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T-170-84
Donald Cadieux (requérant) c.
Directeur de l'établissement Mountain et Com mission nationale des libérations conditionnelles (intimés)
Division de première instance, juge Reed—Van- couver, 12 mars; Ottawa, 8 mai 1984.
Droit constitutionnel Charte des droits Justice fonda- mentale Le programme d'absence temporaire sans escorte (A.T.S.E.) du requérant a été révoqué La Commission nationale des libérations conditionnelles refuse de divulguer les motifs La décision est assujettie aux exigences en matière de justice fondamentale que prévoit l'art. 7 de la Charte Le détenu a le droit d'être informé de l'essentiel des motifs retenus contre lui, mais il n'a pas nécessairement le droit de savoir de qui viennent les renseignements ou d'exiger la communication des documents ou des détails de la preuve L'intérêt du public en ce qui a trait à la prévention des récidives, au maintien de la sécurité et de l'ordre dans l'éta- blissement et à la préservation de la capacité de la Commis sion de fonctionner d'une manière efficace peut l'emporter sur la règle usuelle Les circonstances justifiant la dérogation doivent inclure un élément de nécessité La portée de la garantie constitutionnelle n'est pas limitée par le fait que le renseignement a été donné à titre confidentiel Le refus de divulguer l'essentiel des motifs fondé sur l'exemption à l'égard d'une catégorie est contraire à l'art. 7 tl doit y avoir un lien entre le contenu d'un renseignement et la protection de l'intérêt public pour justifier la non-divulgation sur le fondement de l'exemption d'une catégorie Certiorari accordé Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 7, 9.
Droit constitutionnel Charte des droits Droit à la vie, à la liberté et à la sécurité Révocation du programme d'absence temporaire sans escorte (A.T.S.E.) Refus de la Commission nationale des libérations conditionnelles de divul- guer les motifs La «liberté» en vertu d'une A.T.S.E. est plus restreinte que dans le cas d'une libération conditionnelle totale ou d'une libération conditionnelle de jour, mais elle est sem- blable à cette dernière Un grand nombre de jugements ont statué que les décisions sur la révocation de la libération conditionnelle sont assujetties à la protection qu'accorde l'art. 7 de la Charte Que l'octroi du programme d'A.T.S.E. soit considéré ou non comme un privilège ne réduit pas la garantie de justice fondamentale La distinction entre «droits» et «privilèges» ne tranche pas la question de savoir si l'on doit permettre le contrôle judiciaire Le mot «droit» à l'art. 7 est utilisé dans un sens large plutôt que restreint Le mot «droit» englobe les mots «privilèges» et «pouvoirs» La demande de certiorari est accueillie Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitu- tionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 7.
Droit constitutionnel - Charte des droits - Disposition restrictive - Révocation du programme d'absence temporaire sans escorte (A.T.S.E.) par la Commission nationale des libé- rations conditionnelles - Aucun motif n'est divulgué - La procédure relative à l'A.T.S.E. est établie dans le Manuel des politiques et procédures qui a été publié en application de l'art. 25 du Règlement sur la libération conditionnelle de détenus - En vertu de l'art. 7 du Manuel, un détenu doit être informé par écrit des motifs de l'annulation de l'A.T.S.E. à moins qu'une exemption ne soit demandée en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne - L'exemption de l'art. 7 est trop large pour constituer une limite raisonnable en vertu de l'art. I de la Charte - Le Manuel ne constitue pas une «règle de droit» au sens de l'art. I de la Charte - La demande de certiorari est accueillie - Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitu- tionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 1I (R.-U.), art. I - Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77, chap. 33, art. 54 - Loi sur la protection des renseignements personnels, S.C. 1980-81- 82-83, chap. 1l1, annexe II.
Libération conditionnelle - La Commission nationale des libérations conditionnelles révoque le programme d'absence temporaire sans escorte (A.T.S.E.) du requérant - La Com mission refuse de divulguer les motifs - La décision concer- nant l'A.T.S.E. peut faire l'objet d'un examen au moyen d'un certiorari et est assujettie aux exigences de justice fondamen- tale que prévoit l'art. 7 de la Charte - Le détenu a le droit d'être informé de l'essentiel des motifs retenus contre lui - Les circonstances la dérogation est justifiée pour les motifs de l'intérêt du public doivent être rares - Le refus de divul- guer l'essentiel des motifs, fondé sur l'exemption à l'égard d'une catégorie, est contraire à l'art. 7 de la Charte - Il doit y avoir un lien entre le contenu du renseignement et la protection de l'intérêt public pour justifier la non-divulgation sur le fondement de l'exemption d'une catégorie - En réclamant la non-divulgation, la Commission doit appliquer une procédure semblable à celle que prévoit l'art. 36.1 de la Loi sur la preuve au Canada - Certiorari accordé - Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, chap. P-2, art. 3(6) (mod. par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 18), 6 (mod., idem, art. 23), 9 - Règlement sur la libération conditionnelle de déte- nus, DORS/78-428, art. 2, 12(1), 17(3), 24, 25 - Loi sur les pénitenciers, S.R.C. 1970, chap. P-6, art. 26.1 (édicté par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 42) - Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970, chap. E-10, art. 36.1 (édicté par S.C. 1980-81- 82-83, chap. 1I1, art. 4) - Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 7 - Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 18, 41(1) (abrogé par. S.C. 1980-81- 82-83, chap. 111, art. 3).
il s'agit d'une demande en vue d'obtenir un bref de certiorari portant annulation d'une décision de la Commission nationale des libérations conditionnelles révoquant le programme d'ab- sence temporaire sans escorte (A.T.S.E.) de l'établissement Mountain qui avait été accordé au requérant. Le premier programme d'A.T.S.E. du requérant a été annulé à la suite de la violation de l'une des conditions de sa libération. Le requé- rant a demandé et a obtenu un nouveau programme d'A.T.S.E. qui avait pour but de lui permettre de se rendre dans un centre
de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie. La Commis sion a par la suite informé le requérant qu'elle avait obtenu des renseignements confidentiels qui l'avaient convaincue qu'il était susceptible de violer encore une fois les conditions de sa libéra- tion. Le programme d'A.T.S.E. du requérant a, par conséquent, été annulé. Aucune précision n'a été donnée au sujet de ces renseignements confidentiels.
Le requérant soutient que le refus de lui communiquer les motifs de l'annulation de son programme d'A.T.S.E. et de lui donner l'occasion de contester cette décision contreviennent à l'article 7 de la Charte. Les questions en litige sont les suivan- tes: (I) Les règles de justice fondamentale s'appliquent-elles au processus de prise de décision concernant les A.T.S.E.? (2) Si l'on répond par l'affirmative à la question I, les règles de justice fondamentale ont-elles été violées? et (3) Le refus de permettre l'accès aux renseignements confidentiels a-t-il été donné en vertu de la disposition restrictive de l'article 1 de la Charte?
Jugement: la décision est annulée et la question est renvoyée devant la Commission qui l'examinera de nouveau et décidera si le requérant peut être informé de l'essentiel des motifs qui sont retenus contre lui.
Une jurisprudence abondante porte que les décisions concer- nant la révocation de la libération conditionnelle peuvent faire l'objet d'un examen au moyen d'un certiorari. Il y a également un grand nombre de décisions de première instance selon lesquelles la protection qu'accorde l'article 7 de la Charte s'applique à la révocation de la libération conditionnelle. Bien que la «liberté» que prévoit un programme d'A.T.S.E. soit plus restreinte que dans le cas d'une libération conditionnelle totale ou d'une libération conditionnelle de jour, elle a néanmoins un caractère semblable à cette dernière. Ainsi, les règles relatives au certiorari tout comme les exigences de justice fondamentale que prescrit l'article 7 de la Charte s'appliquent également aux décisions concernant les A.T.S.E.
Le fait que le programme d'A.T.S.E. du requérant n'ait pas été mis en vigueur ou le fait que l'octroi d'un tel programme puisse être considéré comme un privilège ne limite pas les garanties de justice fondamentale. La Cour suprême du Canada dans l'arrêt Martineau c. Comité de discipline de l'Institution de Matsqui indique clairement que la distinction entre «droits» et «privilèges» ne devrait pas trancher la question de savoir si le contrôle judiciaire devrait être accordé. Le mot «droit» à l'article 7 de la Charte est utilisé dans un sens large plutôt que restreint; il englobe des concepts comme les «privilè- ges» et «pouvoirs».
La règle de l'équité n'exige pas toujours la communication de tous les renseignements que possède l'organisme qui rend la décision. Il n'est pas nécessaire de répondre à la question de savoir si l'article 7 de la Charte exige une norme de conduite plus élevée que celle qu'exigent les règles d'équité car, selon l'un ou l'autre critère, il existe des circonstances dans lesquelles on peut refuser de communiquer à un détenu les motifs de la révocation de son programme d'A.T.S.E.
La Cour d'appel fédérale dans Lazarov c. Le Secrétaire d'État du Canada a jugé que la règle audi alteram partem s'appliquait d'une manière générale à la décision .discrétion- naire du Ministre qui refuse d'accorder la citoyenneté lorsque la loi ne prescrit aucune règle de procédure. Ce principe s'applique également aux décisions de la Commission concer- nant les A.T.S.E. En général, un détenu a le droit de connaître
l'essentiel des motifs de la révocation de son programme d'A.T.S.E. Toutefois, cela ne veut pas dire qu'il a le droit de savoir de qui viennent les renseignements ou qu'il a le droit d'exiger la communication des documents eux-mêmes ou de tous les détails de la preuve retenue contre lui.
