Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-556-84
Thorne Riddell Inc., le syndic des biens de la faillie Can -Inter Foods Ltd. (demanderesse)
c.
Nicolle N Enterprises Inc., et le navire à moteur Nicolle N (défendeurs)
Division de première instance, juge Addy—Van- couver, 21 et 25 janvier 1985.
Droit maritime Affrètement coque nue par voie de cession à bail Action du syndic de faillite contre l'affréteur décou- lant des ententes de pratique courante entre celui-ci avec la faillie Le propriétaire du navire sollicite l'autorisation de déposer un acte de comparution conditionnelle en vue de contester la compétence in rem La requérante s'est appuyée sur la jurisprudence de la Cour fédérale, qui a suivi le droit maritime britannique et qui a conclu que lorsqu'il s'agit de simples contrats de fourniture d'approvisionnements nécessai- res et qu'aucun privilège maritime n'existe, il n'y a pas de droit in rem à moins que le propriétaire inscrit ne soit respon- sable de la dette L'affréteur par voie de cession à bail a un droit de propriété Pouvoir réel et apparent du capitaine Buts du droit maritime Nécessité d'une uniformité En vertu de la législation américaine, il est possible d'intenter une action in rem en recouvrement d'approvisionnements nécessai- res Pratique adoptée par d'autres nations commerçantes Rejet de l'idée que les principes du droit maritime britannique lient les tribunaux canadiens à moins qu'ils ne soient modifiés par la loi La requête est accueillie; l'action ne porte nullement sur la fourniture d'approvisionnements nécessaires et les parties contractantes savaient que la requérante était la propriétaire et que son crédit n'était nullement en cause Annulation du mandat de saisie.
Compétence Cour fédérale Division de première ins tance Droit maritime Faillite Action intentée pour faire déclarer que certaines ententes constituent des transac tions révisables sous le régime de la Loi sur la faillite, mais ne découlant pas du contrat de fourniture d'approvisionnements nécessaires Le paiement en trop entre les sociétés affiliées était-il au détriment des créanciers? Il faut déterminer quelle cour est compétente: la Cour fédérale ou la Cour suprême provinciale qui a rendu une ordonnance de faillite Mis à part l'aspect relatif à la loi sur la faillite, la Cour fédérale a-t-elle compétence étant donné la jurisprudence qui a conclu qu'il n'y a pas d'action in rem contre le navire à moins que le propriétaire inscrit ne soit légalement responsable de la dette? Les tribunaux canadiens sont-ils liés par les princi- pes du droit maritime britannique? L'action in rem contre le navire est rejetée, puisqu'elle ne porte nullement sur la fourni- ture d'approvisionnements nécessaires et que les parties savaient que le crédit du propriétaire n'était pas en cause Loi sur la faillite, S.R.C. 1970, chap. B-3, art. 3, 78, 153(1) (mod. par S.C. 1972, chap. 17, art. 2; S.C. 1974-75-76, chap. 48, art. 24).
Can -Inter Foods Ltd. («Can -Inter») a conclu des ententes, notamment un contrat de fourniture d'approvisionnements nécessaires au navire défendeur Nicolle N, avec la défenderesse
Nicolle N Enterprises Inc., («Nicolle Enterprises»), une société affiliée, qui était également, à toutes les époques en cause, l'affréteur par voie de cession à bail du navire. Par la suite, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a rendu à l'égard de Can -Inter une ordonnance de faillite. Le syndic de faillite demandeur fait valoir qu'il y a eu paiement en trop entre les sociétés affiliées au détriment des créanciers, et que les paie- ments effectués par la faillite constituaient une transaction révisable en vertu de la Loi sur la faillite. Le syndic a donc intenté une action devant cette Cour, et il a obtenu un mandat de saisie du navire. Toutefois, le mandat n'a pu être exécuté, puisque le navire était hors du ressort de la Cour.
Equitable Life Leasing Corporation (»Equitable Leasing»), la propriétaire du navire Nicolle N, a obtenu l'autorisation de déposer un acte de comparution conditionnelle en vue de con- tester la compétence in rem de cette Cour à l'égard du navire défendeur, et elle a sollicité une ordonnance portant radiation de la déclaration pour ce qui concerne le navire et annulation du mandat de saisie de ce dernier.
La question fondamentale est de savoir si, en tout état de cause, il y a compétence in rem en l'espèce ou si, en vertu du paragraphe 153(1) de la Loi sur la faillite, l'instance appro- priée est la Cour suprême de la Colombie-Britannique.
