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T-606-87
Cartier, Incorporated, Les Must de Cartier Canada Inc. (demanderesses)
c.
John Doe et Jane Doe et d'autres personnes, inconnues des demanderesses, qui vendent des montres contrefaites dans la rue, à Toronto (Ontario), et Martin Herson (défendeurs)
RÉPERTORIE: CARTIER, INC. C. DOE (I" INST.)
Section de première instance, juge Pinard— Ottawa, 11 janvier et 6 février 1990.
Marques de commerce Contrefaçon Requête du M.R.N. visant à obtenir une ordonnance annulant l'ordonnance ex parte qui prohibait l'importation de montres contrefaites L'art. 52(4) de la Loi sur les marques de commerce permet de prohiber l'importation future de marchandises lorsque la cour trouve que cette importation est illégale Il faut que cette conclusion soit un prononcé final et qu'elle soit énoncée expli- citement Même si une action en usurpation de marque de commerce a été intentée, aucune décision finale n'a été rendue Requête accueillie.
Interprétation des lois L'art. 52(4) de la Loi sur les marques de commerce permet de prohiber l'importation future de marchandises lorsque, dans une action, la cour trouve que l'importation est illégale Il faut une conclusion antérieure d'illégalité qui soit un prononcé final et qui soit énoncée explicitement Une telle décision doit porter sur le fond du litige Cette interprétation correspond mieux au libellé anglais qui mentionne «in such action» qu'au libellé français qui porte «au cours d'une pareille action».
Douanes et accise Tarif des douanes Requête du M.R.N. visant à obtenir l'annulation d'une ordonnance ex parte, rendue en vertu de l'art. 52(4) de la Loi sur les marques de commerce, de l'art. 114 du Tarif des douanes et de l'an- nexe VII, prohibant l'importation de montres contrefaites La condition préalable à l'art. 52(4) n'a pas été satisfaite Requête accueillie.
Il s'agit d'une requête du ministre du Revenu national visant à obtenir une ordonnance annulant l'ordonnance ex parte qui prohibait l'importation de montres contrefaites et ordonnait la saisie immédiate de ces marchandises. Dans leur déclaration, les demanderesses allèguent qu'il y a usurpation de leur marque de commerce. Elles cherchent à empêcher l'importation, la distribution et la vente de montres Cartier contrefaites. Elles font valoir qu'il est pratiquement impossible d'obtenir un juge- ment définitif sur le fond du litige dans des affaires de cette nature. L'ordonnance a été rendue sous le régime du paragraphe 52(4) de la Loi sur les marques de commerce, qui habilite la Cour à prohiber l'importation future de marchandi- ses lorsque, dans une action, elle trouve que cette importation est illégale, de même que sous le régime de l'article 114 du Tarif des douanes et de l'annexe VII.
Jugement: la requête devrait être accueillie.
Avant que la Cour puisse rendre une ordonnance prohibant l'importation future sous le régime du paragraphe 52(4), une action visant à déterminer la légalité de l'importation ou de la distribution des marchandises doit avoir été intentée, et la Cour doit avoir conclu que l'importation est contraire à la Loi sur les marques de commerce ou que la distribution y serait contraire. Même si une action a été intentée, la Cour ne semble pas avoir encore exprimé une telle conclusion. La conclusion antérieure doit être un prononcé final sur la question en cause et elle doit être énoncée explicitement. Une telle décision ne peut que porter sur le fond du litige. Une telle interprétation correspond mieux au libellé de la version anglaise du paragraphe 52(4), qui mentionne l'expression «in such action», qu'au libellé de la version française qui porte «au cours d'une pareille action». Toutefois, dans le contexte global de l'article, le libellé de la version anglaise reflète mieux l'intention du législateur. Même si, dans l'action intentée contre des défendeurs inconnus, il peut être extrêmement difficile pour les demanderesses d'obtenir le redressement précis prévu au paragraphe 52(4), la Cour ne peut modifier la loi.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), chap.
T-13, art. 52.
Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, chap.
T-10, art. 52.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle
330a).
Tarif des douanes, L.R.C. (1985) (3 ° suppl.), chap. 41,
art. 114, annexe VII, code 9967.
