée sur la base de
trente-deux semaines de travail. Sauf pendant une période de deux semaines au cours de laquelle elle a exercé un emploi, l'intimée a touché des prestations au cours de cette nouvelle période jusqu'au 29 avril 1980, date à laquelle elle a commencé un nouveau travail. L'enfant dont elle devait accoucher le 23 mai 1980 est le 25 mai. La période de huit semaines précédant la semaine l'intimée devait accoucher a donc commencé le 23 mars 1980. Lorsqu'on a découvert qu'elle avait touché des prestations pendant plusieurs semaines au cours de cette période de huit semaines, on lui a fait savoir que «les prestations de maternité ne sont versées que durant les quinze premières semaines de la période au cours de laquelle les prestations sont demandées et payables»; qu'avant le 23 mars, elle avait déjà touché des prestations pendant une période de quinze semaines la suite de la demande qu'elle avait déposée le 13 septembre 1979); qu'elle n'avait donc pas droit aux prestations pour la période de huit semaines commençant le 23 mars et qu'elle devrait rembourser les sommes qu'elle a tou chées relativement à cette période. Le juge-arbitre a infirmé la décision du conseil arbitral qui avait décidé que l'intimée n'avait pas droit aux prestations pour la période commençant huit semaines avant la date prévue de l'accouchement et se terminant six semaines après la semaine de la naissance de l'enfant.
Arrêt: l'intimée n'avait pas droit à des prestations au cours de cette période («la période déterminée à l'article 46»), et l'affaire est renvoyée au juge-arbitre pour qu'il statue sur l'appel en tenant compte de la présente décision. On peut encore se fonder sur l'analyse faite par le juge Ritchie dans l'affaire Bliss concernant les conditions d'admissibilité et de non-admissibi- lité. Il n'est pas nécessaire qu'une femme «qui fait la preuve de sa grossesse» conformément au paragraphe 30(1)—c'est-à-dire qui réclame des prestations parce qu'elle est en chômage et enceinte—soit capable de travailler et disponible à cette fin pour avoir droit aux prestations. Toutefois, il est encore prévu qu'en vertu de l'article 46 de la Loi, on ne peut toucher de prestations en ce qui concerne la période déterminée à cet article, si ce n'est en conformité de l'article 30. Le présent cas diffère de celui de l'affaire Bliss dans la mesure l'intimée en l'espèce a travaillé ou touché des prestations pendant dix semaines conformément au paragraphe 30(1). Par conséquent, contrairement à l'affaire Bliss, le présent cas porte non pas sur les conditions d'admissibilité prévues au paragraphe 30(1) mais plutôt sur les dispositions du paragraphe (2) qui déterminent la période au cours de laquelle les prestations sont payables à un prestataire admissible. Cette période d'admissibilité n'est pas nécessairement la même que celle qui est mentionnée à l'article 46. Le commencement et la fin de la période d'admissibilité sont déterminés, à première vue, par les alinéas 30(2)a) et b) respectivement. Suivant l'alinéa a), si une femme continue à travailler jusqu'à la naissance de son enfant, la période d'admis- sibilité commence la semaine de son accouchement. Cependant, comme l'intimée en l'espèce ne travaillait pas au début de la période de huit semaines précédant la semaine elle devait accoucher, la règle subsidiaire—c'est-à-dire le sous-alinéa a)(i)—s'applique de sorte que, toutes choses égales d'ailleurs, la période d'admissibilité de l'intimée aurait commencé la pre- mière de ces huit semaines. Il s'ensuit également que la date prévue au sous-alinéa b)(ii) était antérieure à celle qui est mentionnée au sous-alinéa b)(i), de sorte que la limite de la période d'admissibilité serait fixée à quatorze semaines après la
