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A-1185-84
Sa Majesté la Reine (appelante)
c.
Justin A. Cork (intimé)
RÉPERTORIÉ: CANADA c. CORK (C.A.)
Cour d'appel, juges Heald, Marceau et Stone, J.C.A.—Toronto, 8 mai; Ottawa, 16 mai 1990.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Déductions Un dessinateur industriel indépendant utilisant une chambre de sa maison comme bureau et voyageant pour se rendre à différents lieux de travail et retourner chez lui peut-il, en vertu de l'art. 18(1)a),h) de la Loi, déduire le loyer, les primes d'assurance et les frais d'automobile qu'il a payés? Le bureau ou les lieux de travail sont-il le locus in quo pour l'exercice des activités commerciales? Le déplacement entre domicile et lieu de travail et le retour constituent-ils un déplacement au titre du chez soi ou au titre du lieu de travail?
C'est à juste titre que le juge de première instance a conclu que l'intimé avait utilisé sa maison comme base de ses activités
La preuve établit la nécessité d'un bureau L'intimé a engagé les frais de déplacement alors qu'il était absent de chez lui, dans le cadre de l'exploitation de son entreprise Le déplacement en provenance et à destination de chez soi était effectué au titre du lieu de travail et non au titre du chez soi
Le juge de première instance a eu raison de conclure à la déductibilité du loyer et des dépenses en assurance.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Income Tax Act, 1952, 15 & 16 Geo. 6, chap. 10 (R.-U.), art. 137a).
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 18(1)a),h).
Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148, art. 12(1)a),h).
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Horton v Young (Inspector of Taxes), [1971] 3 All ER 412 (C.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Cumming, Ronald K. v. Minister of National Revenue, [1968] 1 R.C.É 425; (1967), C.T.C. 462; (1967), 67 DTC 5312.
DÉCISIONS CITÉES:
The Queen v. Cork (J), [1984] CTC 479; (1984), 84 DTC 6515 (C.F. lre inst.); Newsom v. Robertson (Inspec- tor of Taxes), [ 1952] 2 All E.R. 728 (C.A.); Lessard c. Paquin et autres, [1975] 1 R.C.S. 655; (1974), 56 D.L.R. (3d) 726; 10 N.R. 620; La Reine c Gurd's Products Co
Ltd, [1985] 2 CTC 85; (1985), 85 DTC 5314; 60 N.R. 184 (C.A.F.).
AVOCATS:
R. E. Taylor et M. Judith Sheppard pour l'appelante.
Brian R. Carr et Neal H. Armstrong pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'appelante.
Davies, Ward & Beck, Toronto, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE STONE, J.C.A.: Appel est interjeté du jugement [[1984] CTC 479 (C.F. 1" inst.)] par lequel le juge Muldoon a, le 21 septembre 1984, rejeté avec dépens l'appel formé par l'appelante contre la décision de la Commission de révision de l'impôt relative aux nouvelles cotisations d'impôt sur le revenu établies pour les années d'imposition 1974, 1975 et 1976. En calculant son revenu tiré de ce qu'il a gagné en tant que dessinateur indus- triel indépendant pendant ces années, M. Cork a déduit les frais d'automobile (y compris une part proportionnelle de la déduction pour amortisse- ment), le loyer et les primes d'assurance. C'est la déductibilité de ces montants qui est en litige dans le présent appel.
Les engagements de travail
M. Cork habitait la ville de Toronto dans les années en question, et il a travaillé à divers endroits pour des périodes différentes, tant à l'inté- rieur qu'à l'extérieur de la communauté urbaine. Il a obtenu la plupart de ses engagements par l'entre- mise des agences de placement aux services des- quelles il recourait. La durée de chaque engage ment variait entre 30 et 157 jours. C'est M. Cork qui a lui-même pris des dispositions pour obtenir trois engagements de un jour, de 30 et de 47 jours respectivement.
Voici la procédure d'obtention des engagements par l'entremise d'une agence de placement. L'agence exigeait de M. Cork qu'il donne des renseignements sur ses qualifications et sa disponi-
bilité. Après avoir sollicité des clients, l'agence informait M. Cork du travail correspondant à ses qualifications et du moment de la disponibilité de ce travail. On lui disait de s'adresser au client aux fins d'approbation, après quoi un contrat était conclu entre lui et l'agence relativement à la rému- nération horaire à payer par l'agence. À son tour, l'agence passait avec le client un contrat portant sur la rémunération horaire comprenant une majo- ration pour la fourniture des dessins.