Jugement: la requête devrait être accueillie, la déclaration à l'égard du navire radiée, l'action in rem contre le navire rejetée et le mandat de saisie annulé.
D'après la jurisprudence anglaise, lorsqu'il s'agit de simples contrats de fourniture d'approvisionnements nécessaires et qu'aucun privilège maritime ne peut exister, il n'y a pas de droit in rem contre le navire à moins que le véritable propriétaire inscrit ne puisse également être tenu responsable de la dette. Certaines décisions de la Cour fédérale semblent mener à cette conclusion, mais elles se distinguent de l'espèce (voir les déci- sions Westcan, McCain et Steel Dolphin).
Puisqu'un affréteur par voie de cession à bail est considéré comme le propriétaire pro tempore du navire au cours du voyage pour lequel ce navire est affrété, ce serait restreindre inutilement le commerce et la mobilité des navires que de ne pas présumer qu'une action en recouvrement d'approvisionne- ments nécessaires peut être intentée in rem contre le navire lorsque l'affréteur est en droit responsable de ces approvision- nements.
Étant donné qu'une uniformité à cet égard est très souhaita- ble et que, dans plusieurs pays, il a été décidé qu'il est possible d'intenter une action in rem en recouvrement d'approvisionne- ments nécessaires, il est probablement temps de s'écarter de certaines distinctions plutôt restrictives de la common law britannique appliquées par les tribunaux maritimes anglais à l'époque la Grande-Bretagne était maître de toutes les mers.
De toute façon, cette question mérite d'être entendue à fond parce qu'il est douteux que ces principes du droit maritime britannique doivent demeurer immuables et lier à jamais nos tribunaux à moins qu'ils ne soient modifiés par la loi.
Toutefois, en l'espèce, le fait est que la défenderesse, en tant qu'affréteur coque nue, s'est engagée par contrat avec la faillie à titre de sous-affréteur du navire coque nue moyennant cer- tains avantages et certaines considérations mutuels dont les approvisionnements nécessaires et l'équipement du navire. Les contrats ont été exécutés intégralement et les fournitures
payées. La présente action ne porte nullement sur la fourniture d'approvisionnements nécessaires ou de matériel pour le navire lui-même. Les parties savaient que Equitable Leasing était la propriétaire et que son crédit ou sa responsabilité n'était nulle- ment en cause dans les contrats. 11 n'y a donc pas lieu de soutenir une action in rem.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Goodwin Johnson v. The Ship (Scow) A.T. & B. No. 28, [1954] R.C.S. 513.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Westcan Stevedoring Ltd. c. Le «Armor», [1973] C.F. 1232 (1" inst.); McCain Produce Co. Ltd. c. Le N.M. «Rea», [1978] 1 C.F. 686 (I" inst.); Gabriel Aero - Marine Instruments Limited c. Le navire N.M. «Steel Dolphin» et autres, jugement en date du 28 août 1984, Division de première instance de la Cour fédérale, T-1536-83, non publié; Logistec Corp. c. Le «Sneland», [1979] 1 C.F. 497 (1" inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
Sir John Jackson Ld. v. «Blanche» (Owners of SS.) The Hopper No. 66, [1908] A.C. 126 (H.L.); The «Mogileff», [1921] P. 236 (Adm.).
AVOCATS:
D. G. Schmitt pour la demanderesse. J. W. Perrett pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Shrum, Liddle & Hebenton, Vancouver, pour la demanderesse.
Campney & Murphy, Vancouver, pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE ADDY: Dans la présente requête, Equi table Life Leasing Corporation (ci-après appelée «Equitable Leasing»), en tant que propriétaire du navire défendeur, sollicite notamment ['autorisa- tion de déposer un acte de comparution condition- nelle en vue de contester la compétence in rem de cette Cour concernant le navire défendeur, une ordonnance portant radiation de la déclaration mettant en cause ledit navire et l'annulation du mandat de saisie délivré dans l'action. L'autorisa- tion de déposer un acte de comparution condition- nelle a été accordée.
L'action elle-même porte sur une réclamation de la demanderesse, en tant que syndic dans la faillite de Can -Inter Foods Ltd. (ci-après appelée «la fail- lie»), contre la défenderesse Nicolle N Enterprises Inc., (ci-après appelée Nicolle Enterprises). L'or- donnance de faillite a été rendue en juin 1983 par la Cour suprême de la Colombie-Britannique.
