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A-520-85
Consolidated -Bathurst Limited (appelante) (demanderesse)
c.
La Reine (intimée) (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: CONSOLIDATED-BATHURST LTD. C. CANADA
Cour d'appel, juges Urie et Stone et juge suppléant Cowan—Toronto, 28 et 29 octobre; Ottawa, 28 novembre 1986.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Déductions Régime d'assurance par lequel des risques de l'appelante sont assurés auprès d'assureurs canadiens et réassurés auprès d'une compagnie d'assurance étrangère créée par l'appelante, lesdits risques étant garantis par l'appelante Non-déductibilité des primes d'assurance à titre de frais d'exploitation lorsque le contribuable assuré, bien qu'assuré en principe, est tenu d'ab- sorber ses propres pertes La notion de «famille économi- que» est rejetée Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970- 71-72, chap. 63, art. 18(1 Je), 95 (mod. par S.C. 1973-74, chap. 14, art. 29; 1974-75-76, chap. 26, art. 59), 245(1) Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148, art. 137(1).
La contribuable appelante, une multinationale canadienne qui fabriquait de la pâte et du papier et pour qui il était devenu difficile et coûteux de s'assurer au Canada, a fait constituer une compagnie d'assurance étrangère «satellite» («OI») aux Bermu- des. Bien qu'il y ait d'autres transactions d'assurance en jeu dans la présente affaire, les plus importantes portent sur cer- tains risques contre lesquels l'appelante s'assurait auprès d'as- sureurs canadiens et ceux-ci se réassuraient auprès de OI. Cette dernière société se réassurait à son tour contre la plupart de ces risques sur le marché libre à un coût beaucoup moindre et protégeait en outre les assureurs canadiens au moyen d'ententes d'indemnisation qui étaient associées à des lettres de crédit appuyées par les propres garanties de l'appelante.
Le ministre a refusé la plupart des «dépenses pour fins d'assurance» réclamées à titre de déductions pour les années
d'imposition 1971 1975. En outre, il a attribué à l'appelante, aux fins de l'impôt, les gains tirés d'intérêts et du change réalisés par OI au cours des années 1972 à 1975.
Le juge de première instance a conclu que les primes versées à OI directement ou indirectement ont réduit de façon factice le revenu de l'appelante et ne pouvaient donc pas, en vertu du paragraphe 245(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, être déduites de son revenu. En fait, ces débours étaient des sommes transférées à un fonds de réserve et ne sont donc pas déducti- bles en vertu de l'alinéa 18(1)e) de la Loi. Cela consistait à canaliser des fonds de l'appelante vers un intermédiaire sur lequel elle avait un pouvoir total. Et vu que OI dépendait des garanties de l'appelante pour acquitter les réclamations d'assu- rance qui dépassaient sa capacité de payer, il n'y a pas eu de transfert véritable du risque. Le juge de première instance a également conclu que le ministre avait commis une erreur en attribuant à l'appelante les gains tirés d'intérêts et du change réalisés par OI car, en l'absence d'une règle précise au con- traire, il faut respecter les distinctions qui existent normale- ment entre une compagnie mère et sa filiale.
Il s'agit d'un appel et d'un appel incident formés à l'encontre de cette décision.
Arrêt: l'appel portant sur la déductibilité des primes d'assu- rance devrait être rejeté en ce qui concerne les années d'imposi- tion 1971 à 1974 mais alloué en ce qui concerne l'année 1975. L'appel incident portant sur les gains tirés d'intérêts et du change réalisés par OI devrait être rejeté.
De 1971 à 1974, les indemnités, les lettres de crédit et les garanties protégeaient les assureurs canadiens contre les pertes pouvant résulter des risques réassurés auprès de OI. Pendant ces années-là, l'appelante était dans une position elle aurait pu être tenue d'absorber une perte qu'elle avait prétendu assurer. Étant donné qu'aucune protection réelle n'a été ache- tée, la déduction, à titre de frais d'exploitation, des primes payées entraînait une réduction factice du revenu. Il n'était pas nécessaire de déterminer si les paiements constituaient ou non une réserve au sens de l'alinéa 18(1)e) de la Loi.
Au cours de l'année d'imposition 1975, la situation différait de celle des années précédentes en ce qu'aucune indemnité ni aucune garantie n'ont été demandées. Le versement des primes d'assurance durant cette année-là n'a pas réduit le revenu de l'appelante de façon factice car il y a eu un transfert réel du risque même si c'était à une compagnie appartenant à la même «famille économique». Cette expression a été utilisée pour dési- gner des compagnies appartenant à un même groupe aux fins de l'impôt sur les corporations. Les tribunaux américains ont jugé qu'aucune déduction d'impôt sur le revenu ne peut être réclamée en ce qui a trait au transfert de risques, au moyen de versements de primes, à une compagnie appartenant au même groupe. Cette notion n'est pas acceptable, car cela équivaut à nier l'existence de compagnies distinctes indépendamment des circonstances d'un cas particulier.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS SUIVIES:
Harris v. Minister of National Revenue, [1966] R.C.S. 489; Sellars c. La Reine, [1980] I R.C.S. 527; Clark v. Canadian National Railway Co.; Attorney -General of New Brunswick, intervenor (1985), 17 D.L.R. (4th) 58 (C.A.N.-B.).
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Shulman, Isaac v. Minister of National Revenue, [1961] R.C.É. 410, confirmée sans motifs [1962] R.C.S. viii; 72 DTC 1166; Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536; Helvering v. Le Gierse, 312 U.S. 531 (1941); Carnation Co. v. C.I.R., 640 F. 2d 1010 (9th Cir. 1981); Stearns -Roger Corp., Inc. v. U.S., 577 F. Supp. 833 (D.C. Colo. 1984).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Spur Oil Ltd. c. R., [1982] 2 C.F. 113 (C.A.); Covert et autres c. Ministre des Finances de la Nouvelle-Écosse, [1980] 2 R.C.S. 774.
DÉCISION EXAMINÉE:
Jugement rendu le 21 août 1985 par la Haute Cour des Pays-Bas, du greffe: 22929, non publié (intitulé de la cause non cité).