Tarif des douanes, S.R.C. 1970.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Adidas Sportschuhfabriken Adi Dassler K. G. et al. v. Kinney Shoes of Canada Ltd.; E'Mar Imports Ltd., Third Party (1971), 19 D.L.R. (3d) 680; 2 C.P.R. (2d) 227 (C. de l'E.); Montres Rolex S.A. c. M.R.N., [ 1988] 2 C.F. 39; (1987), C.E.R. 309; 17 C.P.R. (3d) 507 (1'° inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
May and Baker (Canada) Ltée c. L'Oak, [1979] 1 C.F. 401; (1978), 89 D.L.R. (3d) 692; 22 N.R. 214 (C.A.); Bunker Ramo Corp. c. TRW Inc., [1980] 2 C.F. 488; (1980), 17 C.P.C. 55; 47 C.P.R. (2d) 159 (1" inst.); Parnassis Shipping Co. c. Le Mary K, T-4151-80, juge en chef adjoint Jerome, jugement en date du 17-12-80, C.F. 1" inst., non publié; Montres Rolex S.A. c. Lifestyles Imports Inc. (1988), 23 C.P.R. (3d) 436 (C.F. l' ° inst.); Guccio Gucci S.p.A. c. Cebuchier (1988), 22 C.I.P.R. 254; 23 C.P.R. (3d) 427; 25 F.T.R. 235 (C.F. 1" inst.).
AVOCATS:
Christopher J. Kvas pour les demanderesses. Personne n'a comparu pour les défendeurs.
Alain Préfontaine pour le ministre du Revenu national.
PROCUREURS:
Rogers, Bereskin & Parr, Toronto, pour les demanderesses.
Le sous-procureur général du Canada pour le ministre du Revenu national.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE PINARD: Il s'agit d'une requête du ministre du Revenu national visant à obtenir une ordonnance annulant l'ordonnance ex parte rendue par cette Cour le 13 juillet 1987.
Le 20 mars 1987, les demanderesses ont déposé une déclaration dans laquelle elles poursuivent les défendeurs pour usurpation de leur marque de commerce. Les demanderesses cherchent à empê- cher l'importation, la distribution, la vente, etc., de montres Cartier contrefaites. Plusieurs ordonnan- ces interlocutoires prohibant ces activités ont été rendues et renouvelées par la Cour. Le 13 juillet 1987, le juge Teitelbaum a rendu une ordonnance ex parte qui prohibait l'importation de montres contrefaites et qui ordonnait aux employés du ministère du Revenu national de retenir immédia- tement ces marchandises. Voici le libellé de l'ordonnance:
ORDONNANCE
APRÈS AVOIR examiné la demande ex parte présentée par l'avocat des demanderesses et visant à étendre la portée des ordonnances accordées antérieurement dans la présente action de façon à inclure des mesures supplémentaires pour empêcher l'importation;
APRÈS AVOIR entendu les observations de l'avocat des demanderesses, et lu les affidavits déposés dans la présente action;
Et compte tenu de l'engagement des demanderesses à respec- ter toute ordonnance que cette Cour peut rendre à l'égard des dommages découlant de l'application de la présente ordon- nance, comme
a) du fait que les demanderesses ont consigné à la Cour la somme de 20 000 $ sous la forme d'une obligation en garan- tie destinée à répondre de tous dommages subis par les défendeurs en raison des ordonnances rendues antérieure- ment dans la présente action, et
b) de l'engagement des demanderesses à consigner à la Cour, dans les 10 jours de la date de la présente ordonnance, une somme supplémentaire de 30 000 $ en espèces ou sous la
forme d'une obligation ou d'un avenant à l'obligation anté- rieurement déposée devant la Cour en garantie destinée à répondre de tous dommages que les défendeurs peuvent subir en raison de la présente ordonnance;
CETTE COUR ORDONNE QUE:
1. L'importation par quiconque de plus de 10 montres portant l'une ou l'autre des marques de commerce CARTIER, MUST, MUST DE CARTIER Ou LES MUST DE CARTIER et déclarées être des répliques, des copies, des imitations ou des contrefaçons, est par les présentes prohibée sous le régime de l'article 52 de la Loi sur les marques de commerce.