Voici le résumé des allégations contenues dans la déclaration:
1. Nicolle Enterprises est propriétaire du navire défendeur et elle a conclu ce qu'on appelle des ententes de pratique courante, notamment un affrètement coque nue avec la faillie pour les saisons 1981-1982 de pêche aux harengs et aux saumons en Alaska, en contrepartie de certains frais de traitement fixes et d'autres débours.
2. En vertu de ces ententes, la faillie fournissait à ses frais différentes pièces d'équipement et payait les salaires, etc., ce qui représente une somme totale dépassant de beaucoup la valeur de ce qu'elle a reçue de Nicolle Enterprises.
3. Nicolle Enterprises et la faillie sont des sociétés affiliées et les ententes entre elles ne constituent pas des opérations sans lien de dépendance.
4. Les paiements effectués par la faillie consti- tuaient une transaction révisable en vertu des arti cles 3 et 78 de la Loi sur la faillite, S.R.C. 1970, chap. B-3.
5. La demanderesse est en droit de réclamer la différence entre la valeur de ce qui a été fourni et la juste valeur marchande de l'affrètement.
Un mandat de saisie a été décerné dans l'action, mais il n'a pas été exécuté parce que le navire est hors du ressort de la cour.
Il est maintenant incontesté que la défenderesse Nicolle Enterprises n'a jamais été propriétaire du navire défendeur, étant plutôt l'affréteur par voie de cession à bail du navire de la requérante Équi- table Leasing, qui est la véritable propriétaire. Cet affrètement a pris fin le 28 novembre 1984 par avis de défaut de paiement, et le navire se trouve actuellement en la possession de la requérante aux États-Unis.
La requérante a invoqué plusieurs arguments, alléguant notamment que l'action ne découle pas en soi d'un contrat de fourniture d'approvisionne-
ments nécessaires pour un navire, mais que, au contraire, elle a été intentée en vue de faire décla- rer que les ententes entre Nicolle Enterprises et la faillie constituent des transactions révisables, puis- qu'il est incontesté que les approvisionnements nécessaires ont été fournis en vertu des contrats et qu'on en a payé le prix. L'existence, l'exécution et l'effet des contrats entre les parties initiales ne sont vraiment pas en litige; le véritable point litigieux porte sur le fait qu'il y a eu paiement en trop entre les sociétés affiliées au détriment des créanciers. On a donc soutenu que, en vertu du paragraphe 153(1) de la Loi sur la faillite [mod. par S.C. 1972, chap. 17, art. 2; S.C. 1974-75-76, chap. 48, art. 24], l'instance appropriée est la Cour suprême de la Colombie-Britannique et non la Cour fédé- rale du Canada.
Mise à part la question de savoir si cette Cour a quand même compétence lorsqu'une affaire relève autrement de la compétence de cette Cour et comporte, à titre accessoire, la question de savoir si une transaction est révisable sous le régime de la Loi sur la faillite, il me faut simplement et essen- tiellement déterminer si, en tout état de cause, il y a compétence in rem en l'espèce.
Il existe une jurisprudence qui a suivi certaines décisions anglaises et conclu que, lorsqu'il s'agit de simples contrats de fourniture d'approvisionne- ments nécessaires et qu'aucun privilège maritime ne peut exister, tel le privilège portant sur le salaire de l'équipage, il n'y a pas de droit in rem contre le navire, à moins que le véritable proprié- taire inscrit ne puisse également être tenu respon- sable de la dette. (Voir Westcan Stevedoring Ltd. c. Le «Armar», [1973] C.F. 1232 (1 r° inst.); McCain Produce Co. Ltd. c. Le N.M. «Rea», [1978] 1 C.F. 686 (1' ° inst.) et Gabriel Aero - Marine Instruments Limited c. Le navire N.M. «Steel Dolphin» et autres, jugement en date du 28 août 1984, Division de première instance de la Cour fédérale, T-1536-83, non publié.) La requé- rante s'est appuyée sur ce principe.
