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A-521-86
Clarence Zwarich (requérant)
c.
Procureur général du Canada (intimé)
RÉPERTORIÉ: ZWARICH C. CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL)
Cour d'appel, juges Pratte, Heald et Mahoney— Vancouver, 8 juin; Ottawa, 17 juin 1987.
Assurance-chômage Le requérant a perdu son emploi en raison d'un lock-out La demande de prestations a été rejetée en application de l'art. 44(1) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage En vertu de l'art. 44(1), le prestataire qui a perdu son emploi du fait d'un arrêt de travail à un conflit collectif n'est pas admissible aux prestations Le juge-arbitre a rejeté l'appel au motif que ni lui ni le conseil arbitral n'étaient compétents pour décider si l'art. 44(1) enfrei- gnait les art. 7 et 15 de la Charte Le conseil arbitral et le juge-arbitre doivent déterminer le droit applicable, c.-à-d. interpréter les lois et les règlements et statuer sur la validité de leur adoption Le juge-arbitre a commis une erreur en ne prenant pas en considération l'argument du requérant fondé sur la Charte Cette erreur n'entache pas sa décision de nullité car l'argument est manifestement sans fondement La règle énoncée à l'art. 44(1) est nécessaire pour assurer l'impar- tialité de la Commission d'assurance-chômage Rejet de la demande fondée sur l'art. 28 l'encontre de la décision du juge-arbitre Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, chap. 48, art. 44(1) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10, art. 28.
Droit constitutionnel Charte des droits Vie, liberté et sécurité La demande de prestations d'assurance-chômage de l'employé faisant suite à un lock-out est rejetée en applica tion de l'art. 44(1) de la Loi Défaut du juge-arbitre de prendre en considération l'argument de l'employé selon lequel l'art. 44(1) enfreint les art. 7 et 15 de la Charte Cette erreur n'entache pas de nullité la décision du juge-arbitre de rejeter l'appel L'art. 44(1) n'est foncièrement ni injuste ni dérai- sonnable Il est nécessaire pour assurer l'impartialité de la Commission d'assurance-chômage et pour faire en sorte que les fonds de cette dernière ne serviront pas de soutien financier aux employés engagés dans des conflits de travail avec leur employeur Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, chap. 48, art. 44(1) Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitu- tionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R-U.), art. 7, 15, 24(1).
JURISPRUDENCE
DÉCISION EXAMINÉE:
Re Schewchuk and Ricard; Attorney -General of British Columbia et al; Intervenors (1986), 28 D.L.R. (4th) 429 (C.A.C.-B.).
AVOCATS:
Carolyn McCool pour le requérant.
Paul Partridge pour l'intimé.
PROCUREURS:
Legal Services Society of British Columbia, Vancouver, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: La présente demande fondée sur l'article 28 [Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10] porte sur la décision du juge-arbitre prise en application de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage [S.C. 1970-71-72, chap. 48].
Le requérant avait perdu son emploi suite à la décision de l'employeur de lock-outer ses employés durant la négociation d'une convention collective. Il a réclamé des prestations d'assurance-chômage. Sa demande a été rejetée par la Commission d'as- surance-chômage pour le motif que le paragraphe 44(1) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage stipule qu'«Un prestataire qui a perdu son emploi du fait d'un arrêt de travail à un conflit collec- tif à l'usine, à l'atelier ou en tout autre local il exerçait un emploi n'est pas admissible au bénéfice des prestations». Le requérant a interjeté appel de la présente décision au conseil arbitral et son appel a été rejeté. Il en a appelé devant le juge-arbitre par la suite et il a invoqué comme seul motif d'appel que le paragraphe 44(1) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage enfreignait les disposi tions des articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R. -U.)] et que de ce fait, il est nul. Ce motif d'appel avait été aussi invoqué devant le conseil arbitral mais on avait refusé de l'examiner. Le juge-arbitre a aussi refusé de statuer sur le fond. Il était d'avis que ni lui-même non plus que le conseil arbitral n'étaient des tribunaux compétents au sens du paragraphe
24(1) de la Charte', pour décider si le paragraphe 44(1) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage enfreignait les dispositions de la Charte. En consé- quence, l'appel a été rejeté.
Il est évident qu'il n'appartient ni au conseil arbitral ni au juge-arbitre de statuer sur la validité constitutionnelle des lois et des règlements. Il s'agit d'un privilège réservé aux instances supé- rieures. Mais le juge-arbitre et le conseil arbitral doivent appliquer le droit, comme tous les tribu- naux d'ailleurs. Ils doivent donc déterminer le droit applicable, et pour ce faire, ils doivent non seulement interpréter les lois et les règlements applicables mais également statuer sur la validité de leur adoption. S'ils concluent qu'une disposition légale applicable enfreint la Charte, ils doivent trancher la question comme si cette disposition n'avait jamais été adoptée. Le droit sur ce point, si j'ai bien compris, a été clairement formulé par le juge Macfarlane de la Cour d'appel de la Colom- bie-Britannique dans l'arrêt Re Schewchuk and Ricard; Attorney -General of British Columbia et al; Intervenors 2 :
[TRADUCTION] Il est avéré que le pouvoir de rendre un jugement déclaratoire sur la validité constitutionnelle des lois adoptées par le Parlement ou l'une des Législatures ressortit à la compétence exclusive des instances supérieures.
Mais il est également avéré que si une personne comparaît devant un tribunal suite à une inculpation, à une plainte ou à un autre acte de procédure qui relève régulièrement de la compétence de ce dernier, il s'ensuit que le tribunal a compé- tence d'une part, pour juger que la loi sur laquelle repose l'inculpation, la plainte ou l'autre acte de procédure est inopé- rante du fait des dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés, et d'autre part, pour rejeter l'inculpation, la plainte ou l'autre acte de procédure. Le prononcé d'un juge- ment déclaratoire portant que la loi contestée est inopérante n'est, dans ce contexte, rien de plus qu'une décision sur une question juridique dont le tribunal est régulièrement saisi. Cela n'empiète aucunement sur le droit exclusif des instances supé- rieures d'accorder un redressement par voie de bref de préroga- tive, y compris un jugement déclaratoire.
Le juge-arbitre devait statuer sur la question de savoir si la décision du conseil arbitral avait été rendue conformément au droit applicable. À mon avis, il ne pouvait le faire sans décider de la
' Cette disposition prévoit:
24. (1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la répara- tion que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.
2 (1986), 28 D.L.R. (4th) 429, aux pp. 439 et 440.
validité constitutionnelle de la disposition légale appliquée par le conseil arbitral.
En conséquence, le juge-arbitre a commis une erreur en omettant de prendre en considération l'argument du requérant voulant que la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage enfreigne les dispo sitions des articles 7 et 15 de la Charte. Cette erreur n'entache toutefois pas sa décision de nullité car l'argument du requérant fondé sur la Charte est manifestement sans fondement. La règle énon- cée au paragraphe 44(1) n'est foncièrement ni injuste ni déraisonnable; au contraire, elle est nécessaire pour assurer l'impartialité de la Com mission d'assurance-chômage face aux griefs en matière ouvrière et pour faire en sorte que les fonds de cette dernière ne serviront pas de soutien financier aux employés engagés dans des conflits de travail avec leur employeur.
Je rejetterais la demande pour ces motifs.
LE JUGE HEALD: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE MAHONEY: Je souscris à ces motifs.
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