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T-.522-84
Nick Ternette (requérant)
c.
Le solliciteur général du Canada (intimé)
et
Le Commissaire à la protection de la vie privée (intervenant)
RÉPERTORIÉ' TERNE7TE C. CANADA (SOLLICITEUR GÉNÉRAL) (Ire INST.)
Section de première instance, juge MacKay—Ottawa, 4 septembre 1990 et 22 novembre 1991.
Protection des renseignements personnels Recours exercé en vertu de l'art. 41 de la Loi .sur la protection des renseigne- ments personnels en vue de faire examiner le refus de commu nication de renseignements personnels lié à l'art. 21 (divulga- tion portant préjudice à la défense et aux affaires internationales) La GRC et le Commissaire à la protection de la vie privée n'ont ni confirmé ni nié l'existence de dossiers personnels Question de savoir si l'audience doit avoir lieu en partie en public et en partie à huis clos malgré l'art. 51 (recours faisant l'objet d'une audience à huis clos en l'absence d'une autre partie) L'art. 49 empêche la Cour d'intervenir à moins qu'elle ne conclue que le responsable de l'institution n'avait pas de motifs raisonnables de refuser de communiquer des renseignements personnels Critères que la Cour doit appliquer dans un examen fondé sur l'art. 51 Compte tenu des explications détaillées qui ont été données au sujet du pré- judice particulier que la communication risquait vraisembla- blement de porter, la Cour n'a pas pu conclure que l'intimé n'avait pas de motifs raisonnables de refuser de communiquer les renseignements L'art. 8 empêche la communication de renseignements concernant des tiers .sans leur consentement Le requérant n'a pas le droit d'obtenir des renseignements qui ne le concernent pas en vertu de l'art. 12 Comparaison entre le râle des tribunaux américains, lorsqu'ils révisent des demandes de communication de renseignements, et celui de la Cour fédérale en vertu de l'art. 49 Dans le contexte cana- dien, il n'est pas opportun d'exiger un répertoire du genre «répertoire Vaughn.. normalement exigé aux États-Unis (liste indiquant la nature des renseignements refusés ainsi que le motif, fondé sur une exception établie par la loi) Une déci- sion fondée sur l'art. 49 n'est pas susceptible de donner lieu à un témoignage d'expert Les dépens sont adjugés au requé- rant bien que celui-ci n'ait pas eu gain de couse, étant donné qu'il a soulevé un nouveau principe important au sens de l'art. 52.
Il s'agissait d'un recours exercé en vertu de l'article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels en vue de l'examen du refus de communication de renseignements per-
sonnets en vertu de l'article 21, soit que la divulgation risque- rait vraisemblablement de porter préjudice aux efforts du Canada en vue de la détection, de la prévention ou de la sup pression d'activités hostiles ou subversives au sens du para- graphe 15(2) de la Loi sur l'accès à l'information, notamment les renseignements visés aux alinéas 15(1)a) à i). En 1983, la GRC a rejeté la demande que le requérant avait présentée en vertu de l'article 12 en vue d'obtenir communication des ren- seignements personnels conservés à son sujet, pour le motif que les Dossiers du Service de sécurité avaient été déclarés inconsultables par le gouverneur en conseil en vertu de l'ar- ticle 18, et a en outre refusé de confirmer si, oui ou non, elle conservait des renseignements le concernant. (Il a par la suite été reconnu que le décret était invalide, mais le refus fondé sur l'article 21 a été maintenu.) Le Commissaire à la protection de la vie privée a conclu que la GRC avait agi conformément à la loi et a également refusé de confirmer ou de nier l'existence de dossiers personnels. Le requérant a déposé cette demande de révision en 1984. Certains renseignements ont été divulgués en 1987 la suite d'un aveu public fait par inadvertance, à savoir que des renseignements concernant le requérant étaient de fait conservés. Pendant les quelques années qui ont suivi, des docu ments additionnels ont été communiqués en totalité ou en par- tie.
