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A-123-86
La Reine (appelante)
c.
Jim A. McClurg (intimé)
RÉPERTORIÉ: CANADA c. MCCLURG
Cour d'appel, juges Heald, Urie et Desjardins Regina, 26 octobre; Ottawa, 22 décembre 1987.
Impôt sur le revenu Corporations Appel interjeté contre un jugement de première instance qui concluait que les dividendes versés à l'épouse de l'intimé ne pouvaient être considérés comme payables à ce dernier conformément à l'art. 56(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu L'intimé, en sa qualité d'administrateur de la société, a déclaré des dividendes payables à l'égard de la classe d'actions détenues par son épouse Aucun dividende n'a été payé à l'égard des deux autres classes d'actions détenues par les administrateurs L'art. 56(2) ne s'applique pas aux sociétés.
Corporations Dividendes versés à l'égard de la classe d'actions détenues par l'épouse de l'administrateur Il s'agit de savoir si les dividendes versés pouvaient être considérés comme payables à l'administrateur conformément à l'art. 56(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu L'art. 56(2) ne s'applique pas aux sociétés.
Il s'agit d'un appel interjeté contre le jugement par lequel le juge de première instance concluait que les dividendes versés à l'épouse de l'intimé ne pouvaient être considérés comme paya- bles à ce dernier conformément au paragraphe 56(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Ce paragraphe prévoit que tout paiement fait suivant les instructions d'un contribuable à toute autre personne au profit du contribuable doit être inclus dans le calcul du revenu du contribuable dans la mesure il le serait si ce paiement avait été fait au contribuable.
L'intimé, en sa qualité de l'un des deux administrateurs de la société, a déclaré des dividendes à l'égard de la classe d'actions détenues par son épouse. Il n'y eut aucune déclaration de dividendes à l'égard des deux autres classes d'actions (détenues par les deux administrateurs). Le point litigieux consiste à savoir si le juge de première instance a commis une erreur en concluant que les dividendes déclarés n'auraient pas être répartis également entre toutes les actions ordinaires de la société.
Arrêt (le juge Desjardins dissidente): l'appel devrait être rejeté.
Le juge Urie (avec l'appui du juge Heald): Le paragraphe 56(2) ne s'applique pas aux actes de l'administrateur lorsqu'il participe à la déclaration du dividende de la société. Seuls des termes beaucoup plus explicites que ceux que l'on trouve au paragraphe 56(2) justifieraient la notion qu'un administrateur qui agirait en cette qualité pourrait être considéré comme ordonnant à la société de détourner un paiement à son profit ou au profit d'une autre personne, en l'absence de mauvaise foi, d'un abus de confiance ou d'un excès des pouvoirs conférés par l'organisation du capital social de la société. De plus, le para- graphe en question, s'il devait s'appliquer à une société, ne fait
aucune distinction entre des transferts effectués avec ou sans lien de dépendance. Si l'on interprète littéralement cette dispo sition, tous les administrateurs de sociétés qui pourraient comp- ter des parents parmi les actionnaires, risqueraient de se voir attribuer à des fins d'impôt sur le revenu les dividendes qu'ils auraient déclarés et versés auxdits actionnaires. Une interpréta- tion aussi absurde empêcherait sûrement les administrateurs de déclarer des dividendes.
Le juge Desjardins (dissidente): Le principe de l'égalité de la répartition des dividendes entre les actionnaires est reconnu par la common law. Cette présomption peut être réfutée lorsqu'il se dégage une intention contraire, c'est-à-dire lorsque la société partage son capital-actions en différentes classes comportant des droits différents. En l'espèce, l'organisation du capital n'écarte pas la présomption établie par la common law. Les actionnaires de chaque classe étaient égaux en ce sens qu'ils avaient le droit de recevoir des dividendes à l'exclusion des autres classes d'actions. Aucune formule mathématique n'est prévue pour un éventuel partage. Les administrateurs ont pleins pouvoirs sur la répartition des dividendes qu'ils déclarent, le cas échéant. Un tel pouvoir discrétionnaire ne suffit pas à écarter la règle de common law ayant trait à l'égalité de la répartition des dividendes. Les deniers versés auraient être distribués égale- ment entre tous les actionnaires. Une partie des dividendes versés à l'épouse de l'intimé aurait être incluse dans le revenu de ce dernier. Il a évité de recevoir un revenu qui lui aurait censément été payé en sa qualité de détenteur d'actions de la catégorie A. Un tel versement ne constituait pas la rémunération du travail accompli par l'épouse de l'intimé. Il n'existe aucun rapport, en droit des compagnies, entre le travail et les services effectués par un actionnaire pour la société et son droit à un dividende. Les dividendes représentent le rapport d'un investissement et non la contrepartie du travail fourni à la société.
