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A-585-82
Ho Foo Tam (requérant)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (intimé)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juge Heald et juge suppléant Primrose—Edmonton, 25, 26 et 27 octobre; Ottawa, 9 décembre 1982.
Contrôle judiciaire Demandes d'examen Immigration Enquête ajournée pour permettre la présentation au Minis- tre d'une demande de permis Attente de la décision du Ministre Nouvel ajournement refusé et ordonnance d'ex- pulsion rendue Il fallait déterminer si le fonctionnaire délégué avait le pouvoir d'examiner une affaire qui était encore entre les mains du Ministre Il était inéquitable d'un point de vue procédural de poursuivre l'enquête dans de telles circonstances L'arbitre a commis une erreur en refusant d'entendre les arguments de l'avocat Il n'est pas nécessaire de se prononcer sur les arguments concernant la crainte rai- sonnable de partialité ou la partialité effective Ordonnance d'expulsion annulée Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 26(2), 27(2)e), 28, 37, 104(2), 115(2), 123 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10, art. 18, 28.
Immigration Enquête ajournée pour permettre la présen- tation au Ministre d'une demande de permis Attente de la décision du Ministre Nouvel ajournement refusé et ordon- nance d'expulsion rendue Ordonnance d'expulsion annulée, l'arbitre ayant agi de manière manifestement inéquitable Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 19(1)e),(2)a), 26(2), 27(2)e), 28, 37, 39(1), 40(1), 42b), 83(1), 104(2), 115(2), 123.
L'expulsion du requérant a été ordonnée parce qu'il est entré au Canada en qualité de visiteur et y est demeuré après avoir perdu cette qualité, en violation de l'alinéa 27(2)e) de la Loi. La Cour a été saisie, en vertu de l'article 28, d'une demande d'examen et d'annulation de l'ordonnance au motif qu'il y a eu iniquité procédurale et inobservation des principes de justice naturelle. L'enquête a été ajournée pour permettre au requé- rant de présenter une demande de permis au Ministre. Une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a été présentée et le bureau du Ministre a fait parvenir une lettre au requérant l'avisant que celui-ci avait demandé un rapport aux fonctionnaires compétents. Alors que le requérant attendait encore la réponse du Ministre, un agent d'une section locale du Ministère a fait valoir devant l'arbitre que l'enquête devait se poursuivre. L'arbitre a confirmé les arguments de l'agent et a refusé un ajournement.
Arrêt: il y a lieu d'accueillir la demande et d'annuler l'ordon- nance d'expulsion.
Le juge en chef Thurlow (avec l'appui du juge suppléant Primrose): Les principes d'équité applicables en l'espèce ont été examinés par le juge en chef Laskin dans Nicholson c. Haldi- mand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311, et par le juge Le Dain dans Inuit Tapirisat of Canada et autre c. Son Excellence le très honora-
ble Jules Léger, et autres, [1979] 1 C.F. 710 (C.A.). Si la situation différait, le principe applicable restait le même. Étant donné les circonstances de l'espèce, l'équité exigeait que l'en- quête soit suspendue jusqu'à ce que le requérant ait reçu une réponse du Ministre ou d'un représentant autorisé par le Minis- tre à la donner. Bien que la demande du requérant ait été adressée directement au Ministre et que son bureau en ait accusé réception, rien n'indiquait que la demande avait été renvoyée par le Ministre à des fonctionnaires du Ministère pour qu'ils s'en occupent, en vertu d'une délégation aux termes de l'article 123 des pouvoirs conférés au Ministre par l'article 37. Rien n'indiquait non plus que le directeur du Centre d'immi- gration qui a exigé la poursuite de l'enquête avait eu connais- sance des motifs d'ordre humanitaire invoqués par le requérant dans sa lettre adressée au Ministre. La Cour n'est pas convain- cue qu'un fonctionnaire délégué pouvait s'attribuer le pouvoir de décider de manière sommaire d'une demande présentée au Ministre lui-même et que ce dernier avait encore en main et devait examiner. La demande de permis présentée par le requé- rant n'a pas été examinée par un fonctionnaire habilité à prendre une décision à son sujet et il était inéquitable d'un point de vue procédural d'exiger la poursuite de l'enquête alors que le requérant attendait encore la réponse du Ministre.
Le juge Heald: L'arbitre a agi de manière manifestement inéquitable en refusant d'entendre les arguments de l'avocat sur la pertinence de l'arrêt Jiminez-Perez et sur la question de la demande de dispense pour des motifs d'ordre humanitaire présentée au gouverneur en conseil en vertu du paragraphe 115(2). L'arbitre ayant commis une erreur en refusant d'enten- dre l'avocat, il n'est pas nécessaire de traiter de la question de la crainte de partialité ou de la partialité effective. Il est difficile de dire lequel des participants a le plus contribué à l'atmosphère acrimonieuse dont témoignent les notes sténogra- phiques.
JURISPRUDENCE
DÉCISION SUIVIE:
Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police, [1979] I R.C.S. 311.
DÉCISION APPLIQUÉE:
Inuit Tapirisat of Canada et autre c. Son Excellence le très honorable Jules Léger, et autres, [1979] I C.F. 710
(C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Ramawad c. Le ministre de la Main-d'œuvre et de l'Immigration, [1978] 2 R.C.S. 375; Louhisdon c. Emploi et Immigration Canada, [1978] 2 C.F. 589 (C.A.); Oloko c. Emploi et Immigration Canada et autre, [1978] 2 C.F. 593 (C.A.); Jiminez-Perez et autre c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration, et autres, [1983] 1 C.F. 163 (C.A.); Re Mauger and Minister of Employment & Immigration (1980), 119 D.L.R. (3d) 54 (C.F. Appel).
AVOCATS:
Donald Lee pour le requérant. Felicity Hunter pour l'intimé.
PROCUREURS:
Witten, Vogel, Binder & Lyons, Edmonton, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: La Cour est saisie d'une demande d'examen et d'annulation, en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, de l'ordonnance d'expulsion établie contre le requérant le 16 juin 1982. Les moyens invoqués sont l'iniquité procédu- rale et l'inobservation des principes de justice naturelle parce que l'arbitre a refusé au requérant l'ajournement de l'enquête le concernant jusqu'à ce qu'il reçoive une réponse aux requêtes qu'il avait adressées au Ministre, d'une part, en vue d'obtenir un permis en vertu de l'article 37' de la
' 37. (I) Le Ministre peut délivrer un permis écrit autorisant une personne à entrer au Canada ou à y demeurer. Peuvent se voir octroyer un tel permis
a) les personnes faisant partie d'une catégorie non admissi ble, désireuses d'entrer au Canada, ou
b) les personnes se trouvant au Canada, qui font l'objet ou sont susceptibles de faire l'objet du rapport prévu au para- graphe 27(2).
(2) Par dérogation au paragraphe (1), ne peuvent obtenir le permis
a) les personnes ayant fait l'objet d'une ordonnance de renvoi, qui se trouvent encore au Canada sauf si l'appel interjeté de cette ordonnance a été accueilli;
b) les interdits de séjour qui n'ont pas encore quitté le Canada; ou
e) les personnes se trouvant encore au Canada dont l'appel interjeté en vertu de l'article 79 a été rejeté.
(3) Le permis est valable pour la durée qui y est indiquée et qui ne peut dépasser douze mois.
(4) Le Ministre peut, par écrit et à tout moment, proroger la durée de validité d'un permis ou l'annuler.
(5) Le Ministre peut, à l'annulation ou à l'expiration d'un permis, prononcer le renvoi de son titulaire ou ordonner à ce dernier de quitter le Canada dans un délai déterminé.
(6) Le Ministre peut prononcer l'expulsion des personnes à qui il a ordonné de quitter le Canada et qui ne l'ont pas fait dans le délai imparti.
(7) Le Ministre doit déposer au Parlement, dans les trente premiers jours de chaque exercice financier, ou, si le Parlement ne siège pas, dans les trente premiers jours de la séance suivante, un rapport précisant le nombre de permis délivrés au
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Loi et au gouverneur en conseil d'autre part, pour obtenir une dispense aux termes du paragraphe 115(2) 2 de la Loi, en invoquant dans les deux cas des considérations d'ordre humanitaire, et parce que l'arbitre s'est également montré partial et hostile à l'égard de l'avocat du requérant.
