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A-338-89
Procureur général du Canada (requérant)
c.
David W. Paton (intimé)
RÉPERTORIÉ: CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL) C. PATON (CA.)
Cour d'appel, juge en chef Iacobucci, juges Maho- ney et Marceau, J.C.A.—Ottawa, 22 novembre 1989 et 16 janvier 1990.
Fonction publique Relations du travail Demande fondée sur l'art. 28 en vue de la révision d'une décision par laquelle la CRTFP a statué que l'intimé avait droit à la rémunération versée pour les heures supplémentaires pour tout le temps passé (6 jours) à bord d'un navire pendant qu'il était en affectation spéciale à titre de technologue en chimie pour le ministère des Pêches et Océans Interprétation des disposi tions d'une convention cadre relatives à la rémunération des heures supplémentaires La Commission a statué que les faits ne se distinguaient pas de ceux de deux décisions rendues par la C.A.F. dans lesquelles on a jugé que les employés avaient droit à leurs salaires pour tout le temps passé en mer En raison des restrictions importantes apportées à la liberté et aux déplacements de l'intimé, la Commission a conclu qu'il était «au travail» pendant tout le temps qu'il a passé sur le navire et qu'il avait le droit de réclamer une indemnité de surtemps pour pratiquement tout le temps passé en mer con- formément à la convention particulière du groupe La demande fondée sur l'art. 28 est accueillie parce que la Commission a mal interprété la convention cadre La Com mission a commis une erreur en n'appliquant pas la clause M-28.05 selon laquelle les employés seront payés seulement pour les «heures effectivement travaillées» lorsque le moyen de transport utilisé sert de logement à l'employé durant qu'il est en service L'expression «heures effectivement travaillées» décrit le travail dans le sens normal de s'adonner à des fonctions particulières Le «temps mobilisé» ne constitue pas des «heures effectivement travaillées» La convention cadre ne visait pas à ce que l'employé soit payé à taux double tandis qu'il profitait d'une pleine nuit de sommeil durant un certain nombre de nuits consécutives à l'occasion d'un voyage qui faisait partie des fonctions mentionnées dans sa description de poste et dont il avait été avisé bien à l'avance.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art. 28.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Apesland c. Canada, A-669-87, juge Mahoney, J.C.A., jugement en date du 24-5-88, C.A.F., non publié; Duggan et Conseil du Trésor (1985), 8 Décisions de la CRTFP 48.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Canada c. Falconer, A-417-86, juge Heald, J.C.A., juge- ment en date du 27-2-87, C.A.F., non publié; confirmant (1986), 9 Décisions de la CRTFP 32 (sous l'intitulé Falconer et O'Leary et le Conseil du Trésor); Canada c. Falconer, A-416-86, juge Heald, J.C.A., jugement en date du 27-2-87, C.A.F., non publié; confirmant (1986), 9 Décisions de la CRTFP 28 (sous l'intitulé O'Leary et Humphreys et le Conseil du Trésor).
DÉCISION CITÉE:
Osmack c. Canada, A-51-89, juge en chef Iacobucci,
jugement en date du 21-9-89, C.A.F., encore inédit.
AVOCATS:
Harvey A. Newman pour le requérant. Andrew J. Raven pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le requérant.
Soloway, Wright, Ottawa, pour l'intimé. Commission des relations de travail dans la Fonction publique, Ottawa, pour son propre compte.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF IACOBUCCI: La présente demande fondée sur l'article 28 [Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7] vise à la révi- sion et à l'annulation d'une décision en date du 5 juillet 1989 par laquelle la Commission des rela tions de travail dans la fonction publique a statué que l'intimé avait droit à la rémunération versée pour les heures supplémentaires pour tout le temps passé à bord d'un navire pendant qu'il était en affectation spéciale même s'il n'avait pas exercé de fonctions normales reliées au travail durant toute cette période-là. Dans la présente demande, la principale question est de savoir si le commissaire a commis une erreur en statuant ainsi. Le requé- rant a soutenu plus particulièrement que le com- missaire n'a pas appliqué une disposition de la convention collective applicable régissant les taux de rémunération dans le cas d'un employé qui est chargé d'exercer des fonctions à bord d'un véhicule ou d'un navire de transport qui lui sert également de logement.