M. Cork avait pour habitude d'apporter à un lieu de travail un sac, une serviette et des articles tels que des crayons spéciaux, des équerres, gommes et des instruments permettant de faire des cercles et des lignes droites, et il s'en sert pour travailler sur une planche à dessin. D'autres maté- riaux étaient fournis sur place. Le travail s'effec- tuait à l'heure, y compris le surtemps. M. Cork consignait ses heures sur des feuilles de présence fournies par l'agence, et celles-ci sont signées par un ingénieur du client. Ces documents lui permet- taient de préparer, à la fin de chaque semaine de travail, une facture montrant le nombre d'heures travaillées au cours de la semaine et le taux de rémunération convenu. La facture était envoyée à l'agence aux fins de paiement.
Utilisation du domicile du contribuable
Au cours des années d'imposition en cause, M. Cork utilisait une des chambres à coucher de sa résidence comme bureau. Il y avait un bureau et une chaise, une lampe et une machine à écrire, un classeur et une planche à dessin. C'est qu'il préparait les factures, mettait à jour son curricu lum vitae, tapait les lettres destinées aux employeurs éventuels, effectuait ses calculs et pré- parait des croquis relativement à l'engagement en cours. Il s'en servait également pour remplir les formules d'impôt sur le revenu ainsi que pour être au courant des dépenses et payer les factures hydro-électriques et médicales. Pour ce qui est de la planche à dessin dans cette chambre, il l'utilisait surtout pour concevoir un hors-bord à ses propres heures, au cours des soirées et les samedis.
Les dépenses réclamées
En calculant son revenu qu'il a gagné au cours des années d'imposition en cause en tant que dessi- nateur industriel indépendant, M. Cork a réclamé les sommes suivantes à titre de déduction:
1974 1975 1976
Frais de comptabilité et
frais judiciaires 130,00 $ 100,00 $ 125,00 $
Frais d'automobile* 1 078,97 970,13 2 092,24 Taxes d'affaires, droits et
permis 25,00 «néant» «néant» Assurance-incendie et
responsabilité* 33,00 33,00 33,00
Intérêts et frais bancaires 2,00 6,00 «néant»
Timbres et papeterie 87,50 122,15 75,79
Loyer* (2/6 du loyer total
payé) 1 169,22 1 180,00 1 274,40 Téléphone (partie imputable
à l'entreprise) 99,12 141,85 200,13
Abonnements 26,00 «néant» «néant» Déduction pour amortisse-
ment «néant» 400,00 1341,15 Frais de déplacement (sauf
automobile) «néant» «néant» 1 114,03
2 650,81 $2 953,13 $6 255,74 $ *articles faisant l'objet de l'appel
La plus grande partie des frais d'automobile récla- més portait sur les déplacements en auto à destina
tion et en provenance des lieux de travail. Les dispositions législatives
Que les dépenses litigieuses soient déductibles dans le calcul du revenu de M. Cork pour les années d'imposition en question dépend de la vraie interprétation des alinéas 18(1)a) et h) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148, modifiée par S.C. 1970-71-72, chap. 63 (la «Loi»). Ces alinéas sont ainsi rédigés:
18. (1) Dans le calcul du revenu du contribuable, tiré d'une entreprise ou d'un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles:
a) un débours ou une dépense sauf dans la mesure elle a été faite ou engagée par le contribuable en vue de tirer un revenu des biens ou de l'entreprise ou de faire produire un revenu aux biens ou à l'entreprise;
h) le montant des frais personnels ou frais de subsistance du contribuable, sauf les frais de déplacement (y compris la somme intégrale dépensée pour les repas et le logement) engagés par le contribuable alors qu'il était absent de chez lui, dans le cadre de l'exploitation de son entreprise;
Le jugement de première instance
Le juge de première instance a conclu que les dépenses étaient déductibles et, en le faisant, il a tiré les conclusions de fait suivantes':
Alap.481.