2. Tout fonctionnaire ou inspecteur du ministère du Revenu national (Douanes et accise) qui reçoit une déclaration d'impor- tation au Canada des montres décrites au paragraphe 1 de la présente ordonnance doit immédiatement retenir les montres conformément au Tarif des douanes, article 14, article C.
3. Chaque fois que cette ordonnance est appliquée, la personne dont les montres sont saisies doit être avisée qu'elle peut interjeter appel de la saisie des montres en invoquant les articles 58 63 de la Loi sur les douanes ou demander à cette Cour d'ordonner la restitution des montres saisies.
4. Toute personne qui importe légalement des montres au Canada et dont les montres sont retenues en application de la présente ordonnance peut, en donnant un avis de 24 heures aux avocats des demanderesses, de même qu'en leur signifiant toute pièce justificative, demander à cette Cour d'ordonner la restitu tion des montres retenues.
5. 11 n'y aura aucuns dépens.
[signé par le juge Teitelbaum.]
Une version révisée de l'ordonnance a été établie pour corriger une erreur d'écriture: les mots «Tarif des douanes, article 14, article du paragraphe 2 de l'ordonnance ont été remplacés par le libellé suivant: «Tarif des douanes, article 14, liste C». Toutefois, au cours de l'audience devant moi, l'avocat a convenu que l'ordonnance, lorsqu'elle a été rendue, aurait mentionner: «Tarif des doua- nes, article 37, annexe IV».
Compte tenu des nouvelles lois révisées adoptées en 1988, dans lesquelles les dispositions pertinentes n'ont pas changé, les citations devraient être ainsi désignées aujourd'hui: Tarif des douanes, L.R.C. (1985) (3° suppl.), chap. 41, art. 114; et l'annexe, Tarif des douanes, L.C. 1987, chap. 49, annexe VII, code 9967.
Le ministre du Revenu national cherche mainte- nant à faire annuler l'ordonnance susmentionnée, en se fondant principalement sur la Règle 330a) de la Cour fédérale [Règles de la Cour fédérale, chap. 663], sur l'article 52 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), chap. T-13, de même que sur le Tarif des douanes et l'annexe susmentionnés.
Les demanderesses ont produit l'affidavit d'Ivor R. Elrifi en réponse à la requête du ministre. Le déposant y étudie des affaires semblables, notam- ment Montres Rolex S.A. c. Lifestyles Imports Inc. (1988), 23 C.P.R. (3d) 436 (C.F. 1r° inst.); Guccio Gucci S.p.A. c. Cebuchier (1988), 22 C.I.P.R. 254 (C.F. 1r° inst.). L'argument principal présenté dans l'affidavit est qu'il est pratiquement impossible d'obtenir un jugement définitif sur le fond du litige dans des affaires de cette nature. Lors de l'audience, l'avocat des demanderesses a fait valoir que de toute façon il n'est pas nécessaire qu'une conclusion antérieure, comme celle que prévoit le paragraphe 52(4) de la Loi sur les marques de commerce, soit un jugement définitif sur le fond de l'action des demanderesses. L'avocat a ajouté que même si en l'espèce une telle conclu sion antérieure n'est pas explicite, elle ressort nécessairement de l'ordonnance même du juge Tei- telbaum comme de toutes les autres ordonnances interlocutoires antérieures rendues dans la pré- sente action.
Il y a lieu de rappeler ici certains des principes fondamentaux applicables lorsqu'il s'agit d'étudier une demande d'annulation d'une ordonnance ex parte rendue par la Cour:
—Les ordonnances ex parte sont des mesures extraordinaires dont la durée devrait être limitée et qui ne visent qu'à protéger les personnes manifes- tement susceptibles de subir un préjudice irrépara- ble, jusqu'à ce que les parties puissent comparaître en cour (voir Parnassis Shipping Co. c. Le Mary K, du greffe T-4151-80, le 17 décembre 1980).