première de ces huit semaines. Par conséquent, le travail effec- tué par l'intimée dans le cadre de son nouvel emploi peu de temps avant la naissance de son enfant n'entre pas en ligne de compte. Il ne lui permettait pas de prolonger sa période d'ad- missibilité. Le problème le plus important découle cependant des dernières lignes du paragraphe 30(2) qui indiquent que, même si une semaine en particulier fait partie de la période d'admissibilité, on ne peut réclamer de prestations à moins que cette semaine ne soit «l'une des quinze premières pour lesquelles les prestations sont demandées et payables au cours de sa période de prestation.» (Souligné par l'arrêtiste.) On pourrait prétendre que l'expression «sa période de prestations» désigne la période d'admissibilité déterminée par les alinéas 30(2)a) et b). Cependant, l'article 2 et (par renvoi) les articles 19 et 20 définissent, d'une manière générale, la «période de prestations»; et si on tient compte notamment de l'historique du paragraphe 30(2), on peut conclure que c'est à la période de prestations définie dans ces dispositions que réfèrent les dernières lignes du paragraphe 30(2) ainsi que les termes du sous-alinéa 30(2)b)(ii). En l'espèce, «sa période de prestations» désigne donc la période de prestations qui a débuté le 13 septembre 1979. Lorsque l'intimée est arrivée à l'expiration de la période de huit semaines précédant la semaine prévue de son accouche- ment, elle avait déjà touché des prestations pendant quinze semaines (et plus) de cette période de prestations. Par consé- quent, aucune des semaines de la période d'admissibilité déter- minée par les alinéas 30(2)a) et b) n'était l'une des «quinze premières semaines» de cette période de prestations, ni ne permettait à l'intimée de toucher des prestations en vertu de l'article 30.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Bliss c. Le procureur général du Canada, [1979] 1 R.C.S. 183.
DÉCISION CITÉE:
McPherson c. Le procureur général du Canada, [1973]
C.F. 511 (C.A.).
AVOCAT:
Marlene Thomas pour le requérant.
Personne n'a comparu pour le compte de
l'intimée.
PROCUREUR:
Le sous-procureur général du Canada pour le requérant.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: La présente demande fondée sur l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2 ° Supp.), chap. 10] vise à faire examiner et annuler la décision rendue en vertu de la Loi de 1971 sur l'assurance-chô-
mage [S.C. 1970-71-72, chap. 48] par laquelle un juge-arbitre a accueilli l'appel formé par l'intimée contre la décision d'un conseil arbitral. Dans sa décision, le conseil a jugé que l'intimée n'avait pas droit aux prestations d'assurance-chômage durant la période qui débute huit semaines avant la semaine présumée de son accouchement et se ter- mine six semaines après celle de la naissance de son enfant.
Après avoir travaillé pendant une période de 32 semaines, c'est-à-dire du 6 novembre 1978 au 15 juin 1979, l'intimée a quitté son emploi, s'est mariée et a déménagé dans une autre ville pour y habiter avec son époux. Elle y a cherché un emploi et, entre temps, elle s'est prévalue d'une période de prestations antérieure et touché des prestations jusqu'à l'expiration de cette période. Le 13 septem- bre 1979, elle a déposé une nouvelle demande en se fondant sur l'emploi en question et, sauf pendant une période de deux semaines au cours de laquelle elle a exercé un emploi, elle a touché des presta- tions jusqu'au 29 avril 1980, date à laquelle elle a commencé à travailler pour la section locale du bureau d'assurance-chômage. L'enfant dont elle devait accoucher le 23 mai 1980 est le 25 mai 1980.
Quelques mois auparavant, elle s'était informée auprès du bureau d'assurance-chômage au sujet des prestations de maternité après que plusieurs employeurs éventuels eurent refusé de l'engager en raison de sa grossesse. Il semble qu'elle ait été mal informée à ce sujet par le commis à qui elle s'est adressée. Lorsqu'elle s'est informée de nouveau au moment elle a commencé à travailler le 29 avril, on a découvert qu'elle avait touché des pres- tations pendant plusieurs semaines au cours de la période de huit semaines qui a précédé la date prévue de son accouchement. Elle a reçu un avis lui disant ce qui suit:
[TRADUCTION] ... vous n'avez pas le droit de toucher des prestations de maternité en vertu du paragraphe 30(2) et de l'article 46 de la Loi sur l'assurance-chômage, puisque ces prestations ne sont versées que durant les 15 premières semai- nes de la période au cours de laquelle les prestations sont demandées et payables. Étant donné que vous avez touché des prestations pendant les 15 premières semaines, le paiement de toute autre prestation est suspendu à compter du 23 mars 1980. Vous pouvez avoir droit aux prestations normales d'assurance- chômage après la naissance de votre enfant.