DÉCISIONS CITÉES:
Don Fell Limited c. La Reine (1981), 81 DTC 5282 (C.F. 1"° inst.); Sigma Explorations Ltd. c. La Reine, [1975] C.F. 624 (1' inst.).
AVOCATS:
Donald G. H. Bowman, c.r. et William I. Innes pour l'appelante (demanderesse). John R. Power, c.r., D. C. Olsen et J. D'Au- ray pour l'intimée (défenderesse).
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Toronto, pour l'appelante (demanderesse).
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée (défenderesse).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE STONE: La principale question soule- vée dans le présent appel porte sur l'applicabilité du paragraphe 245(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148, modifié par S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 1. C'est la première du genre à être soumise à la Cour.
État de la question
L'appelante a été constituée en 1967 la suite d'une fusion. Pendant les années 1971 1975, elle fabriquait de la pâte, du papier et des produits d'emballage au Canada et dans d'autres pays. Elle possédait à cette fin de vingt à trente filiales dans le monde entier. Les actions de ces dernières étaient détenues par sa filiale en propriété exclu sive St. Maurice Holdings Limited («St. Mau- rice»), qui avait été constituée dans le but de détenir les actions des sociétés affiliées et des filiales situées à l'extérieur du Canada.
Après sa formation, l'appelante est allée sur le marché des assurances pour combler ses besoins d'assurance et ceux des filiales, mais il est vite devenu difficile et coûteux de s'assurer de cette façon en raison de pertes élevées. Il fallait cepen- dant que l'appelante contracte de l'assurance pour satisfaire aux conditions des actes de fiducie
garantissant les dettes de la companie. On n'a pas tardé à élaborer un régime en vertu duquel on pensait obtenir une couverture d'une façon diffé- rente, sans devoir se soumettre à la réglementation canadienne en matière d'assurances. Le régime a été mis en place en 1970 lorsque la société Over seas Insurance Corporation a été constituée en vertu des lois de Panama et dotée d'un capital- actions de 120 000 $. Elle a obtenu l'autorisation d'exploiter une entreprise d'assurance aux Bermu- des. En 1974, une deuxième société, Overseas Insurance Limited, a été constituée en vertu des lois des Bermudes. L'actif de la société pana- méenne a été transféré à la société des Bermudes, qui a alors été autorisée à exploiter une entreprise d'assurance aux Bermudes. Il sera plus pratique de désigner les deux sociétés simplement par l'abré- viation «01». Tous les administrateurs et les diri- geants de OI résidaient aux Bermudes, et toutes les actions des deux sociétés étaient détenues par St. Maurice. OI était gérée suivant un contrat intervenu entre St. Maurice et Insurance Mana gers Limited, une compagnie des Bermudes qui était la propriété des courtiers d'assurance cana- diens de l'appelante. Insurance Managers Limited avait un personnel nombreux et gérait environ cinquante-cinq filiales dans le domaine des assu rances aux Bermudes.
Le régime est entré en vigueur au cours de l'année 1970 et s'est appliqué pendant les années d'imposition 1971 1975. OI ne représentait qu'un de ses éléments essentiels. Il comportait en outre les opérations suivantes: l'appelante contractait avec des assureurs canadiens une assurance cou- vrant un certain nombre de ses propres risques et de ceux de ses filiales; ces assureurs s'adressaient à OI pour se réassurer contre la presque totalité de ces risques conformément aux conditions des ententes appelées ententes facultatives à découvert et intervenues entre ces assureurs et OI; OI obte- nait une garantie en excédent de pertes et de sinistres au moyen d'une réassurance sur le marché libre; et, enfin, les assureurs canadiens étaient protégés par des ententes d'indemnisation qui étaient associées à des lettres de crédit bancaire émises par OI en faveur de ces assureurs, garanties par les investissements de OI et appuyées par les propres garanties de l'appelante. Les détails de ces documents ainsi que leur importance relativement
à l'espèce apparaîtront bientôt. L'assureur cana- dien était Victoria Insurance Company of Canada en 1970, Scottish & York Insurance Co. Limited
de 1971 1974 inclusivement et Elite Insurance Company en 1975.
Les risques contre lesquels l'appelante cherchait à s'assurer en vertu du régime étaient de deux types. Le premier type comprenait l'ensemble des franchises contenues dans les polices d'assurance obtenues à l'origine par l'appelante et ses filiales sur le marché des assurances. Ces franchises étaient assurées par les assureurs d'origine en vertu de soi-disant polices «couvrant les franchises». Presque tous ces risques étaient réassurés par OI qui se protégeait alors elle-même en obtenant, sur le marché libre des réassurances, une assurance en excédent de pertes pour se protéger contre les réclamations dépassant ses provisions pour risques en cours. Le second type de risques visé compre- nait les risques divers assurés par l'appelante et ses filiales en vertu de polices «générales». Un certain pourcentage de ces risques était pris en charge par différentes entreprises d'assurance et par OI. Au début, 20 % de ces risques étaient assurés par OI, cette proportion étant passée à 40 % au cours de la deuxième année. Les primes étaient payées direc- tement à OI pour la couverture accordée. La plu- part de ces risques étaient réassurés par des assu- reurs de la Lloyds. L'appelante a confié 100 % de ces risques à ces assureurs pendant la troisième et la quatrième années du programme et, à leur tour, ils ont réassuré la plupart d'entre eux en s'adres- sant à OI. De nouveau, OI s'est protégée elle- même en obtenant, sur le marché libre des réassu- rances, une assurance en excédent de pertes pour se protéger contre les réclamations dépassant ses provisions pour risques en cours. Il est ressorti de la preuve qu'à un moment OI accepterait des risques de personnes autres que l'appelante et les filiales, mais qu'elle n'a pas accepté de risques de ce genre au cours des années concernées.