La preuve démontre de façon satisfaisante que le défendeur avait besoin d'un bureau ou d'un lieu d'où il pouvait effectuer ses activités. Le plus souvent, c'est par l'entremise d'agences de placement qu'il obtenait les engagements aux termes desquels il fournissait ses services de dessinateur. N'étant pas doué de seconde vue quant à ses possibilités d'obtenir d'autres contrats, il écrivait directement aux employeurs éventuels et tapait les lettres dans son bureau. C'est qu'il mettait à jour son curriculum vitae; il l'a fait à trois reprises en 1974, quatre fois en 1975 et trois fois en 1976. En 1974-1975, il a téléphoné à plusieurs reprises à diverses agences de placement. (Il a décidé de ne pas faire installer de ligne supplémentaire entre son salon et son bureau, uniquement pour éviter les frais que cela entraî- nait.) Dans son bureau, le défendeur avait un bureau, un fauteuil, une machine à écrire, une lampe, un classeur, des formules de facture et du papier à en-tête, de même qu'une petite planche à dessin. Il y conservait également ses instru ments de dessin. Par ailleurs, étant donné que les délais étaient de rigueur dans son travail, il se servait de son bureau pour effectuer des calculs et préparer des croquis pour le lendemain. Le bureau du défendeur était ce que le maître des rôles Denning a appelé, dans l'arrêt Horton v Young, [1971] 3 All ER 412, le «locus in quo» à partir duquel le défendeur exerçait ses activités commerciales vers les différents endroits il devait effectuer son travail.
Les frais prévus à l'alinéa 18(1)h)
Tout d'abord, je vais aborder la question de la déductibilité des frais de déplacement. L'avocat de l'appelante soutient que ces frais ne devraient pas être accordés puisqu'ils ne rentrent dans aucune des catégories de frais dont on a reconnu qu'elles sont déductibles: a) lorsque le déplacement lui- même est un service pour lequel les clients du contribuable sont tenus de payer, comme ce serait le cas d'un ouvrier d'entretien d'appareils à domi cile; b) lorsque le contribuable fait son travail productif de revenu à domicile mais il en sort pour prendre l'ouvrage; c) lorsque le contribuable tra- vaille loin de chez lui, mais fait une grande partie du travail administratif à la maison et que ce travail fait partie intégrante du processus d'obten- tion d'un revenu quant à la nature et à la quantité (l'arrêt Cumming, Ronald K. v. Minister of National Revenue, [1968] 1 R.C.É. C.R. 425; (1967), 67 DTC 5312 a été cité pour étayer cette idée); d) lorsque le contribuable travaille principa- lement loin de chez lui, mais il doit y retourner pour savoir il va travailler le jour suivant (l'arrêt Horton v Young (Inspector of Taxes), [1971] 3 All ER 412 (C.A.) a été cité pour étayer cette idée).
L'avocat de l'appelante soutient généralement que le métier ou la profession d'un contribuable est
exercé à l'endroit il est exercé réellement et que, en l'espèce, M. Cork n'a pas exercé son métier ou sa profession de dessinateur dans la chambre de sa maison, mais il ne le faisait que lorsqu'il arrivait aux locaux du client de l'agence de placement. Il s'appuie sur l'arrêt Newsom v. Robertson (Inspec- tor of Taxes), [1952] 2 All E.R. 728 (C.A.), pour prétendre que le trajet entre le domicile et le travail et le retour ne constituent pas un déplace- ment «alors qu'il était absent de chez lui, dans le cadre de l'exploitation de son entreprise» au sens de l'alinéa 18(1)h). L'avocat prétend également qu'il est nécessaire dans chaque cas d'examiner la nature et la fin véritables du déplacement effectué par le contribuable en répondant à la question: le fait de se rendre de chez soi au lieu de travail constituait-il un déplacement au titre du chez soi ou au titre du lieu de travail; la même question se pose pour le retour chez soi en provenance du lieu de travail à la fin de la journée. L'appelante fait valoir que la réponse en l'espèce est que le déplace- ment en provenance et à destination de chez soi était effectué au titre du chez soi et non au titre du lieu de travail.
L'avocat de l'intimé affirme que l'espèce est régie par les affaires Cumming et Horton. Je constate toutefois que les faits de l'affaire Cum ming sont réellement différents. Ils sont ainsi résu- més dans le sommaire [du DTC à la page 5312]:
[TRADUC. TON] L'appelant était un médecin exerçant uni- quement sa spécialité qui était l'anesthésie. Tous ses services professionnels étaient rendus dans un hôpital civique donné et tout le travail administratif relatif à l'exercice de sa profession s'effectuait chez lui. Il ne recevait aucune rémunération de l'hôpital et son revenu provenait de paiements que ses patients lui effectuaient directement. Pour les années 1962 et 1963, il a réclamé des déductions de 1 454 $ et de 1 002 $ respectivement. Ces sommes correspondaient aux dépenses d'exploitation et à l'allocation de coût en capital relatives à l'automobile, et elles représentaient 90 pour cent des frais totaux engagés pour l'entretenir et pour la faire fonctionner. Lorsque le ministre a rejeté la totalité de la somme réclamée à titre d'allocation de coût en capital et n'a autorisé, sur le montant réclamé au titre des dépenses d'exploitation, que la déduction d'une somme de 100 $, le présent appel a été interjeté devant la Cour de l'Échiquier.