On a également fait savoir à l'intimée qu'elle devrait rembourser les sommes qu'elle a touchées pendant les semaines qui ont suivi le 23 mars 1980.
En appel, la décision du fonctionnaire de la Commission a été confirmée par le conseil arbitral et subséquemment infirmée par le juge-arbitre dont la décision fait l'objet de la présente demande.
Avant de citer les dispositions législatives men- tionnées par le fonctionnaire de la Commission, et dont l'interprétation fait l'objet du présent litige, il sera utile de rappeler le cadre législatif dans lequel elles se situent. Le droit aux prestations d'assu- rance-chômage est prévu au paragraphe 17(1) qui est ainsi rédigé:
17. (1) Les prestations d'assurance-chômage sont payables, ainsi que le prévoit la présente Partie, à un assuré qui remplit les conditions requises pour recevoir ces prestations.
Même si les dispositions ont été modifiées depuis l'affaire Bliss', on peut encore se fonder sur l'ana- lyse faite par le juge Ritchie dans cette affaire, en ce qui concerne les conditions requises. Je note, incidemment, que la présente affaire, selon moi, ne porte pas sur la même condition exigeant qu'un emploi assurable soit exercé pendant dix semaines au cours de la période de vingt semaines comprise entre la trentième et la cinquantième semaine qui précèdent la date prévue pour l'accouchement, condition que l'intimée semble avoir remplie, mais qu'elle porte plutôt sur le libellé du paragraphe 30(2) qui a été modifié depuis l'affaire Bliss. Ce libellé sera examiné plus loin.
Voici ce qu'a déclaré le juge Ritchie dans l'af- faire Bliss [aux pages 186 et 187]:
Les conditions fondamentales à remplir pour recevoir des prestations sont définies à l'art. 17 de la Loi:
17. (2) Un assuré remplit les conditions requises pour recevoir des prestations en vertu de la présente loi
a) s'il a exercé un emploi assurable pendant huit semaines ou plus au cours de sa période de référence, et
b) s'il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son emploi.
Sur cette assise large se greffent un grand nombre de causes de non-admissibilité, dont la plus générale est formulée à l'art. 25, de la façon suivante:
' Bliss c. Le procureur général du Canada, [1979] 1 R.C.S. 183.
25. Un prestataire n'est admissible au service des presta- tions pour aucun jour ouvrable d'une période initiale de prestations pour lequel il ne peut prouver qu'il était
a) soit capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d'obtenir un emploi convenable ce jour-là,
b) soit incapable de travailler ce jour-là par suite d'une maladie, blessure ou mise en quarantaine prévue par les règlements.
D'autres restrictions sont énumérées à l'al. 16(1)a) qui défi- nit le mot «inadmissible:
16. (a) «inadmissible» signifie inadmissible en vertu de l'un ou l'autre des articles 23, 25, 29, 33, 36, 44, 45, 46 ou 54 ou en vertu d'un règlement;
L'article que vise ce pourvoi est l'art. 46 qu'il faut, à mon avis, examiner en corrélation avec l'art. 30, pour mieux en déterminer le sens et le but. Ces deux articles traitent du droit des femmes à des prestations pendant une période donnée de la grossesse et après l'accouchement. Il convient de rappeler qu'a- vant la révision de la Loi en 1971, aucune prestation n'était payable aux femmes qui n'étaient pas capables de travailler ni disponibles à cette fin pendant cette période, même si la grossesse et l'accouchement ne les privaient pas du droit aux prestations ordinaires tant qu'elles étaient capables de travailler et disponibles à cette fin aux termes de l'art. 25.
