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T-8544-82
Association canadienne du contrôle du trafic aérien (demanderesse)
c.
La Reine représentée par le Conseil du Trésor (défenderesse)
Division de première instance, juge Collier— Ottawa, 21 septembre 1983 et le' février 1984; Vancouver, 3 juillet 1984.
Fonction publique Action visant à obtenir un jugement déclaratoire en vue (1) d'annuler la délibération du Conseil du Trésor parce qu'elle contrevient à la loi du 6 et 5 et (2) de donner droit aux contrôleurs du trafic aérien concernés à des ajustements rétroactifs de salaire Nouvelle convention col lective introduisant des échelles salariales distinctes pour deux catégories de contrôleurs Le Conseil a ensuite réalisé qu'une application à la lettre des art. 65 et 66 du Règlement aux mutations d'une catégorie à une autre pouvait entraîner des résultats insatisfaisants Le Conseil a réglementé unila- téralement la situation après que la demanderesse eut refusé d'étudier la proposition jusqu'au rétablissement de son droit de négocier Le Règlement s'applique à la situation Il n'y a pas de lacunes dans la convention permettant au Conseil de réglementer En modifiant le régime de rémunération le Conseil contrevient à la loi Il n'est pas certain que la Cour puisse prononcer un jugement déclaratoire en ce qui concerne les ajustements rétroactifs Jugement partiellement en faveur de la demanderesse Loi sur les restrictions salariales du secteur public, S.C. 1980-81-82-83, chap. 122, art. 2(1), 4, 6(1), 7 Loi sur l'administration financière, S.R.C. 1970, chap. F-10, art. 7(I)d),i) Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-35, art. 54 Loi sur les corporations canadiennes, S.R.C. 1970, chap. C-32 Règlement sur les conditions d'emploi dans la Fonction publique, DORS/67-118, art. 65, 66.
Dommages-intérêts Exemplaires ou punitifs Le Con- seil du Trésor a imposé unilatéralement les conditions énon- cées dans la délibération Modification du régime de rému- nération en contravention à la Loi Délibération jugée contraire à la loi Demande de dommages-intérêts exem- plaires rejetée Conduite non oppressive, arbitraire ou abu sive Loi sur les restrictions salariales du secteur public, S.C. 1980-81-82-83, chap. 122.
La demanderesse est l'agent négociateur accrédité de cer- tains contrôleurs du trafic aérien. Ces derniers sont divisés en deux catégories: les employés préposés à l'exploitation et les employés non préposés à l'exploitation. Chaque catégorie com- porte des niveaux différents, et plus le niveau est élevé plus le salaire l'est également.
Initialement, chaque niveau de la catégorie des employés préposés à l'exploitation donnait droit au même taux de salaire que le niveau correspondant de la catégorie des employés non préposés à l'exploitation. Une nouvelle convention collective a ensuite été signée. Aux termes de cette nouvelle convention, il y a une échelle de salaire distincte pour chacune des catégories. Il n'a pas été question au cours des négociations qui ont abouti à la convention, des taux de salaire qui seraient versés à un
employé muté d'une catégorie à l'autre; toutefois, après la signature de la convention, les agents du Conseil du Trésor ont réalisé que les mutations d'une catégorie à une autre faisant suite à l'introduction d'échelles de salaire distinctes pourraient entraîner des anomalies et des injustices si les articles 65 et 66 du Règlement relatifs aux taux payables à la suite de ces nominations étaient appliqués à la lettre. Le Conseil a fait une proposition à la demanderesse dans le but de résoudre ce problème.
La signature de la nouvelle convention collective a également été suivie de l'introduction de la Loi sur les restrictions sala- riales du secteur public (connue sous le nom de «la loi du 6 et 5»), dont l'effet a été de prolonger la convention. Elle interdisait en outre de modifier «les régimes de rémunération» prévus dans les conventions collectives et proscrivait, en termes généraux, la négociation collective en ce qui concerne ces régimes. La demanderesse a refusé d'examiner la proposition du Conseil tant qu'elle serait privée de son droit à la négociation collective. Le Conseil a ensuite adopté une délibération par laquelle il prétendait imposer unilatéralement les conditions prévues dans la proposition.
En l'espèce, la demanderesse réclame un jugement déclarant que la délibération du Conseil est contraire à la loi et inopé- rante, et un autre jugement déclarant que les contrôleurs du trafic aérien dont le salaire a été modifié par la délibération pendant qu'elle était en vigueur, ont droit à un réajustement rétroactif de leur échelle de salaire. Elle réclame aussi des dommages-intérêts exemplaires.