FAITS
Selon la documentation, l'intimé travaillait à l'époque concernée pour le ministère des Pêches et Océans à titre de technologue en chimie. Les parties étaient régies par la Convention cadre de l'Alliance de la fonction publique du Canada et la Convention collective du soutien technologique et scientifique (une convention particulière de groupe). Le lieu normal de travail de l'intimé était l'Institut des sciences de la mer de Sydney (C.-B.), et ses heures habituelles de travail à cet endroit s'échelonnaient de 8 h 30 à 16 h 30 du lundi au vendredi.
Dans la description de poste de l'intimé, il est mentionné que celui-ci est censé effectuer:
[TRADUCTION] ... des levées à l'aide de navires et des sorties pour déterminer les concentrations de métaux dans les milieux marins et étudier les effets et la dégradation des produits chimiques naturels et polluants et, à cette fin:
—participer à des croisières jusqu'à concurrence de quatre (4) semaines par année, habituellement dans des ilôts côtiers de la Colombie-Britannique (les affectations spéciales peuvent exiger des croisières au large des côtes)':
Le 13 octobre 1987, l'intimé a été informé par écrit de certaines fonctions qu'il devait exercer à bord du CSS Tully à compter du dimanche 18 octobre 1987. Conformément à ces instructions, l'intimé est monté à bord du CSS Tully après 22 h le dimanche soir 18 octobre 1987 et a pris le départ à bord du navire vers 1 h le lundi 19 octobre 1987.
Il n'y a aucune contestation quant à son taux de rémunération pour la journée du 18 octobre 1987. Le 19 octobre 1987, l'intimé n'a consacré qu'une demi-heure à l'exercice de ses fonctions et n'a pas eu d'autre travail particulier à effectuer durant le reste de la journée. Du 20 au 23 octobre inclusive- ment, l'intimé n'a exécuté aucun travail assigné au-delà de son quart ordinaire de travail de 7 1 / heures. Le 24 octobre, qui était son «premier jour de repos», l'intimé a passé 7 1 / heures à exercer des fonctions assignées et une autre période de neuf heures à bord du navire durant laquelle il n'a pas exercé de fonctions assignées. Il a quitté le navire à 16 h 30, le 24 octobre 1987 et a pris une chambre dans un hôtel de Prince Rupert (Colombie-Britan- nique).
' Voir le paragraphe 6 des fonctions particulières et de la description de poste de l'intimé, Dossier, p. 118.
L'intimé a consigné les heures travaillées et les heures de surtemps pendant qu'il était à bord du navire. Pour la période du 19 au 23 octobre inclu- sivement, l'intimé a réclamé la rémunération nor- male pour un quart ordinaire de travail de 71 heures, une rémunération au taux majoré de moitié pour un autre quart de travail de 7' heures et une rémunération à taux double pour les autres 8' heures de la journée. En d'autres mots, il a réclamé d'être payé pour toute la période de vingt- quatre heures qu'il a passée à bord du navire chaque jour (moins une demi-heure pour la pause repas non payée). En ce qui concerne le 24 octo- bre, soit le «premier jour de repos», il a réclamé 7 1 / 2 heures de salaire au taux majoré de moitié et 10 heures au taux double, en conformité avec le para- graphe 22.09b) de la convention particulière du groupe.
Il ressort du dossier que, durant tout le temps passé en mer, l'intimé était assujetti au règlement du navire, qui prévoyait qui pouvait fréquenter qui à bord. Le règlement délimitait également le temps qui pouvait être consacré aux loisirs. Il s'agissait d'un bateau de 230 pieds destiné à la recherche et doté d'un gymnase et d'un sauna modestes ainsi que d'une bibliothèque. Pendant qu'il était à bord, l'intimé a partagé une cabine avec un autre scienti- fique. Il conviendrait de noter que, durant tout le temps passé sur le navire, l'intimé a travaillé de façon indépendante et n'était pas censé être «en disponibilité» pour exécuter des tâches à demande.