Lorsqu'il s'agit d'une ordonnance ex parte, la Cour est naturellement compétente pour l'annuler à compter du jour l'annulation est demandée. La Cour peut également rendre une ordonnance corrélative pour remettre la partie lésée dans l'état elle était avant que ne soit rendue l'ordonnance ex parte (voir May and Baker (Canada) Ltée c. L'Oak, [1979] 1 C.F. 401 (C.A.)).
Le pouvoir d'annuler une ordonnance ex parte prévu à la Règle 330 est un pouvoir discrétion- naire. La partie qui soumet une requête à cette fin a la charge d'établir qu'elle devrait être annulée (voir Bunker Ramo Corp. c. TRW Inc., [1980] 2 C.F. 488 (1r° inst.)).
En l'espèce, les dispositions de l'article 52 de la Loi sur les marques de commerce sont pertinentes. Lorsque l'ordonnance en cause a été rendue, cet article était libellé comme suit [S.R.C. 1970, chap. T-10]:
52. (1) Lorsqu'il est démontré à une cour compétente qu'une marque de commerce enregistrée ou un nom commer cial a été appliqué à des marchandises importées au Canada ou qui sont sur le point d'être distribuées au Canada de telle façon que la distribution de ces marchandises serait contraire à la présente loi, ou qu'une indication de lieu d'origine a été illégale- ment appliquée à des marchandises, la cour peut rendre une ordonnance décrétant la garde provisoire des marchandises, en attendant un prononcé final sur la légalité de leur importation ou distribution, dans une action intentée dans le délai prescrit par l'ordonnance.
(2) Avant que soit rendue une ordonnance sous le régime du paragraphe (1), le demandeur ou pétitionnaire doit être requis de fournir une garantie, au montant que fixe la cour, destinée à répondre de tous dommages que le propriétaire ou consigna- taire des marchandises peut subir en raison de l'ordonnance, et couvrant tout montant susceptible de devenir imputable aux marchandises pendant qu'elles demeurent sous garde selon l'ordonnance.
(3) Lorsque, aux termes du jugement dans toute semblable action déterminant de façon définitive la légalité de l'importa- tion ou de la distribution des marchandises, l'importation ou distribution en est interdite soit absolument, soit de façon conditionnelle, un privilège couvrant des charges contre ces marchandises ayant pris naissance avant la date d'une ordon- nance rendue sous le régime du présent article n'a d'effet que dans la mesure compatible avec la fidèle exécution du jugement.
(4) Lorsque, au cours d'une pareille action, la cour trouve que cette importation est contraire à la présente loi, ou que cette distribution serait contraire à la présente loi, elle peut rendre une ordonnance prohibant l'importation future de mar- chandises auxquelles a été appliqué cette marque de commerce, ce nom commercial ou cette indication de lieu d'origine.
(5) Une ordonnance prévue au paragraphe (1) peut être rendue à la demande de toute personne intéressée soit dans une action ou autrement, et soit sur avis ou ex parte.
Les dispositions pertinentes du Tarif des doua- nes se trouvent à l'article 114 et à l'annexe VII (autrefois l'article 37 et l'annexe IV), qui interdi- sent, sous le code 9967, l'importation de produits «dont l'importation a été interdite par un décret pris en vertu de l'article 52 de la Loi sur les marques de commerce». En voici le libellé:
MARCHANDISES PROHIBÉES
114. L'importation au Canada des marchandises dénommées ou visées à l'annexe VII est prohibée.
ANNEXE VII (fin)
Code Marchandises prohibées
9967 Tout produit au sujet duquel une désignation est utilisée qui est fausse sous un rapport important quant à son origine géographique ou dont l'importation a été interdite par un décret pris en vertu de l'article 52 de la Loi sur les marques de commerce.
L'ordonnance du 13 juillet 1987 a été rendue sous le régime de l'article 52 de la Loi sur les marques de commerce et du Tarif des douanes, article 37, annexe IV (maintenant l'article 114, l'annexe VII); elle prohibe l'importation de certai- nes marchandises. Par conséquent, l'ordonnance doit avoir été rendue sous le régime du paragraphe 52(4) de la Loi sur les marques de commerce.