Rien ne justifie la préoccupation du juge de première ins tance que le paragraphe 56(2), s'il devait être interprété de façont trop large, s'appliquerait à toutes les déclarations de dividendes. Généralement, le montant du dividende déclaré est régi par une formule mathématique suffisamment précise pour déroger à la règle de common law ayant trait à l'égalité de la répartition des dividendes.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 56(2).
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
G. A. Murphy c. M.R.N. (1980), 80 DTC 6314; [1980] CTC 386 (C.F. lre inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
W. Champ c. La Reine (1983), 83 DTC 5029 (C.F. 1" inst.); Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536; R. c. Parsons, [1984] 2 C.F. 909 (C.A.); Miller, Alex v. Minister of National Revenue, [1962] R.C.É. 400; 62 DTC 1139; International Power Co. v.
McMaster University, [1946] R.C.S. 179; Rondeau c. Poirier, [1980] C.A. 35 (Qué.).
DOCTRIN E
Gower, L. C. B. Gower's Principles of Modern Company Law, 4th ed. London: Stevens & Sons Ltd., 1979. Mitchell, Victor E. A Treatise on the Law Relating to Canadian Commercial Corporations (1916), Montréal: Southern Press Limited.
Schmitthoff, Clive M. Palmer's Company Law, vol. 1, 23rd ed. London: Stevens & Sons Ltd., 1982.
Wegenast, F. W. The Law of Canadian Companies, Toronto: The Carswell Company Limited, 1979.
AVOCATS:
Johannes A. Van Iperen, c.r. et O. Brent Paris
pour l'appelante.
Gordon Balon pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour l'appelante.
Gordon Balon Law Office, Prince Albert (Saskatchewan), pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE URIE: Il s'agit d'un appel interjeté contre le jugement par lequel le juge Strayer, de la Division de première instance [(1986), 86 DTC 6128; (1986), 2 F.T.R. 1], accueillait l'appel de l'intimé à l'encontre des nouvelles cotisations d'im- pôt sur le revenu établies par l'appelante à l'égard des années d'imposition 1978, 1979 et 1980 de l'intimé. J'ai eu l'avantage de lire le projet des motifs du juge Desjardins auxquels, en toute défé- rence, je ne saurais souscrire.
Les conclusions de faits du juge de première instance ne sont pas contestées, mais comme elles sont très importantes à la bonne compréhension de cette affaire, il serait utile de reprendre intégrale- ment leur exposé':
Le demandeur est à la fois président, directeur général et administrateur de Northland Trucks (1978) Ltd., qui exerce son activité à Prince Albert (Saskatchewan) en tant que conces- sionnaire de camions IHC. La société a été créée en 1978, époque à laquelle l'entreprise a été achetée. Les statuts de constitution prévoient trois catégories d'actions: la catégorie A, composée d'actions ordinaires avec droit de vote et participan- tes, la catégorie B, composée d'actions ordinaires, sans droit de
' aux p. 6129 et 6130 DTC; 2 à 4 F.T.R.
vote mais participantes avec l'autorisation unanime des admi- nistrateurs, et enfin la catégorie C, formée d'actions privilégiées sans droit de vote. Suivant les statuts, chacune de ces catégories d'action comporte [TRADUCTION] «le droit distinctif de recevoir des dividendes à l'exclusion des autres catégories d'action».
La société a émis les actions suivantes, au prix, entièrement acquitté, de 1 $ l'action:
Catégorie A Catégorie B Catégorie C
NOM Ordinaires Ordinaires Privilégiées
Jim McClurg 400 37 500
Veryle Ellis 400 37 500
Wilma McClurg (femme de
Jim McClurg) 100
Suzanne Ellis (femme de
Veryle Ellis) 100
(Veryle Ellis était l'autre actionnaire principal de la société et dirigeant principal de l'entreprise à titre de directeur des ventes et du service.)
Comme ils étaient propriétaires de toutes les actions compor- tant droit de vote, MM. McClurg et Ellis étaient les seuls administrateurs de la compagnie pendant toute la période en cause. Au cours des années 1978, 1979 et 1980, ils ont déclaré des dividendes, répartis comme suit:
1978 1979 1980
Jim McClurg
Veryle Ellis
Wilma McClurg 10 000 $ 10 000 $ 10 000 $
Suzanne Ellis 10 000 $ 10 000 $ 10 000 $
On aura remarqué q'aucun dividende n'a été déclaré à l'égard des catégories A et C, les seules que possédaient les deux administrateurs. Toutefois, ces deux derniers touchaient des sommes considérables sous forme de salaire, de primes ou de droits à des primes, soit un total, pour le contribuable, de 33 968 $ en 1978, 65 292 $ en 1979 et 57 900 $ en 1980. A titre de propriétires des actions de la catégorie A, les seules actions participantes de plein droit, les deux administrateurs étaient également en droit de participer aux bénéfices accumulés de la compagnie. Selon les états financiers de la société, les bénéfices non distribués de celle-ci étaient de 312 611 $ en date du 31 octobre 1980, et de 421 481 $ en date du 31 octobre 1981.
