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A-756-84
La Reine (appelante) c.
British Columbia Forest Products Limited (inti- mée)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges Maho- ney et Marceau—Vancouver, 18 octobre; Ottawa, 12 novembre 1985.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Allocation du coût en capital Appel d'un jugement de la Division de première instance Le montant d'un crédit d'impôt réclamé en vertu de l'art. 13(7.1) doit-il entrer en ligne de compte dans le calcul de la fraction non amortie du coût en capital des catégories pertinentes de biens amortissables? Le juge de première instance s'est appuyé sur la décision AEL Microtel c. La Reine (1984), 84 DTC 6374 (C.F. 1 1 P inst.), dans laquelle il a été conclu qu'un contribuable ne peut être considéré comme ayant «reçu» quoi que ce soit pour la seule raison qu'il tire profit d'une disposition lui permettant de payer un impôt moindre que celui auquel il serait par ailleurs tenu Appel accueilli Le juge de première instance dans l'affaire AEL Microtel s'est trompé Le Parlement, à l'art. 13(7.1), a prévu expressément qu'un contribuable peut «recevoir» une aide d'un gouvernement à titre de «déduction de taxes ou d'impôts» L'intimée a reçu une aide au sens de l'art. 13(7.1) lorsqu'elle a choisi de se prévaloir du crédit d'impôt Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 13(7.1) (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 26, art. 6), 125(1), 127(5) (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 71, art. 9), (9) (mod., idem), (10) (mod., idem) Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148, art. 20(6)h) (mod. par S.C. 1966-67, chap. 91, art. 5).
JURISPRUDENCE
DÉCISION REJETÉE:
AEL Microtel Limited c. La Reine (1984), 84 DTC 6374 (C.F. Ire inst.).
DÉCISION EXAMINÉE:
G.T.E. Sylvania Canada Limited c. La Reine, [1974] 1 C.F. 726 (1re inst.).
AVOCATS:
Ingeborg E. Lloyd pour l'appelante. Brian J. Wallace pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour l'appelante.
Lawson, Lundell, Lawson & McIntosh, Van- couver, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW (dissident): Les faits et les dispositions législatives applicables étant suffisamment énoncés dans les motifs de jugement du juge Mahoney, il n'est pas nécessaire de les répéter. Le litige porte sur la question de savoir si le crédit d'impôt à l'investissement prévu aux paragraphes 127(5), (9) et (10) de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, chap. 63 (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 71, art. 9)] applicable à l'année d'imposition 1975 relative- ment à l'achat par le contribuable de biens amor- tissables devait, en vertu du paragraphe 13(7.1) [mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 26, art. 6] de la Loi, être déduit du coût en capital de ces biens amortissables pour les fins du calcul des déduc- tions pour amortissement, pour le motif que le crédit en question constituerait une «aide» que le contribuable «a reçu ou est en droit de recevoir» ... «d'un gouvernement, d'une municipalité ou de tout autre organisme public relativement à des biens amortissables, à titre de prime, de subvention de prêt à remboursement conditionnel, de déduc- tion de taxes ou d'impôts, d'allocation de place ment ou à tout autre titre ...»
Tel que je la conçois, la position de l'appelante est que le crédit d'impôt à l'investissement était une aide reçue à titre de déduction de taxes ou d'impôts et, de ce fait, était visé par la Loi.
Comme le crédit en question est créé par les termes du paragraphe 125(1), qui disent «peut déduire de l'impôt payable par ailleurs ...», je n'ai aucune difficulté à le considérer comme consti- tuant en fait une «déduction de taxes ou d'impôts» et, par conséquent, dans le contexte du paragraphe 13(7.1), comme une «aide» que le contribuable «a reçu[e] ou est en droit de recevoir» au sens de ce paragraphe. Je suis cependant incapable de voir de quelle façon ce crédit peut être considéré comme une aide d'un gouvernement, d'une municipalité ou d'un autre organisme public.