Admettre comme justification de la non-divulgation le simple fait que le renseignement a été donné à titre confidentiel équivaudrait à accepter une justification beaucoup trop faible pour ce qui constitue une restriction apportée à une garantie constitutionnelle. Cela s'applique en particulier lorsque la liberté d'une personne est en jeu (même si cette liberté est limitée et conditionnelle).
L'intérêt du public en ce qui a trait à la prévention des récidives alors que le détenu est en liberté, au maintien de la sécurité et de l'ordre dans l'établissement pénal et à la préserva- tion de la capacité de la Commission nationale des libérations conditionnelles de fonctionner d'une manière efficace peut l'em- porter sur la règle usuelle selon laquelle une personne a droit de connaître l'essentiel des motifs retenus contre elle. Toutefois, les occasions une telle situation est justifiée, doivent être rares. 11 doit y avoir un élément de nécessité; il ne suffit pas que ce soit simplement commode pour la Commission.
Il faut répondre par la négative à la question de savoir si l'on peut, dans une affaire comme la présente, demander une exemption s'appliquant à une catégorie de documents. L'intérêt du public mentionné ci-dessus peut constituer une raison suffi- sante pour justifier un refus de communiquer au détenu les rapports confidentiels parce qu'il s'agit de documents d'une catégorie privilégiée, mais elle ne justifie pas le refus de lui communiquer l'essentiel des motifs retenus contre lui. Une telle non-divulgation contreviendrait aux exigences de l'article 7 de la Charte. Il peut être justifié à l'occasion de ne pas divulguer l'essentiel des motifs, mais les raisons pour le faire doivent se rapporter au contenu précis du renseignement en question. Il doit y avoir un lien entre le contenu de ce renseignement et la protection de l'intérêt public que doit assurer la non-divulga- tion.
Par leur ton général et leur contenu, les affidavits présentés par les fonctionnaires de la Commission nationale des libéra- tions conditionnelles demandent une exemption générale pour toute une catégorie de renseignements. S'il existe des motifs suffisants pour refuser de communiquer même l'essentiel des motifs retenus contre le requérant en l'espèce, alors de nou- veaux affidavits plus précis doivent être déposés. Si la Commis sion réclame la non-divulgation dans une deuxième demande, elle devrait être prête à produire devant la Cour les documents en question, en vertu d'une procédure semblable à celle qui a 'été élaborée en common law dans les affaires relatives aux privilèges et semblable à celle que prévoit l'article 36.1 de la Loi sur la preuve au Canada, c'est-à-dire au moyen d'une enveloppe scellée avec une explication précise des raisons pour lesquelles elle estime que la non-divulgation est justifiée. Même si l'article 36.1 de la Loi sur la preuve au Canada ne semble pas s'appliquer directement à la situation présente (la présente demande vise à obtenir un bref de certiorari et n'a pas pour but d'exiger la production des renseignements), néanmoins l'article 36.1 et le paragraphe 41(1) de la Loi sur la Cour fédérale qui l'a précédé constituent simplement, de plusieurs façons, une codification de la common law à laquelle sont apportées diver- ses modifications. Par conséquent, même si l'article 36.1 ne
s'applique pas expressément en l'espèce, la common law prévoit une procédure qui permet le contrôle judiciaire de la décision de la Commission.
Les intimés soutiennent que la violation, s'il y en a eu une, des exigences de la «justice fondamentale» s'est produite en vertu d'aune règle de droit, dans des limites qui soient raisonna- bles et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique» comme le prévoit l'article I de la Charte. La procédure prévoyant l'octroi ou la révocation des A.T.S.E. est prévue dans le Manuel des politiques et procédures établi par la Commission en vertu de l'article 25 du Règlement sur la libération conditionnelle de détenus. En vertu de l'article 7 du Manuel, le détenu doit être informé par écrit des motifs d'annulation de son A.T.S.E. à moins qu'une exemp tion de la communication ne soit demandée en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La Cour n'est pas convaincue qu'on puisse dire que ce manuel de procédures constitue une «règle de droit» au sens ce terme est employé à l'article 1 de la Charte. Cette conclusion aurait été différente si le Manuel avait été approuvé par le gouverneur en conseil comme l'exige le paragraphe 3(6) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus. De toute façon, l'exemption conte- nue dans le Manuel est trop large pour constituer une limite raisonnable en vertu de l'article 1 de la Charte.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
The Queen v. Snider, [1954] R.C.S. 479; Smerchanski v. Lewis (1981), 120 D.L.R. (3d) 745 (C.A. Ont.); Re Swan and The Queen (1983), 7 C.C.C. (3d) 130 (C.S.C.-B.); Mitchell c. La Reine, [1976] 2 R.C.S. 570; Latham c. Solliciteur général du Canada, [1984] 2 C.F. 734; 39 C.R. (3d) 78; 12 C.C.C. (3d) 9 (1" inst.); Lazarov c. Le Secrétaire d'État du Canada, [1973] C.F. 927 (C.A.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Rogers v. Secretary of State for the Home Department, [1972] 2 All ER 1057 (H.L.); D. v. National Society for the Prevention of Cruelty to Children, [1978] A.C. 171 (H.L.); Collymore v. Attorney -General, [1970] A.C. 538 (P.C.); Le ministre du revenu national c. Huron Steel Fabricators (London) Ltd., [1973] C.F. 808 (C.A.); Science Research Council v Nassé, [1979] 3 All ER 673 (H.L.).
DÉCISIONS CITÉES:
Couperthwaite c. La Commission nationale des libéra- tions conditionnelles, [1983] 1 C.F. 274; 70 C.C.C. (2d) 172 (I' » inst.); Howarth c. Commission nationale des libérations conditionnelles, [1976] 1 R.C.S. 453; Dubeau c. La Commission nationale des libérations conditionnel- les, [1981] 2 C.F. 37; [1980] 6 W.W.R. 271 (Ire inst.); Morgan c. La Commission nationale des libérations con- ditionnelles, [1982] 2 C.F. 648; 65 C.C.C. (2d) 216 (C.A.); Re Cadeddu and The Queen (1982), 4 C.C.C. (3d) 97 (H.C. Ont.); R. v. Lowe (1983), 3 C.R.D. 900.150-03; 9 W.C.B. 349 (C.S.C.-B.); R. v. Nunery (1983), 5 C.R.R. 69; 2 C.R.D. 900.150-02 (H.C. Ont.); R. v. Martens (1983), 3 C.R.D. 900.I50-02 (C.S.C.-B.);
R. v. Mason (1983), 3 C.R.D. 900.150-04 (H.C. Ont.); Martineau c. Comité de discipline de l'Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602; Rex v. Canterbury (Arch- bishop). Ex parte Morant, [1944] 1 K.B. 282 (C.A.); Reg. v. Gaming Board for Great Britain, Ex parte Benaim and Khaida, [1970] 2 Q.B. 417; [1970] 2 W.L.R. 1009 (C.A.); Reg. v. Secretary of State for Home Affairs, Ex parte Hosenball, [1977] 1 W.L.R. 766 (C.A.); R. v. Teachers Tribunal: Ex parte Colvin, [ 1974] V.R. 905 (S.C.); Re Howard et le président du Tribunal disciplinaire des détenus de l'établissement de Stony Mountain (1983), 8 C.C.C. (3d) 557 (C.F. 1fe inst.); Bisaillon c. Keable, [1983] 2 R.C.S. 60; 2 D.L.R. (4th) 193; Marks v. Beyfus (1890), 25 Q.B.D. 494 (C.A.); Solliciteur général du Canada et autre c. Commission royale d'enquête (Dossiers de santé en Ontario) et autre, [1981] 2 R.C.S. 494; Ellis v. Home Office, [ 1953] 2 Q.B. 135 (C.A.); Gagnon v. Commission des Valeurs Mobiliè- res du Québec et al., [1965] R.C.S. 73; Blais c. L'hono- rable Robert Andras, [1972] C.F. 958 (C.A.); Churchill Falls (Labrador) Corp. Ltd. c. La Reine (1972), 28 D.L.R. (3d) 493 (C.F. 1'° inst.).
AVOCATS:
Sasha Pawliuk pour le requérant. G. O. Eggertson pour les intimés.
PROCUREURS:
Prison Legal Services Society of British Columbia, Abbotsford (Colombie-Britanni-
que), pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE REED: Il s'agit en l'espèce d'une demande en vue d'obtenir un bref de certiorari portant annulation d'une décision de la Commis sion nationale des libérations conditionnelles révo- quant le programme d'absence temporaire sans escorte de l'établissement Mountain qui avait été
accordé au requérant.
Le 27 avril 1979, le requérant a été déclaré coupable de viol, d'introduction par effraction, d'attentat à la pudeur et d'un deuxième viol pour lesquels il a été condamné respectivement à six ans de prison, trois ans à être purgés de façon consécu- tive et huit ans à être purgés de façon concourante.