La femme du demandeur a joué un rôle actif dans la constitution et le financement de la société et de l'entreprise. Pour ce qui est de l'investissement initial de 37 500 $ en actions privilégiées, le demandeur a emprunté cette somme à la Banque Toronto-Dominion, moyennant un billet contresigné par sa femme et son beau-père. Ce dernier a fourni d'autres sûretés sous la forme d'un certificat de dépôt à terme de 40 000 $. L'achat de l'entreprise a été financé en partie au moyen d'un prêt de 50 000 $ consenti par le vendeur, et assorti de sûretés
fournies par les deux administrateurs. Pour la part du contri- buable, celui-ci et sa femme ont fourni des sûretés de 25 000 $ en grevant d'une seconde hypothèque la maison dont ils étaient copropriétaires. La femme du demandeur a également été cosignataire avec ce dernier d'une garantie personnelle en faveur de International Harvester Company, le fournisseur de Northland Trucks (1978) Ltd., relativement à une débenture émise par Northland Trucks (1978) Ltd. en faveur de IHC, afin de garantir le paiement des dettes futures envers IHC jusqu'à concurrence de 500 000 $. En outre, la femme du demandeur a contresigné une autre garantie personnelle en faveur de la Banque Toronto-Dominion relativement à la marge de crédit que la banque a mise à la disposition de Northland Trucks (1978) Ltd. Suivant la preuve soumise, la femme du demandeur avait à cette époque un actif personnel d'une valeur de 15 000 $ à 20 000 $, de sorte que sa signature n'a pas été apposée sur les garanties seulement pour la forme.
Des 30 000 $ versés sous forme de dividendes à la femme du demandeur au cours des trois années en cause, 20 000 $ ont été réinvestis par celle-ci dans M.E. Investments Corporation, com- pagnie dont la structure et le contrôle étaient analogues à ceux de Northland Trucks (1978) Ltd., et dont les actionnaires et les administrateurs étaient les mêmes. M.E. Investments Corpora tion a acheté un terrain sur lequel l'entreprise de Northland Trucks (1978) Ltd. est venue s'installer. Ce terrain a été acquis au moyen d'une première hypothèque, que la femme du deman- deur a aussi garantie personnellement.
D'après la femme du demandeur, le reste des dividendes qui lui ont été versés par Northland Trucks (1978) Ltd. ont été utilisés pour ses besoins personnels.
Au cours des trois années en cause, la femme du demandeur a travaillé à l'occasion pour l'entreprise. La nature et l'ampleur de ses activités pour la compagnie ont varié au cours des années. Mais bien qu'elle n'ait travaillé qu'à temps partiel et de façon plutôt sporadique suivant les besoins, la preuve m'a convaincu qu'elle a joué un rôle important en dépit du fait qu'elle avait de jeunes enfants à élever à cette époque.
Le ministre du Revenu national a émis, en date du 14 janvier 1982, des avis de nouvelle cotisation à l'égard des revenus du demandeur pour les années 1978, 1979 et 1980, soutenant que pour chacune de ces années, des 10 000 $ attribués à la femme du demandeur à titre de dividendes provenant de ses actions de catégorie B, 8 000 $ auraient être attribués au demandeur. Cette ventilation de chacune des sommes de 10 000 $ a été faite d'après le nombre d'actions de catégorie A que détenait le demandeur (400), par rapport au nombre d'actions de catégorie B que détenait sa femme (100). Autrement dit, le ministre prétend que les dividendes déclarés au cours de chacune de ces années devraient être répartis également entre les détenteurs d'actions ordinaires, quelle que soit la catégorie de celles-ci. A l'audience, il s'est appuyé principalement sur le paragraphe 56(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu dont voici la teneur:
56 (2) Tout paiement ou transfert de biens fait, suivant les instructions ou avec l'accord d'un contribuable, à toute autre personne au profit du contribuable ou à titre d'avantage que le contribuable désirait voir accorder à l'autre personne, doit être inclus dans le calcul du revenu du contribuable dans la mesure il le serait si ce paiement ou transfert avait été fait au contribuable.
