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A-565-82
Polylok Corporation (appelante) (défenderesse) c.
Montreal Fast Print (1975) Ltd. (intimée) (demanderesse)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juge Heald et juge suppléant McQuaid—Toronto, 21 novembre; Ottawa, 15 décembre 1983.
Pratique Jugements et ordonnances Ordonnance du juge de première instance accueillant la demande d'interroga- toire préalable d'une personne désignée Le juge de première instance était-il habilité, sur présentation d'une requête visant un nouvel examen et la correction d'une ordonnance, à modi fier cette ordonnance en y désignant une autre personne que celle choisie au départ? Portée à accorder à la Règle relative aux erreurs d'écriture ou aux omissions Compte tenu des faits, la modification était permise étant donné que l'omission de désigner une autre personne constituait une erreur résultant d'une «erreur d'écriture ou omission acciden- telle« Toutefois, quant au fond, la Cour d'appel est justi- fiée d'intervenir dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire du juge de première instance étant donné qu'il n'a pas examiné certaines questions ou qu'il ne leur a pas accordé suffisam- ment d'importance Ordonnance de modification annulée Appel accueilli Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 337(1),(2),(4),(5),(6),(7), 465(1),(7),(8),(9),(12), (13),(15),(17),(19), 494(9).
Dans une ordonnance rendue au cours d'une action en invali dation d'un brevet canadien, le juge de première instance a accueilli une demande visant l'interrogatoire préalable du prési- dent de la société intimée. L'ordonnance ne comportait aucune ambiguïté ni aucune incertitude quant à ce qu'elle signifiait.
Sur présentation d'une requête visant un nouvel examen de ladite ordonnance et sa correction, le juge de première instance, après avoir déclaré que, par inadvertance, il avait omis d'in- clure ses conclusions au sujet de la question de savoir qui devrait se présenter à l'interrogatoire préalable, a modifié sa première ordonnance en remplaçant le nom du président par celui d'un autre membre de la direction. Cette modification avait pour effet d'infirmer la décision rendue. Les points en litige dans le présent appel consistent à déterminer si le juge de première instance était habilité à modifier l'ordonnance comme il l'a fait, et si l'ordonnance modifiée est bien fondée.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli.
Le juge en chef Thurlow (avec l'appui du juge Heald): Il faudrait accorder à la Règle 337(6) une portée assez large pour habiliter la Cour à modifier un jugement de façon à le rendre conforme à ce qu'elle voulait dire lorsqu'elle l'a prononcé; toutefois, elle ne doit pas être utilisée pour permettre à un juge de modifier le jugement qu'il a rendu pour traduire son change- ment d'opinion sur ce que le jugement aurait être. Il ressort des faits de l'espèce que le juge avait décidé, à la première occasion, qui devrait être interrogé mais qu'il a omis par inadvertance de faire correspondre son ordonnance à sa conclu sion. C'était donc une erreur résultant d'une «erreur d'écriture ou omission accidentelle» au sens de la Règle et le juge était par conséquent habilité à faire la modification.
En ce qui concerne la question de savoir si l'ordonnance modifiée est bien fondée, la règle est que le juge ne peut exercer son pouvoir discrétionnaire pour remplacer le membre de la direction choisi par la partie qui procède à l'interrogatoire par un autre membre plus approprié que lorsqu'il existe une raison péremptoire de le faire. En l'espèce, la Cour est justifiée d'intervenir dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire du juge de première instance parce qu'il n'a pas examiné certaines questions ou qu'il ne leur a pas accordé suffisamment d'impor- tance. Par conséquent, l'ordonnance de modification n'aurait pas être rendue.
Le juge suppléant McQuaid: L'objet même de la première ordonnance était de déterminer de façon précise la personne qui devrait être interrogée au préalable. Les «erreurs d'écriture ou omissions accidentelles» doivent être inhérentes et rationnelle- ment explicables. En l'espèce, il apparaît que le juge de pre- mière instance a réexaminé les arguments avancés et qu'il a, en fait, infirmé sa décision comme s'il avait siégé en appel de sa propre ordonnance antérieure. Il n'était donc pas compétent pour agir comme il l'a fait. Il n'est, par conséquent, pas nécessaire d'examiner le second point.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Crabbe c. L'honorable Donald C. Jamieson, ministre des Transports, [1973] C.F. 1091 (C.A.); Ainsworth v. Wil- ding, [1896] 1 Ch. 673; Firm of R.M.K.R.M. v. Firm of M.R.M.V.L., [1926] A.C. 761 (P.C.); Evans v. Bartlam, [1937] A.C. 473 (H.L.); Charles Osenton and Company v. Johnston, [1942] A.C. 130 (H.L.); Ward v. James, [1966] 1 Q.B. 273 (C.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Paper Machinery Limited et al. v. J. O. Ross Engineering Corporation et al., [1934] R.C.S. 186; Adidas Sportschuhfabriken Adi Dassler K.G. et al. v. Kinney Shoes of Canada Ltd. (1971), 2 C.P.R. (2d) 227 (C. de l'E.).
DÉCISION CITÉE:
International Business Machines Corporation c. Xerox of Canada Limited et autre (1977), 16 N.R. 355 (C.F. Appel).
AVOCATS:
Ronald Dimock et Gordon Zimmerman pour l'appelante (défenderesse).
G. A. Macklin, c.r., pour l'intimée (demande- resse).
PROCUREURS:
Sim, Hughes, Toronto, pour l'appelante (défenderesse).
Gowling & Henderson, Ottawa, pour l'inti- mée (demanderesse).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Appel est inter- jeté d'une ordonnance de la Division de première instance, modifiant une ordonnance qui avait été rendue par le même juge au cours d'une action en invalidation d'un brevet canadien portant le numéro 1 097 488 et appartenant à l'appelante. Cet appel porte sur deux points: il faut déterminer, premièrement, si le juge était habilité à modifier l'ordonnance comme il l'a fait, et deuxièmement, si l'ordonnance modifiée est bien fondée.