Jugement: le premier jugement déclaratoire est accordé; le second est refusé.
Le régime de rémunération prévu dans la nouvelle convention ne comporte aucune disposition explicite en ce qui concerne les modifications de salaire en cas de mutations d'une catégorie à une autre. Le Règlement s'applique néanmoins aux cas de rétrogradation, de promotion et de mutation sous le régime des anciennes conventions et de la nouvelle. Bien que le recours aux articles 65 et 66 puisse entraîner des résultats discutables et injustes que n'avaient pas prévus les parties à la convention, lesdits articles étaient applicables à la situation concernant les échelles de salaire distinctes. En conséquence, la convention ne comportait pas de lacunes en ce qui concerne les mutations d'une catégorie à une autre. On a soutenu qu'il n'existait pas de lacunes autorisant le Conseil à agir (unilatéralement) en vue de réglementer la situation en vertu de la Loi sur l'administration financière.
La loi du 6 et 5 interdisait de modifier le régime de rémuné- ration prévu dans la nouvelle convention collective. La délibéra- tion du Conseil a effectivement modifié le régime. Elle contre- venait donc à la loi, et les modifications qu'elle a apportées ne peuvent être confirmées.
Il n'est pas certain que la Cour puisse prononcer un jugement déclaratoire concernant l'ajustement rétroactif des échelles de salaire. On n'a pas identifié les membres de la demanderesse ni lesquels, parmi eux, ont vu leur salaire modifié. Dans chaque cas, on peut présenter des arguments distincts.
Quant aux dommages-intérêts exemplaires, rien ne permet en l'espèce d'accorder une indemnité de ce genre. En imposant de façon unilatérale les conditions énoncées dans la délibération, le
Conseil ne s'est pas conduit de façon oppressive, arbitraire ou abusive. Sa conduite n'a pas été outrageante au point de justifier une peine sous forme de dommages-intérêts exemplai- res.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Rookes v. Barnard, et al., [1964] A.C. 1129 (H.L.).
DÉCISION CITÉE:
Cassel! & Co. Ltd. v. Broome et al., [1972] A.C. 1027 (H.L.).
AVOCATS:
C. H. MacLean pour la demanderesse. R. Cousineau pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Nelligan/Power, Ottawa, pour la demande- resse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: La demanderesse sollicite un jugement déclaratoire concernant certaines modifi cations que le Conseil du Trésor est censé avoir apportées à une convention collective. Elle réclame en outre des dommages-intérêts exemplaires au montant de 50 000 $.
La demanderesse est une compagnie constituée en vertu de la Loi sur les corporations canadien- nes, S.R.C. 1970, chap. C-32. Elle est l'agent négociateur accrédité du groupe A-I des contrô- leurs du trafic aérien et autres, qui sont des employés du Conseil du Trésor.
La convention collective conclue entre la deman- deresse et a le Conseil du Trésor a été signée le 28 mai 1982. Je l'appellerai «convention de mai», ou «nouvelle convention». Elle couvrait la période du 1" janvier 1981 au 31 décembre 1982.
Avant cette convention, les contrôleurs du trafic aérien étaient classés en deux catégories, le groupe des employés préposés à l'exploitation et le groupe des employés non préposés à l'exploitation. Les contrôleurs du premier groupe étaient chargés du contrôle quotidien du trafic aérien. Le personnel du second groupe exerçait des fonctions reliées à l'administration et à la formation. Il y a eu des
mutations, le plus souvent du groupe des employés non préposés à l'exploitation au groupe des employés préposés à l'exploitation.
Chaque catégorie comportait des niveaux diffé- rents. Dans la convention de mai, les employés préposés à l'exploitation étaient désignés A-I 00 à A-I 5 et les employés non préposés à l'exploitation A-I 3 à A-I 7. Chaque niveau désigné supérieur entraînait une majoration de salaire.
Ce qui importait avant la nouvelle convention, c'était que le taux de salaire des employés préposés à l'exploitation et des employés non préposés à l'exploitation, à chaque niveau désigné, était le même.
Les articles 65 et 66 du Règlement sur les conditions d'emploi dans la Fonction publique [DORS/67-118] (RCEFP) sont des dispositions complexes. Ils prévoient les cas les fonctionnai- res sont promus, rétrogradés ou mutés. Ils fixent les taux de salaire des fonctionnaires promus ou mutés, calculés sur la base de leur ancien taux et des taux de leur nouveau poste. Sous le régime de l'ancienne convention, les mutations ou les promo tions du groupe des employés non préposés à l'ex- ploitation au groupe des employés préposés à l'ex- ploitation ou vice versa ne posaient aucun problème. Comme je l'ai dit, les niveaux de salaire étaient identiques.