Le juge de première instance a conclu que dans les circonstances de l'espèce, les dividendes versés à l'épouse de l'intimé ne pouvaient régulièrement être considérés comme payables à ce dernier con- formément au paragraphe 56(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, chap. 63], et il a accueilli l'appel formé par l'intimé à l'encon- tre des nouvelles cotisations établies pour les années d'imposition concernées.
Le seul point litigieux en appel consiste à savoir si le juge de première instance a commis une erreur en concluant que les dividendes déclarés au cours des années d'imposition 1978, 1979 et 1980 n'auraient pas être répartis également entre toutes les actions ordinaires de la société, indépen- damment de leur catégorie, en vertu du paragra- phe 56(2).
La plaidoirie de l'avocat de l'appelante s'ap- puyait en appel, sur deux assises. Tout d'abord, a-t-il affirmé, l'effet du paragraphe 56(2) est tel que le revenu qu'a reçu Mme McClurg sous forme de dividendes déclarés à l'égard des actions de classe B de la société doit être inclus dans le calcul du revenu de son mari, l'intimé, en raison de ses pouvoirs en qualité d'administrateur de la société et étant donné l'organisation du capital social de la société. À l'appui de ce moyen, il s'est référé aux arrêts G. A. Murphy c. M.R.N. 2 et W Champ c. La Reine 3 . À son avis, les faits de cette dernière affaire ne se distinguent pas de ceux de l'espèce.
Deuxièmement, l'avocat de l'appelante a fait valoir, à titre subsidiaire, que les dividendes discré- tionnaires (ce qu'étaient selon lui les dividendes sur les actions de classe B) sont illégaux car, en droit, une fois les dividendes déclarés tous les actionnaires y ont un droit égal, proportionnelle- ment à leur participation.
Voici le libellé du paragraphe 56(2):
56....
(2) Tout paiement ou transfert de biens fait, suivant les instructions et avec l'accord d'un contribuable, à toute autre personne au profit du contribuable ou à titre d'avantage que le contribuable désirait voir accorder à l'autre personne, doit être inclus dans le calcul du revenu du contribuable dans la mesure il le serait si ce paiement ou ce transfert avait été fait au contribuable.
2 (1980), 80 DTC 6314; [1980] CTC 386 (C.F. 1" inst.).
3 (1983), 83 DTC 5029 (C.F. 1" inst.).
Avant de passer à l'étude du moyen principal et du moyen subsidiaire de l'avocat de l'appelante, je dois faire face à un problème préliminaire du fait que j'ai peine à concevoir comment le paragraphe 56(2) peut s'appliquer à une société. Bien que l'avocat de l'intimé n'ait pas contesté l'applicabi- lité du paragraphe susmentionné, la Cour a men- tionné ce point au cours de l'exposé de chacun des avocats, elle les a questionnés et elle a obtenu des réponses de chacun d'eux.
Je pars de la prémisse qu'il serait certainement inusité qu'un particulier déclare un dividende payable à d'autres personnes de la façon dont peut le faire une société à l'égard de ses actionnaires en proportion de leur participation au capital-actions. La société verse à ses actionnaires, sous forme de dividendes, la part de ses bénéfices que ses admi- nistrateurs estiment indiquée. C'est l'un des avantages attachés aux actions de la société. Ce sont les administrateurs, en leur qualité d'âme dirigeantes de la société, qui, à l'occasion, passent des résolutions et qui déclarent les dividendes, dans les limites que leur imposent la loi et l'acte consti- tutif de la société. Les administrateurs agissent alors en leur qualité d'administrateurs et non à titre personnel, peu importe que les actions puis- sent être détenues par un grand ou un petit nombre d'actionnaires. Cela étant, je puis difficile- ment comprendre comment on peut dire qu'«un contribuable» lorsqu'il agit en qualité d'adminis- trateur d'une société, puisse remplir l'une quelcon- que des conditions essentielles à l'application du paragraphe 56(2). Dans l'arrêt G. A. Murphy c. M.R.N. 4 , le juge Cattanach a identifié comme suit les conditions d'applicabilité du paragraphe visé:
Pour que le paragraphe 56(2) s'applique, toutes les condi tions d'assujettissement prévues doivent être réunies:
Voici ces quatre conditions:
(1) il doit y avoir un paiement ou transfert de biens à une personne autre que le contribuable;
(2) ce paiement ou transfert doit être effectué suivant les instructions ou avec l'accord du contribuable;
(3) ce paiement ou transfert doit être effectué au profit du contribuable ou de toute autre personne que le contribuable désire avantager;
(4) ce paiement ou transfert aurait été inclus dans le calcul du revenu du contribuable si ce dernier, au lieu de l'autre personne, l'avait reçu.