Jugement: L'appel est en partie accueilli sur tous les deux points. Il est reconnu au débat que l'appelant a exercé une partie de sa profession chez lui, que la nature de l'entreprise était telle que la comptabilité et les activités financières devaient s'effectuer à un endroit différent de celui les patients étaient traités, et qu'il n'existait à l'hôpital aucun endroit il aurait pu exercer une partie de son entreprise. Puisque le domicile de l'appelant était l'endroit il exerçait sa
profession, les frais de déplacement à destination et en prove nance de l'hôpital engagés pour rendre service ont été engagés pour tirer un revenu de sa profession. Toutes ces dépenses correspondent à l'exception de l'alinéa 12(1)a) et sont à bon droit déductibles; aucune d'entre elles ne peut être qualifiée de frais personnels ou de frais de subsistance au sens de l'interdic- tion prévue à l'alinéa 12(1)h) comme l'a prétendu le ministre 2 .
Il me semble que les faits de l'affaire Horton ressemblent bien davantage à ceux de l'espèce. Le contribuable était «un travailleur seulement» don- nant des sous-contrats à un maçon en briques qui était engagé par un entrepreneur. Il vivait dans sa maison sise au 2 Penshurst Close, Eastbourne, il gardait les outils et les livres de son métier. Avant la conclusion de chaque contrat, l'entrepre- neur rencontrait le contribuable à la résidence de celui-ci les deux convenaient du lieu le travail devait s'effectuer et du taux qui devait être payé. Le contribuable était le chef d'un petit groupe de maçons en briques. Il prenait les autres dans sa voiture pour les transporter aux chantiers et les ramener. Il y avait lieu pour la Cour d'appel de trancher la question de savoir si le contribuable était en droit de déduire ses frais de déplacement en vertu de l'alinéa 137a) de la Income Tax Act, 1952 [15 & 16 Geo. 6, chap. 10] (R.-U.) qui prévoyait qu'aucune somme ne pourrait être déduite à l'égard de [TRADUCTION] «tous débours ou toutes dépenses qui ne sont pas entièrement et exclusivement engagés aux fins du métier ou de la profession». Ce langage semble, s'il en est, quelque peu plus strict que celui de l'alinéa 18(1)h).
Chacun des juges qui ont connu de l'appel a motivé la conclusion que les dépenses avaient à juste titre été déduites. Aux pages 414 et 415, lord Denning, M.R., s'est prononcé en ces termes:
[TRADUCTION] Je préfère me fonder sur les décisions rendues dans des affaires réelles. Examinons l'arrêt Newsom y Robert- son (Inspector of Taxes) ([1952] 2 All ER 728; [1953] Ch 7). M. Newsom était avocat et vivait à Whipsnade. Il se déplaçait chaque jour pour aller travailler dans son cabinet à Lincoln's Inn. Il a été décidé que Newsom ne pouvait déduire les frais de déplacement de Whipsnade à son cabinet de Londres. La raison en était que sa base d'exploitation était son cabinet à Old Square de Londres.
L'espèce est très différente. La base d'exploitation de M. Horton était Eastbourne. Il réclame ses frais de déplacement qu'il a engagés pour se rendre à cette base et pour en revenir. J'estime qu'il est en droit de les déduire. Dans sa réponse, l'avocat de la Couronne a habilement exprimé son point de vue.
2 Les alinéas 12(1)a) et h) de S.R.C. 1952, chap. 148 corres pondent aux alinéas 18(1)a) et h) de S.C. 1970-71-72, chap. 63.
Il a dit: «Si le locus in quo de la profession était Eastbourne et s'il exerçait son métier vraiment à partir d'Easbourne comme centre, j'admets que les frais de déplacement seraient déducti- bles». Mais l'avocat a ajouté en insistant sur le fait que le locus in quo du métier du contribuable n'était pas Eastbourne ni une maison d'Eastbourne, mais qu'il s'agissait d'une base variant d'un chantier à un autre, et que, à cet égard, les seuls frais qui pussent être déduits étaient les frais de déplacement entre les chantiers. Je ne pense pas que ce soit le point de vue qu'il faut retenir. D'après la conclusion des commissaires, il n'existe qu'une seule conclusion raisonnable à tirer des faits premiers, savoir que la maison de M. Horton à Eastbourne était le locus in quo du métier, qui servait de centre d'activités. À partir de là, il se rendait aux chantiers environnants il devait effectuer son travail.