L'ordonnance d'expulsion indique que le requé- rant est à Hong Kong et qu'il est citoyen du Royaume-Uni et de ses colonies. Son expulsion est ordonnée en vertu de l'alinéa 27(2)e) de la Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, parce que, n'étant pas un citoyen canadien ou un résident permanent, il est entré au Canada en qualité de visiteur et y est demeuré après avoir perdu cette qualité. Il ressort du dossier que le requérant est arrivé au Canada en décembre 1977, qu'il a fait l'objet d'un avis d'arrestation aux termes du paragraphe 104(2) de la Loi, en date du 23 avril 1982, alléguant qu'il était un des cas visés à l'alinéa 27(2)e) de la Loi et qu'aux termes de l'article 28 de la Loi, une enquête serait tenue le 28 avril 1982. II ressort également que l'enquête a été reportée au 28 mai 1982 et ajournée de nou- veau de cette date au 15 juin 1982. Le dossier ne dit pas qui a accordé ces ajournements ni la raison du premier de ceux-ci. En ce qui concerne le second, l'agent chargé de présenter le cas a indiqué à l'arbitre, dans sa réponse à la première requête formulée par le requérant pour un nouvel ajourne- ment, le 15 juin 1982, que:
[TRADUCTION] J'ai appris aujourd'hui que M. Tam souhaitait que son cas soit examiné par le Ministre. En fait l'enquête a déjà été ajournée auparavant, du 28 mai à aujourd'hui, parce que M. Lee avait indiqué que l'on étudiait la question.
Le 28 mai 1982, deux lettres étaient adressées par le requérant, ou en son nom, au gouverneur en
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cours de la précédente année civile et pour chaque permis
délivré
a) à une personne désireuse d'entrer au Canada, la catégorie non admissible à laquelle elle appartient; ou
b) à une personne au Canada, l'alinéa du paragraphe 27(2) qui s'applique et en vertu duquel un rapport a été fait ou peut l'être.
2 115....
(2) Lorsqu'il est convaincu qu'une personne devrait être dispensée de tout règlement établi en vertu du paragraphe (1) ou que son admission devrait être facilitée pour des motifs de politique générale ou des considérations d'ordre humanitaire, le gouverneur en conseil peut, par règlement, dispenser cette personne du règlement en question ou autrement faciliter son admission.
conseil, d'une part, et au Ministre, d'autre part. En voici le texte:
[TRADUCTION]
Gouverneur en conseil OTTAWA (Ontario)
Messieurs,
J'ai l'honneur de demander une dispense en vertu de l'article 115(2) de la Loi sur l'immigration de 1976 qui dispose:
«Lorsqu'il est convaincu qu'une personne devrait être dispen sée de tout règlement établi en vertu du paragraphe (I) ou que son admission devrait être facilitée pour des motifs de politique générale ou des considérations d'ordre humanitaire, le gouverneur en conseil peut, par règlement, dispenser cette personne du règlement en question ou autrement faciliter son admission.«
Mon cas est actuellement examiné par le Centre d'immigration du Canada, à Edmonton (Alberta), qui refuse de m'autoriser à demeurer au Canada (numéro du dossier: 4712-6993 XY).
Je suis arrivé au Canada en décembre 1977 et j'y vis depuis cette date. Durant mon séjour au Canada, j'ai toujours été en mesure de subvenir à mes propres besoins grâce à l'aide finan- cière que m'ont fait parvenir mes parents qui vivent à Hong Kong. Mon père est comptable et ma mère esthéticienne; ils m'envoient régulièrement 350 $ par mois pour mes frais de subsistance. Je suis à Hong Kong; j'ai un frère d'environ deux ans mon aîné, qui a obtenu au Japon un diplôme de bachelier en études commerciales, et une soeur qui a environ un an de moins que moi et qui travaille actuellement à Hong Kong. Je demande qu'il me soit autorisé de poursuivre mon séjour jusqu'à décembre 1982 afin d'achever mes études de géographie à la Faculté des Arts de l'Université de l'Alberta, Edmonton (Alberta).
Un simple examen de mon dossier révélera les problèmes manifestes qu'il soulève, mais je dois toutefois vous prier ins- tamment de m'autoriser à terminer mes études. Un retour forcé à Hong Kong, dans de telles circonstances, constituerait pour ma famille et moi-même une grave humiliation. Mes parents sont, comme moi, extrêmement déçus et attristés par ma situa tion actuelle au Canada et je vous demande de bien vouloir envisager de m'accorder une dispense en vertu de l'article 115(2) de la Loi sur l'immigration de 1976 en raison des circonstances de mon cas, afin de me permettre de terminer mes études. Vous trouverez ci-jointe une copie de la lettre en date du 27 mai 1982 de M. E. Reinhold, vice-doyen de l'Uni- versité de l'Alberta, Faculté des Arts, Edmonton (Alberta), m'informant que je pourrais être admis à l'essai comme étu- diant de l'Université. Je vous remercie d'avance de l'attention que vous voudrez bien porter à cette question.
Je vous prie d'agréer, Messieurs, l'expression de mes sentiments respectueux.
TONY HO FOO TAM Pièce jointe
L'honorable Lloyd Axworthy
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration
Chambre des communes
OTTAWA (Ontario)
Cher Monsieur,
J'ai l'honneur de vous demander par la présente un permis.
Mon cas est actuellement examiné par le Centre d'immigration du Canada, à Edmonton (Alberta), qui refuse de m'autoriser à demeurer au Canada (numéro du dossier: 4712-6993XY).
Je suis arrivé au Canada en décembre 1977 et j'y vis depuis cette date. Durant mon séjour au Canada, j'ai toujours été en mesure de subvenir à mes propres besoins grâce à l'aide finan- cière que m'ont fait parvenir mes parents qui vivent à Hong Kong. Mon père est comptable et ma mère esthéticienne; ils m'envoient régulièrement 350 $ par mois pour mes frais de subsistance. Je suis à Hong Kong; j'ai un frère d'environ deux ans mon aîné, qui a obtenu au Japon un diplôme de bachelier en études commerciales, et une sœur qui a environ un an de moins que moi et qui travaille actuellement à Hong Kong. Je demande qu'il me soit autorisé de poursuivre mon séjour jusqu'à décembre 1982 afin d'achever mes études de géographie à la Faculté des Arts de l'Université de l'Alberta, Edmonton (Alberta).
Un simple examen de mon dossier révélera les problèmes. manifestes qu'il soulève, mais je dois toutefois vous prier ins- tamment de m'autoriser à terminer mes études. Un retour forcé à Hong Kong, dans de telles circonstances, constituerait pour ma famille et moi-même une grave humiliation. Mes parents sont, comme moi, extrêmement déçus et attristés par ma situa tion actuelle au Canada et je vous demande de bien vouloir envisager de m'accorder un permis en raison des circonstances de mon cas, afin de me permettre de terminer mes études. Vous trouverez ci-jointe une copie de la lettre en date du 27 mai 1982 de M. E. Reinhold, vice-doyen de l'Université de l'Alberta, Faculté des Arts, Edmonton (Alberta), m'informant que je pourrais être admis à l'essai comme étudiant de l'Université. Je vous remercie d'avance de l'attention que vous voudrez bien porter à cette question.
Je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments respectueux.
TONY HO FOO TAM.
Pièce jointe
Au 15 juin 1982, date de la reprise de l'enquête, le requérant n'avait pas reçu de réponse à la lettre adressée au gouverneur en conseil, mais en avait reçue une du bureau du Ministre en date du 3 juin 1982. La lettre disait ceci:
[TRADUCTION]
Cher Monsieur,
Le Ministre, l'honorable Lloyd Axworthy, m'a demandé d'accuser réception de votre lettre du 28 mai 1982, concernant votre demande de permis.
Un rapport sera demandé aux fonctionnaires compétents et le Ministre vous écrira dès qu'il aura examiné ce rapport.
Je vous prie de croire, Monsieur, à ma considération distinguée.