Le 24 novembre 1982, il a obtenu dans le cadre d'un programme d'absence temporaire sans escorte des sorties mensuelles de quarante-huit heures à
l'extérieur du pénitencier pour rencontrer M. Eric Powell, pasteur anglican et ami du requérant et une famille du nom de Pringle. Lors de la première absence temporaire, le 24 décembre 1982 (la veille de Noël), il est revenu à l'établissement après avoir consommé des boissons alcooliques. Une des condi tions de sa libération en absence temporaire était qu'il ne devait pas consommer de boissons alcooli- ques. Par conséquent, son programme d'absence temporaire sans escorte (A.T.S.E.) a été annulé.
Au mois de mai 1983, il a demandé un nouveau programme d'A.T.S.E. et le 21 septembre 1983 la Commission nationale des libérations conditionnel- les a tenu une audition en vue d'étudier sa demande. Le 14 octobre 1983, le requérant a reçu une lettre indiquant que la Commission nationale des libérations conditionnelles lui avait accordé un programme d'A.T.S.E. qui prévoyait quatre sorties mensuelles de douze heures en compagnie de M. Powell. Ce programme avait en partie pour but de permettre au requérant de se rendre dans un centre de traitement de l'alcoolisme et de la toxico- manie à Surrey (Colombie-Britannique).
Avant d'avoir été libéré en absence temporaire sans escorte, le requérant a reçu une lettre de la Commission des libérations conditionnelles datée du 25 novembre 1983, l'informant que [TRADUC- TION] «La Commission a obtenu des renseigne- ments confidentiels qui nous ont convaincus que vous êtes susceptible à l'heure actuelle de commet- tre une nouvelle infraction à l'occasion de toute remise en liberté» et par conséquent son pro gramme d'A.T.S.E. a été annulé. Il a demandé des précisions au sujet de ces renseignements confiden- tiels mais n'en a reçu aucune.
Le pouvoir de la Commission d'approuver les programmes d'A.T.S.E. découle de l'article 6 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, chap. P-2, modifié par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 23:
6. Sous réserve de la présente loi, de la Loi sur les péniten- ciers et de la Loi sur les prisons et les maisons de correction, la Commission est exclusivement compétente et a entière discré- tion pour accorder ou refuser d'accorder une libération condi- tionnelle ou une absence temporaire sans escorte en vertu de la Loi sur les pénitenciers et pour révoquer une libération condi- tionnelle ou mettre fin à une libération conditionnelle de jour.
L'article 26.1 de la Loi sur les pénitenciers, S.R.C. 1970, chap. P-6, édicté par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 42, se rapporte également au pouvoir de la Commission:
26.1 (1) Sous réserve des règlements établis à cet effet en vertu de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, la Commission nationale des libérations conditionnelles peut, lors- qu'elle l'estime souhaitable sinon nécessaire, autoriser l'absence sans escorte, d'un détenu pendant une période illimitée pour des raisons médicales ou pour au maximum quinze jours pour des raisons humanitaires ou de réinsertion sociale.
Bien que la Loi sur la libération conditionnelle de détenus donne au gouverneur en conseil le pouvoir d'édicter des règlements prescrivant les procédures que la Commission doit suivre lors- qu'elle accorde ou annule un programme d'A.T.S.E. (article 9), le gouverneur en conseil n'a pas exercé ce pouvoir. Les seuls règlements édictés en ce qui a trait à l'A.T.S.E. sont: la définition de l'A.T.S.E. à l'article 2 du Règlement sur la libéra- tion conditionnelle de détenus [DORS/78-428], le paragraphe 12(1) qui établit les parties de la peine d'emprisonnement qu'un détenu doit purger avant que l'A.T.S.E. puisse être accordée et l'article 24 qui traite du nombre de voix qui sont nécessaires pour qu'une A.T.S.E. puisse être accordée.
Toutefois la Commission a édicté un Manuel de politiques et procédures qui lui sert de guide en matière d'octroi et de révocation des A.T.S.E. Voici le texte de l'article 7 de ce Manuel:
Section 7. Absence temporaire sans escorte
10.77 Annulation ou fin prématurée
1. Annulation avant la mise en vigueur
1.1 L'autorité compétente peut annuler sa décision d'accorder une absence temporaire sans escorte n'importe quand avant sa mise en vigueur.
1.2 Lorsqu'une absence temporaire sans escorte est annulée avant sa mise en vigueur, l'autorité compétente doit après coup, communiquer par écrit au détenu les raisons de l'annulation, sauf si le Solliciteur général peut en interdire la divulgation en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
En ce qui a trait à l'exemption réclamée pour les renseignements qui ne peuvent être obtenus en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne [S.C. 1976-77, chap. 33], la procédure correspond au règlement qui régit la motivation du refus par la Commission d'accorder une libération conditionnelle (article 17 du Règlement sur les libérations conditionnelles de détenus).
En ce qui a trait à la révocation du programme d'A.T.S.E. en l'espèce, un affidavit, en date du 7 février 1984, déposé par Sarah McAlpine, un des membres de la Commission des libérations condi- tionnelles, déclare:
[TRADUCTION] 16. Que le 7 novembre 1983 ou vers cette date, la Commission a reçu du Service correctionnel le résumé d'un rapport provisoire en date du l°' novembre 1983 concernant le requérant ... déclarant en partie
«Nous avons reçu un rapport confidentiel en date du 17/10/1983 concernant ses activités dans l'établissement.
À la lumière des nouveaux renseignements, nous ne sommes pas disposés à appuyer Cadieux et par conséquent nous recommandons que son programme d'A.T.S.E. soit annulé
21. Que le 17 novembre 1983, la Commission a annulé le programme d'A.T.S.E. du requérant en donnant comme raison:
«La Commission a obtenu des renseignements confidentiels qui nous ont convaincus que vous êtes susceptible à l'heure actuelle de commettre une nouvelle infraction à l'occasion de toute remise en liberté.»
Cette décision et les motifs ont été communiqués au requérant dans une lettre de la Commission en date du 25 novembre 1983
24. Les renseignements contenus dans lesdits rapports confiden- tiels entrent dans une catégorie qui contient des renseignements provenant d'employés dudit Service correctionnel, d'autres détenus et d'autres personnes et ont été fournis volontairement et à la condition expresse que l'identité de l'informateur et la nature des renseignements fournis ne seront pas révélées sauf au Service correctionnel ...
25. Que la divulgation dudit rapport confidentiel exposerait l'informateur qui y est nommé ou qui pourrait être identifié, à un risque possible de blessures ou à des conséquences plus graves, ou à la menace de violence.
Je crois qu'il est dans l'intérêt du public que lesdits rapports confidentiels soient dans leur totalité et à titre de documents d'une catégorie privilégiée, exemptés de toute communication.
L'avocat du requérant soutient que le refus de la Commission de communiquer les motifs de sa décision au requérant et de lui donner par consé- quent l'occasion de contester cette décision consti tuent un déni des principes de justice fondamentale que prévoit l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)].
Selon moi, la présente affaire soulève trois ques tions: (1) Le processus de prise de décision concer- nant l'A.T.S.E. est-il d'une nature telle qu'il exige l'application des règles de la justice fondamentale?
(2) Si l'on répond par l'affirmative, il faut alors se demander si les règles de justice fondamentale ont été violées en l'espèce; et (3) Même si c'est le cas, est-ce que le refus de permettre l'accès aux rensei- gnements confidentiels en question s'insère dans «une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique» (comme le permet l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés)?
Nature de l'A.T.S.E.—une forme de liberté au sens de l'article 7 de la Charte?
Relativement à la première question, les deux avocats conviennent qu'il n'y a aucune décision publiée traitant des A.T.S.E. Toutefois, nous dis- posons d'une jurisprudence abondante portant que les décisions de la Commission nationale des libé- rations conditionnelles concernant la révocation de la libération conditionnelle peuvent faire l'objet d'un examen au moyen d'un certiorari, indépen- damment de tout argument fondé sur la Charte: Couperthwaite c. La Commission nationale des libérations conditionnelles, [1983] 1 C.F. 274; 70 C.C.C. (2d) 172 (1" inst.); Howarth c. Commis sion nationale des libérations conditionnelles, [1976] 1 R.C.S. 453 (bien que la Cour ait conclu que la révocation de la libération conditionnelle était une décision administrative et non judiciaire ou quasi judiciaire, sa décision implique que la Cour peut, en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10], examiner ces décisions pour s'assurer qu'elles se conforment à la doctrine de l'équité); Dubeau c. La Commission nationale des libérations condi- tionnelles, [1981] 2 C.F. 37; [1980] 6 W.W.R. 271 (i re inst.); Morgan c. La Commission natio- nale des libérations conditionnelles, [1982] 2 C.F. 648; 65 C.C.C. (2d) 216 (C.A.).