Après avoir cité les articles 30 et 46, le juge a ajouté ce qui suit [aux pages 188 et 189]:
Ces articles ont inversé la situation antérieure de sorte que les femmes enceintes qui peuvent remplir les conditions fixées par le par. 30(1), peuvent recevoir les prestations spéciales prévues par ce paragraphe pour la période fixée au par. 30(2). Elle commence huit semaines avant la semaine présumée de l'accou- chement et se termine six semaines après la semaine de l'accou- chement. Ces prestations sont payables que la prestataire soit ou non capable de travailler et disponible à cette fin pendant cette période.
Toutefois, l'art. 46 prévoit clairement que les prestations supplémentaires payables à toutes les femmes enceintes aux termes de l'art. 30 sont assorties d'une restriction correspon- dante qui exclut une femme enceinte de toutes prestations payables en vertu de la Loi pendant la période d'au plus 15 semaines qui commence 8 semaines avant la semaine présumée de l'accouchement et se termine 6 semaines après la semaine de l'accouchement, si elle ne remplit pas la condition requise au par. 30(1). Ces deux articles lus ensemble, comme, à mon avis, ils doivent l'être, montrent bien que la condition principale du droit aux prestations en cas de «chômage causé par la grossesse» est la condition fixée par le par. 30(1) et qu'à moins d'avoir exercé «un emploi assurable pendant les dix semaines» requises, la prestataire n'a droit à aucune prestation pendant la période spécifiée à l'art. 46.
Pour l'appelante, «l'arrêt de la rémunération provenant de son emploi» est survenu quatre jours avant la naissance de son enfant, ce qui constitue manifestement un cas de «chômage causé par la grossesse», mais elle ne remplissait pas les condi tions requises au par. 30(1) lorsqu'elle a demandé les presta- tions d'assurance-chômage six jours plus tard. C'est pourquoi on les lui a refusées.
L'appelante soutient cependant qu'elle ne prétend pas aux prestations de grossesse en vertu de l'art. 30, mais qu'elle était capable de travailler et disponible à cette fin sans pour autant réussir à trouver un emploi convenable au moment de sa demande, de sorte que, n'eût été l'art. 46, elle aurait eu droit aux prestations ordinaires payables aux autres prestataires capables de travailler et disponibles à cette fin. Elle prétend donc que, dans la mesure cet article lui enlève le droit aux prestations, il doit être déclaré inopérant car il enfreint l'al. lb) de la Déclaration canadienne des droits puisqu'il constitue une discrimination en raison du sexe entraînant la négation du droit à l'égalité devant la loi à une catégorie particulière d'individus à laquelle appartient l'appelante.
Le juge Ritchie s'est ensuite penché sur La Déclaration canadienne des droits [S.R.C. 1970, Appendice III] et à cet égard, voici ce qu'il a déclaré [aux pages 190 et 194] :
Comme je l'ai souligné, les art. 30 et 46 constituent un code complet qui traite exclusivement de la question du droit des femmes à l'assurance-chômage pendant une période donnée de la grossesse et après l'accouchement; ces articles font partie intégrante d'une législation adoptée validement à des fins fédé- rales et ne visent que des cas dont les hommes sont exclus.
En résumé, je suis d'avis que l'art. 46 fait partie intégrante d'une législation valide édictée par le Parlement pour exercer sa compétence législative aux termes de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, et que la restriction du droit aux prestations imposée par l'article en cause doit être examinée à la lumière des prestations supplémentaires prévues par l'ensemble de la législation, et plus particulièrement par l'art. 30.
Lorsque la présente affaire a été introduite, les paragraphes 30(1) et (2) [mod. par S.C. 1974- 75-76, chap. 66, art. 22; 1976-77, chap. 54, art. 38] et l'article 46 prévoyaient ce qui suit:
30. (1) Nonobstant les articles 25 et 46 mais sous réserve des autres dispositions du présent article, des prestations sont paya- bles à une prestataire de la première catégorie qui fait la preuve de sa grossesse, si elle a exercé un emploi assurable pendant au moins dix semaines au cours de la période de vingt semaines immédiatement antérieure à la trentième semaine précédant la date présumée de son accouchement. Aux fins du présent article, les semaines pour lesquelles la prestataire de la pre- mière catégorie a reçu des prestations en vertu de la présente loi ou toutes semaines, visées dans un règlement, qui sont antérieu- res de plus de trente semaines à la date présumée de son accouchement sont censées être des semaines d'emploi assurable.