Charles J.G. Verge Coordinateur
Services du secrétariat
Je devrais souligner dès maintenant que je n'ai rien trouvé au dossier qui indique que l'arbitre, à
la reprise de l'enquête le 15 juin 1982, était au courant de cet échange de lettres. Ni apparem- ment d'ailleurs l'agent chargé de présenter le cas ou le directeur du Centre d'immigration du Canada. En outre, il se peut également que l'avo- cat du requérant n'ait pas été mis au courant à cette époque de la lettre du Ministre.
À la reprise de l'enquête, l'avocat du requérant a demandé un ajournement. La transcription de cette partie des procédures est fragmentaire mais il en ressort ceci (additif numéro 1, pages A et B):
[TRADUCTION] DE L'ARBITRE À L'AVOCAT
Je remarque qu'à l'origine, cette enquête était prévue pour le 28 avril 1982 et mon agenda indique qu'elle a été réinscrite pour aujourd'hui.
R. Monsieur, je parlais à Mm' Bacon d'une demande d'ajour- nement (que j'ai l'intention de vous soumettre). Sous réserve de cela, je suis prêt à passer à l'examen de l'affaire.
DE L'ARBITRE À L'AGENT CHARGÉ DE PRÉSENTER LE CAS
Q. Mm' Bacon?
R. La Commission s'opposerait à un ajournement à ce stade des procédures.
DE L'ARBITRE À L'AVOCAT
Q. Sur quoi se fonde votre demande, M. Lee? De quoi parlez-vous?
R. M. Tam a adressé une lettre au gouverneur en conseil (invoquant l'article) 115(2) de la Loi sur l'immigration qui confère au gouverneur en conseil le pouvoir de dispen ser M. Tam de l'application des règlements établis en vertu de la Loi sur l'immigration. Cette lettre a été envoyée en mai, ainsi qu'une autre lettre adressée au ministre de l'Immigration, en mai également, lui deman- dant de bien vouloir envisager de lui accorder un permis
en vertu de l'article pertinent de la Loi. ( ) Mon sieur, nous estimons que les informations données dans ces lettres devraient mener à un examen des circonstances de cette affaire. Il y a un certain nombre de considéra-
tions dont il faut tenir compte en vertu des ( ).
Q. ( ) peut être examiné, n'est-ce pas?
R. Oui Monsieur, d'après ce que nous savons, les parties en
cause examinent la question ( ).
Monsieur Lee, je veux seulement savoir quel est le fondement de votre requête. Mm' Bacon (s'est opposée à l'ajournement). DE L'ARBITRE À L'AGENT CHARGÉ DE PRÉSENTER LE CAS
Q. Mn' Bacon, étiez-vous au courant de tout cela, en votre qualité de représentante du Ministre?
R. J'ai appris aujourd'hui que M. Tam souhaitait que le Ministre examine son cas. En fait, l'enquête a déjà été ajournée auparavant, du 28 mai à aujourd'hui, parce que M. Lee avait indiqué que la question était à l'étude.
R. La Commission s'oppose à un ajournement parce qu'elle estime que la délivrance d'un permis est une décision
purement discrétionnaire. L'autorité compétente pour délivrer un permis au nom du Ministre ...
Q. Oui?
R. J'ai discuté de cette question avec le délégué du Ministre (le directeur du Centre d'immigration du Canada et cette dernière) a demandé que l'enquête se poursuive.
Merci.
DE L'ARBITRE A L'AVOCAT
Q. M. Tam et M. Lee ...
R. Monsieur, je voudrais souligner que ... (
Q. Tout ceci déborde le cadre de ma juridiction. Vous devez en être conscient.
R. ma connaissance) vous avez le pouvoir d'accorder un ajournement.
Q. Je vous renvoie aux règlements relatifs aux ajournements
( )•
R. ( ) souhaite cette discussion. Je voudrais vous expo-
ser la jurisprudence sur ce point ( ) ce qui vous permettrait également d'accorder un ajournement si les
circonstances s'y prêtaient. ( ) afin simplement de donner aux autorités compétentes (le temps nécessaire pour répondre aux lettres de M. Tam).
Q. Est-ce tout?
R. ( ).
LA SÉANCE EST SUSPENDUE
À la reprise de l'audience, l'avocat du requérant a fait valoir de nouveaux arguments en faveur de l'ajournement, concluant, après avoir cité l'affaire Ramawad 3 , dans les termes suivants (additif numéro 1, pages D et E):
[TRADUCTION] Q. Merci. Pensez-vous que cela corresponde à la situation de votre client?
R. Oui monsieur. La situation est la suivante: nous pensons que le Ministre poursuit actuellement l'examen de ce cas (et si l'enquête devait continuer) vous pourriez alors prononcer une ordonnance d'expulsion qui priverait mon client d'une décision du Ministre. (Si le Ministre) déci- dait qu'il pouvait demeurer au Canada, il serait peut-être
trop tard. ( ) je déclare ( ).
DE L'ARBITRE A L'AVOCAT
(Le Ministre a) exercé son pouvoir discrétionnaire d'accorder un permis. Ce pouvoir a été exercé par l'intermédiaire du délégué du Ministre. Le directeur du Centre d'immigration du Canada a le pouvoir de délivrer ou de ne pas délivrer un permis de ce type et elle a décidé en l'espèce de ne pas le faire. Elle n'a pas pris sa décision au vu de la demande soumise puisque, à ce moment-là, elle était entre les mains de l'agent d'immigration supérieur et que rien n'indiquait que la décision du Ministre avait été prise. Le cas de M. Tam est différent. L'agent chargé de présenter le cas, M"'e Bacon, m'a informé de cela de manière tout à fait satisfaisante. Cela me suffit et nous ne reviendrons plus sur cette question.
3 Ramawad c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immi- gration, [1978] 2 R.C.S. 375.
R. Une fois encore, ( ) dire que j'essayais de vous faire
remarquer que ...
Q. N'en parlons plus!
C'est alors que l'avocat du requérant a présenté une deuxième demande d'ajournement fondée sur une procédure engagée par le Ministère contre le requérant devant une cour provinciale qui devait être entendue le lendemain. Cette deuxième requête ayant été rejetée, l'avocat présenta une troisième demande d'ajournement, en vue de lui permettre de demander un bref de prohibition en Cour fédérale. L'arbitre répondit que si le conseil- ler n'avait pas de bref de prohibition, l'enquête ne serait pas ajournée.
L'enquête a alors été suspendue jusqu'à l'après- midi. A la reprise de l'audience, l'avocat signifia à l'arbitre et à l'agent chargé de présenter le cas, un avis de demande de prohibition présenté à la Cour fédérale et soutint qu'étant donné cette demande et dans l'intérêt de la justice naturelle, l'affaire devait être ajournée jusqu'à ce que la Cour fédé- rale ait eu la possibilité de se prononcer. Voici ce qui apparaît dans la transcription des procédures (pages 3, 4 et 5):
DE L'AVOCAT À L'ARBITRE
* * *
[TRADUCTION] Toutefois, Monsieur, au vu de cette demande que nous venons à peine de terminer pendant l'heure du déjeu- ner, entre la première suspension de séance et celle-ci, j'espère que vous déciderez maintenant qu'il convient de permettre à la Cour fédérale d'exercer sa juridiction sur cette demande. Je tiens à ajouter également, Monsieur, qu'il y a un document qui ne vous a pas été présenté aujourd'hui puisqu'il n'était pas disponible et qui fait partie de l'affidavit, ainsi qu'une lettre du Ministre datée du 3 juin qui, comme je l'indiquais à MmC Bacon, constituait l'accusé de réception de la lettre de mon client par l'honorable Ministre Axworthy. Il indique dans cette lettre qu'un rapport sera demandé aux fonctionnaires compé- tents et que le Ministre répondra dès qu'il aura reçu ce rapport. Il est donc évident, Monsieur, à mon sens du moins, que, quoi qu'en pense la Commission, le Ministre lui-même continue à examiner la question. Je souhaite présenter l'original de cette lettre qui, comme je l'ai dit, fait partie de l'affidavit.