4 (1980), 80 DTC 6314 (C.F. lfe inst.), aux p. 6317 et 6318.
À la page 6318 du recueil, le juge Cattanach a exposé ce qu'il estimait être l'objet du paragraphe en question:
Cette différence entre les deux textes s'explique selon moi par l'objet de chacun. Le paragraphe 56(2) a pour but d'impu- ter au contribuable un revenu qui a été, sur ses instructions, attribué à quelqu'un d'autre. Il vise les cas le contribuable cherche à éviter de recevoir ce qui serait, entre ses mains, un revenu en s'arrangeant pour transférer ce montant au profit de quelqu'un d'autre ou à son propre profit. À part procurer une satisfaction morale, l'opération permet au contribuable de réduire son impôt sur le revenu.
À mon sens, le libellé du paragraphe qui énonce les éléments nécessaires à son application, consi- déré à la lumière de son objet, ne peut tout simple- ment pas comprendre les actes de l'administrateur lorsqu'il participe à la déclaration du dividende de la société, à moins que le paragraphe ne soit interprété selon son sens le plus littéral. Or, agir ainsi, c'est faire abstraction de l'existence de l'en- tité corporative. Seuls les termes les plus explicites, que l'on ne retrouve pas au paragraphe 56(2), justifieraient la notion qu'un administrateur qui agirait en cette qualité pourrait être considéré comme ordonnant à la société de détourner un paiement ou un transfert de biens à son profit ou au profit d'une autre personne, en l'absence de mauvaise foi, d'un abus de confiance ou d'un excès des pouvoirs conférés par l'organisation du capital social de la société, et rien de cela n'a été allégué en l'espèce.
Il est à noter, de plus, que le paragraphe en question, s'il devait s'appliquer à une société, ne fait aucune distinction entre des transferts effec- tués avec ou sans lien de dépendance. Donc, si l'on interprète littéralement cette disposition, tous les administrateurs de sociétés petites ou grandes, publiques ou privées, qui pourraient compter des parents parmi les actionnaires, risqueraient de se voir attribuer à des fins d'impôt sur le revenu les dividendes qu'ils auraient déclarés et versés aux- dits actionnaires.
De fait, comme l'a souligné le juge Strayer, l'interprétation stricte et littérale du paragraphe empêcherait les administrateurs de déclarer des dividendes, quels que soient les liens qui les uni- raient aux actionnaires, étant donné la possibilité que ces dividendes leur soient attribués.
Une telle interprétation est évidemment absurde, mais si l'on doit accepter l'application que fait l'appelante du paragraphe en cause dans des affaires comme la présente, devons-nous nous arrêter? Pour le découvrir, est-il correct ou possi ble dans chaque situation de faits d'examiner toutes les circonstances étrangères à la question? Ainsi, serait-il nécessaire d'examiner les liens unis- sant chacun des administrateurs aux actionnaires pour en établir l'étroitesse? Le fait que les actions appartiennent à un grand nombre d'actionnaires serait-il un facteur à retenir? Le caractère public et non privé d'une société serait-il pertinent?
Les questions que l'on se pose me semblent démontrer incontestablement que le paragraphe concerné n'a jamais été conçu pour permettre l'at- tribution des dividendes de la société aux adminis- trateurs qui avaient contribué à les déclarer. L'ap- plication constante et uniforme de cette disposition aurait des conséquences absurdes. Si le législateur avait voulu qu'elle ne s'applique qu'aux adminis- trateurs de petites sociétés familiales fermées, il aurait pu trouver les mots adéquats pour obtenir le résultat souhaité. Mais à mon avis il n'est pas justifiable d'employer le libellé général du para- graphe 56(2) pour arriver au résultat recherché par le fisc, comme c'est le cas en l'espèce. Sans doute est-il possible de recourir à d'autres disposi tions de la Loi de l'impôt sur le revenu pour empêcher le fractionnement irrégulier du revenu sans devoir s'en remettre au paragraphe en cause, qui n'est manifestement pas applicable.
Par conséquent, je rejetterais l'appel pour ces motifs.
Il ne m'est donc pas nécessaire de discuter en détail les attaques de l'appelante contre le juge- ment contesté. Il me suffit de dire que je souscris pour la plus grande part aux motifs et aux conclu sions du juge de première instance et, plus particu- lièrement, à façon dont il établit des distinctions entre l'espèce et des affaires antérieures.