Dans le calcul de son revenu imposable pour les années d'imposition 1971 à 1975, l'appelante a déduit à titre de frais d'exploitation la totalité des primes versées au titre de la couverture «générale» et de la couverture relative aux «franchises». Le ministre n'était pas d'accord sur ce point et a établi la cotisation de l'appelante en tenant pour acquis qu'une partie importante de la déduction
devrait être refusée. En outre, il a établi une cotisation à l'égard des gains tirés d'intérêts et du change réalisés par OI au cours des années d'impo-
sition 1972 1975 en tenant pour acquis qu'ils auraient être attribués à l'appelante aux fins de l'impôt. En Division de première instance, le juge Strayer s'est prononcé contre l'appelante sur le premier point et en sa faveur sur le second'. Le présent appel découle de cette décision.
Les questions
Deux questions se posent au sujet de ces déci- sions. Premièrement, le juge de première instance a-t-il commis une erreur en maintenant la cotisa- tion établie par le ministre, qui refusait d'admettre comme frais d'exploitation une certaine partie des primes d'assurance versées au cours des années d'imposition 1971 1975? Deuxièmement, le juge de première instance a-t-il commis une erreur en modifiant la cotisation établie par le ministre et en excluant les gains que OI a tirés d'intérêts et du change au cours des années d'imposition 1972 à 1975?
Je vais maintenant traiter de ces questions. Dépenses pour fins d'assurance
Le ministre a admis comme frais d'exploitation seulement les montants versés aux assureurs cana- diens à titre de primes pour la couverture des «franchises» qui n'ont pas été réassurées par 01 et les primes versées directement par l'appelante pour la couverture «générale». Dans la minute du juge- ment, les primes versées par OI pour une assu rance en excédent de pertes et en excédent de sinistres ainsi que les commissions et les taxes versées pour l'obtention d'une telle réassurance ont également été admises. Les autres montants versés à OI, moins les pertes sur les polices, ont été rejetés. Étant donné que, dans le cas des polices «couvrant les franchises», les assureurs canadiens ont retenu seulement sept et demi pour cent des
risques durant les années 1971 1974 et deux et demi pour cent en 1975, les montants rejetés sont assez substantiels.
L'appelante prétend que tous les montants ont été versés pour une couverture d'assurance et que, comme tels, ils ont été dûment déduits à titre de
I [1987] I C.F. 223; [1985] 1 CTC 142; 85 DTC 5120.
dépenses pour fins d'assurance. L'intimée soutient qu'il s'agissait d'un régime compliqué d'auto-assu rance par l'intermédiaire de OI qui n'était pas authentique et qu'il s'agissait en réalité d'une réserve dont la déduction réduirait de façon factice le revenu de l'appelante en contravention du para- graphe 245(1) et de l'alinéa 18(1)e) de la Loi. L'intimée a allégué que le régime était un trompe-
mais le juge de première instance n'était pas d'accord sur ce point. Il était également d'avis que l'existence d'un but commercial véritable ne pou- vait pas soustraire l'appelante à l'assujettissement à l'impôt si le régime entraînait, sous d'autres rapports, une imposition. Il a jugé, à la page 147, que l'un des facteurs qui ont motivé la mise en place du régime était la difficulté qu'éprouvait l'appelante à cette époque à obtenir de l'assurance ou à en obtenir à un prix raisonnable. Par ailleurs, il a estimé, à la page 148, que la recherche d'avan- tages fiscaux entrait aussi en ligne de compte pour l'appelante. Il ne lui était pas possible d'établir, et effectivement il n'a pas établi, dans quelle mesure ces facteurs ou d'autres ont influé sur la décision d'élaborer le régime.
L'alinéa 18(1)e) et le paragraphe 245(1) de la Loi sont libellés ainsi:
18. (1) Dans le calcul du revenu du contribuable, tiré d'une entreprise ou d'un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles:
e) une somme transférée ou créditée au compte d'une réserve, à un compte de prévoyance ou à une caisse d'amortissement, sauf ce qui est expressément permis par la présente Partie;
245. (1) Dans le calcul du revenu aux fins de la présente loi, aucune déduction ne peut être faite à l'égard d'un débours fait ou d'une dépense faite ou engagée, relativement à une affaire ou opération qui, si elle était permise, réduirait indûment ou de façon factice le revenu.
En rejetant la position fondamentale de l'appelante selon laquelle les montants versés ont été déduits à juste titre, le juge de première instance a formulé les observations suivantes, aux pages 236 et 237 C.F.; 149 et 150 CTC; 5125 DTC:
OI a conservé la portion des risques se rapportant aux biens de la demanderesse qui n'était ni assurée ni réassurée par des compagnies non affiliées. Tout l'actif d'OI provenait essentielle- ment de la demanderesse. C'est St. Maurice, la filiale en propriété exclusive de la demanderesse, qui lui a fourni son capital initial de 120 000 $; son revenu, elle l'a reçu directe- ment de la demanderesse à titre de primes d'assurance, ou indirectement de la demanderesse à titre de primes de réassu-
rance versées par les assureurs de celle-ci; elle a également pu obtenir des ristournes ou commissions en assurant ou en réassu- rant les biens de la demanderesse, ainsi qu'un intérêt sur les fonds excédentaires dont la demanderesse était la source ultime. OI n'avait pas d'autres clients entre lesquels elle pouvait répartir les risques, ni aucune autre source de fonds à partir de laquelle la demanderesse pouvait être indemnisée des pertes faisant partie des risques conservés par OI. Par conséquent, le «programme d'assurance» doit être assimilé à un moyen permet- tant à la demanderesse de canaliser ses fonds vers l'un de ses intermédiaires qu'elle contrôlait complètement et à qui elle devait s'adresser pour réparer les pertes faisant partie des risques conservés par OI. Les fonds dont disposait OI prove- naient de la demanderesse. Tout excédent dont 0I pouvait bénéficier était en fin de compte sous le contrôle de la deman- deresse à titre d'unique actionnaire de l'unique actionnaire d'OI. C'est la demanderesse qui était tenue aux pertes qu'OI ne pouvait couvrir en raison d'un manque de fonds. Ce qui en résulte est semblable à l'établissement par une institution ou une société d'un fonds de réserve dont elle se servirait pour réparer les pertes non assurées causées à ses biens.