R. Et la lettre est datée du 3 juin.
C'est exact. Nous n'avons pas échangé d'autres lettres après cette date, ce qui, à mon avis, indique également qu'il se passe quelque chose et qu'en fait, la Commission, en déclarant qu'au- cun permis ne sera délivré dans les circonstances, ne répond pas à tous les aspects de la question, puisque le Ministre est certainement ... ne dit certainement pas la même chose que la Commission.
R. M. Lee, vous avez terminé votre exposé?
Oui, mais je tiens à dire qu'il y avait ce matin certains points que je souhaitais discuter, mais vous avez statué sur ces ques-
Lions et indiqué que vous n'étiez pas prêt à en poursuivre la discussion. Je crois toutefois, Monsieur, que sur ce point la situation est assez claire et que ...
R. Bien, merci M. Lee.
DE L'ARBITRE À L'AGENT CHARGE DE PRÉSENTER LE CAS
Q. M°" Bacon, avez-vous des commentaires à faire sur ce dernier point?
R. Je me bornerai à dire, Monsieur l'arbitre, qu'à la séance précédente de l'enquête, la Commission n'avait pas été mise au courant du fait qu'un membre du bureau du Ministre, et non le Ministre lui-même, mais je dis bien le bureau du Ministre avait accusé réception de la lettre de M. Tam. La lettre elle-même parait ...
Q. Vous parlez de la lettre présentée par M. Tam?
R. C'est exact, Monsieur.
Q. Ou que M. Lee a présentée?
R. Oui, Monsieur.
Q. Datée du 3 juin?
R. Oui. La lettre indique que le Ministre écrira à M. Tam.
Q. Et vous n'étiez pas au courant de cela?
R. Je n'en avais pas eu connaissance à ce moment, Monsieur.
Q. Et quelle conséquence cela a-t-il? Cela vous cause-t-il des difficultés? Avez-vous modifié votre point de vue depuis ce matin?
R. (pas de réponse)
Q. Souhaitez-vous un ajournement?
R. Monsieur l'arbitre, pourrions-nous suspendre la séance, pendant cinq minutes peut-être?
Q. Oui et alors .. .
R. . .. afin de ...
Q. ... nous en reparlerons. Je vous demande pour le moment si vous avez des commentaires à faire. Vous m'avez répondu en partie. Je voudrais également savoir si vous avez des observations à faire en ce qui concerne les documents présentés par M. Lee et que vous souhaitez consigner au dossier,
R. (pas de réponse)
JE VERSE AU DOSSIER, COMME PIÈCE P-1, EN UNE SEULE LIASSE, LA REQUÊTE INTRODUCTIVE D'INSTANCE ET CE QUI CONSTITUE APPAREMMENT UN AFFIDAVIT Y AFFÉ- RENT, AINSI QUE CETTE LETTRE ET LA LETTRE DATÉE DU 3 JUIN ADRESSÉE PAR M. CHARLES J. VERGE, COOR- DINATEUR DES SERVICES DE SECRÉTARIAT, À M. TONY HO FOO TAM, À EDMONTON, DONT L'EN-TÊTE PORTE LA MENTION DU BUREAU DU MINISTRE DE L'IMMIGRA- TION. EN UNE SEULE LIASSE, PIÈCE P-1,
la séance est suspendue.
SUSPENSION DE SÉANCE
Q. Mm' Bacon?
R. Oui, Monsieur, je voudrais tout d'abord dire que je déplore ce retard au décalage horaire entre Edmonton et Ottawa et qui m'a causé quelques difficultés lorsque j'ai essayé de joindre quelqu'un. Monsieur l'arbitre, en ce
qui concerne la requête, ou l'acte introductif d'instance concernant la poursuite de l'enquête, la Commission ne pense pas qu'elle puisse empêcher que l'enquête suive son cours. Je vous renverrais pour cela à l'affaire Samuel Lee Nelson, soumise à la Division de première instance de la Cour fédérale, dans laquelle cette Cour a rejeté une requête de bref de prohibition dont le but était d'empê- cher l'arbitre de poursuivre l'enquête avant que soit prise une décision sur le permis. Pour ce qui est de la position adoptée par la Commission en ce qui concerne la pour- suite de l'enquête, je me contenterai de redire ce que je déclarais ce matin. La Commission s'oppose à un ajour- nement et demande que l'enquête suive son cours. Merci.
Merci.
DE L'ARBITRE À L'AVOCAT
M. Lee, je vous ai donné ma réponse ce matin, sur votre demande d'ajournement pendant la durée des procédures intro- duites en Division de première instance de la Cour fédérale.
R. Monsieur, si mes souvenirs sont exacts, la raison qui m'a parue primordiale dans votre esprit était que la Commis sion affirmait qu'en fait notre demande ne serait pas prise en considération. Maintenant la Commission ... la preuve écrite est parfaitement claire et maintenant ... dans les conclusions qui ont été exposées par mon éminent collègue, Mm` Bacon, la position de la Commission parait avoir légèrement changé. Elle n'est pas aussi ferme que ce matin lorsqu'elle déclarait catégoriquement que ... la demande ne serait pas examinée. Je crois, Monsieur, que votre raisonnement était fondé sur la distinction à établir entre l'affaire que je vous avais mentionnée et le cas de Monsieur ...
M. Lee, s'il vous plaît, M. Lee.
DE L'ARBITRE À L'AGENT CHARGÉ DE PRÉSENTER LE CAS
Q. M"' Bacon, vous soutenez qu'en tant que représentante du Ministre vous demandez que l'enquête se poursuive maintenant?
R. C'est exact, Monsieur, comme je le signalais ce matin, le pouvoir discrétionnaire que possède le Ministre en ce qui concerne la délivrance du permis a été exercé. Il a été exercé par son délégué, le directeur de ce bureau et je ... crois que vous voudrez verser au dossier la note que le directeur a adressé à l'équipe chargée de présenter le cas, pour demander que l'enquête se poursuive.
Je ne crois pas en avoir besoin, c'est pourquoi je vous ai demandé votre point de vue en votre qualité de représentante du Ministre.
DE L'ARBITRE À L'AVOCAT
M. Lee, il est possible que je me trompe, mais je ne suis pas sûr de vous avoir expliqué ce que je pensais de votre demande d'ajournement en vue de permettre à votre client de s'adresser à la Division de première instance de la Cour fédérale pour lui demander une ordonnance interdisant de poursuivre la procé- dure. Je disais ce matin que si vous n'aviez pas de bref, d'ordonnance de la Cour, la procédure correcte serait, à mon avis, que vous attendiez d'abord que je me prononce. Si on adoptait un point de vue différent, cela voudrait dire qu'il suffirait de faire une requête à la Cour pour arrêter toutes les enquêtes. Nous avons déjà passé beaucoup de temps sur cette
affaire et pour l'essentiel sur les objections que vous avez soulevées et vos demandes d'ajournement. L'enquête se poursuit.
R. Monsieur, si je puis m'exprimer sur ce point ...
Q. Avez-vous l'intention de contester ce que je viens de dire?
R. Je présente mon argumentation, Monsieur. Voulez-vous dire que je ne peux pas exposer mes arguments?
Q. Non, je ne suis pas disposé à discuter plus longuement de ce point, M. Lee.
R. Bien Monsieur.
Q. Avez-vous quelque chose de nouveau à me présenter?
R. Eh bien, je crois que ...
Q. Avez-vous quelque chose de nouveau à me présenter?
R. Eh bien, je crois ...
Q. Quelque chose de nouveau?
R. ... j'ai effectivement quelque chose de nouveau à sou- mettre, Monsieur.
Q. Avez-vous un nouveau motif à invoquer pour demander un ajournement?
R. Eh bien, je voulais simplement dire, Monsieur, ...
Q. M. Lee, répondez à ma question.
R. Oui Monsieur ...
Q. Avez-vous un nouveau moyen à me soumettre pour demander un ajournement?
R. Monsieur, en toute déférence, s'il y a ... que tout au long de ces procédures ...
Q. M. Lee .. .
R. ... je crois ...
Q. ... même si vous me parlez, selon vos propres termes, en toute déférence, vous continuez en fait de défier ma décision de poursuivre mes procédures. Vos demandes d'ajournement sont refusées.