(2) Les prestations prévues au présent article sont payables à une prestataire pour chaque semaine de chômage comprise dans la période qui, en retenant la première en date des semaines en question,
a) commence
(i) huit semaines avant la semaine présumée de son accou- chement, ou
(ii) la semaine de son accouchement
et
b) se termine
(i) dix-sept semaines après celle de l'accouchement, ou
(ii) quatorze semaines après la première semaine les prestations sont demandées et payables au cours de toute période de prestations en vertu du présent article,
si cette semaine de chômage est l'une des quinze premières pour lesquelles les prestations sont demandées et payables au cours de sa période de prestations.
46. Sous réserve de l'article 30, une prestataire, en cas de grossesse, n'est pas admissible au bénéfice des prestations durant la période qui débute huit semaines avant la semaine présumée de son accouchement et se termine six semaines après celle de son accouchement.
D'après les faits en l'espèce, il me semble, comme je l'ai déjà indiqué, que l'intimée a exercé un emploi pendant la période requise de 10 semai- nes au cours de la période de 20 semaines compri ses entre la trentième et la cinquantième semaine précédant la date prévue de son accouchement et elle remplit ainsi les conditions du paragraphe 30(1), de sorte que son cas diffère de celui de l'affaire Bliss. Mais même si elle se conforme au paragraphe 30(1), elle n'a droit, au cours de la période indiquée à l'article 46, qu'aux prestations qui sont prévues par le paragraphe 30(2).
Il faut noter que la période au cours de laquelle les prestations sont payables en vertu du paragra- phe 30(2) n'est pas nécessairement la période men- tionnée à l'article 46. Une femme qui fait la preuve de sa grossesse, c'est-à-dire, si j'interprète bien le paragraphe 30(1), qui réclame des prestations parce qu'elle est en chômage et enceinte, a droit à des prestations, nonobstant le fait qu'elle n'est pas capable de travailler et disponible à cette fin, pour chaque semaine de chômage comprise dans la période qui commence (1) huit semaines avant la semaine présumée de son accouchement ou (2) la semaine de son accouchement, en retenant la pre- mière en date des semaines en question. Si une femme continue à travailler jusqu'à la naissance de son enfant, la période commence alors la semaine de son accouchement. Étant donné que l'intimée ne travaillait pas au moment la période de huit semaines a commencé, la huitième semaine est
donc, dans son cas, la première semaine pendant laquelle elle aurait peut-être pu toucher des presta- tions en vertu de l'article 30. Cela permet égale- ment, me semble-t-il, de limiter l'application de l'alinéa b), dans son cas, à la période mentionnée au sous-alinéa b)(ii), c'est-à-dire, quatorze semai- nes après la huitième semaine mentionnée à l'ali- néa a), ce qui fait un total de quinze semaines.
Si elle avait exercé un emploi au commencement de la huitième semaine, elle aurait peut-être pu remplir les conditions du sous-alinéa b)(i) et avoir droit aux prestations prévues à l'article 30 pendant plus longtemps que les six semaines qui ont suivi la semaine de la naissance de son enfant, puisqu'elle a effectivement travaillé pendant une brève période, peu de temps avant la naissance de son enfant. Mais selon moi, l'article 30 examiné en corrélation avec l'article 46 fait en sorte que cet emploi exercé au cours de la période mentionnée à l'article 46 n'a aucune incidence sur sa demande de prestations pour cette période.
La difficulté que présente la demande de presta- tions pour les huit semaines qui ont précédé la date prévue de son accouchement et les six semaines qui ont suivi la semaine de la naissance de son enfant découle non pas du libellé des alinéas 30(2)a) et b) mais des termes qui font suite à l'alinéa 30(2)b), c'est-à-dire:
... si cette semaine de chômage est l'une des quinze premières pour lesquelles les prestations sont demandées et payables au cours de sa période de prestations.
Le problème consiste en particulier à déterminer ce que signifie «sa période de prestations» dans cette partie du paragraphe.