L'audience a commencé en public malgré le para- graphe 51(2), qui prévoit la tenue d'une audience à huis clos, lorsque le refus de communiquer des renseignements person- nels est lié à l'article 21, le responsable de l'institution fédérale concernée ayant la possibilité de présenter des arguments dans le cadre de cette audience en l'absence de l'autre partie. L'in- timé a déposé l'affidavit public d'un cadre supérieur du SCRS (qui était devenu responsable des dossiers en 1984) indiquant les faits généraux et les caractéristiques des renseignements ainsi que les critères dont il faudrait tenir compte pour que les renseignements soient inconsultables en vertu de l'article 21. Un affidavit supplémentaire secret expliquant le préjudice par- ticulier et les efforts de détection d'activités subversives a été produit. Tous les renseignements non communiqués ont été joints à titre de pièces avec des notes indiquant le préjudice en cause. La Cour a examiné l'affidavit secret et certains docu ments (d'autres documents ont par la suite été examinés dans le cabinet du juge) à huis clos et en l'absence du requérant, mais en présence des avocats de l'intimé et du Commissaire à la protection de la vie privée, de l'auteur de l'affidavit supplé- mentaire secret présenté à titre de document confidentiel, d'un adjoint de l'affiant, qui étaient tous deux fonctionnaires du SCRS, et du greffier de la Cour. Les renseignements concer- nant le requérant qui ont été versés au dossier se rapportaient non seulement à celui-ci, mais aussi à d'autres groupes et indi- vidus.
Le requérant a soutenu que la Cour était tenue de veiller à ce que la procédure soit la plus équitable possible. Il a souligné l'objet de la Loi sur la protection des renseignements person- nels, qui est d'assurer l'accès aux renseignements personnels conservés par le gouvernement, et a cité des arrêts dans les- quels il avait été jugé que les exceptions devaient être stricte- ment interprétées compte tenu de cet objet. Il a souligné le manque d'équité intrinsèque de la procédure et le fait qu'elle
ne fournit pas l'élément nécessaire en vue d'une procédure contradictoire, étant donné qu'il n'avait pas accès aux rensei- gnements refusés. On a donc refusé de lui communiquer les faits sur lesquels ses observations pourraient être directement fondées. Le requérant a soutenu que la Cour devrait se fonder sur le principe selon lequel on doit ordonner au responsable de l'institution fédérale qui refuse de communiquer les renseigne- ments de fournir un «répertoire Vaughn», pratique suivie dans les affaires américaines, il faut préparer une liste indiquant la nature de tout renseignement refusé et le motif du refus, fondé sur des exceptions légales particulières.
L'intimé a soutenu que l'auteur de l'affidavit déposé pour son compte devrait être considéré comme un expert dans le domaine des opérations de police, du service de sécurité et des enquêtes sur les activités subversives et que les opinions expri- mées par celui-ci au sujet de la question de savoir si la commu nication des renseignements risquait de porter préjudice devraient être respectées.
Il s'agissait de savoir (1) quels critères la Cour doit appli- quer dans un examen visé par l'article 51 et (2) quelles sont les procédures et communications permettant de déterminer les droits du requérant de la façon la plus équitable possible.
Jugement: la demande devrait être rejetée.
L'audience a commencé en public compte tenu du principe selon lequel les procédures de la Cour ont lieu en public à moins qu'il n'existe un motif particulier justifiant exception- nellement une audience à huis clos ou en l'absence d'une par- tie. Pareil motif découle des paragraphes 51(2) et (3). Cette disposition est destinée à protéger les intérêts public et privé. La Cour irait à l'encontre de la tradition de notre régime judi- ciaire et des Règles de la Cour ,fédérale en ordonnant de son propre chef que l'audience au complet soit tenue à huis clos si la chose n'était pas nécessaire en vue de la protection de ces intérêts.