R. (pas de réponse)
Les échanges précités constituent ce qui est, à mon avis, la plus importante des questions soule- vées au nom du requérant. Il ne s'agit pas simple- ment en l'espèce du cas une demande de permis est adressée au Ministre avant ou pendant une enquête, et il est demandé un ajournement pour attendre sa réponse. Voir à ce sujet Louhisdon c. Emploi et Immigration Canada 4 et Oloko c. Emploi et Immigration Canada et autres. En l'es- pèce, une enquête a été ajournée pour permettre à l'intéressé de demander un permis au Ministre, la demande était adressée au Ministre à Ottawa et invoquait des motifs d'ordre humanitaire; le bureau du Ministre a accusé réception de la demande et promis une réponse dès qu'il aurait reçu un rapport; et, au moment qui nous intéresse,
4 [1978] 2 C.F. 589 (C.A.).
5 [1978] 2 C.F. 593 (C.A.).
la réponse n'a pas été encore reçue. Il semble d'ailleurs qu'elle n'ait jamais été reçue.
Étant donné les circonstances, peut-on dire que la procédure suivie par le Ministère a été équitable à l'égard du requérant si, le 15 juin 1982, alors que ce dernier attendait encore la réponse promise par le Ministre, un agent d'une section locale du Ministère a ordonné la poursuite de l'enquête et s'est opposé à l'ajournement de procédures dont le résultat pouvait priver le Ministre de son pouvoir d'accorder un permis?
Les principes applicables en l'espèce sont expo- sés dans les extraits suivant du jugement du juge en chef Laskin dans l'arrêt Nicholson c. Haldi- mand- Norfolk Regional Board of Commissioners of Police 6 :
En bref, bien qu'à mon avis l'appelant ne puisse pas réclamer la protection de la procédure prévue pour un agent de police engagé depuis plus de dix-huit mois, on ne peut lui refuser toute protection. On doit le traiter «équitablement» et non arbitraire- ment. J'accepte donc aux fins des présentes et comme un principe de common law ce que le juge Megarry a déclaré dans Bates v. Lord Hailsham, ([1972] 1 W.L.R. 1373), la p. 1378: [TRADUCTION] «dans le domaine de ce qu'on appelle le quasi- judiciaire, on applique les règles de justice naturelle et, dans le domaine administratif ou exécutif, l'obligation générale d'agir équitablement».
A mon avis, on aurait dire à l'appelant pourquoi on avait mis fin à son emploi et lui permettre de se défendre, oralement ou par écrit au choix du comité. Il me semble que le comité lui-même voudrait s'assurer qu'il n'a commis aucune erreur quant aux faits ou circonstances qui ont déterminé sa décision. Une fois que le comité a obtenu la réponse de l'appelant, il lui appartiendra de décider de la mesure à prendre, sans que sa décision soit soumise à un contrôle ultérieur, la bonne foi étant toujours présumée. Ce processus est équitable envers l'appelant et fait également justice au droit du comité, en sa qualité d'autorité publique, de décider, lorsqu'il connaît la réponse de l'appelant, si l'on doit permettre à une personne dans sa situa tion de rester en fonction jusqu'au moment la procédure lui offrira une plus grande protection. Le titulaire d'une charge mérite cette protection minimale, même si son entrée en fonc- tion est très récente.
et du jugement du juge Le Dain dans l'affaire Inuit Tapirisat of Canada et autre c. Son Excel lence le très honorable Jules Léger, et autres'.
L'équité procédurale, tout comme la justice naturelle, est une exigence de la common law et s'applique en matière d'interpré- tation des lois écrites. En l'absence de dispositions procédurales expresses, elle est considérée comme implicitement prévue par la loi. Il est nécessaire d'examiner le contexte législatif de
e [1979] 1 R.C.S. 311, aux pp. 324 et 328. 7 [1979] 1 C.F. 710 (C.A.), à la p. 717.
l'autorité prise dans son ensemble. Le véritable point en litige est la question de savoir quelle procédure il convient d'imposer à une autorité déterminée compte tenu de la nature de cette dernière et du genre de pouvoir qu'elle exerce, et quelles conséquences en résulteront pour ceux qui ont à subir ce pouvoir. Il ne faut pas oublier de maintenir l'équilibre entre les exigences d'équité et les besoins du processus administratif en cause.
En règle générale, les affaires de ce genre por tent sur des situations qui mettent en cause l'éten- due du droit de l'intéressé à être entendu. La présente affaire est donc différente à cet égard. En l'espèce, un fonctionnaire exige la poursuite d'une ligne de conduite qui rendrait totalement inutile une demande que le requérant a été en mesure de présenter et qu'il a fondée sur des motifs qui peuvent être pris en considération aux fins de l'article 37 mais qui ne peuvent être invoqués au cours de l'enquête dont le fonctionnaire en ques tion exige la poursuite. Toutefois, si la situation diffère, le principe applicable reste le même. Le fonctionnaire doit agir de manière équitable même s'il exerce un pouvoir purement administratif.
J'estime que la procédure suivie par le Ministère manquait d'équité. On peut supposer, puisque ce point n'est pas pertinent en l'espèce, que le requé- rant avait prolongé trop longtemps son séjour au Canada, qu'il s'était exposé à une expulsion et qu'il n'avait pas d'argument à soumettre à l'arbitre pour répondre aux allégations formulées contre lui. Même dans ces circonstances, le Ministère, en traitant de son cas, était tenu de respecter l'équité procédurale à laquelle il avait droit. Puisque l'en- quête avait été ajournée le 28 mai 1982 pour lui permettre de présenter sa requête au Ministre et que ce dernier, dans sa réponse, s'était engagé à lui écrire dès qu'il aurait reçu un rapport, l'équité exigeait, à mon avis, que l'enquête soit suspendue jusqu'à ce qu'il ait reçu une réponse du Ministre ou d'un représentant du Ministère autorisé par le Ministre à la lui donner en son nom.
Je crois qu'il est important de rappeler que le requérant n'a pas adressé sa requête à un fonction- naire local ayant autorité d'exercer les pouvoirs conférés au Ministre par l'article 37 en vertu d'une
délégation de pouvoirs aux termes de l'article 123 8 . La demande était adressée directement au Minis- tre. Le bureau du Ministre en a directement accusé réception par une lettre qui promettait en outre que le Ministre répondrait par écrit. Le requérant n'a jamais reçu de réponse. Rien n'indi- que non plus que la demande du requérant a été renvoyée par le Ministre à des fonctionnaires du Ministère pour qu'ils s'en occupent ou y répondent, en vertu d'une délégation aux termes de l'article 123 des pouvoirs conférés au Ministre par l'article 37. Il semble même que le directeur du Centre d'immigration du Canada qui a exigé la poursuite de l'enquête n'a pas eu connaissance ni n'a tenu compte des motifs d'ordre humanitaire invoqués par le requérant dans la lettre qu'il avait adressée au Ministre pour demander un permis. Il ressort seulement du dossier, à cet égard, qu'à la séance du matin du 15 juin 1982, l'agent chargé de présenter le cas a déclaré que le fonctionnaire en cause, dont on dit qu'il était fonctionnaire délégué, mais qui apparemment n'avait pas eu connaissance de la demande présentée au Ministre par le requé- rant, ni des motifs invoqués, ni de la réponse du Ministre, avait exercé le pouvoir discrétionnaire du Ministre et avait demandé instamment le matin et l'après-midi, après avoir pris connaissance de la lettre du Ministre, que l'enquête se poursuive.
Je puis comprendre qu'un fonctionnaire délégué exerce les pouvoirs du Ministre à l'égard d'une requête présentée au bureau d'immigration il exerce ses fonctions. Je puis comprendre qu'un tel fonctionnaire donne suite à une demande qui, bien que présentée ailleurs, a été communiquée à son bureau pour décision. Je ne suis pas convaincu qu'un tel fonctionnaire délégué soit autorisé à s'attribuer, de son propre chef, le pouvoir d'exami- ner une demande présentée à un autre bureau qui pourrait se situer à des milliers de kilomètres de
8 123. Le Ministre ou le sous-ministre peut, lorsqu'il le juge nécessaire, déléguer à des employés de la fonction publique du Canada les pouvoirs et fonctions que lui confèrent la présente loi ou les règlements, à l'exception de ceux qui sont visés aux alinéas 19(1)e) et 19(2)a), aux paragraphes 39(1) et 40(1), à l'alinéa 426) et au paragraphe 83(1). Les actes accomplis par lesdits fonctionnaires sont réputés l'avoir été par le Ministre ou le sous-ministre, selon le cas.
celui il exerce ses fonctions, et d'en décider de manière sommaire. Rien dans le dossier n'indique que le directeur du Centre d'immigration du Canada à Edmonton avait, sans plus, le pouvoir d'examiner et de rejeter une demande adressée directement au Ministre et que ce dernier, comme sa lettre l'indique, avait encore en main et devait examiner.