Le 9 novembre 1987, l'intimé a présenté un grief visant à réclamer une indemnité pour toutes les heures travaillées de 0 h 00 le 19 octobre à 18 h le 24 octobre 1987, à l'exception d'une période d'une demi-heure chaque jour, qui représentait sa pause repas non payée. Le grief n'a pas été réglé et a été remis à plus tard le 20 juin 1988. Le 5 juillet 1989, le grief a été confirmé, et il a été jugé que l'intimé avait droit à la totalité de l'indemnité de surtemps qu'il réclamait.
LA DÉCISION DE LA COMMISSION
Après avoir constaté que les faits n'étaient pas contestés et avoir souligné que l'intimé ne pouvait pas quitter le navire durant la période en question et que la gamme des activités possibles était néces- sairement limitée même lorsqu'il n'était pas en
train d'exercer des fonctions assignées, le commis- saire a statué que les faits en l'espèce ne se distin- guaient pas de ceux de l'affaire Falconer' et de l'affaire O'Leary et Humphreys' dans lesquelles on a jugé que les employés s'estimant lésés avaient droit à leurs salaires pour tout le temps passé en mer. Le commissaire a alors cité, tout en l'approu- vant, un passage de la décision Falconer qui abou- tissait à la conclusion suivante:
[TRADUCTION] Compte tenu de l'ensemble de la preuve, j'ar- rive à la conclusion que les employés s'estimant lésés se trou- vaient à leur travail durant la période concernée. A la fin de la journée de travail, les employés s'estimant lésés ne pouvaient pas quitter le lieu de travail, rentrer chez eux et se retrouver avec leurs amis ou les membres de leur famille. Tous les projets qu'ils avaient échafaudés ou les engagements qu'ils avaient pris pour leurs loisirs se trouvaient, par la force des choses, annulés. Malgré le fait que les employés s'estimant lésés pouvaient relaxer ou manger et dormir sur le navire, ils subissaient une interruption importante de leur routine quotidienne à la suite de la décision de garder le navire en mer, décision qui a été prise vraisemblablement à l'avantage des opérations de l'em- ployeur'. [C'est moi qui souligne.]
Je crois important de souligner que les employés s'estimant lésés dans les affaires Falconer et O'Leary et Humphreys se trouvaient au travail sur un navire lorsqu'on leur avait dit à la fin de la journée que le navire resterait toute la nuit en mer, et la question était de savoir s'ils étaient au travail pendant tout le temps passé en mer. Ce n'est pas tout à fait la même question qui est en litige en l'espèce, point sur lequel je reviendrai_ plus loin.
Quant aux faits de la présente affaire, le com- missaire a noté que le Tully n'était ni le Queen Mary ni le Love Boat et que les activités de loisirs étaient limités sur le plan physique et en vertu du règlement du navire. En raison des restrictions importantes apportées à la liberté et aux déplace- ments de l'intimé, la Commission a conclu qu'il était «au travail» pendant tout le temps qu'il a passé sur le navire et qu'il avait donc le droit de réclamer une indemnité de surtemps pour prati- quement tout le temps passé en mer, conformé-
2 Falconer et O'Leary et le Conseil du Trésor (1986), 9 Décisions de la CRTFP 32, confirmée sous l'intitulé Canada c. Falconer, A-417-86, le juge Heald, J.C.A., jugement en date du 27-2-87, C.A.F., non publié.
7 O'Leary et Humphreys et le Conseil du Trésor (1986), 9 Décisions de la CRTFP 28, confirmée par la Cour d'appel fédérale, le 27 février 1987, sous l'intitulé Canada c. Falconer, le juge Heald, J.C.A., non publié.
4 Dossier, p. 134.
ment à la clause 22.09 de la convention particu- lière du groupe.
Le commissaire a également statué que l'article M-28 de la convention cadre concernant le «temps de déplacement» ne s'appliquait pas en l'espèce et, à cet égard, il s'est reporté aux motifs exprimés dans la décision Duggan' ainsi que dans la décision Apesland 6 dans laquelle notre Cour a reconnu que la décision Duggan avait été rendue correctement'.