L'article 2 de la Loi [mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, par. 26(1)] définit l'expression «période de prestations» comme la période visée aux articles 19 et 20. L'article 19 [mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 32] et les parties de l'article 20 [mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 33] qui nous intéressent prévoient ce qui suit:
Période de prestations
19. Lorsqu'un assuré, qui remplit les conditions requises aux termes de l'article 17, formule une demande initiale de presta- tions, on doit établir à son profit une période de prestations et des prestations lui sont dès lors payables, en conformité de la présente Partie, pour chaque semaine de chômage comprise dans la période de prestations.
20. (I) Une période de prestations débute le dimanche
a) de la semaine au cours de laquelle survient l'arrêt de rémunération, ou
b) de la semaine au cours de laquelle est formulée la demande initiale de prestations si elle est postérieure à celle de l'arrêt de rémunération.
(2) Sous réserve des paragraphes (7) à (9) et des articles 37 à 39, la durée d'une période de prestations est de cinquante-deux semaines.
(3) Il n'est pas établi une période de prestations au profit du prestataire si une période de prestations antérieure n'a pas pris fin.
(6) Une période de prestations prend fin à la première des dates suivantes:
a) la date à laquelle le prestataire n'a plus droit à des prestations au cours de sa période de prestations;
b) la date à laquelle la période se trouverait autrement terminée en vertu du présent article;
c) le prestataire a reçu cinquante semaines de prestations au cours de sa période de prestations; ou
d) la date à laquelle le prestataire
(i) demande de mettre fin à une période de prestations établie à son profit,
(ii) formule une nouvelle demande initiale de prestations, et
(iii) remplit les conditions qui lui donnent droit aux presta- tions prévues par la présente loi.
Ces dispositions déterminent sans aucun doute la période de prestations au cours de laquelle l'intimée a touché des prestations avant le 23 mars 1980, et si c'est le sens des mots «sa période de prestations» à la fin du paragraphe 30(2), il est manifeste qu'étant donné que la période de presta- tions de l'intimée remontait au 13 septembre 1979 et que cette dernière a touché des prestations pendant plus de quinze semaines au cours de cette période, aucune des huit semaines qui ont précédé la semaine elle devait accoucher n'a été l'une des quinze premières pour lesquelles les prestations sont demandées et payables au cours de «sa période de prestations». La question de savoir si l'expression «sa période de prestations» utilisée au paragraphe 30(2) vise sa «période de prestations» définie à l'article 2 est cependant obscurcie en raison de la présence, au sous-alinéa 30(2)b)(ii), de l'expression «toute période de prestations en vertu du présent article».
À première vue, on peut penser qu'il existe une période de prestations spéciale en vertu de l'article 30 et que l'expression «sa période de prestations»
apparaissant à la fin du paragraphe 30(2) désigne la même période, c'est-à-dire la période qu'on doit déterminer en applicant les alinéas a) et b) du paragraphe à chaque cas particulier, de façon à ce qu'une femme puisse se prévaloir de l'article 30 pour cette période, nonobstant l'article 46 et nonobstant le fait qu'elle ne peut se conformer à l'article 25 en prouvant qu'elle était capable de travailler et disponible à cette fin.
Je ne crois pas cependant que l'on puisse adopter cette interprétation.
On peut d'abord faire remarquer que si cette interprétation devait être adoptée, il semblerait que la modification apportée au paragraphe 30(2) dans S.C. 1976-1977, chap. 54, par. 38(2), produit un changement marqué et, me semble-t-il, peu probable en ce qui concerne l'effet antérieur du paragraphe. Le paragraphe adopté en 1971 dans la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970- 71-72, chap. 48, et modifié par S.C. 1974-75-76, chap. 66, art. 22, indiquait clairement qu'il s'agis- sait de la période [initiale] de prestations définie à l'article 2.
Le paragraphe 30(2) de la Loi de 1971 était ainsi rédigé:
30....
(2) Les prestations prévues au présent article sont payables à une prestataire pour chaque semaine de chômage comprise dans la plus brève des périodes suivantes:
a) la période de quinze semaines qui débute huit semaines avant la semaine présumée de l'accouchement, ou
b) la période qui débute huit semaines avant la semaine présumée de l'accouchement et qui prend fin six semaines après la semaine de l'accouchement,
si cette semaine tombe dans la période initiale de prestations établie pour la prestataire en application de l'article 20, à l'exclusion de tout complément établi en vertu de l'article 32.