La première des deux ordonnances a été rendue
le 17 mai 1982 la suite de la présentation, au nom de l'appelante, d'une demande visant à obte- nir plusieurs ordonnances, dont une portant:
[TRADUCTION] c) que le président de la demanderesse, M. J.S. Fryml, devra se présenter à un interrogatoire préalable, en sa qualité de membre de la direction de la demanderesse, au bureau de la Cour fédérale à Toronto, à la date dont conviendront les avocats des parties, et que la convocation audit interrogatoire préalable pourra être signifiée aux pro- cureurs de la demanderesse conformément à la Règle 465(7);
Après avoir entendu les plaidoiries, le juge a pris l'affaire en délibéré et plus tard le même jour a notamment indiqué, dans un document exposant les différentes ordonnances demandées:
[TRADUCTION] 3. L'alinéa c) est accueilli.
Le dossier ne contient pas les motifs de l'ordonnance.
Il vaut mieux souligner dès maintenant qu'en vertu de la Règle 465(8) [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663], il faut obtenir une ordonnance permettant que la signification de l'avis de la convocation à l'interrogatoire préalable soit faite au procureur de l'intimée si les parties n'arrivent pas à s'entendre, mais que la seule ques tion importante que le juge devait trancher en ce qui concerne la demande contenue à l'alinéa c) consistait à déterminer qui devrait être examiné au nom de l'intimée au cours de l'interrogatoire préalable.
Parmi les documents déposés par l'appelante à l'appui de sa demande, le seul énoncé pertinent sur ce point est le paragraphe 5 de l'affidavit de Paul Sutton, un avocat de New York représentant l'ap- pelante aux États-Unis et jouant le rôle d'avocat-
conseil pour l'avocat canadien dans l'action. Ce paragraphe est libellé comme suit:
[TRADUCTION] 5. Comme Geoffrey I. Hollings l'a déclaré dans son affidavit assermenté le 24 mars 1982, on m'a également informé que M. J.S. Fryml est le président de la demanderesse aux présentes.
L'affidavit de Geoffrey I. Hollings déposé au nom de l'intimée contient un peu plus de rensei- gnements. En voici le texte:
[TRADUCTION] 1. Je suis directeur général de Les Créations Lydia, un établissement de la demanderesse aux présentes, Montreal Fast Print (1975) Ltd., et, en cette qualité, j'ai une connaissance personnelle des questions sur lesquelles j'ai témoi- gné ci-après, sauf dans les cas j'ai déclaré que ces témoigna- ges étaient faits sur la foi de renseignements tenus pour véridiques.
2. Le siège social et le principal établissement d'affaires de la demanderesse est situé au 9500, boul. St-Laurent à Montréal. À Toronto, la demanderesse n'a d'autres lieux d'affaires que les bureaux de ses agents et ses représentants.
3. Je suis directeur général de la demanderesse et responsable de ses opérations au Canada; mes fonctions consistent notam- ment à diriger les activités de Les Créations Lydia, y compris la confection de vêtements, les ventes de la demanderesse et l'exploitation de ses opérations Malimo. En outre, j'ai été chargé de m'occuper des intérêts de la demanderesse en ce qui concerne le domaine des tissus doublés Malimo et notamment, j'ai été mandaté pour m'occuper directement de l'action en invalidation des lettres patentes délivrées au Canada, portant le 1 097 488.
4. Je suis également directeur général de la société soeur de la demanderesse, American Fast Print située à Spartanburg (Caroline du Sud).
5. Le président de la demanderesse, M. J.S. Fryml, habite à l'extérieur du Canada; il ne vient qu'occasionnellement à l'usine de Montréal et ne s'occupe pas de ses opérations quotidiennes. Je tiens M. Fryml au courant du déroulement de la présente action, mais dans ses grandes lignes seulement; il ne connaît pas en détail les questions en litige. Je lui ai communiqué la plus grande partie des renseignements qu'il possède sur ce litige.
6. Anthony G. Creber, membre du bureau de MM. Gowling & Henderson, procureurs de la demanderesse, m'a informé, et je le crois, que les premiers procureurs de la défenderesse, MM. Herridge, Tolmie, ont été informés dès février 1982 que je pourrais me présenter à un interrogatoire préalable en qualité de représentant de la demanderesse, immédiatement après l'in- terrogatoire de Daniel Duhl, et que j'étais la personne qui, au sein de la société demanderesse, était la mieux informée des questions en cause en l'espèce. Anthony G. Creber m'a égale- ment informé, et je le crois, qu'à aucun moment MM. Her- ridge, Tolmie ni les nouveaux procureurs de la défenderesse, MM. Sim, Hughes, n'ont indiqué qu'ils considéraient que je ne pouvais agir à titre de représentant de la demanderesse. En outre, à aucun moment les procureurs de la défenderesse n'ont dit qu'ils souhaitaient profiter de l'offre faite et m'interroger après l'interrogatoire préalable de la défenderesse.
7. Depuis au moins 1979 jusqu'en avril 1981, la demanderesse a fabriqué et vendu au public canadien des tissus doublés d'en-
vers Malimo semblables à ceux décrits et revendiqués dans les lettres patentes délivrées au Canada et portant le numéro 1 097 488. En avril 1981, la demanderesse a réduit considéra- blement sa production après avoir reçu, ainsi que ses clients, une lettre de Daniel Duhl, président de la défenderesse. La demanderesse a continué à fabriquer et à vendre les tissus doublés d'envers Malimo jusqu'en juillet 1981 mais toutefois en quantité beaucoup plus réduite. Depuis juillet 1981, la deman- deresse a cessé de fabriquer ou de vendre les tissus doublés d'envers Malimo sur une base commerciale, ce qui a entraîné la suspension d'une bonne partie de ses opérations à Montréal et le licenciement d'employés.
Les témoins déposants n'ont pas été contre- interrogés.