La preuve n'a pas non plus établi que ce n'était qu'une conséquence accessoire d'une entente exigée par la demande- resse pour obtenir une assurance de tierces parties. Par exem- ple, il ressort de la preuve que les primes versées à Scottish and York, l'assureur canadien, étaient les mêmes que celles que cet assureur aurait fait payer à n'importe quel assuré, que l'assuré ait ou non une compagnie d'assurances satellite pour agir à titre de réassureur. Cela laisse également entendre qu'il n'y avait, sur le plan du marché, aucun intérêt à avoir un réassureur satellite. De même, bien qu'on ait dit que l'une des raisons de l'établissement d'un assureur satellite était l'accès à des mar- chés de réassurance qui n'est possible que par le recours à une compagnie d'assurances satellite, la preuve révèle en fait que la réassurance obtenue était accessible à toute compagnie d'assu- rances, qu'elle soit satellite ou non. Par conséquent, le recours à une compagnie d'assurances satellite en partie pour couvrir les risques qui ne sont pas autrement réassurés n'était pas simple- ment accessoire à un accord conclu pour obtenir de tierces parties une réassurance qui n'était pas autrement disponible.
En conséquence, je conclus que les prétendues «primes» ver sées par la demanderesse concernant les risques dont son inter- médiaire, 01, a assumé la responsabilité étaient des débours qui réduisaient de façon factice le revenu de la demanderesse et ne pouvaient donc pas, en vertu du paragraphe 245(1), être dédui- tes de son revenu. En fait, ces débours étaient des sommes transférées à un fonds de réserve et ne sont donc pas déducti- bles en vertu de l'alinéa 18(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Le juge de première instance s'est appuyé sur des décisions traitant de la facticité dans le con- texte du paragraphe qui a précédé le paragraphe 245(1) et notamment sur une décision rendue par la Cour de l'Échiquier du Canada dans l'affaire Shulman, Isaac v. Minister of National Revenue, [1961] R.C.É. 410 (confirmée sans motifs par la Cour suprême du Canada, [ 1962] R.C.S. viii; 72 DTC 1166), dans laquelle le juge suppléant Rit- chie a déclaré, â la page 425:
[TRADUCTION] Dans le présent contexte, «de façon factice» signifie de façon «anormale», «contraire à ce qui est naturel» ou «qui n'est pas normale».
J'interprète le paragraphe (1) comme s'il se lisait:
Dans le calcul du revenu aux fins de la présente Loi, aucune déduction qui, si elle était permise, réduirait indû- ment ou de façon factice le revenu ne peut être faite à l'égard d'un débours ou d'une dépense contractée relativement à une affaire ou opération.
Si l'on étudie l'application de l'article 137(1) toute déduc- tion de revenu, il faut aussi tenir compte de la nature de la transaction ayant donné lieu à la déduction. Tout artifice surgissant au cours d'une transaction peut vicier une dépense s'y rapportant et l'empêcher d'être déductible du calcul du revenu imposable.
Les décisions rendues par la Division de première instance dans les affaires Don Fell Limited c. La Reine (1981), 81 DTC 5282 et Sigma Explora tions Ltd. c. La Reine, [1975] C.F. 624, ont égale- ment été invoquées. Il n'a pas été convaincu par les allégations de l'appelante qui a fait valoir que les parties à des transactions juridiques indubitable- ment exécutoires étaient des entités juridiques dis- tinctes, ni par l'absence d'un rapport mandant/ mandataire entre l'appelante et OI. Il était d'avis, à la page 149, qu'«il est permis de percer, occasion- nellement, le voile qui couvre les sociétés». A ce propos, il s'est reporté à la décision rendue par la majorité des juges de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Covert et autres c. Ministre des Finances de la Nouvelle-Écosse, [1980] 2 R.C.S. 774, où, à la page 796, la Cour s'est estimée tenue d'«examiner la véritable situation» et a conclu qu'une filiale «était à la merci de la compagnie mère et devrait lui obéir au doigt et à l'oeil». Les faits de cette affaire étaient exceptionnels. Néan- moins, le juge de première instance a déduit, à la page 149, que OI devait faire tout ce que St. Maurice et l'appelante lui disaient de faire. A mon avis, il y a insuffisance de preuve à l'appui de cette déduction. L'intimée se fonde sur une directive générale donnée par l'appelante à OI relativement aux investissements, mais je considère que, prise isolément, il ne s'agit de rien de plus que l'intérêt légitime d'un investisseur principal à l'égard du succès financier de sa filiale.
En contestant la décision portée en appel, l'ap- pelante reprend des allégations présentées en pre- mière instance, qui tendaient toutes à démontrer que l'application du régime n'avait pas réduit son revenu «de façon factice» durant l'une des années
en question mais qu'il constituait plutôt un pro gramme légitime destiné à combler les besoins d'assurance de l'appelante. Elle soutient en consé- quence qu'aucune partie des primes n'aurait être refusée à titre de frais d'exploitation même s'il en avait résulté un dégrèvement. L'intimée com pare le régime à un train qui se déplace sur une voie simple entre deux points donnés. Chaque année à la date d'échéance de la couverture annuelle et au moment il fallait avoir recours à une nouvelle couverture, le régime prenait le relais et, comme le train, amorçait un parcours réglé d'avance. L'appelante, a-t-on avancé, s'était enga gée dans un programme qui équivalait en réalité à une réserve pour paiement des pertes à venir. Les indemnités, les lettres de crédit et les garanties ne pouvaient que signifier que l'appelante et St. Mau- rice s'étaient engagées à compenser tout déficit survenant entre les réclamations d'assurance pré- sentées et les fonds dont disposait OI pour les acquitter. Ce n'est pas parce que le régime revêtait l'aspect d'un programme d'assurance, allègue l'in- timée, qu'il en constituait un.