Le paragraphe 30(2) a été abrogé par la loi de 1974-75-76 et remplacé par la disposition suivante:
30....
(2) Les prestations prévues au présent article sont payables à une prestataire pour chaque semaine de chômage comprise dans la période qui, en retenant la première en date des semaines en question,
a) commence
(i) huit semaines avant la semaine présumée de son accou- chement, ou
(ii) la semaine de son accouchement
et
b) se termine
(i) dix-sept semaines après celle de l'accouchement, ou
(ii) quatorze semaines après la première semaine les prestations sont demandées et payables en vertu du présent article,
si cette semaine de chômage tombe dans la période initiale de prestations établie pour la prestataire en application de l'article 20, à l'exclusion de tout complément établi en vertu de l'article 32.
Il semble que ces dispositions visaient à faire en sorte qu'une femme ne puisse recevoir les presta- tions prévues à l'article 30 pendant plus de quinze semaines au cours de sa période de grossesse et pendant la période de six semaines suivant la semaine de la naissance de son enfant.
Les termes «période initiale de prestations éta- blie pour la prestataire en application de l'article 20, à l'exclusion de tout complément établi en vertu de l'article 32» permettaient d'identifier la «période initiale de prestations» qui était définie et prévue à cette époque [par l'al. 2(1)(j) des S.C. 1970-71-72, chap. 48], par opposition au complé- ment de la période de prestations qui était prévu à l'article 32. Cette période a été abolie dans les modifications apportées dans S.C. 1976-77, chap. 54 [art. 40]. L'expression «période initiale de pres- tations» a également été éliminée par [le par. 26(6) de] ces modifications et la définition de la «période de prestations» dont il a déjà été fait mention est apparue [dans le par. 26(1)].
Même si l'actuel paragraphe 30(2) ne fait aucune mention de l'article 20, il peut être inter- prété comme se référant à la période de prestations définie à l'article 2 et il me semble que cette interprétation est plus conforme à la Loi et qu'il est préférable d'y avoir recours plutôt que d'inter- préter l'article 30 comme établissant une «période de prestations» différente de celle qui est définie aux articles 2, 19 et 20.
Il me semble également que l'ordre des mots du sous-alinéa 30(2)b)(ii) est quelque peu entortillé. Ce sous-alinéa ne peut et, à mon avis, ne doit pas être interprété comme se référant à une «période de prestations» prévue par l'article 30 mais plutôt: ... quatorze semaines après la première semaine les presta- tions sont demandées et payables en vertu du présent article [au cours de toute période de prestations.]
Je dis cela parce que l'expression «toute période de prestations» utilisée au sous-alinéa alors que, me semble-t-il, il ne pourrait y avoir qu'une seule période de prestations prévue par le paragraphe 30(2) pour ce cas particulier, indique qu'il s'agit non pas d'une «période de prestations» définie par ce paragraphe, mais d'une période de prestations définie à l'article 2.
Je conclus donc, avec une certaine réticence parce qu'il me semble en découler que l'intimée perdra son droit aux prestations, tout comme la requérante dans l'affaire McPherson 2 , juste au moment on semble en avoir le plus besoin, que les termes «sa période de prestations» apparaissant à la fin du paragraphe 30(2) désignent la période de prestations de l'intimée qui a commencé le 13 septembre 1979 et que par conséquent, elle n'avait pas droit aux prestations pour la période en question.
J'annulerais la décision et je renverrais la ques tion au juge-arbitre pour qu'il statue sur l'appel de l'intimée, étant entendu que celle-ci n'avait pas droit aux prestations d'assurance-chômage au cours de la période qui a commencé le 23 mars 1980 et qui s'est terminée six semaines après la semaine de la naissance de son enfant.
LE JUGE LE DAIN: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE SUPPLÉANT CLEMENT: Je souscris à ces motifs.
2 McPherson c. Le procureur général du Canada, [1973] C.F. 511 (C.A.).
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.