En plus de la considération primordiale, à savoir la norme de preuve requise en vertu de l'article 49, qui empêche la Cour d'intervenir à moins qu'«elle ne conclue que le responsable de l'institution n'avait pas de motifs raisonnables de refuser de communiquer des renseignements personnels», les critères sui- vants ont été pris en considération pendant l'examen des docu ments non communiqués effectué à huis clos, en l'absence du requérant: (1) la mention, à l'article 21, des «activités hostiles ou subversives» n'est pas limitée à la définition figurant au paragraphe 15(2) de la Loi sur l'accès à l'information, mais inclut par renvoi le paragraphe 15(1), qui amplifie le sens du paragraphe 15(2); (2) le préjudice en cause est celui qui ris- quait d'être porté au moment de la présentation de la demande de renseignements; (3) le critère du préjudice devrait s'appli- quer conformément aux lignes directrices établies par le Con- seil du Trésor à l'intention des institutions fédérales qui traitent les demandes fondées sur la Loi sur la protection des rensei- gnements personnels; (4) il n'est peut-être pas légitime de se préoccuper de la confidentialité d'une source si cette dernière ne s'attendait pas à garder l'anonymat; (5) la confidentialité des sources techniques de renseignements ne devrait peut-être pas s'étendre aux mesures techniques normales; (6) le simple
passage du temps ne sert pas de norme permettant d'évaluer le préjudice possible porté aux intérêts du SCRS; (7) il est oppor- tun de séparer les renseignements et de communiquer ceux à l'égard desquels aucune exception n'est invoquée; (8) il n'in- combe pas à la Cour d'examiner le processus décisionnel du SCRS; (9) considérer la possibilité de porter préjudice aux liens internationaux du SCRS; (10) considérer la possibilité de porter un préjudice peut-être plus grave que celui qui pourrait être perçu si l'on examinait un renseignement isolé sans savoir comment celui-ci pourrait être joint à d'autres renseignements de façon à former une mosaïque importante pour ceux qui cherchent à obtenir des renseignements liés aux opérations du SCRS; et (1 l) le passage du temps ne diminue pas nécessaire- ment le risque vraisemblable de préjudice porté par la commu nication des renseignements.
Compte tenu des mentions détaillées du préjudice particulier qui risquerait vraisemblablement d'être porté par suite de la communication visée par l'article 21, la Cour n'a pas pu con- clure que l'intimé n'avait pas de motifs raisonnables de refuser de communiquer les renseignements concernant le requérant. Implicitement, l'intimé avait des motifs raisonnables de refuser de communiquer les renseignements demandés. En vertu de l'article 8, l'intimé était tenu de ne pas communiquer les ren- seignements concernant d'autres individus sans leur consente- ment. Le requérant n'avait pas le droit de se faire communi- quer les renseignements qui ne le concernaient pas, en vertu de l'article 12. De plus, il n'existait aucun fondement permettant de conclure que l'intimé n'avait pas de motifs raisonnables, en vertu de l'article 21, de refuser de communiquer les renseigne- ments ne concernant pas le requérant.
En l'espèce, il incombe à la Cour de déterminer si le motif du refus de communication est raisonnable. Il ne s'agit pas du genre de décision dans laquelle le statut d'expert d'un témoin peut ajouter aux explications et au témoignage de celui-ci, fondés sur son expérience, quelque élément qui puisse mériter d'être cru et être par conséquent convaincant.
En ce qui concerne l'équité procédurale, la Cour ne devrait pas ordonner qu'un «répertoire Vaughn» ou autre compte rendu sommaire des renseignements refusés, avec motifs à l'appui, soit fourni au requérant à ce stade de l'évolution de l'examen de la Loi sur la protection des renseignements per- sonnels. Les tribunaux américains qui traitent les demandes de révision du refus de communiquer des renseignements rendent une décision de novo au sujet du motif du refus, et non une décision au sujet de la question de savoir si le refus est fondé sur des motifs raisonnables, comme c'est le cas en vertu de l'article 49 de la Loi sur la protection des renseignements per- sonnels. L'identification du préjudice possible, dans l'affidavit supplémentaire confidentiel, allait au-delà de l'exigence d'un simple répertoire et a permis à la Cour d'effectuer un examen rapide et approfondi. Le développement d'une procédure qui étaie le droit d'accès aux renseignements personnels conservés par les institutions fédérales peut être mieux envisagé et éla- boré dans un contexte plus général que celui qui existe dans un cas particulier.