Il me semble que l'applicabilité du paragraphe 245(1) doit être examinée de deux points de vue distincts: premièrement, dans les circonstances existant durant la période allant de 1971 à 1974 en tenant compte des indemnités, des lettres de crédit et des garanties et, deuxièmement, en l'absence de toute indemnité ou garantie de ce genre durant l'année d'imposition 1975. Ces éléments n'ont pas été inclus dans le régime initial bien qu'ils sem- blent avoir été envisagés. Ils ont été ajoutés durant l'année d'imposition 1972. Les indemnités avaient pour effet de protéger à la fois Victoria Insurance Company of Canada et Scottish & York Insurance Co. Limited contre les pertes pouvant résulter de toute couverture cédée par l'une d'entre elles à OI conformément à l'entente facultative à découvert. Selon les modalités prévues, St. Maurice s'est engagée tant vis-à-vis de Victoria Insurance Com pany of Canada que vis-à-vis de sa société soeur, Scottish & York Insurance Co. Limited, à titre de «personne admissible» définie ci-après, de la façon suivante:
[TRADUCTION] En considération des avantages que représen- tent pour ST. MAURICE HOLDINGS LIMITED les opérations de sa filiale en propriété exclusive OVERSEAS INSURANCE CORPORA TION, ci-après appelée «OVERSEAS», ST. MAURICE HOLDINGS LIMITED indemnisera et tiendra à couvert toute partie admissi ble, définie ci-dessous, de toutes dettes, pertes et dépenses
courantes, dont les frais d'avocat s'élevant à un montant raison- nable, que la partie admissible pourra assumer si OVERSEAS néglige d'exécuter l'une ou la totalité de ses obligations à l'égard de la partie admissible relativement aux transactions intervenues entre cette partie et ST. MAURICE HOLDINGS LIMI TED et/Ou CONSOLIDATED-BATHURST LIMITED, ou l'une de leurs filiales, ou pour procéder en défense ou en demande dans toute poursuite, action ou autre procédure intentée à ce sujet ou pour obtenir ou tenter d'obtenir une mainlevée à cet égard.
ST. MAURICE HOLDINGS LIMITED s'engage à rembourser sur demande ladite partie admissible ou à lui verser toute somme d'argent que celle-ci versera ou sera tenue par la loi de verser en raison de ce qui précède, et elle effectuera ce paiement à la partie admissible aussitôt que celle-ci en deviendra redevable, qu'elle ait ou non déboursé ces sommes en tout ou en partie.
L'obligation de ST. MAURICE HOLDINGS LIMITED d'indemniser toute «partie admissible» aux termes des présentes durera aussi longtemps qu'une obligation sera due par OVERSEAS à cette «partie admissible».
À quelques reprises pendant les années 1971 à 1974, OI a consenti des lettres de crédit bancaire en faveur de Victoria Insurance Company of Canada et de Scottish & York Insurance Co. Limited grâce auxquelles l'une ou l'autre de ces compagnies pouvait sur demande tirer des fonds, dont les limites étaient spécifiées, selon des modali- tés semblables, sinon tout à fait identiques, aux modalités suivantes qui figuraient dans la lettre de crédit de 1972:
[TRADUCTION] Le montant ainsi tiré sera payable sur présen- tation par Scottish & York Insurance Co. Ltd. et/ou Victoria Insurance Co. of Canada d'un certificat attestant que la société Overseas Insurance Corporation n'a pas rempli ses obligations courantes envers Scottish & York Insurance Co. Ltd. et/ou Victoria Insurance Co. of Canada, et qu'une demande écrite à cet égard a été expédiée à Overseas Insurance Corporation, dont copie à St. Maurice Holdings Ltd., au moins 30 jours avant la présentation de ce certificat.
Chacun de ces effets a été garanti par des dépôts à terme faits par OI aux Bermudes. La preuve a démontré que les sociétés Scottish & York Insu rance Co. Limited et Victoria Insurance Company of Canada les ont exigés parce que OI n'était pas un assureur canadien autorisé comme le requiert le surintendant des assurances. Enfin, l'appelante a fourni à la banque ses propres garanties pour garantir davantage les lettres de crédit. Chacune de ces garanties était libellée en partie comme suit:
[TRADUCTION] En considération des transactions conclues par la (banque) et Overseas Insurance Corporation, ci-après appe- lée la cliente, la soussignée garantit par les présentes à ladite banque le paiement de toutes les dettes présentes et futures,
directes, indirectes ou autrement, qui sont dues présentement ou le seront en tout temps par la suite à ladite banque par la cliente, et qui découlent d'une demande effectuée en vertu de la lettre de crédit ..
Lorsqu'en 1975 la société Elite Insurance Com pany est intervenue à titre d'assureur canadien, aucune indemnité ni aucune garantie n'ont été exigées à l'appui de la lettre de crédit. De nouveau, cette lettre de crédit a été fournie directement par OI.
Je suis d'accord en toute déférence avec la con clusion du juge de première instance en ce qui concerne les années d'imposition 1971 à 1974 inclusivement. Il me semble que les garanties con- senties par l'appelante ont eu pour effet, au cours de ces années, de la placer dans une position elle aurait pu être tenue d'absorber une perte qu'elle avait prétendu assurer. OI en était alors à ses débuts, et son capital était relativement peu élevé. Il est vrai qu'elle possédait une couverture de réassurance pour ses risques en cours et qu'elle ne s'attendait pas à ce qu'on lui demande, et de fait on ne lui a pas demandé, de verser un dédom- magement en vertu de ses garanties. Je ne crois pas que cela ait une quelconque importance. En effet, selon les arrangements relatifs aux garanties, dans l'éventualité un imprévu aurait empêché OI de satisfaire aux réclamations présentées par les assureurs canadiens en vertu de l'entente facul- tative à découvert, l'appelante elle-même aurait absorber toute perte en résultant par ailleurs cou- verte par les modalités de ses contrats d'assurance. Selon la preuve, les garanties de ce genre sont assez fréquentes dans l'industrie de l'assurance entre l'assureur et le réassureur mais non entre l'assuré et le réassureur. Cela va de soi. Il me semblerait qu'une demande de garantie de cette nature de la part de l'assureur pourrait, dans des circonstances ordinaires, soulever à juste titre l'in- crédulité de son assuré et, j'en ai le sentiment, se voir opposer un rejet catégorique. De la même façon, bien que les polices «générales» n'aient fait l'objet d'aucune garantie, l'appelante aurait également absorber toute perte sous leur régime pour la couverture conservée par OI parce que celle-ci aurait pu ne pas disposer de fonds suffi- sants. En ce qui concerne les risques conservés par OI, je ne vois pas comment l'arrangement qui était en vigueur durant les années d'imposition 1971 à 1974 peut être considéré comme fournissant une
couverture d'assurance véritable en vertu de laquelle le risque a été transféré et réparti de façon à permettre la déduction, à titre de frais d'exploi- tation, de montants payés comme primes par l'ap- pelante. Étant donné qu'aucune couverture de ce genre n'a été achetée au cours de ces années, la déduction de ces montants entraînait une réduc- tion factice du revenu de l'appelante.