Il semble qu'aucune cour d'appel n'ait encore tranché la question de savoir si la protection qu'ac- corde l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés s'applique à la révocation de la libéra- tion conditionnelle. Toutefois, un grand nombre de décisions de première instance ont répondu par l'affirmative; Re Cadeddu and The Queen (1982), 4 C.C.C. (3d) 97 (H.C. Ont.); R. v. Lowe (1983), 3 C.R.D. 900.150-03; 9 W.C.B. 349 (C.S.C.-B.); R. v. Nunery (1983), 5 C.R.R. 69; 2 C.R.D. 900.150-02 (H.C. Ont); R. v. Martens (1983), 3
C.R.D. 900.150-02 (C.S.C.-B.); Re Swan and The Queen (1983), 7 C.C.C. (3d) 130 (C.S.C.-B.); R. v. Mason (1983), 3 C.R.D. 900.150-04 (H.C. Ont.). Je souscris à ces décisions.
Il semble évident que les intérêts touchés par la décision de la Commission nationale des libéra- tions conditionnelles révoquant l'A.T.S.E. et par la décision qui révoque la libération conditionnelle de jour ou la libération conditionnelle totale sont similaires en ce qui concerne le détenu. En vertu d'une A.T.S.E., un détenu est autorisé à sortir de prison pour une période temporaire. Il s'agit d'une «liberté» plus restreinte que dans le cas d'une libération conditionnelle totale ou d'une libération conditionnelle de jour, mais elle a un caractère semblable à cette dernière. Ainsi, à mon avis, les règles relatives au certiorari en common law, tout comme les exigences de justice fondamentale que prescrit l'article 7 de la Charte, s'appliquent égale- ment aux décisions concernant les A.T.S.E. Le fait que les règlements ne prévoient aucune procédure visant les A.T.S.E. ne change pas le caractère de celles-ci.
Cette situation soulève la question de savoir si le fait que le programme d'A.T.S.E. du requérant n'ait pas été mis en vigueur ou le fait que l'octroi même d'un programme d'A.T.S.E. puisse être con- sidéré comme un privilège, limitent ou réduisent l'applicabilité de la doctrine d'équité ou les garan- ties de justice fondamentale. Je remarque, par exemple, que par le passé, la distinction entre les droits et les privilèges a servi de critère permettant de faire une distinction. Voir: Rogers v. Secretary of State for the Home Department, [ 1972] 2 All ER 1057 (H.L.), une affaire que j'examinerai de façon plus détaillée ci-après; K. C. Davis, Admi nistrative Law Text, 3e éd., 1972, aux pages 186 et s.; K. C. Davis, Administrative Law Treatise, 2e éd., 1978, vol. 2, aux pages 369 et s.; R. F. Reid, Administrative Law and Practice, 1971, à la page 149 et Lazarov c. Le Secrétaire d'État du Canada, [1973] C.F. 927 (C.A.) particulièrement à la page 935.
En ce qui a trait au droit canadien actuel, la décision de la Cour suprême dans l'arrêt Marti- neau c. Comité de discipline de l'Institution de Matsqui, [ 1980] 1 R.C.S. 602 indique clairement que la distinction entre «droits» et «privilèges» ne devrait pas permettre d'établir une différence entre
l'octroi et le refus du contrôle judiciaire. Évidem- ment cet arrêt portait sur la décision d'un comité de discipline d'un pénitencier. Le juge Dickson [tel était alors son titre] a dit aux pages 622 et 623:
A mon avis, on peut recourir au certiorari chaque fois qu'un organisme public a le pouvoir de trancher une question tou- chant aux droits, intérêts, biens, privilèges ou libertés d'une personne.
Je crois que déterminer l'applicabilité de l'arti- cle 7 de la Charte selon qu'il s'agisse d'un droit ou d'un privilège, particulièrement lorsque la liberté d'une personne est en jeu, serait incompatible avec les principes sous-jacents à cette décision. Il est vrai que l'article 7 s'applique précisément au «droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne». Toutefois, le mot «droit» est utilisé dans deux sens: quelquefois il est utilisé dans un sens restreint, distinct des mots «privilèges», «pouvoirs», etc.; d'au- tres fois, il est utilisé dans un sens plus large qui englobe tous ces concepts. J'estime qu'à l'article 7 il est utilisé dans ce dernier sens. Par conséquent, je crois que le fait qu'il s'agisse de l'octroi d'un privilège ne réduit pas, en l'espèce, l'applicabilité de la règle de l'équité que permet le certiorari de common law ni la garantie de justice fondamentale que prévoit la Charte.
Obligation de respecter les principes de justice fondamentale
Tant en vertu de la règle de l'équité, applicable à une décision administrative que de la règle du respect de la justice fondamentale que pose la Charte, un principe fondamental exige que lorsque la décision porte sur la liberté d'une personne, celle-ci devrait avoir le droit de connaître les argu ments qui lui sont opposés et devrait avoir la possibilité d'y répondre. Toutefois, il est clair que la règle de l'équité n'exige pas toujours la commu nication de tous les renseignements que possède l'organisme qui rend la décision. Par exemple, dans l'affaire Rex v. Canterbury (Archbishop). Ex parte Morant, [1944] 1 K.B. 282 (C.A.), il a été jugé qu'il n'était pas nécessaire de divulguer des lettres confidentielles relatives au choix d'un pas- teur pour une paroisse. Pour parvenir à cette déci- sion, la Cour a dit, à la page 291, en ce qui a trait à la nomination:
[TRADUCTION] C'est un droit qui doit être exercé sous réserve d'une restriction dans l'intérêt des personnes dont le bien-être spirituel dépend de l'exercice approprié de ce droit.
Et à la page 293:
[TRADUCTION] Le fait d'imposer l'archevêque] l'obligation de communiquer au collateur le document qu'il a en sa posses sion rendrait impossible l'exécution satisfaisante de ses fonc- tions délicates.
Voir également: Reg. v. Gaming Board for Great Britain, Ex parte Benaim and Khaida, [ 1970] 2 Q.B. 417 (C.A.) et Reg. v. Secretary of State for Home Affairs, Ex parte Hosenball, [ 1977] 1 W.L.R. 766 (C.A.), et R. v. Teachers Tribunal: Ex parte Colvin, [1974] V.R. 905 (S.C.).
On a conclu que la règle de l'équité n'exige pas toujours la communication de tous les renseigne- ments. L'article 7 de la Charte des droits exige-t-il une norme plus élevée? L'article 7 prévoit:
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en confor- mité avec les principes de justice fondamentale.
À cet égard, je souligne que le juge McEachern de la Cour suprême de la Colombie-Britannique a dit dans l'affaire Re Swan and The Queen (1983),
7 C.C.C. (3d) 130, la page 141, au sujet des articles 7 et 9 de la Charte:
[TRADUCTION] Ces dispositions attendent impatiemment qu'une cour d'appel les analyse, mais il me semble qu'elles penchent fortement vers l'exigence du respect des règles de la justice naturelle plutôt que simplement vers l'équité de la procédure dans le processus postérieur à la révocation ... Lorsqu'il s'agit non seulement des droits et des privilèges des citoyens, mais de leur liberté même, alors il faut plus qu'une simple enquête administrative ou une audition discrétionnaire. Comme le juge en chef Laskin l'a souligné dans l'arrêt Mitchell c. La Reine, précité, il ne faut pas s'attendre à ce que nos citoyens se fient à la parole de la Commission qui dit qu'elle a agi avec équité et la justice ne peut tolérer qu'une audition ne soit considérée que comme une faveur.
De même, le juge Potts dans l'affaire Re Cadeddu and The Queen (1982), 4 C.C.C. (3d) 97 (H.C. Ont.) a statué que les exigences de l'article 7 sont plus étendues que la doctrine de common law de l'équité ou de la justice naturelle. En vertu de la règle de l'équité, un requérant n'a pas le droit à une audition en personne. Toutefois, la Cour a conclu dans l'affaire Cadeddu que dans le cas des décisions concernant la révocation de la libération conditionnelle, une audition en personne devrait être tenue afin de satisfaire aux exigences de la Charte en matière de justice fondamentale.
Par ailleurs, dans l'affaire Re Howard et le président du Tribunal disciplinaire des détenus de l'établissement de Stony Mountain (1983), 8
C.C.C. (3d) 557 (C.F. 1" inst.), le juge suppléant Nitikman, à la page 561, cite l'arbitre en ces termes:
Relativement à l'argument fondé sur l'article 7 présenté par Diane Dzydz, je suis d'avis que cet article ne crée pas un nouvel ensemble de droits et n'élève pas à un plus haut degré la responsabilité d'un tribunal administratif comme le comité de discipline.
Je ne prétendrais pas répondre à la question générale de savoir si l'article 7 exige à l'égard des tribunaux administratifs auxquels il s'applique une norme de conduite plus élevée que celle qu'exige la règle de l'équité. C'est peut-être le cas dans certai- nes affaires, comme l'indique la décision du juge Potts dans l'affaire Re Cadeddu (précitée). Si l'on examine la jurisprudence dans ce domaine, on est souvent frappé par le fait que la distinction entre équité et justice naturelle ne semble signifier rien de plus qu'une indication que les règles de justice naturelle sont différentes selon les circonstances. Voir: Reg. v. Secretary of State for Home Affairs, Ex parte Hosenball, précité, à la page 786:
[TRADUCTION] Ce qui est juste ne peut être décidé dans l'absolu: il faut en décider en tenant compte de l'ensemble des circonstances de chaque cas d'espèce.