Avant de mettre un point final, je tiens à souli- gner que je trouve étrange ou ironique que dans ses deux attaques contre le jugement porté en appel, l'avocat de l'appelante se soit appuyé largement sur les règles de droit corporatif, alors qu'en même temps il n'a pas tenu compte de l'existence de la société lorsqu'il s'en est remis au paragraphe 56(2)
pour asseoir la nouvelle cotisation en litige. En agissant de la sorte, il a évidemment oublié les déclarations de principes dans les arrêts Stubart Investments Ltd. c. La Reines, comme les a appli- quées cette Cour notamment dans des arrêts tel R. c. Parsons 6 , auxquels a renvoyé le juge Strayer dans ses motifs.
Je rejetterais l'appel avec dépens.
LE JUGE HEALD: Je souscris à ces motifs.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE DESJARDINS (dissidente): La Cour est saisie d'un appel interjeté par Sa Majesté la Reine contre le jugement par lequel le juge Barry L. Strayer accueillait, le 20 février 1986, l'appel de l'intimé contre les nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national à l'égard des années d'imposition 1978, 1979 et 1980 de l'intimé.
Les conclusions de faits du juge de première instance ne sont pas contestées. Elles sont exposées dans les motifs du jugement du juge Urie, et on les trouve également dans la décision du juge de pre- mière instance, reproduite dans les rapports judi- ciaires: (1986), 86 DTC 6128; (1986), 2 F.T.R. 1.
Le seul point en litige, aussi bien devant la Division de première instance que devant cette Cour, consiste à savoir si l'intimé était tenu, en raison des dispositions du paragraphe 56(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148, tel que modifié par l'article 1 de S.C. 1970- 71-72, chap. 63, d'inclure dans le calcul de son revenu la somme de huit mille dollars (8 000 $) à prendre sur la somme totale de dix mille dollars (10 000 $) versée à son épouse par Northland Trucks (1978) Ltd. au cours des années d'imposi- tion 1978, 1979 et 1980.
L'acte constitutif de la société donne à l'intimé, en sa qualité d'administrateur, le pouvoir discré- tionnaire de décider s'il y a lieu de déclarer des dividendes et, le cas échéant, lesquels des déten- teurs des actions de catégorie A, B ou C les
5 [1984] 1 R.C.S. 536, particulièrement aux p. 570 et 571.
6 [1984] 2 F.C. 909 (C.A.).
recevront. De fait, les actions des diverses catégo- ries étaient assorties des mentions suivantes, relati- vement aux dividendes:
CATÉGORIE A
(i) Composée d'actions ordinaires avec droit de vote et participantes, comportant le droit distinctif de recevoir des dividendes à l'exclusion des autres catégories d'actions de ladite société.
CATÉGORIE B
(i) Composée d'actions ordinaires, sans droit de vote mais participantes avec l'autorisation unanime des administrateurs, comportant le droit distinctif de recevoir des dividendes à l'ex- clusion des autres catégories d'actions de ladite société.
CATÉGORIE C
(i) Composée d'actions privilégiées sans droit de vote, comportant le droit distinctif de recevoir des dividendes à l'exclusion des autres catégo- ries, pourvu que ces dividendes soient autorisés par résolution unanime des administrateurs ..
Comme on peut le constater, la description des différentes cétégories d'actions comporte quelques variations en ce qui concerne les dividendes. La catégorie A ne comporte aucune allusion au con- sentement unanime des administrateurs quant au droit distinctif de recevoir des dividendes. La des cription des actions de catégorie B fait mention de l'autorisation unanime des administrateurs mais seulement à l'égard des actions participantes et non relativement aux dividendes. Quant aux actions de catégorie C, le droit distinctif aux divi- dendes qu'elles comportent est assujetti à la résolu- tion unanime des administrateurs. Ces distinctions ne sont toutefois pas pertinentes à la question en litige, car aux époques concernées deux adminis- trateurs étaient en fonction.
Ce que soutient l'appelante, c'est qu'en exerçant un pouvoir discrétionnaire dans l'attribution des dividendes aux différentes catégories d'actions, l'intimé a satisfait aux quatre critères essentiels à l'application du paragraphe 56(2). Dans l'arrêt G. A. Murphy c. M.R.N., (précité), le juge Cattanach
a énoncé ces critères de la façon suivante [aux pages 389 et 3901:
(1) il doit y avoir un paiement ou transfert de biens à une personne autre que le contribuable;
(2) ce paiement ou transfert doit être effectué suivant les instructions ou avec l'accord du contribuable;
(3) ce paiement ou transfert doit être effectué au profit du contribuable ou de toute autre personne que le contribuable désire avantager;
(4) ce paiement ou transfert aurait été inclus dans le calcul du revenu du contribuable si ce dernier, au lieu de l'autre per- sonne, l'avait reçu.