Le requérant s'est vu adjuger les dépens conformément à l'article 52, qui prévoit que dans les cas la Cour estime que
le recours a soulevé un principe important et nouveau quant à la Loi, elle adjuge les dépens au requérant même s'il n'a pas gain de cause. Il s'agissait d'une des premières demandes à être tranchées en vertu de la Loi sur la protection des rensei- gnements personnels; elle comportait la tâche épineuse et diffi- cile d'établir l'équilibre entre le droit que possède l'individu de savoir quels renseignements le gouvernement conserve à son sujet et l'intérêt public du Canada dans la sécurité de l'État. Cette demande a donné au Commissaire à la protection de la vie privée et au SCRS une possibilité importante de raffiner leurs façons respectives d'aborder la question des droits que possède un individu en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, chap. 44 [L.R.C. (1985), appendice III], art. 2.
Freedom of Information Act, 5 USCS § 552.
Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), chap. A-1, art. 15.
Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), chap. P-21, art. 2, 8, 10, 11, 12, 16, 18, 21, 22, 26, 38, 39, 41, 46, 47, 48, 49, 51, 52, 60, 72, 75.
Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. (1985), chap. C-23, art. 2, 12, 18.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Zanganeh c. Canada (Service canadien du renseignement de sécurité), [1989] 1 C.F. 244; (1988), 50 D.L.R. (4th) 747; 20 F.T.R. 100 (Ire inst.); Russell c. Service canadien du renseignement de sécurité (1990), 31 C.P.R. (3d) 184; 35 F.T.R. 315 (C.F. Ire inst.); CIA v Sims, 471 US 159; 85 L Ed 2d 173 (1985).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Ternette c. Solliciteur général du Canada, [1984] 2 C.F. 486; (1984), 10 D.L.R. (4th) 587; [1984] 5 W.W.R. 612; 32 Alta. L.R. (2d) 310; 9 Admin. L.R. 24 (lfe inst.); Mine- matsu c. Canada (Gendarmerie royale du Canada), T-1698-87, juge en chef adjoint Jerome, ordonnance en date du 24-2-88 (aucun motif), C.F. Ire inst., non publié; Vienneau c. Canada (Solliciteur général), [1988] 3 C.F. 336; (1988), 24 C.P.R. (3d) 104 (lfe inst.); Vaughn v. Rosen, 484 F.2d 820 (D.C. Cir. 1973); Ray v. Turner, 587 F.2d 1187 (D.C. Cir. 1978); Founding Church of Sciento- logy of - Washington, D.C., Inc. v. Bell, 603 F.2d 945 (D.C. Cir. 1979).
DÉCISIONS CITÉES:
Reyes c. Secrétariat d'État (1984), 9 Admin. L.R. 296 (C.F. I 10 inst.); Davidson c. Canada (Procureur général), [1989] 2 C.F. 341; (1989), 36 Admin. L.R. 251; 47 C.C.C. (3d) 104; 24 C.P.R. (3d) 129; 98 N.R. 126 (C.A.); Muller c. Canada (Ministre des Communications),
A-30-89, juge Mahoney, J.C.A., jugement en date du 12- 10-89, C.A.F., non publié.
DOCTRINE
Canada. Conseil du Trésor. Lignes directrices provisoires: Loi sur l'accès à l'information et Loi sur la protection des renseignements personnels, Approvisionnements et Services Canada, 1983.
Canada. Commission d'enquête sur certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada, deuxième rapport, vol. L La liberté et la sécurité devant la loi, Ottawa: Approvisionnements et Services Canada, août 1981.
AVOCATS:
Sheldon M. Chumir pour le requérant. Barbara A. Mclsaac, c.r., pour l'intimé. Gordon F. Henderson, c. r., pour l'intervenant.
PROCUREURS:
Sheldon M. Chumir, Calgary, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'in- timé.
Gowling, Strathy & Henderson, Ottawa, pour I'intervenant.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MACKAY: Il s'agit d'un recours exercé conformément à l'article 41, sous réserve des disposi tions de l'article 51 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), chap. P 21. Deux questions se posent lorsque, comme c'est ici le cas, il est déclaré que le refus de communiquer les renseignements personnels demandés en vertu de la Loi est fondé sur le fait que la divulgation risque- rait vraisemblablement de porter préjudice aux efforts déployés par le Canada en vue de la détection, de la prévention ou de la répression d'activités hostiles ou subversives en vertu de l'article 21 de la Loi. Le recours soulève donc des questions importantes au sujet de l'équilibre qu'il convient d'établir entre le droit que possède un individu, en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, de savoir quels renseignements le gouvernement con serve à son sujet et l'intérêt public, qui exige que ces renseignements ne soient pas divulgués, et même par- fois que leur existence ne soit pas divulguée, et ce, en vue de protéger l'État et ses institutions contre les
activités hostiles ou subversives.