Le 17 juin 1982, l'intimée a présenté une requête devant le juge visant notamment à obtenir:
[TRADUCTION] a) un nouvel examen, en vertu de la Règle 337(5) des Règles de la Cour fédérale, des Parties 1 et 3 de l'ordonnance de votre Seigneurie en l'espèce, datée du 17 mai 1982, notamment:
(iii) la question de savoir si la Cour avait l'intention d'ordonner à M. J.S. Fryml ou à M. G. Hollings de se présenter à un interrogatoire préalable au nom de la demanderesse;
b) la correction, en vertu de la Règle 337(6) des Règles de la Cour fédérale, dans les Parties 1 et 3 de ladite ordonnance, des erreurs de rédaction ou autres erreurs d'écriture ou omissions accidentelles, notamment:
(iii) la question de savoir si la Cour avait l'intention d'ordonner à M. J.S. Fryml ou à M. G. Hollings de se présenter à un interrogatoire préalable au nom de la demanderesse;
c) une ordonnance, en vertu de la Règle 337(5), prorogeant le délai de présentation de la requête à la Cour;
La requête était appuyée d'un affidavit concer- nant la demande de prorogation du délai de pré- sentation de la requête et a donné lieu à une ordonnance portant:
[TRADUCTION] 1. Le délai de présentation de la présente requête est prorogé.
2. Mon ordonnance datée du 17 mai 1982 est modifiée et corrigée comme suit:
b) Étant donné qu'il semble que j'aie omis par inadvertance d'inclure mes conclusions au sujet des allégations détaillées de l'avocat de la demanderesse sur la question de savoir qui devrait se présenter à l'interrogatoire préalable, je modifie par la présente le paragraphe 3 de l'ordonnance mentionnée ci-dessus en y ajoutant: «mais le membre de la direction qui sera interrogé au nom de la demanderesse devra être M. G. Hollings au lieu de M. J.S. Fryml.»
Il n'a pas déposé de motifs avec l'ordonnance. À l'audition de l'appel, les parties ont reconnu que le seul point débattu devant le juge au sujet de la modification apportée à l'alinéa b) consistait à déterminer si le juge était habilité à faire cette modification, et les avocats ont informé la Cour que le juge, après avoir entendu les plaidoiries, a déclaré qu'il vérifierait ou consulterait ses notes.
Il faudrait souligner deux choses. Premièrement, l'ordonnance originale ne comportait aucune ambi- guïté ni aucune incertitude quant à ce qu'elle signifiait, et elle n'était pas incomplète. En outre, il ne s'agissait pas d'une ordonnance apparemment déraisonnable ou de nature à faire penser qu'elle a été rendue par erreur. On ne pouvait considérer, étant donné les faits décrits et vu la nature de l'action et des autres considérations dont il faut tenir compte, qu'il était improbable qu'une telle ordonnance soit prononcée. Deuxièmement, compte tenu des questions qu'il fallait trancher, la modification avait pour effet d'infirmer la décision rendue.
Sous le titre Jugements et ordonnances, les Règles contiennent notamment les dispositions suivantes:
Règle 337. (1) La Cour pourra rendre une décision sur toute question qui a fait l'objet d'une audition
a) en rendant un jugement à l'audience avant que l'audition ne soit terminée, ou
b) après avoir réservé son jugement en attendant la fin de l'audition, en déposant le document nécessaire au greffe,
de la manière prévue à l'alinéa (2).
(2) Lorsque la Cour est arrivée à une décision sur le juge- ment à prononcer, elle doit, en plus de donner, le cas échéant, les motifs de son jugement,
a) prononcer le jugement (Formule 14) dans un document distinct signé par le juge présidant; ou
(4) Un jugement prononcé en vertu de l'alinéa (2)a) ou l'alinéa (3) sera, sous réserve des alinéas (5) et (6), en sa forme définitive.
(5) Dans les 10 jours de prononcé d'un jugement en vertu de l'alinéa (2)a), ou dans tel délai prolongé que la Cour pourra accorder, soit avant, soit après l'expiration du délai de 10 jours, l'une ou l'autre des parties pourra présenter à la Cour, telle qu'elle est constituée au moment du prononcé, une requête demandant un nouvel examen des termes du prononcé, mais seulement l'une ou l'autre ou l'une et l'autre des raisons suivantes:
a) le prononcé n'est pas en accord avec les motifs qui, le cas échéant, ont été donnés pour justifier le jugement;
b) on a négligé ou accidentellement omis de traiter d'une question dont on aurait traiter.
(6) Dans les jugements, les erreurs de rédaction ou autres erreurs d'écriture ou omissions accidentelles peuvent toujours être corrigées par la Cour sans procéder par voie d'appel.
(7) La présente Règle s'applique, avec les modifications qui s'imposent, au prononcé des jugements ou ordonnances interlo- cutoires par la Cour, un juge ou un protonotaire, mais, en ce cas, un jugement ou une ordonnance en vertu de l'alinéa (2)a) n'ont pas besoin d'être rendus sur un document distinct; ils peuvent être inscrits par le juge présidant, ou par le protono- taire, selon le cas, sur l'avis de requête ou sur quelque autre document du dossier de la Cour qui peut commodément servir à cette fin.
Ces paragraphes et les autres paragraphes de la Règle 337 que je n'ai pas cités, forment, à mon avis, un ensemble complet de règles concernant le caractère définitif des jugements et ordonnances.
Dans Crabbe c. L'honorable Donald C. Jamie- son, ministre des Transports', le juge en chef Jackett qui avait à décider de l'adjudication des dépens, a déclaré [aux pages 1091 et 1092]:
En premier lieu, les pouvoirs que possède la Cour de varier son propre jugement, en prescrivant le paiement d'une somme globale au lieu de frais taxés, sont très limités. Un jugement doit toujours être consigné dans un document distinct signé par le juge qui a présidé à l'audition (Règle 337(2)a) et (3)) ou, dans le cas d'un jugement interlocutoire, il doit être inscrit par le juge sur un autre document. Un tel jugement est alors définitif (Règle 337(4)) mais
a) ses termes peuvent être examinés de nouveau au motif que le prononcé n'est pas en accord avec les motifs ou qu'il y a eu une omission accidentelle (Règle 337(5)), et
b) les erreurs de rédaction et les omissions accidentelles, etc., peuvent être corrigées (Règle 337(6)).