Et Reg. v. Gaming Board (précité) à la page 430:
[TRADUCTION] Il n'est pas possible de décrire avec précision les situations l'on doit appliquer les principes de justice naturelle; il n'est pas davantage possible de préciser la portée et le contenu de ces principes. Tout dépend de ce qui est en cause:
De toute façon, j'estime qu'il n'est pas néces- saire de répondre à la question telle qu'exposée dans l'argument qui m'a été présenté puisque je crois que le fait d'appliquer le critère plus élevé, celui des exigences de la justice naturelle, entraîne les mêmes conclusions que celles qui se rapportent à la règle de l'équité. A mon avis, quelles que soient les règles retenues, il existe des circons- tances dans lesquelles on peut refuser de communi- quer à un détenu les motifs de la révocation de son programme d'A.T.S.E.
Il me semble que le point de départ soit la décision de la Cour suprême dans l'arrêt The Queen v. Snider, [1954] R.C.S. 479. Lorsqu'il énonce les circonstances dans lesquelles la commu nication ne serait pas exigée, dans le cadre d'un procès criminel, le juge Rand dit à la page 482:
[TRADUCTION] Le privilège [du caractère confidentiel] résulte donc d'une communication confidentielle assortie d'un
intérêt public prépondérant dans le maintien du secret entou- rant la communication ou sa teneur. C'est sans doute ce qu'illustre le mieux le privilège relatif aux communications entre mari et femme ou entre un avocat et son client ...
Les communications d'un informateur aux fonctionnaires char- gés d'exécuter la loi sont de même nature ...
Le juge Kellock dit à la page 487:
[TRADUCTION] En conséquence, il est d'intérêt public de sauve- garder le secret de documents pouvant nuire à l'intérêt général si, par exemple, leur divulgation peut porter préjudice à la défense nationale ou aux bonnes relations diplomatiques, ou si leur classification est nécessaire au bon fonctionnement d'un service public; mais, par ailleurs, l'intérêt public dicte aussi qu'«un innocent ne doit pas être condamné lorsqu'on peut prouver son innocence ...0 On ne saurait dire toutefois que l'un ou l'autre intérêt prédomine invariablement. [C'est moi qui souligne.]
Voir également la décision de la Cour suprême dans l'arrêt Bisaillon c. Keable, [1983] 2 R.C.S. 60, aux pages 96 et s.; 2 D.L.R. (4th) 193, aux pages 222 et s., qui présente une analyse plus récente de l'équilibre à trouver entre les intérêts en jeu.
Même s'il ne lie pas les tribunaux canadiens, ce principe a été expliqué dans plusieurs décisions récentes du Royaume-Uni qui, à mon avis, sem- blent être directement pertinentes à l'espèce.
La première est celle de Rogers v. Secretary of State for the Home Department, [ 1972] 2 All ER 1057 (H.L.). Dans cette affaire, une personne qui n'avait pas réussi à obtenir un permis de jeu a tenté d'obtenir, aux fins d'engager une poursuite criminelle pour diffamation, la production d'une lettre adressée à la commission et contenant des renseignements sur son caractère, sa réputation et sur des questions connexes. La Chambre des lords a statué que la commission n'était pas tenue de communiquer la lettre et qu'on pouvait demander la protection à l'égard de ce document, non pas sur le fondement du privilège de la Couronne mais en vertu de l'intérêt public exigeant que ces communi cations faites à la commission ne soient pas divul- guées. On a conclu que c'était nécessaire afin de permettre à la commission de s'acquitter d'une manière efficace des obligations que lui impose la loi. Pour s'acquitter de ces obligations, il lui fallait obtenir de diverses sources le plus de renseigne- ments possible sur le requérant sachant toutefois que les personnes disposées à donner spontanément ces renseignements pourraient choisir de se taire par crainte de contrecoups possibles.
Lord Reid a dit à la page 1060:
[TRADUCTION] On a dit que le privilège de la Couronne était le moyen invoqué. Je crois que cette expression est fausse et peut être trompeuse. Il n'est pas question d'un privilège dans le sens ordinaire du mot. La véritable question est de savoir si l'intérêt public exige que la lettre ne soit pas produite et si cet intérêt public est suffisamment fort pour l'emporter sur les droits et les intérêts ordinaires d'un plaideur selon lesquels il doit être en mesure de présenter à un tribunal toute la preuve pertinente...
La demande en l'espèce n'est pas fondée sur la nature du contenu de cette lettre en particulier. Elle est fondée sur le fait que la commission ne peut adéquatement remplir les obliga tions que la loi lui impose à moins qu'elle ne puisse préserver le caractère confidentiel de toutes les communications qui lui sont faites concernant le caractère, la réputation ou le passé des requérants pour donner son accord.
La commission a besoin du maximum d'information qu'elle peut obtenir pour être en mesure d'identifier les personnes de réputation et de caractère douteux et de leur refuser le privilège d'obtenir le permis pour l'exploitation d'un établissement de jeu. Nul n'est obligé de donner un renseignement à la commis sion. Sans doute qu'un grand nombre de citoyens honnêtes diraient ce qu'ils savent même s'il y avait certains risques que leur identité soit connue, bien qu'un grand nombre de personnes honorables ne veulent pas qu'on pense qu'elles sont impliquées dans de telles affaires. Toutefois, il est évident que la meilleure source de renseignement au sujet de personnes douteuses doit souvent provenir de personnes ayant elles-mêmes un caractère douteux. Il est depuis longtemps établi que dans l'intérêt public il faut garder secrète l'identité des indicateurs de police et il en va forcément de même pour les personnes qui fournissent volontairement des renseignements à la commission.
Deux remarques s'imposent relativement à cette affaire. Le requérant demandait la production de la lettre, mais il en connaissait le contenu et l'auteur, car il en possédait déjà une copie à la suite d'une communication non autorisée. Deuxiè- mement, la Cour a décidé unanimement que la non-divulgation s'imposait en raison de la catégo- rie de documents à laquelle appartenait la lettre.
Lord Reid dit à la page 1061:
[TRADUCTION] 11 est possible que certains documents parve- nant à la commission puissent être divulgués sans crainte de pareilles conséquences. Mais j'estime qu'il est tout à fait impos sible que la commission ou la cour en soit certaine. Il me semble donc que pour éviter le danger très sérieux que la commission soit privée de renseignements essentiels à l'accom- plissement efficace de sa tâche difficile, il doit y avoir une règle générale selon laquelle elle n'est pas tenue de produire un document qui lui fournit des renseignements sur un requérant. La justice naturelle exige que la commission agisse de bonne foi et qu'elle l'informe dans la mesure du possible du motif princi pal pour lequel elle envisage de rejeter sa demande afin qu'il puisse démontrer que ces motifs ne sont pas fondés dans les faits. Toutefois, il faut s'en remettre à la commission pour
qu'elle le fasse; on nous a informé de ce qu'elle a fait en l'espèce et je n'y vois rien de mal. [C'est moi qui souligne.]
En 1976, la Chambre des lords a encore une fois été saisie de la question de la non-divulgation de documents confidentiels dans une affaire judi- ciaire. Dans l'arrêt D. v. National Society for the Prevention of Cruelty to Children, [1978] A.C. 171, une mère a poursuivi la société pour préjudi- ces personnels (moraux et émotionnels) que lui avait causés une enquête effectuée sur une plainte l'accusant à tort d'avoir fait subir de mauvais traitements à son enfant. La société a nié toute négligence et a demandé une ordonnance portant qu'elle ne soit pas tenue de communiquer aucun des documents relatifs à la plainte ou d'en permet- tre l'examen. La non-divulgation a été demandée pour le motif que l'exécution, par la société, des obligations que prévoit sa charte exigeait la protec tion absolue des renseignements qui lui étaient donnés de façon confidentielle. La Cour a statué que la non-divulgation dans l'intérêt public était nécessaire en l'espèce. Toutefois, la Cour a en outre conclu que le fait de donner des renseigne- ments de façon confidentielle ne constituait pas en lui-même un motif pour refuser de divulguer la nature du renseignement ou l'identité de l'informa- teur. Lord Diplock a dit à la page 218:
[TRADUCTION] Toutefois, le fait qu'un renseignement ait été communiqué par une personne à une autre d'une manière confidentielle ne constitue pas en lui-même un motif suffisant pour empêcher que soit divulguée dans une cour de justice la nature du renseignement ou l'identité de l'informateur ... La promesse de garantie du caractère confidentiel donnée à titre privé doit céder devant l'intérêt public général selon lequel la vérité doit ressortir dans l'administration de la justice, à moins qu'en raison du caractère du renseignement ou de la relation entre celui qui le reçoit et l'informateur, un intérêt public plus important exige la non-divulgation du renseignement ou de l'identité de l'informateur dans une cour de justice.
Voir également lord Simon of Glaisdale à la page 237 et lord Edmund-Davies à la page 242. Lord Edmund-Davies a cité le passage suivant du pro- fesseur Hanbury:
[TRADUCTION] Peu de situations dans la vie soulèvent autant le ressentiment d'une personne que lorsqu'on lui dit qu'elle a été calomniée mais qu'elle ne peut être confrontée à son calomnia- teur. Idéalement, on propose, qu'à l'exception des exigences relatives à la sécurité publique, lorsque les intérêts vitaux de la collectivité sont indiscutablement en jeu, rien ne peut exiger que l'on s'attende à ce qu'un particulier accepte d'être vulnéra- ble face à un ennemi invisible.