Il ne constitue ni un cadeau ni un octroi de quelqu'un de ces corps ou organismes. Il ne s'agit pas non plus d'une chose qu'un gouvernement, une municipalité ou un autre organisme public possède la discrétion ou le pouvoir de donner ou de refuser. Le crédit est un droit établi par la loi qui appar-
tient au contribuable lorsque se réalisent les condi tions qu'elle prescrit. Il s'agit simplement d'un montant d'impôt qui, dans les circonstances, n'est pas imposé ou dont la loi n'exige pas le paiement.
Il existe des dispositions législatives permettant à un gouvernement, une municipalité ou un autre organisme public d'accorder une aide au contri- buable sous forme de réduction ou de déduction d'impôt dans des circonstances définies, et il me semble qu'il s'agit de situations entrant dans le champ d'application des termes «aide» sous forme de «déduction de taxes ou d'impôts». Je ne vois aucun motif suffisant permettant d'inférer que le crédit d'impôt à l'investissement, qui est un droit aux termes du paragraphe 127(5) et qui ne peut être refusé par le Gouvernement du Canada ni par les responsables de l'application de la Loi de l'im- pôt sur le revenu, est visé ou englobé par l'expres- sion «aide d'un gouvernement, d'une municipalité ou de tout autre organisme public».
Je rejetterais l'appel avec dépens.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: Appel est interjeté en l'es- pèce d'un jugement de la Division de première instance [(1984), 84 DTC 6391 (C.F. 1re inst.)]. La question consiste à savoir si le montant d'un crédit d'impôt réclamé par l'intimée pour l'année d'imposition s'étant terminée le 31 décembre 1975 devait, en vertu du paragraphe 13(7.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, entrer en ligne de compte dans le calcul de la fraction non amortie du coût en capital des catégories pertinentes de biens amortissables dont elle était propriétaire le 31 décembre 1975.
Le crédit d'impôt à l'investissement en l'espèce, permis en vertu du sous-alinéa 127(10)c)(vii) de la Loi et calculé selon le paragraphe 127(9), s'élevait à 179 807 $. L'intimée, ainsi que l'y autorisait le paragraphe 127(5), a choisi de déduire la totalité du montant de 179 807 $ de son impôt sur le revenu payable par ailleurs pour l'année 1975. Ces questions n'étant pas en litige, les dispositions per- tinentes de l'article 127 n'ont pas à être citées.
Le Ministre, pour fixer la nouvelle cotisation, s'est fondé sur le paragraphe 13(7.1), dont voici le libellé:
13....
(7.1) Aux fins de la présente loi, lorsqu'un contribuable a reçu ou est en droit de recevoir une aide d'un gouvernement, d'une municipalité ou de tout autre organisme public relative- ment à des biens amortissables, à titre de prime, de subvention de prêt à remboursement conditionnel, de déduction de taxes ou d'impôts, d'allocation de placement ou à tout autre titre qui n'est pas
a) une somme dont le paiement est autorisé en vertu d'une Loi portant affectation de crédits, selon les modalités approuvées par le conseil du Trésor, au titre de dépenses engagées dans la recherche scientifique afin de relever ou de maintenir le niveau de compétence technologique de l'indus- trie manufacturière canadienne ou d'autres secteurs de l'in- dustrie canadienne, ou
b) une somme dont la déduction est autorisée par l'article 65,
le coût en capital du bien supporté par le contribuable est réputé être l'excédent du total
c) de leur coût en capital supporté par le contribuable, déterminé par ailleurs, et
d) de la fraction, s'il en est, de l'aide qui a été remboursée par le contribuable en exécution d'une obligation de rem- bourser tout ou partie de l'aide,
sur
e) le montant de l'aide.
Le juge de première instance, pour accueillir l'ap- pel interjeté par l'intimée contre cette nouvelle cotisation, s'est appuyé entièrement sur la décision rendue précédemment par la Division de première instance dans l'affaire AEL Microtel Limited c. La Reine (1984), 84 DTC 6374 (C.F. ire inst.). Les pages 6386 et suivantes du recueil rapportant cette décision, traitent précisément de cette ques tion. Cette décision s'était elle-même largement fondée sur le jugement rendu par notre Cour dans l'affaire G.T.E. Sylvania Canada Limited c. La Reine, [1974] 1 C.F. 726 (1`e inst.).