Le requérant soutient que le commissaire a commis une erreur en n'appliquant pas la clause M-28.05 de l'article M-28 de la convention cadre afin de limiter le montant de l'indemnité due à l'intimé. Il est allégué que cette clause prévoit le régime de rémunération valable lorsqu'un employé voyage par quelque moyen de transport lui servant de logement. Comme le navire était du genre de moyen de transport qui servait de logement à l'intimé, la clause M-28.05 s'appliquait et, en raison des dispositions de celle-ci, l'intimé avait droit à la plus élevée des deux rémunérations suivantes: sa rémunération journalière normale ou une rémunération pour les heures effectivement travaillées. Comme l'intimé n'a pas exécuté de tâches équivalent à plus que son quart ordinaire de travail de 7 1 / 2 heures chaque jour, il n'a pas droit à plus que sa rémunération journalière normale.
Les dispositions pertinentes de l'article M-28 de la convention cadre méritent d'être reproduites en entier:
ARTICLE M-28 !-
TEMPS DE DÉPLACEMENT
M-28.01 Aux fins de la présente convention, le temps de déplacement n'est rémunéré que dans les circonstances et dans les limites prévues par le présent article.
M-28.02 Lorsque l'employé est tenu de se rendre à l'extérieur de sa zone d'affectation en service commandé, au sens donné par l'employeur à ces expressions, l'heure de départ et le mode de transport sont déterminés par l'employeur, et l'employé est rémunéré pour le temps de déplacement conformément aux clauses M-28.03 et M-28.04. Le temps de déplacement com- prend le temps des arrêts en cours de route, à condition que ces arrêts ne dépassent pas trois (3) heures.
5 Duggan et le Conseil du trésor (1985), 8 Décisions de la CRTFP 48, 3 septembre 1985, 166-2-15033.
6 Apesland c. Canada, Cour d'appel fédérale, 24 mai 1988 (n° du greffe A-669-87), le juge Mahoney, J.C.A., non publié. Motifs du jugement de la Cour, idem, à la p. 1.
M-28.03 Aux fins des clauses M-28.02 et M-28.04, le temps de déplacement pour lequel l'employé est rémunéré est le suivant:
Lorsqu'il utilise les transports en commun, le temps compris entre l'heure de départ et l'heure prévue d'arrivée à destination, y compris le temps de déplacement normal jusqu'au point de départ, déterminé par l'employeur,
Lorsqu'il utilise des moyens de transport privés, le temps normal, déterminé par l'employeur, nécessaire à l'employé pour se rendre de son domicile ou de son lieu de travail, selon le cas, directement à sa destination et, à son retour, directement à son domicile ou à son lieu de travail,
Lorsque l'employé demande une autre heure de départ et/ou un autre moyen de transport, l'employeur peut acquiescer à sa demande, à condition que la rémunération du temps de déplace- ment ne dépasse pas celle qu'il aurait touchée selon les instruc tions initiales de l'employeur.
M-28.04 Lorsque l'employé est tenu de voyager ainsi qu'il est stipulé aux clauses M-28.02 et M-28.03:
a) un jour de travail normal pendant lequel il voyage mais ne travaille pas, il touche sa rémunération journalière normale.
b) un jour de travail normal pendant lequel il voyage et travaille, il touche:
(i) la rémunération normale de sa journée pour une période mixte de déplacement et de travail ne dépassant pas les heures de travail normales prévues à son horaire,
et
(ii) le taux applicable des heures supplémentaires pour tout temps de déplacement additionnel qui dépasse les heures normales de travail et de déplacement prévues à son horaire, le paiement maximal versé pour ce temps de déplacement additionnel ne devant pas dépasser huit (8) heures de rémunération au taux des heures normales.
c) un jour de repos ou un jour férié désigné payé, il est rémunéré au taux des heures supplémentaires applicable pour le temps de déplacement, jusqu'à concurrence de huit (8) heures de rémunération au taux des heures normales.
M-28.05 Le présent article ne s'applique pas à l'employé qui est tenu d'exercer ses fonctions à bord d'un moyen de transport quelconque dans lequel il voyage et/ou qui lui sert de logement pendant une période de service. Dans ce cas, l'employé reçoit la plus élevée des deux rémunérations suivantes:
a) un jour de travail normal, sa rémunération journalière
normale
ou
b) une rémunération pour les heures effectivement travaillées, conformément à l'article M-20 (Jours fériés désignés payés) et aux dispositions concernant les heures supplé- mentaires de la convention particulière du groupe concerné.