Bien que le langage de certaines décisions semble le laisser croire, je ne crois pas que l'une quelconque de ces affaires appuie l'idée avancée par l'avocat de la requérante selon laquelle une action in rem ne peut, en aucun cas, être intentée contre le navire pour la fourniture des approvision- nements nécessaires, à moins que le véritable pro-
priétaire inscrit ne puisse être tenu personnelle- ment responsable. Dans l'affaire Westcan précitée, l'action portait sur des services d'aconage pour le chargement de la cargaison qui ne sauraient, à mon avis, être considérés comme des approvision- nements nécessaires au fonctionnement d'un navire. De plus, il appert clairement que la deman- deresse savait que les services n'avaient pas été commandés par les véritables propriétaires ni rendus sur la base de leur crédit. De même, dans l'affaire Logistec Corp. c. Le «Sneland», [ 1979] 1 C.F. 497 (1 reinst.), le contrat ne portait pas sur les approvisionnements nécessaires au pilotage du navire, mais sur des services d'aconage en vue de son chargement. Dans l'affaire Steel Dolphin pré- citée, la demanderesse savait parfaitement qui était le propriétaire et était pleinement consciente que le travail n'avait pas été commandé sur la base du crédit du propriétaire qui, pendant une partie du temps, était présent lors de l'exécution du tra vail. Dans l'affaire McCain précitée, le juge de première instance a bien précisé qu'il fondait sa décision sur la conclusion que la charte-partie en question ne constituait pas une charte-partie à bail.
Une charte-partie à bail crée un droit de pro- priété sur un navire. L'affréteur par voie de cession à bail a été considéré comme le propriétaire du navire au cours de l'affrètement. (Scrutton on Charter Parties and Bills of Lading, 18e éd., à la page 45.) Le terme «propriétaire» a aussi reçu une interprétation large. (Voir Sir John Jackson Ld. v. «Blanche» (Owners of SS.) The Hopper No. 66, [1908] A.C. 126 (H.L.).)
Dans l'affaire The Mogileff, [1921] P. 236 (Adm.), mentionnée dans trois des décisions citées ci-dessus, on trouve le passage suivant la page 243]:
[TRADUCTION] Celui qui, sur ordre du capitaine, fournit à un navire des approvisionnements nécessaires que le capitaine n'a pas le pouvoir réel ou apparent de commander sur le crédit du propriétaire, n'a aucun droit de recouvrement contre le proprié- taire, soit par une action in personam soit par une action in rem.
Le nœud de la question réside dans le fait que le capitaine d'un navire soumis à une charte-partie à bail pourrait, en vertu de celle-ci, exercer le pou- voir de l'affréteur pour commander les approvi- sionnements nécessaires au navire, et c'est généra- lement ce qu'il fait. En règle générale, il a
également le pouvoir apparent de le faire. Dans l'arrêt de la Cour suprême du Canada Goodwin Johnson v. The Ship (Scow) A.T. & B. No. 28, [1954] R.C.S. 513, le juge Cartwright, tel était alors son titre, s'est penché sur la situation d'un affréteur en vertu d'une cession à bail. À la page 537, il s'exprime en ces termes:
[TRADUCTION] On peut concilier les propos mentionnés, lors- qu'il s'agit de les rattacher à une action en privilège maritime sur un navire qui a causé des dommages, en interprétant le terme «propriétaire», comme incluant »affréteur par voie de cession à bail» lorsque ce terme est utilisé dans des expressions telles que «l'obligation d'indemnisation doit viser non seulement les biens, mais aussi le propriétaire par l'entremise de ses biens». Cette interprétation est conforme à l'arrêt de la Cham- bre des lords rendu par lord Tenterden dans Col vin v. Newberry and Benson ((1832) 1 CI. & Fin. 283 à la page 297), il parle de «la personne qui prend en location un navire d'un proprié- taire absolu et qui est considérée comme le propriétaire pro tempore au cours du voyage pour lequel le navire est affrété».
Bien que l'affaire porte sur un privilège maritime, il est difficile de voir comment la situation légale, en tant que propriétaire, d'un affréteur par voie de cession à bail doit être modifiée ou considérée différemment lorsque son mandataire ou lui-même commande des approvisionnements ordinaires nécessaires au fonctionnement du navire.