Ce n'est donc qu'en vertu et selon les disposi tions de ces Règles qu'un juge est habilité à modi fier une ordonnance une fois qu'elle est rendue. Des arrêts comme Paper Machinery Limited et al. v. J. O. Ross Engineering Corporation et al. 2 et les autres arrêts mentionnés aux présentes, qui se rapportaient à un ensemble ou à des ensembles de règles différentes, ne sont donc que d'une aide limitée pour trancher le point en litige en l'espèce. De plus, si Adidas Sportschuhfabriken Adi Dass - ler K.G. et al. v. Kinney Shoes of Canada Ltd. 3 se rapportait à des règles semblables à la Règle
' [1973] C.F. 1091 (C.A.).
2 [1934] R.C.S. 186.
3 (1971), 2 C.P.R. (2d) 227 (C. de l'É.).
337(5) et (6), il s'agissait toutefois d'un jugement qui, à première vue, devait être corrigé parce qu'en raison de son libellé, il pouvait être et était effecti- vement utilisé dans un sens plus large que ce qui avait été demandé à la Cour ou accordé par elle. La modification de son libellé a simplement clari- fié son effet.
En l'espèce, il me semble évident qu'étant donné que la première ordonnance n'était accompagnée d'aucun motif, l'alinéa 337(5)a) ne pouvait s'appli- quer et que, vu que l'ordonnance paraissait com- plète et détaillée, l'alinéa 337(5)b) était également inapplicable. En outre, il n'existe, eu égard aux faits, aucune raison de penser que l'ordonnance contenait des «erreurs de rédaction» au sens de la Règle 337(6).
Il ne reste donc qu'à examiner les termes «autres erreurs d'écriture ou omissions accidentelles» à la Règle 337(6). Étant donné que par le passé, les tribunaux ont utilisé leur vaste pouvoir de corriger les jugements ou les ordonnances afin de les faire correspondre aux jugements prononcés ou aux jugements qu'ils avaient l'intention de rendre, il me semble qu'il faudrait accorder à cette partie de la Règle une portée assez large pour habiliter la Cour à modifier un jugement de façon à le rendre conforme à ce qu'elle voulait dire lorsqu'elle l'a prononcé; toutefois, elle ne doit pas être utilisée pour permettre à un juge de réviser ou d'annuler son jugement ou encore de le modifier pour tra- duire son changement d'opinion sur ce que le jugement aurait être.
Cette distinction est bien expliquée dans un extrait de la décision du juge Romer dans Ains- worth v. Wilding 4 , qui a été cité par le Conseil Privé dans Firm of R.M.K.R.M. v. Firm of M.R.M. V. L. 5 :
[TRADUCTION] La Cour n'a pas compétence, une fois que le jugement de première instance a été rendu et enregistré, pour réentendre la cause ... Autrefois, la Cour de la chancellerie était habilitée à réentendre les causes dont elle avait été saisie, même quand son jugement était déjà déposé, mais ce n'est plus le cas depuis l'adoption des Judicature Acts. Autant que je sache, les seuls cas la Cour peut intervenir après le prononcé d'un jugement et son enregistrement sont les suivants: (1) lorsqu'il y a eu une erreur accidentelle dans la formulation du jugement—auquel cas, la Cour est habilitée à le corriger en vertu de l'ordonnance XXVIII, r. 2; (2) lorsque la Cour estime que le jugement tel qu'il est libellé n'énonce pas correctement ce qu'elle a effectivement décidé.
° [1896] 1 Ch. 673, à la p. 676.
5 [1926] A.C. 761 (P.C.), à la p. 771.
En ce qui concerne les faits de l'espèce, on constate qu'en rendant l'ordonnance dont il est interjeté appel, le juge a déclaré que «par inadver- tance» il avait «omis ... d'inclure» dans la première ordonnance ses «conclusions au sujet des alléga- tions détaillées ... de la demanderesse sur la ques tion de savoir qui devrait se présenter à l'interroga- toire préalable». À mon avis, cela signifie que le juge avait décidé, à la première occasion, qui devrait être interrogé, mais qu'il avait omis par inadvertance de faire correspondre son ordonnance à sa conclusion. Cela montre, selon moi, que l'omission dans l'ordonnance du nom de M. Hol- lings comme étant la personne à interroger consti- tuait une erreur résultant d'une «erreur d'écriture ou omission accidentelle» au sens de la Règle. Le fait que le fond même de l'ordonnance n'ait pas été débattu de nouveau au moment de la deuxième demande vient corroborer, à mon avis, l'opinion selon laquelle il n'y a pas eu dans ce cas de nouvel examen au fond de la question de savoir laquelle des deux personnes proposées devrait être exami née.
Sur ce premier point, l'appel ne peut donc être accueilli.
Il reste à déterminer si, compte tenu des docu ments dont la Cour a été saisie, il aurait fallu écarter la désignation de M. Fryml, qui avait été choisi par l'appelante, en désignant M. Hollings comme étant la personne à interroger.
Les règles relatives à l'interrogatoire préalable prévoient:
Règle 465. (1) Aux fins de la présente Règle, on peut procéder à l'interrogatoire préalable d'une partie, tel que ci-après prévu dans cette Règle,
b) si la partie est une corporation ou un corps ou autre groupe de personnes autorisé à ester en justice, soit en son propre nom soit au nom d'un membre de sa direction ou d'une autre personne, en interrogeant un membre de la direction ou autre membre de cette corporation ou de ce groupe,
(7) Sur demande de la partie qui se propose d'exercer en vertu de la présente Règle un droit d'interrogatoire préalable, toute personne qui est habilitée par l'alinéa (6) pour être l'examinateur et qui a convenu d'agir en cette qualité pour cet interrogatoire particulier doit émettre une convocation signée par elle et fixant les temps et lieu prévus pour l'interrogatoire (Une telle convocation doit indiquer les noms de la partie qui procède à l'interrogatoire préalable, de la partie qui doit être interrogée au préalable et de l'individu qui doit être interrogé).