En effet, l'article 52 de la Loi sur les marques de commerce habilite une Cour compétente à rendre deux sortes d'ordonnances: une ordonnance décrétant la garde provisoire des marchandises, en vertu du paragraphe (1), ou une ordonnance prohi- bant l'importation future des marchandises, en vertu du paragraphe (4). En l'espèce, l'ordonnance ne peut avoir été rendue en vertu du paragraphe 52(1) puisque celui-ci vise exclusivement les mar- chandises qui ont été importées au Canada ou qui se trouvent déjà au Canada. De plus, il n'est fait aucune mention de «la garde provisoire des mar- chandises» dans l'ordonnance, et celle-ci ne com- prend aucune disposition obligeant la demande- resse à fournir une garantie destinée à répondre de tous dommages que le «consignataire des marchan- dises peut subir en raison de l'ordonnance, et couvrant tout montant susceptible de devenir imputable aux marchandises pendant qu'elles demeurent sous garde selon l'ordonnance» comme le prescrit le paragraphe 52(2).
Avant que la Cour puisse rendre une ordon- nance prohibant l'importation future sous le régime du paragraphe 52(4), une action visant à déterminer la légalité de l'importation ou de la distribution des marchandises doit avoir été inten- tée, et la Cour doit avoir conclu que l'importation est contraire à la Loi sur les marques de com merce ou que la distribution y serait contraire. En l'espèce, les demanderesses ont intenté une action de cette nature; toutefois, la Cour ne semble pas
encore avoir exprimé une telle conclusion à l'égard de l'action des demanderesses. À mon avis, pour qu'une ordonnance sous le régime du paragraphe 52(4) soit valide et qu'elle ait effet à l'égard de tout le monde, il faut que la conclusion antérieure arrêtée par la Cour soit un prononcé final sur la question en cause et qu'elle soit énoncée explicite- ment. Il ne suffit pas en cette matière qu'elle soit implicite.
J'estime que ce point de vue correspond à celui qu'avait exprimé le président Jackett dans l'affaire Adidas Sportschuhfabriken Adi Dassler K. G. et al. v. Kinney Shoes of Canada Ltd.; E'Mar Imports Ltd., Third Party (1971), 19 D.L.R. (3d) 680 (C. de l'É.). Dans cette décision, en traitant de l'article de la Loi sur les marques de commerce qui se compare à l'article 52 pertinent, le président Jackett a d'abord formulé l'observation suivante, à la page 688:
([TRADUCTION] Sous réserve du pouvoir exprès prévu au par. 51(5) de rendre une ordonnance ex parte décrétant la garde provisoire en vertu du par. 51(1), j'aurais supposé qu'aucun des redressements autorisés par ces dispositions ne pouvait être accordé si ce n'est à l'encontre d'une personne partie à l'action l'on demandait le redressement et qui, à ce titre, connaissait les arguments soumis à la Cour à l'appui de la requête pour jugement déposée contre elle. Selon moi, il n'y a pas lieu de trancher en ce moment la question de savoir si les art. 51 et 52 sont ainsi limités, mais l'existence de cette question permet d'apprécier la position de la demanderesse sur ce point et en particulier sur l'effet que cherchent à obtenir les demanderesses d'une ordonnance qui, selon les renseignements qu'elles ont donnés aux autorités de la douane, aurait été rendue sous le régime du par. 51(4).)
Puis, aux pages 690 et 691, le président de la Cour de l'Échiquier du Canada a déclaré ce qui suit:
[TRADUCTION] À mon avis, aucun tribunal n'accorderait une demande de jugement fondée sur le consentement d'une per- sonne et devant avoir effet à l'égard de tout le monde sans être persuadé qu'il avait la compétence spéciale et le devoir d'accor- der un tel jugement; dans ce cas peu probable, la situation serait expliquée en détail sur le jugement. Pour employer les termes de lord Macnaghten, il est «décemment» difficile d'attri- buer à la Cour toute autre façon de traiter une demande aussi spéciale.