Le précurseur du paragraphe 56(2) (c'est-à-dire le paragraphe 16(1)) a fait l'objet d'un commen- taire par le juge Thurlow (aujourd'hui juge en chef) dans l'arrêt Miller, Alex v. Minister of National Revenue, [1962] R.C.É. 400, la page 415; 62 DTC 1139, à la page 1147; le jugea dit:
[TRADUCTION] À mon avis, l'art. 16(1) vise les cas un contribuable cherche à éviter de recevoir ce qui, entre ses mains, serait un revenu lorsqu'il fait en sorte que le montant soit reçu par une autre personne dont il souhaite qu'elle tire un avantage ou par une autre personne pour son propre avantage. La portée de ce paragraphe n'est pas équivoque, car on ne peut prétendre qu'un contribuable qui conclut un contrat commer cial à titre onéreux avec une autre personne lui accorde un avantage au sens du paragraphe.
Ces commentaires ont été adoptés par le juge de première instance [aux pages 6130 et 6131 DTC; 4 F.T.R.], qui les a qualifiés de «réserves importan- tes», et qu'il identifie comme suit:
1) ... le contribuable doit avoir cherché «à éviter de recevoir un revenu qui lui aurait censé- ment été payé.
2) ... la distinction est faite entre le concept de versement d'un «avantage» et le paiement fait pour une contrepartie suffisante.
Il est avéré qu'il est entièrement loisible aux administrateurs de déclarer des dividendes et que s'ils le font, ces dividendes ne doivent pas représen- ter une part du capital. C'est aussi une règle de droit bien établie que sous réserve de mention contraire dans l'acte constitutif de la société ou dans la loi, les droits aux dividendes de toutes les catégories d'actionnaires doivent s'apprécier à éga- lité: voir L. C. B. Gower, Gower's Principles of Modern Company Law, 4 e éd. (Londres: Stevens & Sons Ltd., 1979) la page 403; International
Power Co. v. McMaster University, [1946] R.C.S.
179, la page 203; Rondeau c. Poirier, [ 1980] C.A. 35 (Qué.), à la page 38. Cette égalité prima facie provient [TRADUCTION] «de la présomption qu'établit la loi à l'égard des associés, à moins que leur contrat ne prévoie le contraire» (Victor E. Mitchell, A Treatise on the Law Relating to Canadian Commercial Corporations (1916), Montréal: Southern Press Limited, aux pages 429 et 430).
A quel moment une telle intention contraire ressort-elle?
F. W. Wegenast dit ce qui suit dans The Law of Canadian Companies (Toronto: The Carswell Company Limited, 1979) à la page 320:
[TRADUCTION] Outre les dispositions, dûment adoptées, pré- voyant un ordre préférentiel entre les différentes catégories d'actions et lorsqu'il existe un tel ordre préférentiel parmi les membres de chaque catégorie respective, les actionnaires ont droit d'être traités également. [Je souligne.]
Clive M. Schmitthoff dit en bref ce qui suit dans Palmer's Company Law, vol. 1, 23e éd. (London: Stevens & Sons Ltd., 1982), chap. 33, 33-06, à la page 387:
[TRADUCTION] Ce n'est que lorsque la compagnie divise son capital-actions en différentes catégories assorties de droits dif- férents qu'il peut y avoir déplacement de la présomption prima fade d'égalité des actions.
De façon générale, une catégorie distincte d'actions est créée lorsque les droits principaux dont sont assorties les actions diffèrent de ceux que comportent d'autres actions; ainsi, certai- nes actions comportent des droits privilégiés ou différés relati- vement aux dividendes ou au capital, ou un plus grand nombre de votes que d'autres actions. Mais une distinction entre d'au- tres droits peut suffire à créer une différente catégorie d'ac- tions, comme par exemple des distinctions à l'égard de la liberté de transfert des actions ou de leur rachat en vertu de la Loi de 1981. [Je souligne.]
Étant donné la conclusion qu'a tirée le juge de première instance, il lui fallait être convaincu que les mentions relatives aux dividendes dans l'acte constitutif représentaient une dérogation au prin- cipe de l'égalité entre les actionnaires, reconnu en common law. Le juge de première instance dit, à la page 357 du dossier d'appel, pages 6131 DTC; 5 F.T.R., que «les statuts de constitution prévoient exactement le contraire». Plus bas, il ajoute qu'ils «permettent des disparités dans le paiement des dividendes aux diverses catégories d'actionnaires».