(8) Une convocation émise en vertu de l'alinéa (7), à laquelle doit être joint le montant approprié des frais de déplacement, doit être signifiée au procureur ou solicitor de la partie qui doit être interrogée dans le cas d'un interrogatoire préalable autre que ceux visés par l'alinéa (1)b) ou l'alinéa (5); et elle doit également être ainsi signifiée dans le cas d'un interrogatoire préalable visé par l'alinéa (1)b) si la Cour en donne l'ordre avant que la signification ne soit effectuée; et, dans tous les cas auxquels s'applique le présent alinéa, la signification de la convocation au procureur ou solicitor de la partie qui doit être examinée, suffira.
(9) Dans tout cas auquel ne s'applique pas l'alinéa (8), l'individu qui doit être interrogé peut être cité à comparaître (par subpoena ad testificandum ou subpoena duces tecum) de la même façon qu'un témoin cité pour interrogatoire. Dans ce cas, la convocation émise en vertu de l'alinéa (7) doit être signifiée au procureur ou solicitor de la partie qui doit être interrogée au préalable ou de la partie dont l'intérêt est opposé à celui de la partie qui procède à l'interrogatoire, selon le cas.
(12) Lorsqu'un individu qui doit être interrogé au préalable est hors du ressort de la Cour, temporairement ou d'une façon permanente, la Cour pourra ordonner, ou les parties pourront convenir, que l'interrogatoire préalable soit tenu à un endroit, et de telle manière, qui sera considérée comme juste et convenable.
(13) La signification de l'ordonnance, le cas échéant, ainsi que de toutes les pièces nécessaires pour obtenir un interroga- toire préalable en vertu de l'alinéa (12), peut être faite au procureur ou solicitor de la partie qui doit être interrogée, le montant des frais de déplacement en même temps remis à ce procureur ou solicitor.
(15) A un interrogatoire préalable autre qu'un interrogatoire en vertu de l'alinéa (5), l'individu qui est interrogé doit répon- dre à toute question sur tout fait que la partie interrogée au préalable connaît ou a les moyens de connaître et qui peut soit démontrer ou tendre à démontrer ou réfuter ou tendre à réfuter une allégation de fait non admis dans une plaidoirie à la cause de la partie qui est interrogée au préalable ou de la partie qui procède à l'interrogatoire.
(17) Afin de se conformer à l'alinéa (15), l'individu interrogé peut être requis de se renseigner et, à cet égard, l'interrogatoire peut être ajourné si nécessaire.
(19) La Cour pourra, pour des raisons spéciales, mais excep- tionnellement, et dans sa discrétion, ordonner un autre examen préalable après qu'une partie ou cessionnaire aura été examiné au préalable en vertu de la présente Règle.
En vertu de la Règle 494(9), les réponses don- nées au cours d'un interrogatoire préalable peuvent être présentées en preuve par une partie adverse.
À mon avis, l'effet de la Règle 465(1), (7), (8) et (9) est de permettre à la partie qui procède à l'interrogatoire de choisir en premier lieu le
membre de la direction ou autre membre de la corporation ou du groupe qu'elle désire interroger, mais comme il faut obtenir une ordonnance de la Cour en vertu de l'alinéa (8) pour signifier la convocation au procureur ou solicitor de la partie qui doit être interrogée au préalable lorsque cette partie est une corporation ou un groupe, la Cour peut, avant d'accorder une telle ordonnance, exer- cer son pouvoir discrétionnaire et exiger que la partie qui procède à l'interrogatoire désigne un autre membre de la direction ou autre membre de la corporation ou du groupe pour qu'il soit inter- rogé au préalable en son nom. La Cour ne devrait cependant rendre une telle ordonnance que lorsque les documents dont elle est saisie révèlent une raison de croire que la personne choisie par la partie qui procède à l'interrogatoire n'est pas la personne appropriée pour être interrogée au préla- ble ou que, pour une raison péremptoire, celle-ci n'est pas disponible et devrait être remplacée par un autre membre de la direction ou membre de la corporation ou du groupe. Selon moi, la personne choisie par la partie qui procède à l'interrogatoire ne devrait pas être remplacée à la légère. La partie (ou son procureur) devrait être la mieux placée pour savoir ce dont elle a besoin pour étayer sa preuve, ce qui l'intéresse dans l'interrogatoire préalable et qui, parmi les membres de la direction ou autres membres mentionnés dans la Règle, est le plus apte à répondre à ses questions. Remplacer la personne choisie à la demande de la partie opposée constitue une intervention dans la présen- tation de sa cause. Il en découle que lorsqu'elle choisit la personne qui doit être interrogée au préalable, la partie prend et accepte le risque que son choix ne soit pas le meilleur.
Comme, en l'espèce, le juge est intervenu et a remplacé la personne choisie par la personne qui procédait à l'interrogatoire par une autre qu'elle n'avait pas choisie, il faut déterminer s'il s'agit d'un cas la Cour doit intervenir dans l'exercice par le juge de son pouvoir discrétionnaire.
Cette question a été examinée par la Chambre des lords dans Evans v. Bartlam 6 . Au cours de son exposé, lord Wright a posé le problème comme suit:
6 [1937] A.C. 473 (H.L.), à la p. 486.
[TRADUCTION] Il est évident que la Cour d'appel ne devrait pas entraver le pouvoir discrétionnaire d'un juge exerçant sa com- pétence, à moins d'être convaincue qu'il a commis une erreur. Toutefois, la Cour n'a pas le droit d'affirmer simplement que si le juge était compétent et qu'il avait été saisi de tous les faits, la Cour d'appel ne peut réviser son ordonnance à moins qu'il ne soit démontré qu'il a appliqué un principe erroné. La Cour doit, si besoin est, examiner de nouveau les faits pertinents afin d'exercer son pouvoir discrétionnaire de surveillance qui peut entraîner la cassation ou la modification de l'ordonnance. Autrement, lorsqu'il s'agit de questions interlocutoires, on pour- rait considérer que le juge n'est pas assujetti au pouvoir de surveillance. Pourtant, une ordonnance interlocutoire peut sou- vent revêtir une importance capitale pour l'issue du litige et exiger un examen attentif par la Cour d'appel.