La première question porte sur les critères que la Cour doit appliquer lorsqu'elle examine les rensei- gnements refusés en vertu de l'article 51. La seconde question, soulevée par le requérant, porte sur les [TRADUCTION] «procédures et communications per- mettant de déterminer les droits du requérant de la façon la plus équitable possible».
Les circonstances qui ont donné lieu à l'examen de l'affaire sont quelque peu inhabituelles. Elles méri- tent d'être brièvement passées en revue de façon que certains aspects de la procédure suivie dans l'audition de l'affaire puissent être compris. La chose permettra de clarifier la qualité pour agir des parties et la nature de l'audience, et d'expliquer les parties de l'audience qui ont lieu en public et celles qui ont lieu à huis clos, en l'absence d'une partie.
Renseignements généraux
En août 1983, le requérant, Nick Ternette, a demandé la communication, conformément au para- graphe 12(1) de la Loi, des renseignements person- nels conservés par la Division du service de sécurité de la Gendarmerie royale du Canada dans le fichier de renseignements personnels GRC—P 130. Sa demande portait sur [TRADUCTION] «tous les rensei- gnements personnels versés dans le fichier Dossiers du Service de sécurité, Division du Service de la Gendarmerie royale du Canada, qui visent précisé- ment les activités ayant trait à un changement de gou- vernement au Canada ou ailleurs par la force ou la violence, par l'utilisation de la force, par l'incitation à utiliser la force ou par la création ou l'exploitation d'un désordre civil (ces activités auraient eu lieu au Manitoba et en Alberta)». Ce fichier de renseigne- ments personnels GRC—P 130 avait été établi par l'intimé, le solliciteur général du Canada, conformé- ment à l'article 10 de la Loi, et avait été décrit en termes généraux dans un répertoire publié de rensei- gnements personnels, conformément à l'article 11 de la Loi. En vertu de l'article 18, le gouverneur en con- seil avait classé ce fichier de documents parmi les fichiers de renseignements personnels inconsultables parce qu'il était formé «de dossiers dans chacun des- quels dominent les renseignements visés aux articles 21 ou 22».
En réponse à sa demande, le requérant a été informé par la GRC que le gouverneur en conseil
avait classé le fichier Dossiers du Service de sécurité parmi les fichiers inconsultables en vertu de l'ar- ticle 18 de la Loi, que sa demande était refusée et qu'on ne confirmerait pas l'existence de renseigne- ments le concernant. En répondant à une demande de communication de renseignements personnels, le res- ponsable de l'institution fédérale concernée n'est pas tenu de faire savoir s'il existe des renseignements personnels, mais est tenu de mentionner la disposi tion de la Loi sur laquelle le refus se fonde ou sur laquelle il pourrait vraisemblablement se fonder si les renseignements existaient (paragraphes 16(1) et (2) de la Loi).
Conformément à la Loi, le requérant a ensuite déposé une plainte auprès du Commissaire à la pro tection de la vie privée contre la décision qu'avait prise la GRC de refuser de confirmer ou de nier l'existence de documents le concernant, et s'ils exis- taient, de refuser de lui délivrer des copies en vue d'en permettre l'examen. L'enquête effectuée à la suite de la plainte déposée par le requérant a amené le Commissaire à conclure, comme il l'a fait savoir en répondant à la plainte, que la GRC avait agi confor- mément à la loi et que rien ne permettait de conclure que le requérant s'était vu dénier un droit reconnu par la Loi sur la protection des renseignements person- nels. Le Commissaire à la protection de la vie privée a en outre fait savoir que son mandat, relativement aux renseignements personnels versés dans des fichiers inconsultables, était de veiller à ce que ces renseignements ne soient pas conservés ou utilisés à des fins illicites; de plus, il ne confirmerait pas et ne nierait pas l'existence de dossiers personnels dans des fichiers de renseignements inconsultables. M. Ter- nette a été informé qu'il avait le droit d'interjeter appel de la conclusion tirée par le Commissaire devant la Cour fédérale.