De plus, rien n'indique au dossier, à mon sens, que le requérant a reçu une réponse écrite ou verbale à sa demande de permis du fonctionnaire en cause ou de quiconque. Ce qui s'est passé, me semble-t-il, c'est que le fonctionnaire en question a simplement exigé la poursuite d'une enquête qui, si elle aboutissait à une ordonnance d'expulsion, met- trait fin à la demande de permis. Même le docu ment remis par l'agent chargé de présenter le cas et refusé par l'arbitre, tel que décrit par le premier, ne constituait pas une réponse à la demande de permis. Il s'agissait apparemment d'une note demandant la poursuite de l'enquête. Je suis donc d'avis qu'en fait, la demande de permis présentée par le requérant n'a pas été examinée par un fonctionnaire habilité à prendre une décision à son sujet et qu'il était inéquitable d'un point de vue procédural d'exiger la conclusion de l'enquête alors que le requérant attendait encore la réponse pro mise par le Ministre.
Compte tenu de ma conclusion, il ne me sera pas nécessaire d'examiner les autres points soulevés ni de me prononcer à leur sujet.
J'annulerais donc l'ordonnance d'expulsion.
LE JUGE SUPPLÉANT PRIMROSE: Je souscris.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Le requérant en l'espèce demande l'examen et l'annulation, en vertu de l'article 28, de l'ordonnance d'expulsion prononcée contre lui par un arbitre, M. E. C. Berry, le 16 juin 1982. L'ordonnance d'expulsion était fondée sur l'alinéa 27(2)e) de la Loi sur l'immigration de 1976, parce que le requérant se trouvait au Canada sans être citoyen canadien ni résident permanent et était entré au Canada en qualité de visiteur, y était demeuré après avoir perdu cette qualité, son séjour dépassant la durée autorisée.
Selon la preuve présentée à l'enquête, le requérant, originaire de Hong Kong est arrivé au Canada, à Vancouver, le 20 décembre 1977. L'agent d'immi- gration ne lui a pas demandé combien de temps il avait l'intention de demeurer au Canada et son passeport ne porte aucune mention relative à la durée permise du séjour. L'arbitre a eu raison de signaler, à mon avis, qu'aux termes des disposi tions du paragraphe 26(2) de la Loi, un visiteur n'est pas autorisé à rester au Canada plus de trois mois à compter de la date d'entrée autorisée au Canada «sauf indication contraire et écrite de la part d'un agent d'immigration ou d'un arbitre...» La preuve établit également que le requérant n'a jamais demandé d'autre prolongation et l'arbitre a indiqué qu'il s'estimait en droit de conclure en l'absence de preuve contraire, qu'à aucun moment le requérant n'avait quitté le Canada puisqu'il était présent à l'enquête 9 . Compte tenu de cela, l'arbitre a conclu que le requérant était demeuré au Canada après avoir perdu sa qualité de visiteur et était donc une des personnes décrites à l'alinéa 27(2)e) de la Loi sur l'immigration de 1976.
Les événements d'importance qui ont abouti à l'enquête et à l'ordonnance d'expulsion sont les suivants: le requérant fut arrêté le 23 avril 1982 conformément à l'article 104 de la Loi sur l'immi- gration de 1976. Il fut sommé de comparaître à une enquête le 28 avril 1982, puis l'enquête fut ajournée au 28 mai 1982 et ajournée de nouveau ce jour-là au 15 juin 1982. L'enquête commença le 15 juin, en présence du requérant et de son avocat, et se poursuivit ce jour-là de 9 h à 17 h environ, avec une suspension de séance pour le déjeuner et deux courtes suspensions de séance pendant l'après-midi. À 17 h environ, l'enquête fut ajournée à 13 h le lendemain 16 juin 1982 et se termina l'après-midi du 16 par le prononcé d'une ordon- nance d'expulsion.
L'avocat du requérant conteste l'ordonnance d'expulsion en cause en se fondant sur deux motifs principaux: tout d'abord, l'iniquité procédurale et
9 L'arbitre a fondé ses conclusions sur les mentions inscrites dans le passeport du requérant et le témoignage de l'agent d'immigration Haist qui s'était entretenue avec le requérant. Sur le conseil de son avocat, le requérant s'est abstenu de témoigner à l'enquête.
le déni de justice naturelle qui ont résulté de la conduite adoptée, par l'arbitre pendant toute la durée des procédures d'enquête et, en second lieu, l'hostilité ouvertement manifestée par l'arbitre, au cours de l'enquête, à l'égard de l'avocat du requé- rant, donnant ainsi naissance à une crainte raison- nable de partialité ou à une attitude partiale viciant les procédures et l'ordonnance d'expulsion prononcée à l'issue de celles-ci.
Traitons tout d'abord du premier motif précité: il est fondé sur le refus de l'arbitre de faire droit à la demande de l'avocat du requérant d'ajourner les procédures d'enquête en raison des circonstances suivantes: le 28 mai 1982, le requérant écrivit au ministre de l'Emploi et de l'Immigration pour lui demander un permis qui lui permette de rester au Canada jusqu'au mois de décembre 1982, date à laquelle il espérait avoir obtenu son diplôme de géographie à la Faculté des Arts de l'Université de l'Alberta à Edmonton. Bien que la lettre n'indique pas expressément les dispositions législatives invo- quées pour la délivrance d'un permis du Ministre, il est admis par les parties que le Ministre avait le pouvoir d'accorder un tel permis en vertu des dispositions du paragraphe 37(1) de la Loi sur l'immigration de 1976 10 . Le requérant écrivit une autre lettre, datée également du 28 mai 1982, adressée cette fois au gouverneur en conseil, Ottawa (Ontario), relatant sa situation en des termes très similaires et demandant au gouverneur en conseil de lui accorder une dispense conformé- ment aux dispositions du paragraphe 115(2) de la Loi sur l'immigration de 1976. La lettre cite et mentionne expressément ce paragraphe qui pré- voit:
1.1.5... .
(2) Lorsqu'il est convaincu qu'une personne devrait être dispensée de tout règlement établi en vertu du paragraphe (1) ou que son admission devrait être facilitée pour des motifs de politique générale ou des considérations d'ordre humanitaire, le gouverneur en conseil peut, par règlement, dispenser cette
10 Le paragraphe 37(1) dit ceci:
37. (1) Le Ministre peut délivrer un permis écrit autorisant une personne à entrer au Canada ou à y demeurer. Peuvent se voir octroyer un tel permis
a) les personnes faisant partie d'une catégorie non admissi ble, désireuses d'entrer au Canada, ou
b) les personnes se trouvant au Canada, qui font l'objet ou sont susceptibles de faire l'objet du rapport prévu au paragraphe 27(2).
personne du règlement en question ou autrement faciliter son admission.
Lorsque l'enquête débuta le 15 juin 1982, la situa tion du requérant était la suivante: il n'avait pas encore reçu de réponse à sa lettre du 28 mai au gouverneur en conseil; il avait toutefois une réponse à la lettre du même jour qu'il avait adres- sée au Ministre; la réponse était datée du 3 juin 1982 et portait la signature d'un certain Charles J. G. Verge, avec la mention suivante: «Coordinateur Services du secrétariat» du bureau du Ministre à Ottawa. Voici le texte de cette lettre (page 52 de la transcription):
Le Ministre, l'honorable Lloyd Axworthy, m'a demandé d'accuser réception de votre lettre du 28 mai 1982, concernant votre demande de permis.
Un rapport sera demandé aux fonctionnaires compétents et le Ministre vous écrira dès qu'il aura examiné ce rapport.