La Chambre des lords a de nouveau été saisie de ce problème dans Charles Osenton and Company v. Johnston 7 . Le vicomte Simon, lord Chancelier, a déclaré:
[TRADUCTION] La règle relative à l'annulation par une cour d'appel d'une ordonnance rendue par un juge d'une instance inférieure dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire est bien établie, et tous les problèmes qui se présentent résultent seule- ment de l'application de principes déterminés à un cas particu- lier. Le tribunal d'appel n'a pas la liberté de simplement substituer l'exercice de son propre pouvoir discrétionnaire à celui déjà exercé par le juge. En d'autres termes, les juridictions d'appel ne devraient pas annuler une ordonnance pour la simple raison qu'elles auraient exercé le pouvoir discrétionnaire origi nal, s'il leur avait appartenu, d'une manière différente. Toute- fois, si le tribunal d'appel conclut que le pouvoir discrétionnaire a été exercé de façon erronée, parce qu'on n'a pas attaché suffisamment d'importance à des considérations pertinentes comme celles que l'appelante a fait valoir devant nous, il est alors possible de justifier l'annulation de l'ordonnance. Cette question a été examinée en détail dans la décision de la Chambre des lords dans Evans v. Bartlam ([1937] A.C. 473), mon collègue lord Wright a déclaré ce qui suit:
Il a ensuite cité l'extrait précité des motifs de lord Wright dans cette décision antérieure.
Plus récemment, dans Ward v. James 8 , le maître des rôles, lord Denning, a déclaré dans un exposé utile du droit:
[TRADUCTION] Contrôle du pouvoir discrétionnaire. Cela m'amène à la question suivante: dans quelles circonstances la Cour d'appel interviendra-t-elle dans l'exercice du pouvoir dis- crétionnaire d'un juge? A un moment donné, on a affirmé qu'elle n'interviendrait que lorsque le juge avait commis une erreur de principe. Cependant, depuis Evans v. Bartlam, cette opinion a été abandonnée. Lord Wright, dans Charles Osenton & Co. v. Johnson [sic], a énoncé la proposition applicable. La Cour peut et doit intervenir lorsqu'elle est convaincue que le juge a commis une erreur. Ainsi, elle interviendra si elle peut constater que le juge n'a pas accordé d'importance (ou qu'il n'a
' [1942] A.C. 130 (H.L.), à la p. 138.
8 [1966] 1 Q.B. 273 (C.A.), à la p. 293.
pas accordé suffisamment d'importance) aux considérations dont il aurait tenir compte. Un bon exemple de cette situation est l'arrêt Charles Osenton & Co. v. Johnson [sic]; le juge Tucker, exerçant son pouvoir discrétionnaire, avait ordonné que l'instruction soit conduite par un arbitre officiel et la Chambre des lords a annulé cette décision parce qu'il n'avait pas accordé assez d'importance au fait que la réputation profes- sionnelle des arpenteurs était en jeu. À l'inverse aussi, la Cour interviendra lorsqu'elle constatera que le juge a été influencé par des considérations dont il n'aurait pas tenir compte, ou auxquelles il n'aurait pas attacher autant d'importance, comme ce fut le cas dans Hennell v. Ranaboldo ([1963] 1 W.L.R. 1391). Il arrive parfois que le juge donne des motifs qui permettent à la Cour de connaître les considérations dont il a tenu compte; toutefois, même lorsque le juge n'a pas donné les motifs de sa décision, il est possible pour la Cour de conclure, en se fondant simplement sur la manière dont le juge a rendu sa décision, qu'il a se tromper sur un point ou un autre, et annulera alors sa décision: voir Grimshaw v. Dunbar ([1953] 1 Q.B. 408; [1953] 2 W.L.R. 332; [1953] 1 All E.R. 350, C.A.).
À mon avis, les motifs du jugement de cette Cour dans International Business Machines Cor poration c. Xerox of Canada Limited et autre 9 ne diffèrent pas de la règle énoncée dans ces arrêts anglais et ne la contredisent pas.
En l'espèce, les documents révèlent peu de choses au sujet de M. Fryml sinon qu'il est prési- dent de la société intimée. Cela laisse supposer toutefois qu'il peut répondre au nom de la société et qu'il peut obtenir de celle-ci des renseignements qui peuvent, à juste titre, être demandés à cette dernière mais dont il n'a pas personnellement con- naissance. Par contre, les documents ne prouvent pas qu'il n'est pas assez bien informé pour être interrogé au préalable au nom de la société ni que, pour quelque raison que ce soit, il n'est pas dispo- nible ou ne peut être disponible à cette fin. Il n'a témoigné sur aucun de ces points.
En outre, à part le fait que l'intimée avait proposé M. Hollings comme étant la personne qu'il convenait d'interroger au préalable quelques mois avant que l'appelante choisisse M. Fryml, ce qui, à mon avis, ne devrait pas peser dans la balance, l'affidavit de Hollings ne révèle aucune raison particulière de le choisir plutôt qu'un autre. On a affirmé qu'étant donné qu'il s'occupait de l'action au nom de l'intimée, il était mieux informé et il était plus au courant des points en litige que M. Fryml, et qu'il devait être choisi pour cette raison. Selon moi, le fait qu'il donne des instructions sur
9 (1977), 16 N.R. 355 (C.F. Appel).
la conduite de l'action le rend probablement moins acceptable, du point de vue de l'appelante, comme personne à interroger au préalable. De plus, bien que l'affidavit de Hollings indique qu'il connaît bien les opérations de la société au Canada, ce qui pourrait avoir de l'importance sur la question de la contrefaçon, il n'y a, à mon avis, aucune raison de croire qu'il est bien informé ou qu'il est mieux informé que M. Fryml au sujet des questions soulevées dans la déclaration comme motifs d'op- position à la validité du brevet contesté.
J'estime dans l'ensemble que le juge n'a pas examiné les questions que j'ai mentionnées ou qu'il ne leur a pas accordé suffisamment d'importance, et que l'ordonnance remplaçant M. Fryml n'aurait pas être rendue. J'accueillerais l'appel avec dépens, j'annulerais le paragraphe 3 de l'ordon- nance tel qu'il a été modifié le 17 juin 1982, et je rendrais une ordonnance rédigée dans les termes du paragraphe 3 tel qu'il avait été prononcé le 17 mai 1982, avec les dépens de la requête présentée le 17 juin 1982, dans la mesure ils sont applica- bles à cette partie de la requête présentée ce même jour.