J'aborde maintenant les négociations qui ont donné lieu à la nouvelle convention.
La demanderesse a réclamé une prime versée aux employés préposés à l'exploitation (eprime d'installation d'exploitation»). Le Conseil du Trésor était d'avis qu'il devrait y avoir une échelle de salaire distincte et plus élevée pour les employés non préposés à l'exploitation, si on insistait pour obtenir l'autre prime. Les parties se sont finale- ment entendues pour qu'il y ait deux échelles de salaire distinctes, ainsi que la prime d'installation d'exploitation. Il n'a pas été question, au cours des négociations, des taux de salaire à être versés en cas de mutation.
Après la signature de la convention, les négocia- teurs du Conseil du Trésor ont réalisé que l'appli- cation à la lettre du Règlement (articles 65 et 66) aux mutations sous le régime des nouvelles échelles de salaire pourrait entraîner des anomalies et des
injustices. Une mutation du groupe des employés préposés à l'exploitation au groupe des employés non préposés à l'exploitation à un certain niveau pouvait, dans certaines circonstances, être considé- rée comme une promotion, ce qui donnait lieu à l'avancement prévu à l'article 66. D'autres muta tions pouvaient, suivant les circonstances, consti- tuer une rétrogradation sur le plan monétaire.
Les négociateurs des deux parties se sont ren- contrés pour discuter du problème et de certaines autres questions découlant de la nouvelle conven tion. C'était une pratique courante. Si on arri- vait à un consensus, on signait alors une lettre d'entente qui devenait partie intégrante de la con vention collective. Dans le présent cas, des lettres d'entente, non pertinentes en l'espèce, ont finale- ment été signées en ce qui concerne les autres questions dont il a été fait mention (voir les pièces 1B et 1C).
Les représentants du Conseil du Trésor ont avancé une proposition (pièce 3) visant:
[TRADUCTION] ... à clarifier l'intention concernant l'applica- tion des salaires à certains employés mutés du personnel d'ex- ploitation au personnel de non-exploitation et vice versa ...
Le représentant de la demanderesse a accepté de recommander la proposition à son conseil d'admi- nistration.
Celui-ci a rejeté la proposition.
La Loi sur les restrictions salariales du secteur public, S.C. 1980-81-82-83, chap. 122, a été sanc- tionnée le 4 août 1982. Cette loi était mieux connue sous le nom de «la loi du 6 et du 5». Elle est entrée en vigueur le 29 juin 1982. Elle plafonnait les taux de salaire dans le secteur public, ces plafonds devant s'appliquer aux régimes de rému- nération figurant dans les conventions collectives. Cette loi [article 7] interdisait toute autre modifi cation aux «taux de salaire et . .. autres disposi tions du régime».
En termes très généraux, la loi supprimait la négociation collective en ce qui concerne les régi- mes de rémunération.
C'était l'avis du conseil d'administration de la demanderesse.
Voici la décision officielle qui a rejeté la propo sition du Conseil du Trésor concernant les muta tions (pièce 4):
[TRADUCTION] c) Mutation du groupe des employés prépo- sés à l'exploitation au groupe des employés non préposés à l'exploitation ou vice versa—Le Conseil du Trésor a depuis lors réalisé qu'avec le nouveau fractionnement des échelles de salaire pour le groupe des employés préposés à l'exploitation et le groupe des employés non préposés à l'exploitation, la prime d'installation d'exploitation (PIE) n'est pas reconnue comme faisant partie du salaire lorsqu'il s'agit de choisir l'augmentation appropriée en cas de mutation.
Le conseil a convenu que le président informe le Conseil du Trésor qu'il n'est pas disposé à examiner la lettre d'entente tant que 1'ACCTA sera privée de son droit à la négociation collective.
Un mois plus tard, le Conseil du Trésor a adopté unilatéralement une délibération (784715) énon- çant les
[TRADUCTION] ... conditions réglementant l'application des taux de salaire aux employés faisant partie de l'unité de négociation du contrôle du trafic aérien, autorisées par le Conseil du Trésor ...
Ces conditions étaient identiques à celles qui avaient déjà été proposées et rejetées par la demanderesse.
Celle-ci prétend que les articles 65 et 66 fai- saient effectivement partie du régime de rémuné- ration figurant dans la convention de mai. Le paragraphe 2(1) de la Loi sur les restrictions salariales du secteur public définit le «régime de rémunération» de la façon suivante:
2. (1) ...