L'intimée soutient instamment que ces paie- ments constituaient une «réserve» au sens de l'ali- néa 18(1)e) de la Loi et que le juge de première instance y a souscrit. Il ne me semble toutefois pas nécessaire de qualifier ces paiements de cette façon ou de toute autre façon particulière. Il suffit de dire qu'ils ne peuvent pas être considérés comme des primes d'assurance déductibles du revenu. Il en est ainsi parce que, dans les circonstances, ils constituaient des paiements exceptionnels dont la déduction réduirait le revenu «de façon factice» selon le critère de facticité énoncé dans l'arrêt Shulman. Un contrat d'assurance est un contrat prévoyant l'indemnisation des pertes de l'assuré, dans la mesure prévue par les modalités du con- trat. À mon avis, une condition ou un arrangement par lequel un assuré peut être tenu d'absorber une partie des pertes visées par l'indemnité ne donne pas lieu à une couverture d'assurance véritable. Les sommes d'argent versées à cet égard à titre de primes ne peuvent donc pas être déduites du revenu à titre de frais d'exploitation 2 .
Je n'ai pas oublié les autres moyens de l'appe- lante, bien que je ne puisse les accepter. Elle s'appuie sur la décision rendue par la Cour dans Spur Oil Ltd. c. R., [1982] 2 C.F. 113 et notam- ment à la page 125, relativement à la façon dont celle-ci a interprété le mot «artificial» (factice) qui figurait au paragraphe 137(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu en vigueur à l'époque [S.R.C. 1952, chap. 148]. Cette affaire ne concernait pas un régime d'assurance. De plus, bien que des obliga tions exécutoires prévues par la loi aient été con
2 Voir Harris v. Minister of National Revenue, [1966] R.C.S. 489, les motifs du juge Cartwright, à la p. 505. Bien qu'il ne soit pas nécessaire que la Cour se prononce sur le paragraphe 137(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.R.C. 1952, chap. 148], je crois que je dois me sentir lié par cette décision vu que la question «a été pleinement débattue» (Sellars c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 527; et voir Clark v. Canadian National Railway Co.; Attorney -General of New Brunswick, intervenor (1985), 17 D.L.R. (4th) 58 (C.A.N.-B.), les motifs du juge d'appel La Forest, à la p. 66).
tractées, la transaction ne dispensait pas, comme en l'espèce, de l'exécution d'une obligation fonda- mentale si le besoin s'en était fait sentir. En outre, l'appelante soutient qu'en ce qui concerne le «revenu étranger accumulé, tiré de biens», les règles de l'article 95 de la Loi, tel qu'il a été modifié en 1972 [S.C. 1970-71-72, chap. 63] et était en vigueur en 1976 [mod. par S.C. 1973-74, chap. 14, art. 29; 1974-75-76, chap. 26, art. 59] et pendant les années suivantes, doivent être considé- rées comme exprimant l'intention du législateur que les montants versés à titre de primes au cours des années faisant l'objet de l'examen ne soient pas considérés comme contraires au paragraphe 245(1). On a avancé que, selon ces règles, le revenu d'un assureur satellite international est con- sidéré comme le revenu de sa compagnie mère canadienne. Cet argument ne m'est d'aucun secours, car il me semble que la question de savoir si le régime est prohibé par le paragraphe 245(1) doit reposer sur l'interprétation à donner à son libellé indifféremment de l'existence, durant cer- taines de ces années, de règles nouvellement adop- tées qui attendent d'entrer en vigueur.
Mais qu'en est-il de l'année d'imposition 1975? Le résultat devrait-il être quelque peu différent? La situation différait de celle des années précéden- tes en ce qu'aucune indemnité ni aucune garantie n'ont été demandées. En 1975, OI était déjà en exploitation depuis quelques années et avait accu- mulé des avoirs importants. La preuve tendrait à montrer qu'en raison de la solidité de sa situation financière au cours de cette année-là, elle n'a pas eu besoin de demander de garantie ni d'indemnité. En effet, dans son exposé des faits et du droit, l'intimée semble en dire autant en déclarant que, [TRADUCTION] «dès 1975, des fonds suffisants avaient été transférés soit directement ou indirec- tement par l'appelante à OI ... de sorte qu'aucune garantie n'a été demandée». En outre, OI avait fait fructifier ses propres investissements et continuait de protéger ses provisions pour risques en cours contre les réclamations de réassurance en se réas- surant, sur le marché libre, en excédent de pertes ou de sinistres.
Le juge de première instance n'a pas considéré, à la page 151, les indemnisations et les garanties comme «essentielles à la conclusion que la deman- deresse ou ses intermédiaires n'ont, à aucun
moment au cours des années en question, transféré de risque». Il a été influencé dans sa conclusion par des décisions de tribunaux américains sur la nature de l'assurance dans le contexte d'une loi fiscale (Helvering v. Le Gierse, 312 U.S. 531 (1941)) et notamment la possibilité de déduire du revenu des montants versés à titre de primes qui étaient desti nées fondamentalement à une filiale satellite (Car- nation Co. v. C.I.R., 640 F. 2d 1010 (9th Cir. 1981) et Stearns -Roger Corp., Inc. v. U.S., 577 F. Supp. 833 (D.C. Colo. 1984)). Dans l'étude de ces affaires, je dois garder à l'esprit la remarque du juge Estey dans l'arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, à la page 555, selon laquelle l'Internai Revenue Code et les lois qui l'ont précédé «ne comportaient pas de disposi tion visant l'évitement de l'impôt semblable à celle de l'art. 137».