En conséquence, presque immédiatement après l'ouverture de l'enquête par l'arbitre, l'avocat du requérant demanda un ajournement parce qu'au- cune réponse n'avait été donnée à la demande de dispense en vertu du paragraphe 115(2) et aucune réponse définitive n'avait été reçue au sujet de la demande de permis aux termes de l'article 37. L'agent chargé de présenter le cas, qui représentait la Commission, s'opposa à la demande d'ajourne- ment pour la raison suivante (additif numéro 1, page B, de la transcription "):
La Commission s'oppose à un ajournement parce qu'elle estime que la délivrance d'un permis est une décision purement discré- tionnaire ...
J'ai discuté de cette question avec le délégué du Ministre (le directeur du Centre d'immigration du Canada et cette der- nière) a demandé que l'enquête se poursuive.
L'arbitre a refusé la demande d'ajournement parce qu'à son avis, le pouvoir discrétionnaire du Minis- tre de délivrer un permis en vertu de l'article 37
Il La page 2 de la transcription des débats de l'enquête comporte la mention suivante, peu après l'ouverture de l'en- quête, le 15 juin, [TRADUCTION] «45 MINUTES DE L'ENQUÊTE NE SONT PAS TRANSCRITES EN RAISON D'UN DÉFAUT D'ENRE- GISTREMENT, VOIR L'ADDITIF I.» L'additif 1 allant de la page A à la page E, et décrit comme une [TRADUCTION] «TRANSCRIPTION PARTIELLE DES PASSAGES MANQUANTS À L'ENREGISTREMENT DE L'ENQUÊTE DE L'IMMIGRATION ... ÉTABLIE À PARTIR DE NOTES INCOMPLÈTES PRISES AU COURS DE L'ENQUÊTE.» Les parties ont admis que les pages A à E précitées ne constituent pas une transcription entière eLcom- plète des 45 minutes manquantes.
avait été exercé par l'intermédiaire de son délégué, le directeur du Centre d'immigration du Canada, qui avait décidé de ne pas délivrer de permis dans ce cas (voir l'additif à la transcription, à la page D).
Après la suspension de séance du déjeuner, l'avocat du requérant a informé l'arbitre qu'une requête introductive d'instance avait été déposée en Division de première instance pour demander, en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, qu'il soit interdit à l'arbitre de poursuivre les procédures jusqu'à ce que soit connu le résultat des demandes soumises en vertu de l'article 37 et du paragraphe 115(2), et, invoquant ce motif, il a demandé de nouveau l'ajournement des procédu- res. Après une courte suspension de séance, l'agent chargé de présenter le cas s'est opposé à l'ajourne- ment tout en réaffirmant qu'à son avis le délégué du Ministre avait rejeté la demande de permis présentée conformément à l'article 37. L'arbitre a alors de nouveau refusé l'ajournement demandé par l'avocat du requérant. L'enquête s'est alors poursuivie. Comme je l'ai indiqué ci-dessus, le requérant, suivant l'avis de son avocat, a refusé de témoigner. Toutefois, l'agent chargé de présenter le cas a cité l'agent d'immigration Haist et a établi par son témoignage les allégations formulées par la Commission, à la satisfaction de l'arbitre. Après avoir entendu ce témoignage sous serment et les arguments de l'agent chargé de présenter le cas, l'arbitre a demandé à l'avocat du requérant s'il avait lui-même des preuves à soumettre au nom du requérant. L'avocat a alors de nouveau soulevé la question de la demande présentée aux termes du paragraphe 115(2) et a cité à l'appui l'affaire Jiminez-Perez 12 . Voici ce qui apparaît dans la transcription à ce sujet (aux pages 21, 22 et 23):
[TRADUCTION] R. L'autre question que je voudrais vous sou- mettre, Monsieur, concerne l'affaire Perez et tout ce qui tient au paragraphe 115(2), du point de vue de la discus sion ...
Q. L'affaire Perez est une affaire que vous n'avez pas étudiée.
R. C'est-à-dire ... Eh, bien je ... j'ai reçu quelques explica tions à son sujet.
Q. Bon, dans ce cas, nous allons ajourner maintenant. Vous pourrez lire l'arrêt Perez et poursuivre.
R. Oui, mais la transcription devrait clairement indiquer, Monsieur, que nous n'avons pas parlé du paragraphe
12 Jiminez-Perez et autre c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration, et autres, [1983] 1 C.F. 163 (C.A.).
115(2). Nous avons parlé du Ministre, mais c'est en vertu de l'article 37 seulement que la requête lui a été adressée. La ... la question du paragraphe 115(2) n'a jamais été résolue par la Commission ni par vous-même.
M. Lee, ceci se situe en dehors des limites de mon pouvoir d'accorder un tel ajournement. Je compte sur le représen- tant du Ministre pour m'exposer le point de vue du Ministre. L'enquête est ajournée pour une quinzaine de minutes.
SUSPENSION DE SÉANCE
Reprenons l'enquête. M. Lee, vous avez reçu copie de la décision en question. Comme je vous l'indiquais plus tôt, j'ai connaissance de cette affaire et je soulignerais ceci ... Je suis tenu de respecter, de tenir compte de la jurisprudence et la relecture de cet arrêt m'a rappelé et confirmé qu'il n'appuie en rien l'argumentation de votre client. Il ne traite absolument pas de la même situation.
R. Puis-je répondre à ceci?
Oui, je vous en prie.
R. Bien que ce soit avant cela, Monsieur, je faisais quelques remarques au sujet de vos observations et il y avait un autre point que je n'avais pas fini d'exposer lorsque vous avez ajourné la séance; il s'agit du fait, Monsieur, que vous nous faisiez remarquer que c'était à vous d'être convaincu au sujet ...
M. Lee, je dois vous interrompre parce que je ne suis pas ici pour débattre ce point avec vous. Une fois que j'ai formulé une conclusion, le sujet est clos. Je n'ai pas l'intention de consacrer le temps de l'enquête et les transcriptions des débats à vos remarques qui n'ont aucun rapport avec les questions qui me sont soumises ...
R. Monsieur, je croyais que vous pensiez vous-même qu'il était important de faire quelques commentaires généraux sur votre rôle et je voulais simplement ...
M. Lee, il se trouve que je suis l'arbitre. Je vous ai rappelé quel était votre rôle. Je dois poursuivre.
Q. Avez-vous des preuves à présenter au nom de votre client en ce qui concerne les questions que je dois trancher dans cette enquête?
R. Il y a des arguments que je souhaiterais présenter, Monsieur.
Q. Avez-vous des preuves?
R. (Pas de réponse)
Q. Êtes-vous capable de répondre à une question par oui ou par non, M. Lee?
R. Monsieur, je ne suis pas prêt à répondre à des questions lorsqu'elles sont ...
Q. Vous refusez donc de répondre.
R. Je ne suis pas ... je n'ai pas dit cela, Monsieur. J'ai simplement indiqué que je n'étais pas prêt à répondre à des questions qui me sont posées de la manière elles ont été présentées. Je vous fais simplement remarquer que j'ai des arguments pertinents ...
Q. M. Lee, comprenez-vous ma question?
R. Non, je ...
Q. Comprenez-vous mes questions?
R. Non, Monsieur, franchement pas.
Q. Avez-vous des preuves ... Avez-vous des preuves à pré- senter au nom de votre client?
R. Je pense avoir ..
Q. Au sujet des questions que je dois trancher?
R. Je crois en avoir.
Q. Dans ce cas, veuillez présenter les preuves dont vous disposez.
R. Eh bien, je vous faisais simplement remarquer, Monsieur,
Q. Un argument n'est pas une preuve, M. Lee.
R. Je pense, Monsieur, que vous demandez des preuves au sujet de faits relatifs aux questions que vous devez tran- cher et je crois que la preuve que je vous ai soumise ...
Q. Vous souvenez-vous des questions à résoudre dans cette enquête?
R. Monsieur, je ne vous ai même pas exposé mon argumen tation. En toute déférence, je ne vois pas comment vous pouvez dire s'il s'agit ou non d'une preuve ou s'il s'agit ou non d'un point pertinent.