«régime de rémunération» Ensemble de dispositions, quel que soit leur mode d'établissement, régissant la détermination et la gestion des rémunérations; constituent notamment des régimes de rémunération les dispositions de cette nature figurant dans les conventions collectives et les décisions arbitrales ou établies soit par accord entre un employeur et un salarié, soit par l'employeur seul, soit conformément à une loi du Parlement.
La demanderesse se réfère ensuite au paragra- phe 6(1) et à l'article 7 de la même loi qui sont ainsi rédigés:
6. (1) Par dérogation à toute autre loi du Parlement, à l'exception de la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais sous réserve du présent article et de l'article 7, les dispositions d'un régime de rémunération prorogé en vertu des articles 4 ou 5 ou d'une convention collective ou décision arbitrale qui comporte un pareil régime demeurent en vigueur sans modification, sous réserve de la présente partie, pendant la période de prorogation. [C'est moi qui souligne.]
7. Les parties à une convention collective, ou les personnes visées par une décision arbitrale, qui comporte un régime de
rémunération prorogé en vertu de l'article 4 peuvent s'entendre pour modifier les dispositions de la convention ou de la décision, à l'exception des taux de salaire et des autres dispositions du régime.
La demanderesse soutient que la délibération du Conseil du Trésor est illégale, qu'elle contrevient aux dispositions susmentionnées et que les mesures prises par ce dernier pour déterminer et gérer la rémunération constituent un changement au régime de rémunération.
Soit dit en passant, la convention de mai a été prolongée de vingt-quatre mois en vertu de l'article 4.
Voici ce que la défense prétend. Le régime de rémunération figurant dans la convention collec tive ne comporte aucune condition ou règle admi nistrative applicable à la nouvelle situation concer- nant la double échelle de salaire et les mutations d'une unité à une autre; les articles 65 et 66 du RCEFP ne s'appliquent pas à ces nouvelles échel- les de salaire distinctes; ces articles du Règlement produisent des conséquences ridicules et injustes; à cause de ce hiatus, le Conseil du Trésor a le pouvoir d'établir unilatéralement les règles admi- nistratives nécessaires. Ce pouvoir, prétend-on, découle des alinéas 7(1)d) ou i) de la Loi sur l'administration financière, S.R.C. 1970, chap. F-10, qui prévoient ce qui suit:
7. (1) Sous réserve des dispositions de tout texte législatif concernant les pouvoirs et fonctions d'un employeur distinct, mais nonobstant quelque autre disposition contenue dans tout texte législatif, le conseil du Trésor peut, dans l'exercice de ses fonctions relatives à la direction du personnel de la fonction publique, notamment ses fonctions en matière de relations entre employeur et employés dans la fonction publique, et sans limiter la généralité des articles 5 et 6,
d) déterminer et réglementer les traitements auxquels ont droit les personnes employées dans la fonction publique en retour des services rendus, la durée du travail et les congés de ces personnes ainsi que les questions connexes;
i) régler toutes les autres questions, notamment les conditions de travail non autrement prévues de façon expresse par le présent paragraphe, que le conseil du Trésor estime nécessai- res à la direction efficace du personnel de la fonction publique.
Je ne souscris pas au point de vue de la défende- resse. Je suis d'accord avec les arguments avancés par la demanderesse.
Le régime de rémunération figurant dans la nouvelle convention collective prévoit la détermi- nation et la gestion de la rémunération concernant les échelles de salaire distinctes pour le personnel non préposé à l'exploitation et le personnel préposé à l'exploitation, ainsi que la prime d'installation d'exploitation. Il ne prévoit pas spécifiquement les changements de salaire pouvant survenir en cas de mutations d'une catégorie à l'autre. Sous le régime des anciennes conventions, le Règlement s'appli- quait aux cas de rétrogradation, de promotion et de mutation.
Je souscris à la prétention de la demanderesse selon laquelle les conditions figurant dans le Règlement applicable s'appliquent à la situation.
Cela peut produire des conséquences discutables et injustes. Dans nombre de cas, des employés peuvent tirer un bénéfice alors que cela n'était pas prévu à l'origine. Selon moi, cela ne permet pas au Conseil du Trésor qui prétend se fonder sur l'ali- néa 7(1)d) de la Loi sur l'administration finan- cière de modifier unilatéralement les conditions du régime de rémunération gelé. La Loi sur les res trictions salariales du secteur public interdit une telle pratique.