Donc, en ce qui concerne cette affaire, je suis convaincu que si, lorsque les parties ont présenté la demande de jugement par consentement, on m'avait demandé de rendre une ordonnance sous le régime de l'art. 51(4), valable à l'égard de tout le monde, j'aurais signalé que le requérant devait me convaincre que la Cour avait, en vertu de l'art. 51(4), le pouvoir d'émettre une ordonnance contre toute personne qui n'avait pas été adjointe à l'instance et qui, par conséquent, n'avait pas eu l'occasion de se défendre. Une fois au moins, auparavant, cette
demande m'a été faite et ce fut ma réaction immédiate. De plus, si on avait donné suite à l'affaire, j'aurais sans aucun doute exigé qu'on me démontre,
a) que l'action correspondait aux termes «pareille action» de l'art. 51(4), et
b) qu'était remplie la condition préalable à toute ordonnance rendue en vertu de l'art. 51(4) voulant que la Cour ait trouvé «que cette importation est contraire à la présente loi, ou que cette distribution serait contraire à la présente loi».
Dans une autre affaire, Montres Rolex S.A. c. M.R.N., [1988] 2 C.F. 39 (i re inst.), mon collègue le juge McNair, en traitant du paragraphe 52(4), a manifesté son accord avec l'opinion exprimée par le président Jackett dans la décision Adidas préci- tée, et a en outre précisé de quelle façon la Cour doit rendre une telle décision finale. Il a déclaré ce qui suit, à la page 49:
Je suis pleinement d'accord avec l'opinion exprimée par le président de la Cour de l'Échiquier dans l'affaire Adidas et selon laquelle c'est une condition essentielle préalable à toute ordonnance laissée à l'appréciation de la Cour et visée au paragraphe 52(4) que la Cour trouve que l'importation et la distribution des marchandises incriminées étaient contraires à la Loi sur les marques de commerce. Il doit y avoir un prononcé final sur la légalité de l'objet de la plainte avant que puisse être rendue une ordonnance sous le régime du paragra- phe 52(4). À mon avis, je suis obligé dans les circonstances présentes d'aller un peu plus loin que dans l'affaire Adidas et de déterminer de quelle façon la Cour doit rendre une telle décision finale.
Il y a en outre déclaré ce qui suit, à la page 53:
Par conséquent, je suis d'avis que le sens normal des mots utilisés à l'article 52 de la Loi sur les marques de commerce dans le contexte de son régime législatif indique clairement qu'on doit avoir déterminé de façon définitive la légalité de l'importation et de la distribution des marchandises incriminées avant de pouvoir rendre une ordonnance sous le régime du paragraphe 52(4) prohibant leur importation future. A mon avis, une telle décision ne peut que porter sur le fond du litige. J'en conclus donc que ni le jugement par consentement ni le jugement obtenu pour défaut de plaider ne peuvent donner lieu à une ordonnance sous le régime du paragraphe 52(4).
Une telle interprétation semble mieux corres- pondre au libellé de la version anglaise du paragra- phe 52(4), qui mentionne l'expression «in such action», qu'au libellé de la version française qui porte «au cours d'une pareille action». Toutefois, dans le contexte global de l'article, j'estime que c'est le libellé de la version anglaise qui reflète le mieux l'intention du législateur.
Malheureusement pour les demanderesses, il peut être extrêmement difficile pour elles, dans
l'action qu'elles ont intentée contre des défendeurs inconnus, d'obtenir le redressement précis prévu au paragraphe 52(4). La Cour ne peut toutefois modi fier la loi.
Puisque, dans l'action des demanderesses, la Cour n'a rendu aucune décision portant que l'im- portation des marchandises en cause est contraire à la Loi sur les marques de commerce, ou que la distribution de ces marchandises y serait contraire, il me faut conclure que les demanderesses n'ont pas réussi à remplir une condition préalable essen- tielle à l'obtention d'une ordonnance sous le régime du paragraphe 52(4) de la Loi sur les marques de commerce.
Par conséquent, l'ordonnance ex parte rendue dans cette affaire par le juge Teitelbaum (qui n'avait devant lui que les représentations d'une partie) le 13 juillet 1987 doit être annulée. Compte tenu du long délai entre la date de l'ordonnance en cause et le dépôt de l'avis de la présente requête, il n'y aura aucune adjudication des dépens.
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