Selon ces décisions, l'assurance comporte le transfert et la répartition de risques. J'en conviens. Cette opinion était au centre des arrêts Carnation et Stearns -Roger et elle représentait le point de vue adopté par la Cour suprême des États-Unis dans l'arrêt Le Gierse. L'affaire Carnation concer- nait la déduction d'une prime versée par la compa- gnie mère à un assureur américain, la cession de la plus grande partie de la couverture à une société satellite internationale et le versement d'un pour- centage proportionnel de la prime. La Cour d'ap- pel du 9e circuit des États-Unis (United States Court of Appeals for the 9th Circuit) a conclu que, comme il n'y avait eu ni transfert ni réparti- tion de risques, il n'en résultait pas d'assurance et que, par conséquent, le montant versé à titre de prime ne pouvait pas être déduit du revenu confor- mément à l'Internai Revenue Code. Dans l'affaire Stearns -Roger, la compagnie mère avait versé un certain montant à titre de prime à sa compagnie d'assurance satellite américaine, mais sa déduction du revenu avait été rejetée pour le motif que la compagnie mère et la filiale appartenaient à la même «famille économique». Pour en arriver à sa conclusion, le juge de première instance a formulé les remarques suivantes, aux pages 238 C.F.; 150 CTC; 5125 DTC:
En l'espèce, à l'égard des pertes non assurées par des tiers, la demanderesse a s'adresser à son propre intermédiaire, 0I, pour obtenir les fonds nécessaires au remplacement de ses biens endommagés. Si l'argent—qui, incidemment, provenait directe- ment ou indirectement de la demanderesse—n'était pas dispo- nible, alors celle-ci n'était pas indemnisée de ses pertes, à moins
qu'elle ne fournisse à cette filiale de sa filiale les fonds à même lesquels elle se remboursait. Par conséquent, il n'y a eu ni transfert ni répartition de risques.
et il a ajouté, aux pages 240 C.F.; 151 et 152 CTC; 5126 DTC:
Bien que la jurisprudence canadienne ne semble pas faire mention de la notion de «famille économique», nous devrions, à mon avis, tirer la même conclusion, savoir que, dans un cas comme l'espèce, il n'y a pas eu transfert de risques à quiconque, sauf à un intermédiaire de l'assuré, intermédiaire dont tout l'actif provient directement ou indirectement de celui-ci et qui, au cas son actif ne serait pas suffisant, s'adresserait unique- ment à l'assuré pour trouver les fonds nécessaires à la répara- tion des pertes couvertes par l'assurance. Sans recourir à des métaphores faisant appel à la notion de famille, je peux con- clure que, en l'espèce, il n'y a pas eu de transfert véritable de risques et que, par conséquent, le paiement de «primes» à un tel «assureur» satellite réduirait de façon factice le revenu de l'«assuré».
Je dois souligner que, contrairement à l'espèce, aucune de ces décisions américaines ne concernait la réassurance d'une quelconque partie des risques au-delà de la compagnie satellite elle-même. D'ail- leurs, dans l'affaire Carnation, la demande formu- lée par l'assureur américain selon laquelle la corn- panie mère devait souscrire un capital supplémentaire a été considérée par la Cour, à la page 1013, comme [TRADUCTION] «essentielle» à l'arrangement au moyen duquel la compagnie mère pouvait assurer ses risques. Ce facteur est totalement absent dans la présente affaire en ce qui concerne l'année d'imposition 1975 car, au cours de cette année là, aucune augmentation du capital de OI ni aucune garantie n'ont été deman- dées ou accordées.
En outre, la notion de «famille économique» n'a pas été reconnue par la jurisprudence et n'est généralement pas admise. Devant la Cour, l'appe- lante invoque pour la première fois une décision rendue par la Haute Cour des Pays-Bas le 21 août 1985 (no du greffe: 22929).. Le nom des parties n'est pas mentionné. Si je comprends bien, une entreprise nationale s'est assurée et a assuré ses autres compagnies auprès d'une filiale internatio- nale constituée en société en vertu des lois des Antilles néerlandaises. Elle a fait l'objet d'une cotisation pour le motif que les risques n'étaient pas couverts par l'assurance et qu'aucune relation d'affaires n'existait entre la compagnie mère et la filiale internationale. Ce tribunal a exprimé son désaccord, à la page 26 de la traduction certifiée remise à notre Cour:
[TRADUCTION] Pour le reste, la plaidoirie se fonde sur l'opinion qu'en ce qui concerne les compagnies appartenant à un même groupe aux fins de l'impôt sur les corporations, il ne faut prêter aucune attention au transfert de risques à une compagnie appartenant au groupe au moyen du versement d'une prime, étant donné que, dans ce cas, ces risques restent à l'intérieur de l'entreprise.
Cette opinion est erronée. Lorsque, dans le cadre d'un groupe, une prime est exigée pour le transfert de risques, selon les pratiques commerciales habituelles—et donc indépendamment des rapports eux-mêmes qui jouent à l'intérieur de cette entre- prise—, il doit être tenu compte du versement de la prime dans l'établissement de l'impôt sur les corporations.
Malgré la prudence que nous devons montrer à l'égard de ce jugement fondé sur des lois étrangè- res avec lesquelles nous ne sommes pas familiers, nous pouvons considérer qu'il rejette la notion de «famille économique». À mon sens, l'adoption de cette notion équivaudrait à nier l'existence de com- pagnies distinctes indépendamment des circons- tances d'un cas particulier. J'estime que c'est inacceptable.