M-28.06 Aux termes du présent article, la rémunération n'est pas versée pour le temps que met l'employé à se rendre à des cours, à des séances de formation, à des conférences et à des séminaires, sauf s'il est tenu par l'employeur d'y assister.
EXAMEN DE LA QUESTION
Au tout début, je voudrais mentionner que notre Cour a reconnu que le mot «travail» peut compren- dre ce qu'on appelle le «temps mobilisé» ou temps qui serait normalement consacré à des activités autres que le travail, comme le sommeil, l'attente d'un avion ou quelque chose du genre'. Je ne crois pas nécessaire de réexaminer cette jurisprudence ou d'ajouter des remarques sur la question de savoir si les décisions ont été rendues correctement parce que, pour les motifs qui suivent, je suis d'accord avec la thèse du requérant selon laquelle le commissaire n'a pas appliqué les dispositions de la clause M-28.05 en l'espèce et a commis de ce fait une erreur révisable 9 .
La clause M-28.05 me semble régir précisément le genre de situation en cause. L'article M-28 prévoit des dispositions spéciales relativement au paiement à un employé d'un taux inférieur au plein taux des heures supplémentaires dans les cas l'employé est tenu de se rendre à un lieu de travail, mais il n'effectue aucun travail pendant qu'il voyage. La clause M-28.05 est une exception spéciale à ce régime de rémunération du «temps de déplacement» et prévoit que les employés doivent recevoir les taux normaux de salaire, y compris les taux des heures supplémentaires, lorsque le travail est exécuté en cours de déplacement ou lorsque le moyen de transport utilisé sert de logement à l'employé durant qu'il est en service.
Quand le commissaire déclare que l'article M-28 de la convention cadre ne s'applique pas en l'espèce, et qu'il se reporte à cet égard aux déci- sions Duggan et Apesland, il semble avoir mal compris leur portée 10 . Dans la présente affaire, le requérant prétend non pas que l'article M-28 con- cernant le temps de déplacement s'applique dans son ensemble mais plutôt que c'est l'exception à l'article M-28, à savoir la clause M-28.05, qui s'applique. C'est exactement la décision à laquelle on est arrivé dans Duggan et Apesland bien que les dispositions correspondantes de la convention col
a Voir par ex. les affaires Falconer, O'Leary et Humphreys, précitées, notes 2 et 3.
9 Voir par ex. Osmack c. Canada, Cour d'appel fédérale, le juge en chef lacobucci, 21 septembre 1989 (n° du greffe A-51-89) encore inédit.
10 Voir les motifs de la Commission, Dossier, p. 136.
lective applicable soient libellées de façon légère- ment différente. Dans l'affaire Apesland, le juge Mahoney, J.C.A., a déclaré:
L'application de l'article 28 de la convention collective est exclue par la clause 28.06 [qui est l'équivalent de la clause M-28.05 en l'espèce] I I.
En d'autres mots, il a conclu que la clause M-28.06 l'emportait de préférence sur les termes de l'article M-28 concernant le temps de déplace- ment en général. Ici, le commissaire semble avoir compris que l'arrêt Apesland voulait dire que l'en- semble de l'article M-28, y compris la clause M-28.05, n'était pas applicable. Ce n'est pas ce que le juge Mahoney, J.C.A., a dit dans l'arrêt Apesland ni ce que l'arbitre a dit dans la décision Duggan, que le juge Mahoney, J.C.A., ainsi qu'il a déjà été mentionné, a expressément reconnue comme étant correcte.
Après avoir conclu que la clause M-28.05 de la convention cadre s'applique, il me reste mainte- nant à me prononcer sur sa signification. La clause stipule que l'employé doit recevoir la plus élevée des deux rémunérations suivantes: sa rémunération journalière normale ou une rémunération pour les «heures effectivement travaillées». Voici la ques tion qui se pose alors: Quelles sont les heures effectivement travaillées? Ces heures désignent- elles le temps durant lequel des fonctions reliées au travail ont effectivement été exercées ou le libellé est-il assez large pour comprendre, comme le fait valoir l'avocat de l'intimé, toutes les heures pen dant lesquelles l'employé est «mobilisé» sur un navire, y compris le temps consacré au sommeil et aux loisirs?