Au cours des plaidoiries, j'ai dit à l'avocat de la défenderesse que l'article 7 de la Loi sur l'admi- nistration financière peut être interprété de manière à permettre au Conseil du Trésor de déterminer ce qu'il désire, en ce qui concerne le salaire, les conditions de travail, les congés, etc. de ses employés. Et ce, quelles que soient les conven tions collectives et leurs conditions adoptées en vertu des pouvoirs conférés par l'article 54 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-35. L'avocat a déclaré que cette interprétation était possible. Mais il ne l'a pas avancée en l'espèce. Je n'ai donc pas l'intention d'explorer cette question.
Je déclare que la délibération 784715 du Conseil du Trésor est illégale et que les modifications qu'elle a apportées à la nouvelle convention collec tive (402/82) sont nulles.
La demanderesse a également sollicité un jugement:
[TRADUCTION] 2. Déclarant que tous les membres du Groupe Al dont le salaire est réglementé par la délibération 784715 du Conseil du Trésor pendant qu'elle était en vigueur, ont droit à
ce que leur échelle de salaire soit ajustée rétroactivement conformément aux dispositions régissant l'application des règles de salaire en vigueur immédiatement avant le dépôt de la délibération 784715 du Conseil du Trésor.
Je doute que la Cour ait compétence pour pro- noncer un tel jugement déclaratoire.
On ne m'a pas indiqué qui sont les membres de la demanderesse et lesquels, parmi eux, ont vu leur salaire modifié. Dans chaque cas, on peut présen- ter des arguments distincts dans un sens ou dans l'autre. Il me semble que ce ne sont pas des questions qui doivent être déterminées dans la présente instance. Les conséquences qui peuvent découler, dans chaque cas, du jugement déclara- toire principal doivent, à mon avis, être évaluées en fonction de la convention collective et les articles 65 et 66 tels qu'ils s'appliquaient avant l'adoption de la délibération du Conseil du Trésor.
La compétence de la Cour pour prononcer le second jugement déclaratoire n'a pas été examinée au cours du procès. Si les avocats désirent me soumettre des observations, je surseoirai alors au prononcé de mon jugement.
Il me reste à examiner la demande de domma- ges-intérêts exemplaires.
Rien ne permet d'accorder une indemnité de ce genre. Les dommages-intérêts exemplaires peuvent entrer en ligne de compte lorsque la conduite d'un défendeur a été suffisamment outrageante pour justifier une peine'. Les tribunaux britanniques ont précisé les cas des dommages-intérêts exem- plaires peuvent être adjugés 2 . Ils ont cependant établi certaines catégories de cas ces domma- ges-intérêts peuvent être adjugés':
[TRADUCTION] La première catégorie est constituée d'actes oppressifs, arbitraires ou inconstitutionnels accomplis par des fonctionnaires. Je n'inclus pas dans cette catégorie je dis cela en me référant expressément aux faits en l'espèce—les actes oppressifs accomplis par des compagnies privées ou des particu- liers. Lorsqu'un homme est plus puissant qu'un autre, il est inévitable qu'il tente d'utiliser son pouvoir pour parvenir à ses fins; et s'il dispose d'un pouvoir beaucoup plus grand, on
' McGregor on Damages (14' édition, 1980, paragraphes 309 et s.).
2 Voir Rookes v. Barnard, et al., [1964] A.C. 1129 (H.L.). Voir également Cassel! & Co. Ltd. v. Broome et al., [1972] A.C. 1027 (H.L.).
3 Lord Devlin dans l'affaire Rookes (précitée) à la page 1226.
pourrait peut-être dire qu'il l'utilise d'une manière oppressive. S'il utilise son pouvoir illégalement, il doit, bien sûr, expier son illégalité de la manière ordinaire; mais il ne doit pas être puni simplement parce qu'il est plus puissant. Lorsqu'il s'agit du gouvernement, la situation est différente car les fonctionnaires sont également les serviteurs du peuple et ils doivent toujours utiliser leurs pouvoirs en tenant compte des exigences de leurs fonctions.
L'acte du Conseil du Trésor qui a imposé unila- téralement les conditions énoncées dans la délibé- ration contestée ne peut, à mon avis, être considéré comme un acte oppressif, arbitraire ou abusif, donnant lieu à des dommages-intérêts exemplaires.
La demanderesse a droit aux dépens de la pré- sente action.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs supplémentaires du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: À la page 1063 de mes motifs, prononcés le 1°r février 1984, j'ai exprimé des doutes quant à la compétence de la Cour pour rendre le jugement déclaratoire sollicité au para- graphe 2 de la demande de redressement.
J'ai invité les avocats à soumettre des observa tions écrites. C'est chose faite maintenant.
Après examen de ces observations écrites, il n'y a pas lieu pour moi de modifier le point de vue que j'ai adopté au deuxième paragraphe de mes motifs, à la page 1063.
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