Au cours du débat, nous avons discuté du cas de quelqu'un qui est en tournée, en l'occurrence de l'avocat qui a son domicile près de Londres, mais qui passe la plus grande partie de son temps à effectuer des tournées. Il ne se trouve guère dans son logement de Londres. Il téléphone probablement tous les jours, mais il s'y trouve rarement. Le locus in quo de son métier ou de sa profession qui servait de centre d'activités est sa maison. Je suis ravi de savoir que les frais de déplacement qu'il a engagés pour se rendre de sa maison à la circonscription de tournée et en revenir sont accordés par Revenue. On dit qu'il s'agit d'une concession. Mais j'estime que c'est plus que cela. Il tient de la loi le droit de déduire ces frais; la raison en est qu'ils sont entièrement et exclusivement engagés aux fins de sa profession.
Si les commissaires avaient raison, cela conduirait à quelques résultats absurdes. À supposer que M. Horton avait un travail dans un chantier qui se trouvait à 200 verges de chez lui et un autre à Reigate qui se trouvait à 45 milles de son domicile. Tout ce qu'il devait faire serait de prendre cinq minutes pour se rendre au chantier près de chez lui et il se ferait rembourser les frais qu'il a engagés pour se rendre à Reigate et en revenir. Je vois bien ;u'il pourrait arranger ses affaires de manière à ce que, tous le: matins, il se rend à un chantier près de la maison. Au lieu de parvenir à cette absurdité, il vaux mieux décider que les frais qu'il a engagés pour se rendre à sa maison et pour repartir de chez lui sont tous déductibles.
À la page 415, le lord juge Salmon a commençé ses motifs de jugement de cette façon:
[TRADUCTION] J'en conviens. Si une chose est claire, c'est qu'un homme qui exerce son métier de sous-entrepreneur en maçonnerie en briques ne saurait se passer de conclure des sous-contrats. Il ressort de l'affaire que le contribuable a négo- cié et conclu tous ses sous-contrats au 2 Penshurst Close, Eastbourne. L'entrepreneur principal, qui, autant que nous sachions, était le seul à donner du travail de sous-traitance au contribuable, était un certain monsieur Page qui vivait à East- bourne. Il se rendait au 2 Penshurst Close pour négocier et accorder les sous-contrats. Une autre chose est évidente, c'est que le contribuable ne pouvait exercer ses activités sans les instruments de son métier. L'endroit il gardait ceux-ci était 2 Penshurst Close. De même, il lui était nécessaire de tenir une comptabilité, plutôt rudimentaire, de son métier; et c'est au 2 Penshurst Close qu'il le faisait; le travail de bureau que son entreprise entraînait s'effectuait également au 2 Penshurst Close. Les vrais chantiers il posait des briques se trouvaient
dans un rayon d'environ 50 milles autour d'Eastbourne. J'es- time que la seule conclusion appropriée qu'il faut tirer en l'espèce est que la base à partir de laquelle le contribubale exerçait ses activités était 2 Penshurst Close. Qu'il se trouve également que c'est son domicile n'en fait pas moins sa base d'affaires.
Et, en dernier lieu, le lord juge Stamp s'est exprimé en ces termes à la page 416:
[TRADUCTION] Le contribuable exerçait ses activités en tant que sous-entrepreneur. Il effectuait le travail aux différents endroits auxquels l'entrepreneur l'engageait pour le faire. Mais je ne souscris pas à l'argument selon lequel l'endroit ou les endroits un sous-entrepreneur exécute le travail qu'il s'en- gage par contrat à exécuter est sa place d'affaires ou sont ses places d'affaires. En tant que sous-entrepreneur, le contribuable à l'instance, qui n'avait aucun lieu que l'on pourrait appeler sa place d'affaires à l'exception de son domicile, s'engageait à exécuter des sous-contrats, et il le faisait à sa maison il gardait ses instruments et certains objets nécessaires à son métier. Dans le cas normal d'un sous-entrepreneur, les dépenses qu'il engage pour se rendre du lieu il exerce ses activités en tant que sous-entrepreneur aux différents endroits il exécute les contrats qu'il conclut seraient à l'évidence les frais qui ne sont pas visés par l'article 137. Je ne vois aucune différence si le centre de ses activités est en réalité son domicile qui èst le seul endroit on le trouve, en sa qualité de sous-entrepreneur; et si on constate qu'un homme exerce ses activités chez lui, conclut des contrats chez lui et exécute les contrats loin de chez lui, il me semble que le centre de ses activités doit être considéré comme son domicile et ne se trouve pas aux nombreux endroits il effectue son travail. Certes, sa particulière entreprise était une très petite entreprise exigeant un petit équipement de bureau et nécessitant sans doute seulement très peu d'instru- ments; mais cela ne saurait, à mon sens, influer sur la question. Du moment qu'on accepte l'idée qu'il exerçait, selon les conclu sions des commissaires, les activités d'un maçon en briques qui donnait des sous-contrats, et l'idée fondamentale en l'espèce qu'il exerçait ces activités, peu importe, à mon avis, qu'il s'agisse de ce qu'on pourrait appeler une petite entreprise.