L'avocat de l'intimé a soutenu que les décisions rendues dans les affaires Falconer et O'Leary et Humphreys sont d'une force majoritaire à cet égard, mais j'ai des doutes au sujet de cette propo sition. Aucune des deux affaires ne renvoyait pré- cisément à une disposition qui se compare à la clause M-28.05 et c'est pure spéculation de dire qu'il existait une telle clause ou ce qu'elle conte- nait. De plus, dans ces affaires la question était de savoir si tout le temps passé sur un navire consti- tuait du «travail» et non pas de savoir si le temps passé sur le navire représentait des «heures effecti- vement travaillées» au sens de la clause M-28.05. Par conséquent, je ne crois pas que ces affaires soient d'une grande aide.
" Apesland, précitée à la note 6, p. 1.
Dans les décisions Duggan et Apesland, on a appliqué des dispositions comparables qui accor- daient une indemnité supplémentaire pour les «heures effectivement travaillées», mais les faits étaient totalement différents de la présente affaire. Dans l'affaire Duggan, un agent d'immigration accompagnait une personne extradée de la Nou- velle-Écosse à la frontière du Maine et du Nou- veau-Brunswick, il a passé la nuit à St -Stephens (Nouveau-Brunswick) et est retourné en auto à Halifax le jour suivant. L'employeur a admis que le voyage-aller avec la personne extradée consti- tuait du «travail», et la seule question dont était saisie la Commission était de savoir si le trajet du retour constituait du travail ou du temps de dépla- cement, dans lequel cas l'article M-28 s'applique- rait. La Commission a statué que le trajet du retour constituait des «heures effectivement tra- vaillées» et non pas seulement du temps de dépla- cement. Dans l'affaire Duggan, il était évident que l'employé s'estimant lésé n'était pas assis à ne rien faire pendant quelque moment que ce soit du temps réclamé. Dans l'arrêt Apesland, l'employé s'estimant lésé a accompagné un prisonnier à Minot (Dakota du Nord) et a réclamé une indem- nité pour les sept heures durant lesquelles il a simplement attendu un vol d'avion pour son retour. Notre Cour a statué que l'attente ainsi que le voyage de retour représentaient des heures effecti- vement travaillées et non simplement du temps de déplacement. Bien que les faits de l'affaire Apes - land se rapprochent peut-être plus des faits de l'espèce que ceux de l'affaire Duggan, néanmoins, quelque temps libre qu'il y eût dans l'affaire Apes - land il était lié étroitement et de façon continue à l'exercice effectif des fonctions de l'emploi.
Il me semble que, si l'on regarde le libellé de la clause M-28.05 et son contexte, l'emploi de l'ad- jectif «effectives» dans la clause visait à véhiculer un sens qui décrivait le travail dans le sens normal de s'adonner à des fonctions particulières. Le renvoi au logement dans la clause en question implique que, si un employé est visé par la clause M-28.05, alors seul le temps effectivement passé à travailler comptera pour le traitement et que le soi-disant «temps mobilisé» passé sur le navire ne doit pas être considéré comme des heures effective- ment travaillées. Je crois que cette interprétation est raisonnable et compatible avec ce que j'estime que recherchaient les parties à la convention collective.
J'ai peine à admettre que la convention cadre visait à ce que l'employé soit payé à taux double tandis qu'il profitait d'une pleine nuit de sommeil durant un certain nombre de nuits consécutives à l'occasion d'un voyage qui faisait partie des fonc- tions mentionnées dans sa description de poste et dont il avait été avisé bien à l'avance.
Par conséquent, j'accueillerais la demande fondée sur l'article 28, annulerais la décision de la Commission des relations de travail dans la fonc- tion publique en date du 5 juillet 1989 et renver- rais l'affaire devant la Commission pour que cel- le-ci réexamine la question en tenant compte du fait que la clause M-28.05 de la convention cadre s'applique dans les circonstances de l'espèce.
MAHONEY, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.
MARCEAU, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.
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