Je peux également citer l'arrêt Collymore v. Attorney -General, [1970] A.C. 538 (P.C.). Appel d'une décision de la Cour d'appel de Trinidad et Tobago avait été interjeté devant le comité judi- ciaire du Conseil privé. La demande de l'appelant portait en partie sur le fait que l'alinéa 2e) de la Constitution de ce pays avait été violé. L'alinéa 2e) prévoyait qu'aucune loi du Parlement ne devrait [TRADUCTION] «priver une personne du droit à une audition équitable conformément aux princi- pes de justice fondamentale lorsque ses droits et obligations sont en jeu». [C'est le juge qui souli- gne.] La loi attaquée permettait à une cour indus- trielle de recevoir des éléments de preuve sans les communiquer aux parties et de fonder ses conclu sions sur ceux-ci. Il faut remarquer en particulier dans cette affaire qu'on a demandé au Conseil privé d'interpréter les termes «principes de justice fondamentale» dans une garantie constitutionnelle des droits, et non simplement la doctrine de l'équité.
Le Conseil privé a tranché cette question en disant à la page 550:
[TRADUCTION] Ce problème n'est pas nouveau. Il existe des circonstances exceptionnelles qui font qu'un tribunal se trouve placé devant ce dilemme: si on sait que les renseignements qu'il obtient seront communiqués aux parties et peut-être aussi au grand public, alors les personnes qui détiennent les renseigne- ments peuvent, malgré l'obligation que la loi leur impose, recourir à un moyen pour éviter de les donner, ou donner des renseignements qui ne seront pas la vérité ou toute la vérité. Par conséquent, justice ne peut être rendue. Par ailleurs, le fait de savoir que le tribunal traitera les renseignements d'une manière strictement confidentielle augmente considérablement la probabilité d'obtenir ces renseignements. Toutefois, dans ce cas, naturellement les parties se sentiront lésées de ne pas avoir eu l'occasion de vérifier ou d'examiner les renseignements que le tribunal a obtenus et qui, dans certains cas, peuvent être décisifs.
Une question semblable s'est posée dans l'affaire In re K. (Infants) qu'a entendue la Chambre des lords en 1963 et publiée à [1965] A.C. 201. Dans cette affaire, la mère de deux pupilles sous tutelle judiciaire a demandé à voir deux rapports confidentiels concernant les enfants et que le Solliciteur public avait présentés au juge. Le juge a refusé de les lui communi- quer. La Cour d'appel a infirmé le jugement et la Chambre des lords l'a rétabli. Évidemment, il existe certaines caractéristi- ques spéciales propres aux affaires concernant les enfants, puisque le bien-être d'un enfant doit être la première et la principale considération. Toutefois, dans son appel à la Cham- bre des lords, la mère a insisté sur le fait que les principes de justice naturelle exigeaient que les rapports lui soient communi- qués, car elle était une partie dans les procédures de tutelle. Dans l'examen de cette demande, la Chambre des lords a prononcé des motifs de portée générale qu'il vaut la peine de citer.
À la p. 218 du recueil, lord Evershed a cité et a adopté la remarque suivante du lord juge Tucker dans Russell v. Duke of Norfolk (1949) 65 T.L.R. 231:
«II n'existe pas, à mon avis, un principe qui s'applique universellement à tous les genres d'enquêtes et de tribunaux internes. Les exigences de la justice naturelle doivent varier selon les circonstances de l'affaire, la nature de l'enquête, les règles qui régissent le tribunal, la question traitée, etc.»
Lord Devlin a dit à la p. 238:
«Toutefois, un principe d'enquête judiciaire, qu'il soit fonda- mental ou non, ne constitue qu'un moyen pour atteindre une fin. S'il peut être démontré dans une catégorie particulière d'affaires que le respect d'un principe de ce genre ne sert pas les fins de la justice, il doit être rejeté, autrement il devien- drait le maître plutôt que le serviteur de la justice. De toute évidence, les principes ordinaires d'enquête judiciaire sont des exigences applicables à toutes les affaires ordinaires et l'un d'entre eux ne peut être rejeté que dans le cas d'une catégorie d'affaires extraordinaires.»
Il ajoute à la page 240:
«Lorsque le juge agit à titre d'arbitre entre deux parties, il ne doit examiner que ce qui lui est présenté. Si une partie omet un point important et en souffre un préjudice, c'est à elle- même et non au juge qu'elle doit adresser ses reproches. Lorsque le juge siège purement à titre d'arbitre et compte sur les parties pour l'informer, les parties ont un droit corrélatif à ce qu'il n'agisse qu'en fonction des renseignements qu'elles ont eu l'occasion d'examiner. Lorsque le juge ne siège pas purement ni même principalement à titre d'arbitre mais est chargé du devoir primordial de protéger les intérêts d'un tiers, une règle qui n'est conçue que pour l'arbitrage ne peut prévaloir dans toutes les circonstances.»
Dans les affaires soumises à la cour industrielle, le litige n'oppose pas simplement les employeurs aux employés. Les citoyens de Trinidad peuvent également être parties: et l'article 9 de l'Industrial Stabilisation Act oblige la Cour, en plus de tenir compte de la preuve présentée pour le compte de toutes les parties, à tenir compte d'un certain nombre d'autres considéra- tions qu'il précise, par exemple, «la nécessité de conserver et d'augmenter le niveau de l'emploi»; «la nécessité de maintenir pour Trinidad et Tobago une balance commerciale favorable et une balance favorable des paiements»; «la nécessité d'assurer la capacité du gouvernement de Trinidad et Tobago de financer des programmes de développement dans le secteur public» et ainsi de suite. Pour s'acquitter de cette obligation, la cour peut très bien chercher à obtenir des renseignements qu'elle estime ne pas pouvoir communiquer aux parties devant elle. C'est une question qui relève de son pouvoir discrétionnaire et comme le juge en chef l'a indiqué dans son jugement, toute décision prétendue erronée prise dans l'exercice de ce pouvoir discrétion- naire peut être examinée de plein droit en appel. Dans les circonstances, leurs Seigneuries estiment irrecevable l'argument selon lequel le paragraphe 11(2) de la Loi dans sa forme originale ou dans sa forme modifiée, viole la Constitution.
À mon avis, les motifs de ces décisions s'appli- quent directement à la revendication du requérant en l'espèce. Je suis conscient du fait qu'on ne peut, dans aucune des affaires citées, dire que la
«liberté» d'une personne était en jeu. Normale- ment, lorsque la liberté d'une personne est en jeu, la non-divulgation de la teneur des arguments qu'on lui oppose entraîne automatiquement qu'elle reste en liberté (voir également Marks v. Beyfus (1890), 25 Q.B.D. 494 (C.A.)). Habituellement, il est impossible d'obtenir une déclaration de culpa- bilité sans la communication des renseignements obtenus. Toutefois, un détenu qui est en prison se trouve dans une situation différente. La «liberté» qu'il réclame en vertu d'une A.T.S.E. ou d'un programme de libération conditionnelle n'est pas la liberté absolue à laquelle a droit tout citoyen, mais n'est qu'une liberté conditionnelle qui dépend de certaines conditions et qui est accordée à la discrétion de la Commission des libérations condi- tionnelles. Ce pouvoir discrétionnaire (d'approuver un programme d'A.T.S.E.) est exercé lorsque la Commission décide qu'un tel programme pourrait servir à des fins de réinsertion sociale et que le détenu est en mesure de se comporter comme un membre responsable de la société au cours de sa période d'absence de la prison. La situation d'un détenu n'est pas la même que celle d'une personne ayant droit à la liberté absolue qui est accusée d'une infraction criminelle. Ainsi, il n'est pas sur- prenant que les règles d'équité ou de justice natu- relle qui se rapportent à cette situation ne soient pas nécessairement les mêmes que celles qui sont applicables pour décider si un programme d'A.T.S.E. est accordé ou révoqué.
À mon avis, rares sont les cas le détenu ne peut être informé de l'essentiel au moins des motifs retenus contre lui. Ce serait notamment le cas si les actes reprochés avaient été commis à l'extérieur de l'établissement lorsque le détenu était en liberté. Toutefois, je peux plus facilement conce- voir certaines situations dans lesquelles il peut être nécessaire de refuser de divulguer même l'essentiel des arguments qui lui sont opposés lorsque les renseignements se rapportent à la conduite surve- nue à l'intérieur de l'établissement. Cela pourrait être nécessaire si le contenu des renseignements était tel que leur divulgation permettrait automati- quement d'identifier l'informateur. (C'est un lieu commun que l'identité des informateurs ne doit pas être divulguée.) Voir: Solliciteur général du Canada et autre c. Commission royale d'enquête (Dossiers de santé en Ontario) et autre, [1981] 2 R.C.S. 494 et Bisaillon c. Keable, [1983] 2 R.C.S.