Ainsi qu'on peut le constater, l'arrêt Horton impliquait davantage que le fait pour le contribua- ble de retourner à la maison à la fin de sa journée de travail pour connaître l'endroit il travaille- rait le jour suivant, comme le prétend l'appelante. Il est vrai qu'il concluait des contrats à sa maison, mais c'était également l'endroit il gardait les instruments et les livres de son métier, et c'est de qu'il se rendait aux chantiers convenus selon les contrats. Les frais de déplacement ont été jugés déductibles en dépit de la loi exigeant qu'ils soient «entièrement et exclusivement» engagés aux fins du métier.
En l'espèce, le juge de première instance a conclu de la preuve que M. Cork se servait de sa maison comme base d'exploitation pour son entre-
prise de dessins. J'estime qu'il y a beaucoup à dire de la justesse de ce point de vue. M. Cork s'était manifestement établi chez lui pour exercer ses activités. Je n'ai pas à énumérer les constatations du juge de première instance sur ce point. Il en ressort que les activités commerciales de M. Cork s'exerçaient chez lui. Qu'il ait pris des dispositions pour obtenir le travail directement ou par l'entre- mise d'une agence de placement, il le faisait à partir de chez lui on pouvait le trouver. Il se servait de sa maison comme base ou point central pour cette fin ainsi que pour l'exécution de son travail dans le domaine. J'estime que toutes ces constatations reposent sur la preuve et qu'il n'y a donc pas lieu de les modifier. Certes, cette Cour peut tirer ses propres conclusions des faits prouvés établis selon la déposition d'un témoin dont la crédibilité n'est pas mise en question (Lessard c. Paquin et autres, [1975] 1 R.C.S. 665; La Reine c Gurd's Products Co Ltd, [1985] 2 CTC 85 (C.A.F.), je ne suis pas persuadé qu'il y ait lieu en l'espèce de le faire. Je suis d'accord avec la conclu sion tirée par le juge de première instance selon laquelle la maison était la base d'exploitation de M. Cork.
Je ne saurais souscrire à l'argument de l'appe- lante selon lequel le déplacement de M. Cork entre domicile et lieu de travail et le retour constituaient un déplacement au titre du chez soi plutôt qu'au titre du lieu de travail. C'est à juste titre que le juge de première instance a conclu des faits prou- vés que le bureau dans la maison était utilisé par M. Cork comme une base de ses activités. Il s'ensuit, bien entendu, que le déplacement en pro venance et à destination de chez soi était effectué au titre du lieu de travail et non au titre du chez soi. La réponse à la question posée au débat par l'avocat de l'appelante va, bien entendu, dépendre des circonstances. Je suis certain que le déplace- ment effectué par M. Cork en provenance et à destination de chez lui était un déplacement au titre du lieu de travail dans les circonstances de l'espèce. Il a engagé les frais de déplacement alors qu'il était absent de chez lui, dans le cadre de l'exploitation de son entreprise.
Les frais prévus à l'alinéa 18(1)a)
Au cours de l'argumentation de l'avocat de l'in- timé, la Cour a fait savoir qu'il n'y avait pas lieu d'aborder la question de la déductibilité du loyer et
des dépenses en assurance, la Cour convenant avec le juge de première instance que, pour les motifs qu'il a invoqués, ces dépenses étaient déductibles en vertu de l'alinéa 18(1)a) de la Loi.
Par ces motifs, je rejetterais l'appel avec dépens.
LE JUGE HEALD, J.C.A.: Je souscris aux motifs ci-dessus.
LE JUGE MARCEAU, J.C.A.: Je souscris aux motifs ci-dessus.
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