LE JUGE HEALD: Je souscris à ces motifs.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT MCQUAID: J'ai eu l'occa- sion de lire le projet de motifs de jugement rédigés par le juge en chef. En toute déférence, j'envisage le litige autrement et j'arrive donc à des conclu sions un peu différentes.
À mon avis, le point que la Cour doit trancher est le suivant: le juge de première instance était-il habilité à faire la modification qu'il a apportée? Si la réponse est négative, cela résout l'appel. Par contre, si la réponse est affirmative, la Cour doit alors répondre à une autre question: l'ordonnance modifiée était-elle bien fondée?
La première ordonnance rendue par le juge de première instance a suivi la demande que lui a présentée l'appelante, le 4 mai 1982, afin d'obtenir ordonnance portant notamment,
c) que le président de la demanderesse, M. J.S. Fryml, devra se présenter à un interrogatoire préalable, en sa qualité de membre de la direction de la demanderesse, au bureau de la Cour fédérale à Toronto, à la date dont conviendront les avocats des parties, et que la convocation audit interrogatoire préalable pourra être signifiée aux procureurs de la deman- deresse conformément à la Règle 465(7);
À la suite des plaidoiries, le juge de première instance a pris l'affaire en délibéré, probablement pour revoir les arguments dont il avait été saisi et pour déterminer quelle décision il devrait rendre. Un peu plus tard le même jour, il a déposé un document dans lequel il ordonnait notamment, sans toutefois donner de motifs:
3. L'alinéa c) est accueilli.
Ces quelques termes représentent manifeste- ment la forme abrégée d'une ordonnance qui, en d'autres circonstances, aurait pu revêtir une forme plus structurée et être rédigée dans les termes suivants:
[TRADUCTION] J'ORDONNE que le président de la société demanderesse, Montreal Fast Print (1975) Ltd., M. J.S. Fryml, se présente à un interrogatoire préalable en sa qualité de membre de la direction de cette dernière, au bureau de la Cour fédérale à Toronto, à la date dont conviendront les avocats des parties, et J'ORDONNE EN OUTRE que la convocation audit interrogatoire préalable soit signifiée au procureur de la demanderesse conformément à la Règle 465(7).
À mon avis, l'ordonnance, même dans sa forme abrégée, était claire et précise et a de plus été rendue après mûre réflexion, après que le juge de première instance eut tenu compte des choix ou solutions s'offrant à lui. L'objet même de l'ordon- nance était de déterminer de façon précise la personne qui devrait être interrogée au préalable.
Il est important de souligner qu'en ce qui con- cerne la demande qui lui avait alors été présentée, le juge de première instance avait été saisi d'un affidavit assez détaillé dont il a sans aucun doute tenu compte dans les délibérations qui ont précédé le prononcé de son jugement. Cet affidavit déposé au nom de l'intimée exposait les motifs pour les- quels G. I. Hollings plutôt que Fryml devrait être considéré comme la personne à interroger. Malgré cet affidavit et les arguments avancés à l'appui de celui-ci, le juge a rendu l'ordonnance en question portant que le redressement demandé par la requé- rante, appelante en l'espèce, tel qu'exposé à l'ali- néa c) était accueilli, c'est-à-dire que Fryml était la personne à interroger au préalable.
Par la suite, le 17 juin 1982, l'intimée a présenté une requête au même juge visant notamment à obtenir le redressement suivant:
a) un nouvel examen, en vertu de la Règle 337(5) des Règles de la Cour fédérale, des Parties 1 et 3 de l'ordonnance de votre Seigneurie en l'espèce, datée du 17 mai 1982, notamment:
(iii) la question de savoir si la Cour avait l'intention d'ordonner à M. J.S. Fryml ou à M. G. Hollings de se présenter à un interrogatoire préalable au nom de la demanderesse;
b) la correction, en vertu de la Règle 337(6) des Règles de la Cour fédérale, dans les Parties 1 et 3 de ladite ordonnance, des erreurs de rédaction ou autres erreurs d'écriture ou omissions accidentelles, notamment:
(iii) la question de savoir si la Cour avait l'intention d'ordonner à M. J.S. Fryml ou à M. G. Hollings de se présenter à un interrogatoire préalable au nom de la demanderesse;
c) une ordonnance, en vertu de la Règle 337(5), prorogeant le délai de présentation de la requête à la Cour;
Cette demande a entraîné le prononcé d'une ordonnance modificative, sans motifs, qui était rédigée comme suit:
1. Le délai de présentation de la présente requête est prorogé.
2. Mon ordonnance datée du 17 mai 1982 est modifiée et corrigée comme suit:
b) Étant donné qu'il semble que j'aie omis par inadvertance d'inclure mes conclusions au sujet des allégations détaillées de l'avocat de la demanderesse sur la question de savoir qui devrait se présenter à l'interrogatoire préalable, je modifie par la présente le paragraphe 3 de l'ordonnance mentionnée ci-dessus en y ajoutant: «mais le membre de la direction qui sera interrogé au nom de la demanderesse devra être M. G. Hollings au lieu de M. J.S. Fryml.»
Il est important, à mon avis, de revenir à la première audition du 17 mai 1982 et d'examiner le litige dont le juge avait alors été saisi; il s'agissait de déterminer, en se fondant sur les arguments avancés et les documents qui lui avaient été pré- sentés, y compris les affidavits, qui de Fryml ou de Hollings devait être interrogé au préalable. Sans donner de motifs écrits mais après réflexion et pour des raisons qui sont demeurées secrètes, le juge s'est prononcé sur le seul point qu'il avait à trancher, c'est-à-dire que Fryml était la personne qui devait être interrogée au préalable.
Dans l'ordonnance ultérieure qui est censée constituer son ordonnance modificative, le juge de première instance s'est totalement contredit.