Par avis de requête en date du 7 mars 1984, M. Ternette a demandé à la Cour [TRADUCTION] «la révision du refus de communication de renseigne- ments en vertu des dispositions de la Loi sur la pro tection des renseignements personnels». L'affaire a été entendue par mon collègue, le juge Strayer, qui a considéré qu'il s'agissait d'un recours fondé sur l'ar- ticle 41 de la Loi, lequel prévoit que «[U]individu qui s'est vu refuser communication de renseigne- ments personnels demandés en vertu du para-
graphe 12(1) et qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le Commissaire à la protec tion de la vie privée peut ... exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour». Dans sa décision', le juge Strayer a rejeté les argu ments de l'intimé, à savoir que la Cour n'avait pas compétence pour examiner la question de savoir si le requérant s'était à bon droit vu refuser les renseigne- ments demandés; il a jugé que le requérant avait le droit de faire examiner le refus de communication. Il a ordonné à l'intimé de déposer un affidavit auprès de la Cour sous certaines conditions de confidentialité, ce qui a été fait.
Un appel de l'ordonnance rendue par le juge Strayer a été interjeté, mais il a par la suite été aban- donné. Avant que l'appel fût abandonné, le Commis- saire à la protection de la vie privée, qui avait été avisé par la Cour de la procédure relative à l'ordon- nance rendue par le juge Strayer, a demandé et s'est vu accorder le statut de partie intervenante, et l'inti- tulé de la cause a été modifié en conséquence par une ordonnance rendue par le juge Mahoney, J.C.A.
Je tiens à faire remarquer en passant que le Service canadien du renseignement de sécurité (le SCRS) a été établi et qu'en 1984, il avait assumé le contrôle et la gestion de divers dossiers auparavant tenus par le Service de sécurité de la GRC, et notamment des ren- seignements versés dans le fichier de renseignements personnels GRC—P 130. Le SCRS a en fin de compte attribué une nouvelle cote ou de nouvelles cotes au fichier, ce qui n'a rien à voir avec les questions ici soulevées.
Le requérant a fait savoir qu'il contesterait la vali- dité du décret par lequel le fichier de renseignements GRC—P 130 était classé parmi les fichiers inconsul- tables, apparemment en se fondant sur les remarques que le juge Strayer avait faites, à savoir qu'en vertu de l'article 18, dans tous les dossiers versés dans un fichier inconsultable doivent dominer les renseigne- ments visés aux articles 21 et 22. Par la suite, le requérant a été informé, le 20 septembre 1985, que l'intimé était prêt à reconnaître que le décret par lequel le fichier de renseignements personnels GRC—P 130 était classé parmi les fichiers inconsul-
I Ternette e. Solliciteur général du Canada, [1984] 2 C.F. 486 (l« inst.).
tables n'avait pas été validement adopté. Néanmoins, l'intimé a continué de soutenir qu'il n'était pas tenu de faire savoir si des renseignements personnels con- cernant le requérant avaient été versés dans le fichier de renseignements en question, mais il a mentionné que l'article 21 de la Loi sur la protection de rensei- gnements personnels était la disposition sur laquelle le refus pourrait vraisemblablement se fonder si les renseignements existaient.
Il a été proposé, ce que l'avocat du requérant a apparemment accepté, qu'un nouvel affidavit soit déposé pour le compte de l'intimé et mis sous scellé à titre de document confidentiel, lequel porterait sur la question de savoir s'il existait des renseignements personnels concernant M. Ternette dans le fichier de renseignements GRC—P 130 et, s'il en existait, sur la question de savoir si l'intimé avait des motifs raison- nables de refuser de les divulguer conformément à l'article 21. Cette question serait alors examinée par la Cour conformément à l'article 51 de la Loi et, con- formément à la procédure suivie dans une affaire antérieure, on tiendrait une audience en vue de rece- voir les observations du requérant, puis une autre audience au cours de laquelle des arguments pour- raient être présentés au nom de l'intimé en l'absence de l'autre partie.