Q. Il y a eu un témoin à l'enquête; l'agent d'immigration Haist a été interrogée par le représentant du Ministre. Vous avez déclaré plus tôt que vous n'aviez aucune question à poser à Mll' Haist. Je n'ai pas renvoyé le témoin. On me dit que M"' Haist reste à la disposition de l'enquête. Avez-vous des questions à lui poser?
R. Non Monsieur, je voudrais soumettre quelques arguments fondés sur l'affaire que vous m'avez demandé de lire pendant les suspensions de séance et que je vous avais mentionnée auparavant; j'ai également quelques argu ments à présenter au sujet des dernières remarques que vous avez faites avant cet ajournement. Je crois, Mon sieur, que vous m'aviez invité à les présenter et je n'avais pas terminé.
Q. Un moment s'il vous plaît, M. Lee. Vous avez dit que vous n'aviez aucune question à poser à Mlle Haist. Avez- vous des preuves à soumettre au nom de votre client?
R. Je n'ai pas de témoin, Monsieur.
Q. Votre client est-il prêt à répondre à des questions?
R. Je vous ai indiqué, Monsieur, que mon client ne peut être contraint à témoigner, si je me fonde sur les affaires que vous avez mentionnées et que je vous ai citées, ainsi que sur la Charte et donc ...
Q. Une fois encore ...
R. Puisqu'il ne peut être contraint à témoigner ...
Q. ... Une fois encore, je vous demande de répondre par oui ou par non. Votre client est-il prêt à témoigner à l'enquête?
R. Puisque mon client ne peut-être contraint à témoigner, Monsieur, il n'est pas ...
Il ressort clairement de ce passage que, malgré les quinze minutes de suspension de séance accordées à l'avocat du requérant pour lui permettre de relire la décision Jiminez-Perez, l'arbitre ne l'a pas auto-
risé, à la reprise de l'enquête, à présenter les arguments qu'il souhaitait soumettre au sujet de l'application de cet arrêt en l'espèce. En revanche, il a entendu par la suite de nouveaux arguments avancés par l'agent chargé de présenter le cas. Après cela, l'avocat du requérant a essayé une fois de plus d'évoquer la question du paragraphe 115(2) et de présenter les arguments qu'il fondait sur l'arrêt Jiminez-Perez. A la page 25 de la transcription, on trouve l'échange suivant entre l'arbitre et l'avocat du requérant:
[TRADUCTION] Q. Avez-vous des arguments à me présenter au sujet de la preuve produite sur les questions à trancher dans cette enquête? M. Tam est-il une personne répon- dant à la description de l'alinéa 27(2)e)? Je vous demande de répondre par oui ou par non.
R. Monsieur, je voudrais souligner également que vous nous avez donné le jugement Perez que j'avais mentionné et que vous nous aviez indiqué que nous serions autorisés à présenter des arguments ...
M. Tarn ...
R. A ce sujet ...
DE L'ARBITRE À L'INTÉRESSÉ
M. Tam, je n'écouterai plus votre avocat s'il persiste dans cette voie.
Après cela, l'arbitre a entamé la discussion de la question centrale dans les procédures, celle de savoir si le requérant était visé par la description donnée à l'alinéa 27(2)e) de la Loi.
Sur la base de cette transcription, je suis con- vaincu que l'arbitre n'a pas agi de la manière appropriée lorsqu'il a refusé d'autoriser l'avocat du requérant à présenter ses arguments concernant la requête présentée en vertu du paragraphe 115(2). Après avoir accordé à l'avocat une courte suspen sion de séance pour qu'il étudie la pertinence de l'arrêt Jiminez-Perez, il a refusé d'entendre ses arguments à ce sujet, déclarant simplement «... la relecture de cet arrêt m'a rappelé et confirmé qu'il n'appuie en rien l'argumentation de votre client>. Lorsque de nouveau, l'avocat a essayé, plus tard, de présenter ses arguments sur ce point, il l'a fait taire sommairement par la déclaration suivante: «M. Tam, je n'écouterai plus votre avocat s'il persiste dans cette voie.» Il est manifeste, à mon avis, que le comportement de l'arbitre constitue à l'égard du requérant un déni de justice naturelle et d'équité procédurale. Que l'affaire Jiminez-Perez ait été ou non pertinente en l'espèce, l'avocat du requérant était très certainement en droit de pré- senter ses arguments sur l'application de cet arrêt
comme tout autre argument qu'il estimait perti nent dans le cadre de la question posée. En déci- dant sommairement que l'arrêt Jiminez-Perez n'était pas applicable, sans entendre ce que l'avo- cat voulait dire pour le convaincre du contraire, l'arbitre a agi d'une manière qui est à mon avis manifestement inéquitable. Je conviens que l'avo- cat du requérant a contribué, dans une certaine mesure, à cette situation, puisqu'il n'a pas toujours répondu directement aux questions que lui posait l'arbitre. Quoi qu'il en soit, le fait est qu'en cinq occasions différentes au moins ", l'avocat du requérant a mentionné la question du paragraphe 115(2) devant l'arbitre et n'a jamais été autorisé, dans ces cinq cas, à présenter ses arguments à son sujet. Je suis convaincu que l'avocat essayait d'ex- poser un point important. Je ne suis pas aussi certain que l'arbitre paraissait l'être que l'arrêt Jiminez-Perez n'était aucunement pertinent en l'espèce. Sans me prononcer expressément sur l'in- cidence que pourraient avoir d'autres décisions de la présente Cour 14 sur l'affaire qui nous intéresse, je pense que l'arbitre aurait donner à l'avocat l'occasion, à un moment ou à un autre des procé- dures, de présenter les arguments qu'il souhaitait manifestement exposer sur la question de la demande faite au gouverneur en conseil en vertu du paragraphe 115(2).
J'en viens maintenant au deuxième motif invo- qué par l'avocat du requérant pour contester l'or- donnance d'expulsion et qui concerne la crainte raisonnable de partialité ou la partialité effective. Il a cité un certain nombre de passages des trans- èriptions dans lesquels, selon lui, les remarques que l'arbitre adressait à l'avocat révélaient manifeste- ment une hostilité ouverte à son égard. Je conviens que, dans de nombreux cas, les remarques de l'arbitre étaient inopportunes et qu'il aurait été sans doute préférable qu'il s'abstienne. Il est toute- fois difficile pour un tribunal chargé d'examiner des procédures quasi judiciaires de ce type de reconstituer l'atmosphère véritable des procédures par le seul moyen d'une transcription écrite (qui, dans ce cas, est loin d'être une transcription com- plète). Pour être juste à l'égard de l'arbitre, il
'' Voir l'additif 1 à la transcription, p. B; p. 2; pp. 18 et 19; pp. 21 23 citées plus haut; et p. 25 citée plus haut.
14 Je pense à l'arrêt Jiminez-Perez (précité) et à l'arrêt Re Mauger and Minister of Employment & Immigration (1980), 119 D.L.R. (3d) 54 (C.F. Appel), à la p. 76.
convient de noter qu'il ressort des transcriptions qu'il était exaspéré par ce qu'il considérait être des manoeuvres dilatoires de l'avocat et par les tentati- ves de ce dernier d'évoquer au cours des procédu- res des questions qui, aux yeux de l'arbitre, n'avaient aucune incidence sur le point à trancher. Malheureusement, l'arbitre a, à mon avis, commis une erreur en refusant d'entendre ce que voulait dire l'avocat du requérant sur le paragraphe 115(2). Étant donné ma conclusion sur le premier motif invoqué au nom du requérant, il ne me sera pas nécessaire de me prononcer de manière défini- tive sur les arguments concernant la crainte raison- nable de partialité ou la partialité effective. Je tiens toutefois à ajouter que j'ai rarement lu une transcription aussi déplaisante. À mon grand sou- lagement, il n'est ni nécessaire ni souhaitable de déterminer lequel des participants a le plus contri- bué à l'atmosphère acrimonieuse qui a prévalu du commencement à la fin des procédures.
Par ces motifs, j'accepterais la demande fondée sur l'article 28 et j'annulerais l'ordonnance d'ex- pulsion prononcée contre le requérant le 16 juin 1982 par l'arbitre E. C. Berry.
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