En toute déférence, je ne partage pas sa convic tion à cet égard. Je ne trouve nulle part une
mention suffisamment précise pour écarter la règle de common law visant l'égalité des dividendes.
Ce qui se passe en l'espèce, c'est que les action- naires de chaque catégorie ont «le droit distinctif de recevoir des dividendes à l'exclusion des autres catégories d'actions». Selon cette perspective, ils sont tous égaux. De plus, aucune formule mathé- matique n'est prévue pour un éventuel partage. (Voir Gower, susmentionné, aux pages 412-425 pour la description des catégories d'actions généra- lement rencontrées.) Les administrateurs ont pleins pouvoirs sur la répartition des dividendes qu'ils déclarent, le cas échéant. Sur quoi se fonde leur répartition? Quels critères appliquent-ils? S'ils créent des distinctions selon leur fantaisie, ne favorisent-ils pas nécessairement certaines catégo- ries au détriment des autres? S'ils sont aussi actionnaires, comme c'est le cas en l'espèce, pour- quoi ne tiendraient-ils pas eux aussi à ce que leur argent rapporte? Dès lors que les administrateurs renoncent au revenu qu'engendre normalement leur catégorie d'actions, ne s'ensuit-il pas, vis-à-vis des autres catégories d'actions, qu'ils ont évité «de recevoir un revenu qui [leur] aurait censément été payé» (aux administrateurs) en qualité d'actionnai- res? Si, en conséquence, ils donnent davantage à d'autres catégories parce qu'ils ne prennent rien pour eux, cela ne se traduit-il pas en un avantage pour les autres?
Je doute qu'un tel pouvoir discrétionnaire qui s'exerce par le biais d'une résolution des adminis- trateurs puisse être assimilé à une dérogation suffi- samment précise et importante pour écarter la règle de common law ayant trait à l'égalité de la répartition des dividendes puisqu'aucune règle ne régit l'exercice du pouvoir discrétionnaire des administrateurs.
Comme j'ai conclu que la clause relative aux dividendes ne constitue pas une dérogation valide à la règle de common law visant l'égalité entre les actionnaires, je suis d'avis que les deniers versés en l'espèce auraient être distribués également entre tous les actionnaires de Northland Trucks (1978) Ltd. Ainsi, il est manifeste qu'une partie des dividendes versés à M me McClurg aurait être incluse dans le revenu de l'intimé. Ce qu'a fait M. McClurg consistait à «éviter de recevoir» un revenu qui lui aurait censément été payé en sa qualité de détenteur d'actions de la catégorie A.
Un tel versement constitue-t-il un «avantage» par opposition à des paiements faits pour une contrepartie suffisante? Le juge de première ins tance était persuadé que les dividendes versés à l'épouse du demandeur ne constituaient pas un «avantage» au sens accordé à cette expression au paragraphe 56(2). I1 a clairement écarté la possibi- lité qu'il y ait trompe-l'oeil. Les circonstances de l'espèce, telles que le démontre la preuve, l'ont porté à croire à l'existence, entre le demandeur et son épouse, d'une relation d'affaires légitime appuyée par tous les documents légaux nécessaires.
Mais assurément, il n'existe aucun rapport, en droit des compagnies, entre le travail et les services effectués par un actionnaire pour la société et son droit à un dividende, s'il est déclaré. Les dividen- des représentent le rapport d'un investissement et non la contrepartie du travail ou des services qu'un actionnaire peut fournir à la société. Les dividen- des se rattachent à l'action et non à l'actionnaire. Le rapport du capital est proportionné au capital investi par l'actionnaire, représenté par le nombre d'actions que possède ce dernier. Ce rapport n'a rien à voir à la personne qui possède les actions.
La préoccupation du juge de première instance que le paragraphe 56(2), s'il devait être interprété de façon trop large, s'appliquerait à toutes les déclarations de dividendes, n'entre pas en jeu puis- que, généralement, une fois déclaré le dividende, le montant attribué à chaque action est régi par une formule mathématique que l'administrateur doit appliquer en vertu du contrat conclu entre les actionnaires et la société. Il n'agit pas au gré de sa fantaisie.
En concluant comme je l'ai fait, je suis cons- ciente et respectueuse du voile corporatif. Ce que je dis, essentiellement, c'est que l'organisation du capital social de Northland Trucks (1978) Ltd. n'écartant pas, à mon sens, la présomption de l'égalité des dividendes établie par la common law, M. McClurg, en qualité d'actionnaire, est réputé avoir reçu une somme égale à celle qui a été versée aux autres actionnaires et à l'égard de laquelle il est imposable, en sa qualité d'actionnaire.
J'annulerais par conséquent la décision du juge de première instance.
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