À la suite d'un aveu public fait par inadvertance, à savoir que des renseignements concernant le requé- rant étaient conservés, en novembre 1986, ce dernier a été informé que des renseignements personnels le concernant avaient été versés dans ce qui était décrit comme le fichier de renseignements personnels GRC P 30 (je suppose que cette cote a été mentionnée par erreur dans l'avis envoyé à l'avocat du requérant et qu'il s'agit du fichier GRC—P 130). Les renseigne- ments en question ont ensuite été examinés et des copies de certains renseignements ont été communi quées au requérant le 16 janvier 1987 et le 13 février 1987. La lettre d'accompagnement qui était jointe à la première de ces communications informait le requérant qu'il trouverait [TRADUCTION] «ci-joints tous les renseignements personnels qui [pouvaient lui] être communiqués. Certains dossiers sont en tota- lité ou en partie inconsultables en vertu de l'article 21 de la Loi sur la protection, des renseignements per- sonnels». La seconde . communication, en février, comprenait une seule page d'un article publié par le
Winnipeg Free Press, qui avait par inadvertance été omise dans la première communication.
Par la suite, les parties ont convenu d'un autre exa- men par le commissariat à la protection de la vie pri- vée, entamé à la demande du requérant, et un examen minutieux de la documentation versée dans le fichier de renseignements GRC—P 130 a alors été effectué par le commissariat. Par conséquent, des renseigne- ments personnels additionnels ont été communiqués au requérant le 30 octobre 1987 ainsi que le 12 jan- vier 1988. En ce qui concerne ces deux dernières communications, la lettre d'accompagnement envoyée avec les documents communiqués disait que certains renseignements concernant la demande du requérant étaient inconsultables [TRADUCTION] «en totalité ou en partie, conformément aux disposi tions 19(1), 21, 22(1)a)(iii), 22(1)b) et 26 de la Loi sur la protection des renseignements personnels».
Le 25 janvier 1988, le Commissaire à la protection de la vie privée a écrit à M. Ternette pour lui faire part des conclusions qu'il avait tirées à la suite de l'examen des renseignements que le SCRS considé- rait comme inconsultables. Il a notamment fait remar- quer que des documents additionnels avaient été communiqués en octobre 1987 et en janvier 1988 par suite des négociations qui avaient eu lieu entre le commissariat et le SCRS, qu'il avait conclu que le requérant avait [TRADUCTION] «reçu communication de tous les renseignements personnels auxquels [il avait] droit en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels» et que [TRADUCTION] «[]']examen minutieux des autres documents [qu'il avait] personnellement effectué [l'avait] convaincu qu'ils [étaient] inconsultables en vertu de l'article 21 de la Loi».
Dans l'affidavit public de Joseph Claude Camille Dagenais, directeur général, Gestion de l'information du SCRS, déposé pour le compte de l'intimé, il est déclaré que par ces diverses communications, 186 documents concernant M. Ternette, comprenant 241 pages, avaient été communiqués et que seuls des notes administratives et des numéros de dossiers avaient été supprimés. De plus, 78 autres documents avaient été communiqués, dont 13 pages au complet et 110 pages comportant des suppressions. Cent cin- quante autres pages contenues dans ces documents
étaient complètement inconsultables et les autres documents n'avaient pas été communiqués.
Le 3 août 1990, on a communiqué à M. Ternette environ dix pages de renseignements contenant toutes des suppressions importantes, à la suite de l'examen par le SCRS du préjudice qui risquait vraisemblable- ment d'être porté par la divulgation. Le requérant croyait que cette communication découlait de sa der- nière demande de communication des renseigne- ments versés dans le fichier de renseignements per- sonnels SIS/P-PU-015 du SCRS après 1983, soit la dernière année visée par les communications anté- rieures. La lettre d'accompagnement envoyée avec les renseignements mentionnait ce fichier de rensei- gnements, soit l'un des fichiers qui avaient remplacé le fichier GRC—P 130 après que le SCRS eut pris la relève, mais les renseignements communiqués sem- blaient porter sur la période allant jusqu'en 1983. À l'audience, l'avocat de l'intimé a fait savoir que le fichier de renseignements mentionné dans la lettre d'accompagnement aurait être le fichier GRC—P 130 et que les renseignements communiqués constituaient une autre communication, découlant de l'examen continu effectué par le SCRS relativement à la demande initiale du requérant.