60; 2 D.L.R. (4th) 193. En regard de la situation dans les prisons, l'ordre et la sécurité en milieu carcéral peuvent tout particulièrement exiger un refus de divulguer l'identité des informateurs. Un tel refus pourrait également être nécessaire si la divulgation entraînait automatiquement le dévoile- ment des méthodes utilisées pour obtenir des ren- seignements et par contrecoup devait ainsi gêner considérablement le fonctionnement futur de la Commission. Dans de telles circonstances, je ne crois pas qu'on devrait interdire à la Commission de se fonder sur des renseignements qui lui sont transmis et de les utiliser même si elle ne commu nique pas l'essentiel de ces renseignements au détenu. L'intérêt du public en ce qui a trait à la prévention des récidives alors que le détenu est en liberté, au maintien de la sécurité et de l'ordre dans l'établissement pénal et à la préservation de la capacité de la Commission des libérations condi- tionnelles de fonctionner d'une manière efficace peut l'emporter sur la règle usuelle selon laquelle une personne a droit de connaître l'essentiel des motifs retenus contre elle. Toutefois, les occasions une telle situation est justifiée doivent être rares. Il doit y avoir un élément de nécessité; il ne suffit pas que ce soit simplement commode pour la Commission.
L'avocat du requérant a cité la décision de la Cour d'appel fédérale dans Lazarov c. Le Secré- taire d'État du Canada, [1973] C.F. 927 l'appui de l'argument portant qu'un détenu dans la situa tion du requérant a le droit de connaître l'essentiel des motifs retenus contre lui. Il a cité en particu- lier la page 936 et les extraits qui s'y trouvent tirés des arrêts Reg. v. Gaining Board for Great Britain, Ex parte Benaim and Khaida, [1970] 2 W.L.R. 1009 (C.A.) et In re H.K. (An Infant), [ 1967] 2 Q.B. 617. A mon avis, dans l'affaire Lazarov, la Cour d'appel n'avait pas à examiner la question qui est soulevée en l'espèce. L'affaire Lazarov portait uniquement sur la question de savoir si la règle audi alteram partem s'appliquait d'une manière générale à la décision discrétionnaire du Ministre qui refuse d'accorder la citoyenneté (une décision administrative) lorsque la loi ne prescrit aucune règle de procédure. La Cour d'appel a jugé que cette règle s'appliquait. L'affaire Lazarov ne traitait pas et n'avait pas à traiter de la question de savoir si et quand des restrictions à la règle audi alteram partem sont justifiées dans l'intérêt public.
Le principe général énoncé dans l'affaire Laza- rov s'applique également aux décisions de la Com mission nationale des libérations conditionnelles concernant les A.T.S.E. En général, un détenu a le droit de connaître l'essentiel des motifs de la révo- cation de son programme d'A.T.S.E. Cela ne veut pas dire qu'il a le droit de savoir de qui viennent les renseignements, ou qu'il a le droit d'exiger la communication des documents eux-mêmes ou de tous les détails de la preuve retenue contre lui. Toutefois, il a généralement le droit de connaître l'essentiel des motifs de la révocation de son A.T.S.E. (ou de la libération conditionnelle totale ou de la libération conditionnelle de jour selon le cas). Autrement, il n'est pas en mesure d'y répondre.
Il semble en outre évident d'après la jurispru dence précitée que le simple fait que le renseigne- ment a été fourni à titre confidentiel ne constitue pas en lui-même un motif suffisant pour justifier la non-divulgation de ce renseignement. Voir égale- ment les affaires Snider (précitée), [ 1954] R.C.S. 479; Le ministre du revenu national c. Huron Steel Fabricators (London) Ltd., [1973] C.F. 808 (C.A.); Science Research Council v Nassé, [ 1979] 3 All ER 673 (H.L.). Je crois qu'un tel fait est particulièrement insuffisant lorsqu'on examine les règles de justice fondamentale qu'impose l'article 7 de la Charte. Admettre comme justification de la non-divulgation le simple fait que le renseignement a été donné à titre confidentiel équivaudrait à accepter une justification beaucoup trop faible pour ce qui constitue une restriction apportée à une garantie constitutionnelle. Cela s'applique en particulier lorsque la liberté d'une personne est en jeu (même si cette liberté est limitée et conditionnelle).
La question se pose donc de savoir si l'on peut dans une affaire comme celle-ci demander une exemption s'appliquant à une catégorie de docu ments. La jurisprudence indique que les cours sont de moins en moins disposées à accueillir des demandes de privilèges applicables à toute une catégorie de documents. Les motifs de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt Smerchanski v. Lewis (1981), 120 D.L.R. (3d) 745 sont instruc- tifs. Dans cette affaire, la Cour a statué qu'on ne pouvait empêcher la communication de déclara- tions faites à la police simplement parce qu'elles
entraient dans une catégorie à laquelle s'appliquait le privilège fondé sur l'intérêt public et dit à la page 751:
[TRADUCTION] II y a certaines catégories de documents, y compris ceux relatifs aux procédures du Cabinet, à la conduite des affaires extérieures, à la défense nationale et à la sécurité, qui, par leur nature, même sont généralement reconnues comme étant privilégiées. Certaines catégories de documents traitant de secrets d'État facilement reconnaissables sont pres- que automatiquement reconnues comme privilégiées, mais depuis l'arrêt Conway v. Rimmer, les tribunaux tendent mani- festement à limiter le privilège s'appliquant à une catégorie de documents.
Le juge Cromarty a statué que les déclarations faites à la police bénéficiaient de la protection d'un privilège s'appliquant à une «catégorie» de documents pour empêcher que la poursuite des infractions criminelles soit compromise par une communi cation prématurée ... Avec égards, je suis d'avis qu'il a conclu à tort que «tous» les documents de cette catégorie ne pouvaient être produits et qu'il a omis à tort d'examiner si le «contenu» de toutes les déclarations ou d'une partie de celles-ci pouvait être admissible.
Selon la jurisprudence, les déclarations faites à la police n'ont jamais été considérées comme faisant partie de la catégorie de documents jouissant automatiquement d'un privilège de non-communication.
Voir également: Ellis v. Home Office, [ 1953] 2 Q.B. 135 (C.A.); Gagnon v. Commission des Valeurs Mobilières du Québec et al., [ 1965] R.C.S. 73 (ces deux arrêts sont antérieurs à l'arrêt Conway v. Rimmer, [1968] A.C. 910 (H.L.)). Et dans l'affaire Le ministre du revenu national c. Huron Steel Fabricators (London) Ltd., [1973] C.F. 808. (C.A.) à la page 810, le juge Thurlow [tel était alors son titre] a dit relativement à une demande d'exemption concernant des déclarations d'impôt:
A mon sens, ceci revient à faire état, en des termes quelque peu différents, d'un prétendu intérêt public à exempter une catégo- rie de documents de la divulgation au motif qu'il est nécessaire de garantir la sincérité et l'honnêteté des personnes qui produi- sent des déclarations d'impôt sur le revenu. J'estime qu'un tel motif, avancé seul, me paraît bien faible et peu convaincant ...
Certes, il y a en l'espèce de meilleures raisons de permettre la non-divulgation d'une catégorie que dans le cas de déclarations d'impôt sur le revenu. Ces raisons, je l'ai déjà dit, sont la nécessité d'as- surer la protection du public, le maintien de la sécurité et de l'ordre dans l'établissement pénal et la nécessité de ne pas nuire au fonctionnement efficace de la Commission des libérations condi- tionnelles. Ces raisons sont peut-être suffisantes pour justifier un refus de communiquer au détenu
les rapports confidentiels eux-mêmes parce qu'il s'agit de documents d'une catégorie privilégiée, mais à mon avis, elles ne justifient pas le refus de lui communiquer l'essentiel des motifs retenus contre lui.
La décision de la Chambre des lords dans Science Research Council y Nassé, [ 1979] 3 All ER 673 est instructive. Dans cette affaire, une employée qui avait l'impression d'avoir fait l'objet de discrimination a cherché à avoir accès aux évaluations de rendement annuelles établies par l'employeur concernant d'autres employés avec qui elle avait été en compétition pour obtenir une promotion. On lui a refusé la communication en disant que ces rapports étaient confidentiels. La Chambre des lords a statué qu'en vertu des règles applicables, la Cour avait le pouvoir discrétion- naire de permettre la communication et devait exercer ce pouvoir dans l'intérêt de la justice. À cette fin, la Cour devrait examiner divers facteurs: elle devrait se demander si la communication est nécessaire pour trancher équitablement le litige ou pour éviter des frais; et si les documents ont été rédigés d'une manière confidentielle et dans quelle mesure la communication peut porter atteinte aux intérêts des tiers. La Cour a conclu que, pour décider s'il y avait lieu d'ordonner la divulgation, il convenait parfaitement d'examiner si justice pou- vait être rendue par des mesures spéciales, par exemple en masquant certaines parties confiden- tielles mais non pertinentes des documents ou en substituant aux noms précis des indications anonymes.
La revendication en l'espèce concerne une garantie que prévoit la Charte. Je ne crois pas que la non-divulgation de l'essentiel des motifs retenus contre le requérant puisse être justifiée en disant qu'il s'agit de renseignements d'une catégorie pri- vilégiée. Cela ne satisfait pas aux exigences de l'article 7. Comme je l'ai déjà dit, il peut être justifié à l'occasion de ne pas divulguer l'essentiel des motifs retenus contre un détenu, mais les raisons pour le faire doivent se rapporter au con- tenu précis du renseignement en question. Il doit y avoir un lien entre le contenu de ce renseignement et la protection de l'intérêt public que doit assurer la non-divulgation.