Voici les dispositions pertinentes de la Règle 337:
Règle 337. (1) La Cour pourra rendre une décision sur toute question qui a fait l'objet d'une audition
a) en rendant un jugement à l'audience avant que l'audition ne soit terminée, ou
b) après avoir réservé son jugement en attendant la fin de l'audition, en déposant le document nécessaire au greffe,
de la manière prévue à l'alinéa (2).
(2) Lorsque la Cour est arrivée à une décision sur le juge- ment à prononcer, elle doit, en plus de donner, le cas échéant, les motifs de son jugement,
a) prononcer le jugement (Formule 14) dans un document distinct signé par le juge présidant; ou
(4) Un jugement prononcé en vertu de l'alinéa (2)a) ou l'alinéa (3) sera, sous réserve des alinéas (5) et (6), en sa forme définitive.
(5) Dans les 10 jours de prononcé d'un jugement en vertu de l'alinéa (2)a), ou dans tel délai prolongé que la Cour pourra accorder, soit avant, soit après l'expiration du délai de 10 jours, l'une ou l'autre des parties pourra présenter à la Cour, telle qu'elle est constituée au moment du prononcé, une requête demandant un nouvel examen des termes du prononcé, mais seulement l'une ou l'autre ou l'une et l'autre des raisons suivantes:
a) le prononcé n'est pas en accord avec les motifs qui, le cas échéant, ont été donnés pour justifier le jugement;
b) on a négligé ou accidentellement omis de traiter d'une question dont on aurait traiter.
(6) Dans les jugements, les erreurs de rédaction ou autres erreurs d'écriture ou omissions accidentelles peuvent toujours être corrigées par la Cour sans procéder par voie d'appel.
(7) La présente Règle s'applique, avec les modifications qui s'imposent, au prononcé des jugements ou ordonnances interlo- cutoires par la Cour, un juge ou un protonotaire, mais, en ce cas, un jugement ou une ordonnance en vertu de l'alinéa (2)a) n'ont pas besoin d'être rendus sur un document distinct; ils peuvent être inscrits par le juge présidant, ou par le protono- taire, selon le cas, sur l'avis de requête ou sur quelque autre document du dossier de la Cour qui peut commodément servir à cette fin.
S'il existe un pouvoir de modification, il est conféré par cette Règle et, plus précisément, par les alinéas (5) ou (6), dans la mesure ils peuvent être pertinents pour la situation de fait en l'espèce. Cela veut dire que, sur présentation d'une requête, la Cour peut procéder à un nouvel examen des termes du prononcé mais seulement pour l'une ou l'autre des raisons suivantes:
a) le prononcé n'est pas en accord avec les motifs qui, le cas échéant, ont été donnés pour justifier le jugement;
b) on a négligé ou accidentellement omis de traiter d'une question dont on aurait traiter.
ou que subsidiairement,
Dans les jugements, les erreurs de rédaction ou autres erreurs d'écriture ou omissions accidentelles peuvent toujours être cor- rigées par la Cour sans procéder par voie d'appel.
La raison d'être de l'alinéa a) est d'assurer que ce que le juge écrit est conforme à son intention telle qu'on peut la deviner à partir des motifs indiqués. En l'espèce, aucun motif n'a été donné et on ne peut donc affirmer que le prononcé n'était pas conforme. C'est pourquoi l'alinéa a) ne peut s'appliquer.
L'alinéa b) ne s'applique pas non plus puisque le juge de première instance avait à se prononcer sur un point seulement: qui de Fryml ou de Hollings serait interrogé au préalable? Le juge de première instance a manifestement examiné cette question.
On ne peut non plus affirmer qu'il y a eu des «erreurs de rédaction».
Pour que la modification soit maintenue, il faut qu'il y ait dans la première ordonnance des «erreurs d'écriture ou omissions accidentelles» et, à mon avis, ces «erreurs d'écriture ou omissions acci- dentelles» doivent être inhérentes et rationnelle- ment explicables.
Au risque de répéter des détails auxquels j'ai déjà fait allusion, j'estime qu'il est important de déterminer précisément les questions dont le juge de première instance avait été saisi et de tenir compte de la réflexion qu'il a, à juste titre, appor- tée à ces questions pour examiner la raison donnée à ce qui est censé être une modification, c'est-à- dire le fait d'avoir omis par «inadvertance» d'in- clure ses conclusions quant aux allégations avan- cées par l'avocat sur la question de la personne à interroger au préalable.
Le juge, en se fondant sur les arguments avancés par les avocats et appuyés par les règles de droit pertinentes, devait déterminer qui de Fryml ou de Hollings devait être interrogé au préalable. Il a non seulement entendu ces arguments mais il a suspendu l'audition pour examiner leurs implica tions et, sans doute, les règles de droit applicables. Il est arrivé à ce que l'on doit considérer comme
une opinion et des conclusions motivées, fondées sur son examen des allégations des avocats et des règles de droit, savoir que la demande devait être accueillie et que Fryml était donc la personne à interroger au préalable.
En toute déférence, je ne puis conclure autre- ment à moins de présumer que le juge de première instance s'est totalement trompé sur la nature de la demande dont il avait été saisi, ce qui, à mon avis, n'est pas le cas.
En réalité, il semble qu'au moment de la présen- tation de la demande ultérieure, le juge de pre- mière instance a réexaminé les arguments avancés et qu'il a, en fait, infirmé sa décision comme s'il avait siégé en appel de sa propre ordonnance antérieure.
À mon avis, une telle situation n'est pas visée par les termes «autres erreurs d'écriture ou omis sions accidentelles», et le juge de première instance n'était pas compétent pour agir comme il l'a fait.
Par conséquent, j'accueillerais le présent appel et j'annulerais l'ordonnance du 17 juin 1982.
Ayant conclu ainsi, j'estime donc qu'il n'est pas nécessaire de déterminer si l'ordonnance modifiée est bien fondée étant donné que, de toute façon, elle est nulle à mon avis.
L'appelante aura droit aux dépens découlant de la requête du 17 juin 1982, dans la mesure ils sont applicables au litige en l'espèce, ainsi qu'aux dépens du présent appel.
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