Comme on l'a souvent dit, l'existence des princi- pes du droit maritime vise à régir, réglementer et encourager le commerce international et la mobi- lité des navires et du commerce dans le monde. Lorsqu'un propriétaire livre un navire à une autre personne en vertu d'un affrètement coque nue, sachant parfaitement que ce navire mouillera dans des ports étrangers et que, de temps à autre, il devra se procurer du carburant et d'autres provi sions, il serait, à première vue en tout cas, peu réaliste et ce serait restreindre inutilement le com merce et la mobilité des navires si l'on s'attendait à ce que les fournisseurs soient, dans tous ces cas, tenus d'être payés d'avance en espèces ou de véri- fier auprès des véritables propriétaires inscrits au port d'immatriculation pouvant se trouver dans n'importe quel coin du monde ou par l'entremise de ce port pour savoir si une autorisation appro- priée a été accordée avant de fournir au navire les approvisionnements nécessaires pour qu'il continue son voyage. Que ce soit en vertu d'un pouvoir présumé ou implicite ou autrement, à moins que le fournisseur ne soit avisé ou n'ait des raisons de soupçonner que le véritable propriétaire a interdit l'engagement du crédit du navire, il semble qu'une
action en recouvrement de ces approvisionnements nécessaires puisse très bien être intentée in rem contre le navire lorsque son propriétaire pro tem- pore, c'est-à-dire l'affréteur par voie de cession à bail, est en droit responsable de ces approvisionne- ments.
Le droit maritime est la branche de notre droit il est très important sur le plan pratique qu'il y ait uniformité, dans la plus grande mesure possi ble, avec les autres nations commerçantes. Cette uniformité sert aussi grandement notre intérêt national car c'est généralement par l'entremise de nos navires que plusieurs contrats et opérations commerciales sont exécutés dans de nombreux pays et souvent au cours d'un même voyage. Aux Etats-Unis, il est possible, en vertu de la loi, d'intenter une action in rem en recouvrement d'ap- provisionnements nécessaires. Plusieurs autres nations pratiquant le commerce maritime ont très bien pu reconnaître ce principe en pratique en permettant qu'un navire dont le capitaine en règle a commandé des approvisionnements nécessaires soit arrêté et saisi avant jugement pour défaut de paiement et en soit tenu responsable, que la procé- dure soit appelée action in rem ou autrement et que le navire soit ou non inclus comme partie à l'action.
Il est probablement temps que nos tribunaux s'écartent de certaines distinctions plutôt restricti- ves de la common law britannique appliquées par les tribunaux maritimes anglais et qui ont été établies à l'époque la Grande-Bretagne était maître de toutes les mers et, chose assez naturelle, estimait que ses lois devaient régir les relations et le commerce internationaux.
En tout cas, la question de savoir si une action in rem en recouvrement d'approvisionnements néces- saires peut être soutenue ou non lorsque c'est le mandataire autorisé d'un affréteur par voie de cession à bail qui a commandé ces approvisionne- ments n'est pas une question que je suis enclin à trancher à l'occasion d'une requête de ce genre. Les coutumes et les lois maritimes actuelles d'au- tres grandes nations commerçantes à l'égard de cette question particulière seraient d'un grand intérêt et pourraient bien influer énormément sur la décision finale. Je ne souscris pas à l'idée que parce que nous avons adopté les principes du droit
maritime de l'Angleterre, tels qu'ils existaient il y a plusieurs années, ils doivent demeurer immua- bles et lier à jamais nos tribunaux à moins qu'ils ne soient modifiés par la loi.
Bien que je refuse de radier l'action in rem pour le dernier motif invoqué, la requérante dispose, à mon avis, d'un autre argument très important. Disons simplement que la défenderesse, en tant qu'affréteur coque nue, s'est engagée par contrat avec la faillie à titre de sous-affréteur du navire coque nue moyennant certains avantages et certai- nes considérations mutuels dont les approvisionne- ments nécessaires et l'équipement du navire. Les contrats ont été exécutés intégralement et les four- nitures payées. La présente action ne porte nulle- ment sur la fourniture d'approvisionnements nécessaires ou de matériel pour le navire lui-même. En ce qui concerne les parties elles-mêmes, il est évident que, au moment du contrat, elles savaient parfaitement que Equitable Leasing était la pro- priétaire et que son crédit ou sa responsabilité n'était nullement en cause. Il n'y a absolument pas lieu de soutenir une action in rem.
La requête est accueillie. À l'égard du navire Nicolle N, la déclaration est radiée et l'action rejetée. Le mandat de saisie est annulé. La requé- rante a droit à ses dépens de la présente requête.
ORDONNANCE
vu la requête introduite par Equitable Life Lea sing Corporation qui a obtenu l'autorisation de déposer en l'espèce un acte de comparution condi- tionnelle à titre de propriétaire du navire Nicolle N ,
LA COUR ORDONNE:
1. Que la déclaration à l'encontre du navire Nicolle N est radiée.
2. Que l'action in rem contre ledit navire est rejetée.
3. Que le mandat de saisie actuellement en suspens soit renvoyé à la Cour pour être annulé.
4. Que la requérante a droit aux dépens de la présente requête.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.