Il reste alors à examiner les affidavits présentés en l'espèce: celui de Sarah McAlpine, membre de
la Commission nationale des libérations condition- nelles et celui de Fraser Simmons, administrateur régional de la préparation des cas pour la Commis sion nationale des libérations conditionnelles. Les affidavits n'indiquent nullement que leurs auteurs se sont posés la question de savoir si on pouvait communiquer à M. Cadieux l'essentiel ou une partie des motifs de l'annulation de son pro gramme d'A.T.S.E. Ils ne se sont pas non plus posés la question de savoir si des mesures spéciales pouvaient être prises pour permettre la communi cation d'une partie des renseignements demandés sans que cela entraîne pour l'intérêt public les conséquences préjudiciables mentionnées ci-dessus. Par leur ton général et leur contenu, les affidavits demandent une exemption générale pour toute une catégorie de renseignements.
I1 existe peut-être en l'espèce des motifs suffi- sants pour refuser de communiquer même l'essen- tiel des motifs retenus contre M. Cadieux. Si c'est le cas, ce défaut peut être corrigé par de nouveaux affidavits plus précis. Toutefois, je suis d'avis que s'il devient nécessaire de faire une revendication en ce sens dans une deuxième demande relative à cette question, la Commission devra être prête à produire devant la Cour les documents en ques tion. Elle pourrait le faire au moyen d'une enve- loppe scellée, avec une explication précise des rai- sons pour lesquelles elle estime que la non-divulgation est justifiée. (C'est une procédure semblable à celle qui a été élaborée en common law dans les affaires relatives aux privilèges et semblable à celle que prévoit l'article 36.1 de la Loi sur la preuve au Canada [S.R.C. 1970, chap. E-10, édicté par S.C. 1980-81-82-83, chap. 111, art. 4].) Je ne suis pas disposée à retenir la solution adoptée par la Chambre des lords dans l'affaire Rogers (précitée) selon laquelle une décision con- cernant la non-divulgation ne peut faire l'objet d'un examen par les tribunaux. Sont plutôt perti- nents en l'espèce le raisonnement du juge McEa- chern dans l'affaire Re Swan (précitée) qui se fondait sur les remarques du juge en chef Laskin dans l'arrêt Mitchell [Mitchell c. La Reine, [ 1976] 2 R.C.S. 570]. On ne devrait pas s'attendre à ce qu'un détenu se fie uniquement à la parole de la Commission. Il est peut-être rare qu'un tribunal intervienne dans un jugement de la Commission portant sur une question de ce genre, mais la jurisprudence de cette Cour indique qu'à l'occasion
des revendications de privilège excessives ont été présentées, quoique la Commission nationale des libérations conditionnelles n'était pas concernée. Voir: Biais c. L'honorable Robert Andras, [1972] C.F. 958 (C.A.); Churchill Falls (Labrador) Corp. Ltd. c. La Reine (1972), 28 D.L.R. (3d) 493 (C.F. 1" inst.); Le ministre du revenu national c. Huron Steel Fabricators (London) Ltd., [1973] C.F. 808 (C.A.).
Dans ces affaires, il s'agissait du contrôle judi- ciaire en vertu du paragraphe 41(1) [abrogé par S.C. 1980-81-82-83, chap. 111, art. 3] de la Loi sur la Cour fédérale. Le successeur du paragraphe 41(1), l'article 36.1 de la Loi sur la preuve au Canada, ne semble pas s'appliquer directement à la situation présente puisqu'il prévoit expressément régir la divulgation de renseignements «devant un tribunal, un organisme ou une personne ayant le pouvoir de contraindre à la production de rensei- gnements». La demande qui m'a été présentée vise à obtenir un bref de certiorari pour annuler la décision de la Commission nationale des libéra- tions conditionnelles; elle ne sollicite pas une ordonnance pour contraindre la production des renseignements en question. Néanmoins, l'article 36.1 et le paragraphe 41(1) qui l'a précédé consti tuent simplement, de plusieurs façons, une codifi cation de la common law à laquelle sont apportées diverses modifications. Par conséquent, même si l'article 36.1 ne s'applique pas expressément en l'espèce, j'estime que la common law prévoit une procédure comme celle indiquée ci-dessus qui permet le contrôle judiciaire de la décision de la Commission.
S'agit-il d'un cas les droits ont été restreints par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique?
L'argument de l'avocat des intimés portait pres- que exclusivement sur cet aspect de l'affaire. Il se fondait principalement sur les dispositions de la Partie IV de la Loi canadienne sur les droits de la personne (et sur la Loi sur la protection des renseignements personnels [S.C. 1980-81-82-83, chap. 111, annexe II] qui l'a suivie). L'essentiel de son argument portait que, même si les exigences de la «justice fondamentale» ont été violées en l'es- pèce, cela s'est produit en vertu d'«une règle de
droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique» (comme le permet l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés). Comme je l'ai déjà mentionné, le Règlement sur la libération conditionnelle de détenus (le paragraphe 17(3)) prévoit précisément que, dans le cas de l'annulation d'une libération conditionnelle, le détenu doit être informé des motifs d'annulation à l'exception des renseigne- ments visés par les alinéas 54a) à g) de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui n'ont pas à être communiqués.
Dans le cas des A.T.S.E. cette exigence est prévue non pas dans un règlement mais dans le Manuel des politiques et procédures établi par le Bureau de la Commission. Ce Manuel est publié en vertu de l'article 25 du Règlement sur la libé- ration conditionnelle de détenus qui prévoit:
25. Le Bureau de la Commission établi en vertu du paragra- phe 3(2.1) de la loi doit, de concert avec la Commission,
a) élaborer et promulguer des lignes directrices et des procé- dures que la Commission devra suivre pour s'acquitter de ses fonctions et pouvoirs aux termes de la loi; et
b) à la demande du président de la Commission, conseiller celui-ci sur les lignes directrices et les procédures ayant trait aux fonctions et pouvoirs qui lui incombent en vertu de la loi.
Je ne suis pas convaincu qu'on puisse dire que ce manuel de procédures constitue une «règle de droit» au sens ce terme est employé à l'article 1 de la Charte. Cette conclusion serait différente si le manuel avait été approuvé par le gouverneur en conseil comme l'exige le paragraphe 3(6) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus [mod. par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 181. Toutefois, je n'ai pas à décider de cette question qui n'a pas été débattue de manière approfondie devant moi, puis- que même si le manuel participait du statut d'une loi, j'adopterais les propos de mon collègue le juge Strayer dans l'affaire Latham c. Solliciteur géné- ral du Canada, [1984] 2 C.F. 734; 39 C.R. (3d) 78; 12 C.C.C. (3d) 9 (1" inst.). À la page 747 (C.F.) de sa décision, il écrit relativement au paragraphe 17(3) du Règlement sur la libération conditionnelle de détenus:
Il apparaît que le paragraphe 17(3) du Règlement sur la libération conditionnelle de détenus apporte une limite juridi- quement efficace à toute condition de divulgation posée par l'équité de common law. Cela n'aurait pas pour effet, à mon avis, de limiter le droit que le libéré conditionnel tient de l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Je souscris à cette opinion. La Loi sur la protec tion des renseignements personnels et la Partie IV de la Loi canadienne sur les droits de la personne avant elle ont été adoptées dans le but de permet- tre aux particuliers d'avoir accès aux renseigne- ments que le gouvernement possède à leur sujet. Les exemptions à l'exigence de communication sont beaucoup plus larges que celles qui s'appli- quent à la prise de décision pour un organe judi- ciaire ou administratif. Évidemment, si une loi précise que ces exemptions s'appliquent à un organe judiciaire ou administratif (comme dans le cas du paragraphe 17(3) du Règlement sur la libération conditionnelle de détenus) alors, en l'ab- sence de garantie constitutionnelle prévoyant le contraire, cela constituerait une restriction valide aux règles d'équité ou de justice naturelle. Toute- fois, l'exemption est certainement trop large pour constituer une limite raisonnable en vertu de l'arti- cle 1 de la Charte.
Étant donné la position que j'adopte à l'égard de cet argument, je n'ai pas non plus à décider si c'est l'article 54 de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui est incorporé par renvoi dans le Manuel des politiques et procédures ou si c'est la Loi sur la protection des renseignements person- nels. La Partie IV de la Loi canadienne sur les droits de la personne est maintenant abrogée et remplacée par la Loi sur la protection des rensei- gnements personnels. La meilleure solution peut très bien être que l'incorporation par renvoi de la Loi canadienne sur les droits de la personne reste en vigueur comme une incorporation des disposi tions pertinentes qui existaient à la date de la publication du manuel, malgré le fait que la Partie IV de la Loi a été abrogée pour ses fins propres. De toute façon, dans un cas comme dans l'autre, le résultat est le même, la limite prescrite n'est pas raisonnable aux termes de l'article 1 de la Charte.
Par conséquent, la décision de la Commission sera annulée et la question sera renvoyée devant la Commission pour être examinée de nouveau, et la Commission devra décider si le requérant peut être informé de l'essentiel des motifs qui sont retenus contre lui.
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