Dans l'affaire G.T.E. Sylvania, la Cour a exa- miné une déduction d'impôt prise par la contribua- ble pour l'année 1971 relativement à l'achat de nouvelles machineries; cette déduction était autori- sée par la Loi de l'impôt sur les corporations du Québec [S.R.Q. 1964, chap. 67]. L'alinéa 20(6)h) de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.R.C. 1952, chap. 148 (mod. par S.C. 1966-67, chap. 91, art. 5)] était comparable au paragraphe 13(7.1):
20....
(6) Pour l'exécution du présent article et des règlements établis selon l'alinéa a) du paragraphe (1) de l'article 11, les règles suivantes s'appliquent:
h) lorsqu'un contribuable a reçu ou a droit de recevoir d'un gouvernement, d'une municipalité ou d'une autre autorité
publique, à l'égard ou en vue de l'acquisition de biens, un octroi, une subvention ou une autre aide ... le coût en capital desdits biens est censé être le montant que ces biens ont coûté en capital au contribuable moins le montant de l'octroi, de la subvention ou autre aide;
Cet alinéa a été remplacé par le paragraphe 13(7.1), tel qu'il était rédigé en 1975, aux termes d'une modification entrée en vigueur le 6 mai 1974, S.C. 1974-75, chap. 26, art. 6(4).
Dans l'affaire G.T.E. Sylvania, le fondement de la décision de notre Cour était que les termes «autre aide» de l'alinéa 20(6)h) devaient s'interpré- ter en respectant la règle ejusdem generis, c'est-à- dire à la lumière des mots «octroi» et «subvention»; en conséquence, les termes «autre aide» de cet alinéa ne comprenaient pas le crédit d'impôt. Le juge de première instance dans l'affaire AEL Microtel a aussi interprété la décision G.T.E. Syl- vania comme concluant qu'un contribuable ne peut être considéré comme ayant «reçu» quoi que ce soit pour la seule raison qu'il tire profit d'une disposi tion lui permettant de payer un impôt moindre que celui auquel il serait par ailleurs tenu. Il a conclu que, même si la modification de 1974 avait répondu à l'argument fondé sur la règle ejusdem generis qui avait permis à la contribuable d'avoir gain de cause dans l'affaire G.T.E. Sylvania, cette modification ne permettrait aucunement de réfuter l'argument selon lequel celle-ci n'avait rien «reçu».
Avec déférence, je crois que le juge de première instance dans l'affaire AEL Microtel s'est trompé en prenant cette conclusion et, en conséquence, que le juge ayant rendu le jugement dont appel est interjeté s'est aussi trompé. Dépouillé de ses termes qui ne s'appliquent pas aux faits en l'espèce et nous sont utiles, le paragraphe 13(7.1) prévoyait que:
... lorsqu'un contribuable a reçu ... une aide d'un gouverne- ment ... relativement à des biens amortissables, à titre ... de déduction de taxes ou d'impôts ... ou à tout autre titre ... le coût en capital du bien supporté par le contribuable est réputé être l'excédent ... de leur coût en capital supporté par le contribuable, déterminé par ailleurs, ... sur ... le montant de l'aide.
Le Parlement a prévu expréssement qu'un contri- buable peut «recevoir» une aide d'un gouvernement à titre de «déduction de taxes ou d'impôts». Bien que cela puisse faire violence à ses scrupules de rigueur sémantique, la Cour est obligée, dans les limites du raisonnable, de donner effet à l'intention
claire et non ambiguë du Parlement. Cette inten tion, bien qu'elle puisse sembler bizarre sur le plan conceptuel, est clairement exprimée. Aux yeux du Parlement, une personne peut «recevoir» de l'aide si elle profite de la possibilité qui lui est donnée de déduire d'un impôt un montant qu'elle serait par ailleurs obligée de payer. Dans les circonstances, l'intimée a «reçu» une aide au sens du paragraphe 13(7.1) lorsqu'elle a choisi de se prévaloir de la possibilité qui lui était offerte de déduire 179 807 $ de son impôt sur le revenu pour l'année 1975.
J'accueillerais l'appel avec dépens tant devant cette Cour qu'en Division de première instance et rétablirais la cotisation.
LE JUGE MARCEAU: Je souscris à ces motifs.
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