En l'espèce, la question de savoir s'il y a eu transfert et répartition de risques est une question de droit. Je ne puis affirmer que, au cours de l'année d'imposition 1975, il n'y a pas eu de trans- fert ni de répartition de risques. Contrairement aux quatre années précédentes, l'assureur canadien ne pouvait pas, à titre de compagnie de façade, compter sur l'assuré pour absorber les pertes cou- vertes par le régime dans l'éventualité OI ne remplirait pas ses engagements. Il est vrai que cet assureur détenait une lettre de crédit émanant de OI, mais elle n'était pas garantie par l'appelante. Cela peut laisser croire que OI était en bien meil- leure posture financière en 1975 que ce put être le cas au cours des années précédentes. Ainsi que l'a fait remarquer le juge de première instance, les avoirs de l'appelante étaient considérables. À mon avis, les transactions d'assurance effectuées sans lien de dépendance en 1975 ont créé des obliga tions légales exécutoires. De plus, il y a eu trans- fert et répartition de risques pour les autres raisons suivantes. Premièrement, la couverture convenue cette année-là était extrêmement large: par exem- ple, dans le cas des seules «franchises», la couver- ture était limitée à 750 000 $ pour chaque perte, accident ou désastre. Deuxièmement, les risques étaient nombreux et d'un genre semblable. Troisiè- mement, rien dans le dossier n'incite à croire que OI aurait pu être contrainte à la même époque de
rembourser des pertes semblables subies par plus d'une des entités assurées, car il semble que les risques n'étaient pas interdépendants.
C'est le paragraphe 137(1) qui a précédé le paragraphe 245(1) 3 . Ce paragraphe 137(1) a fait l'objet de certaines remarques de la part de la majorité des juges de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Stubart, et dont quelques-unes sont invoquées par l'intimée. Aucune question n'a vrai- ment été soulevée en ce qui concerne l'application de ce paragraphe; il se rapportait à l'attribution du revenu plutôt qu'à la déduction de dépenses. Néan- moins, à la page 579, le juge Estey a énoncé comme la première de plusieurs règles d'interpré- tation de la Loi que l'absence d'une fin commer- ciale véritable dans une transaction donnée peut rendre applicables les dispositions générales relati ves à l'évitement de l'impôt (il s'agissait alors du paragraphe 137(1), qui est maintenant le paragra- phe 245(1)) «mais il faut tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce». Le juge de première instance a conclu qu'une telle fin existait en l'es- pèce. Précédemment, à la page 576, le juge Estey a exposé ce qui me semble être l'approche générale à adopter dans l'interprétation de la Loi pour déter- miner l'effet d'un régime sur le plan fiscal.
Il paraît plus approprié d'avoir recours à un critère d'interpré- tation qui permettrait d'appliquer la Loi de manière à viser seulement la conduite du contribuable qui a comme effet intentionnel de contourner la volonté expresse du législateur. En bref, cette technique d'interprétation fait porter la législa- tion fiscale sur la conduite du contribuable qui relève manifes- tement de l'objet et de l'esprit des dispositions fiscales. Une telle façon de voir aurait pour effet de faciliter l'administration de la Loi de l'impôt sur le revenu, précitée, plutôt que de l'entraver, sous ces deux aspects, sans gêner l'attribution ou le retrait, selon le climat économique, d'incitations fiscales. L'ob- jectif recherché est une règle simple qui amènera l'uniformité d'application de la Loi dans la société et, par la même occasion, diminuera l'attrait de plans compliqués et subtiles d'évitement de l'impôt et diminuera les avantages pour ceux qui sont le plus en mesure de s'offrir les services de fiscalistes.
Je ne puis conclure à l'existence d'un tel com- portement durant l'année d'imposition 1975. La situation de OI avait changé considérablement depuis les toutes premières années on doutait à ce point de sa capacité de payer les réclamations
3 137. (1) Dans le calcul du revenu aux fins de la présente loi, aucune déduction ne peut être faite à l'égard d'un déboursé fait ou d'une dépense contractée, relativement à une affaire ou opération qui, si elle était permise, réduirait indûment ou de façon factice le revenu.
qu'il fallut recourir à toute une gamme d'indemni- tés, de lettres de crédit et de garanties déjà men- tionnées, de crainte que le régime n'avorte. Le fait qu'aucune indemnité ni aucune garantie n'aient été demandées en 1975 témoigne plutôt de la solidité et de l'indépendance financières de OI en qualité d'assureur durant cette année-là. Ainsi que je l'ai déjà mentionné, il y a eu au cours de cette année-là un transfert et une répartition véritables de risques entre les assureurs et les réassureurs. J'estime, par conséquent, que les dépenses enga gées au cours de cette année-là à titre de primes d'assurance n'ont pas eu pour effet de réduire de façon factice le revenu de l'appelante en contra vention du paragraphe 245(1).
Attribution du revenu
Je suis persuadé que le juge de première ins tance n'a pas commis d'erreur en renvoyant la question au ministre pour que soit établie une nouvelle cotisation qui tienne pour acquis que les revenus tirés d'intérêts et du change par OI au cours des années d'imposition 1972 à 1975 inclusi- vement ne pouvaient pas être attribués à l'appe- lante. L'appel incident devrait être rejeté pour les raisons données ci-dessous.
Dispositif
Je rejetterais l'appel en ce qui concerne les années d'imposition 1971 à 1974, mais je l'accueil- lerais cependant en ce qui a trait à l'année d'impo- sition 1975 et je renverrais l'affaire au ministre pour que soit établie une nouvelle cotisation qui tienne pour acquis que les débours relatifs aux primes que l'appelante a voulu déduire de son revenu pour cette année-là n'ont pas réduit son revenu de façon factice en contravention du para- graphe 245(1). Je rejetterais l'appel incident avec dépens. Comme l'appel principal a été accueilli en partie, je ne crois pas qu'il y ait lieu d'accorder les dépens à l'une ou l'autre partie.
LE JUGE URIE: Je souscris aux présents motifs.
LE JUGE SUPPLÉANT COWAN: Je souscris aux présents motifs.
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