Les parties ont ensuite convenu qu'en vue de l'examen, on se fonderait sur le fait que les rensei- gnements non communiqués étaient inconsultables en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et que la Cour se fonderait sur le fait que l'intimé était tenu de justifier le refus, charge que l'article 47 de la Loi impose à l'institution fédérale qui refuse de communiquer des renseignements.
Dans son exposé des faits et du droit, l'intimé se fonde sur la liste augmentée des dispositions légales justifiant le refus, figurant dans les lettres d'accompa- gnement jointes aux renseignements communiqués en octobre 1987 et en janvier 1988. La chose a été notée dans l'exposé présenté pour le compte du requérant, mais il a été soutenu que seul l'article 21 de la Loi devait entrer en ligne de compte puisque c'était le motif sur lequel l'intimé s'était initialement appuyé pour justifier le refus de communication, tout comme il l'avait fait par la suite, en ce qui a trait aux renseignements initialement communiqués. À l'au- dience, l'avocat de l'intimé a reconnu que la Cour
devait considérer que le refus de communication était uniquement fondé sur l'article 21, bien que certaines autres dispositions s'appliquent peut-être également à des renseignements particuliers, par exemple l'ar- ticle 26, qui autorise le refus de communication des renseignements personnels qui portent sur un autre individu que celui qui fait la demande et qui exige qu'un refus soit opposé à défaut du consentement de l'individu qu'ils concernent.
Les faits ci-dessus énoncés expliquent pourquoi l'affaire sera examinée conformément à l'article 51 de la Loi, qui s'applique dès que le refus de commu nication est fondé sur l'article 21. Cela explique éga- lement pourquoi seul l'article 21 de la Loi sera pris en considération.
Dispositions relatives à l'audition de l'affaire
L'article 51 prévoit la prise de dispositions spé- ciales en vue de l'audition d'une affaire lorsque le refus de communiquer des renseignements personnels est lié à l'article 21, et notamment la tenue d'une audience à huis clos, l'intimé ayant la possibilité de présenter des arguments en l'absence de l'autre par ties. Avant l'audience, on a déposé pour le compte de l'intimé un avis de requête en vue de la tenue d'une audience à huis clos dans le cadre de laquelle l'intimé aurait la possibilité de présenter des arguments en
2 51. (1) Les recours visés aux articles 41 ou 42 et portant sur les cas le refus de donner communication de renseigne- ments personnels est lié aux alinéas 19(1)a) ou b) ou à l'ar- ticle 21 et sur les cas concernant la présence des dossiers dans chacun desquels dominent des renseignements visés à l'ar- ticle 21 dans des fichiers inconsultables classés comme tels en vertu de l'article 18 sont exercés devant le juge en chef adjoint de la Cour fédérale ou tout autre juge de cette Cour qu'il charge de leur audition.
(2) Les recours visés au paragraphe (1) font, en premier ressort ou en appel, l'objet d'une audition à huis clos; ...
(3) Le responsable de l'institution fédérale concernée a, au cours des auditions en première instance ou en appel et sur demande, le droit de présenter des arguments en l'ab- sence d'une autre partie.
l'absence de l'autre partie. Lorsque l'affaire était sur le point d'être entendue, cette requête a été examinée, mais à ce moment-là, l'avocat de l'intimé a proposé, avec le consentement du requérant, que l'audience soit tenue en public et qu'on verse au dossier public l'affidavit de M. Dagenais, déposé pour le compte de l'intimé, lequel avait déjà été fourni au requérant, le déposant ayant été contre-interrogé par l'avocat. Pen dant l'audience publique, l'avocat du requérant ferait des observations au sujet notamment de la procédure à suivre dans le cadre de l'audience qu'on se propo- sait de tenir à huis clos en son absence. Au cours de l'audience à huis clos, un affidavit supplémentaire serait présenté, sous réserve de la délivrance par la Cour d'une ordonnance destinée à assurer qu'il soit présenté et conservé à titre de document confidentiel. Ce deuxième affidavit et l'affiant, M. Dagenais, ainsi que tout document non communiqué au requérant, seraient disponibles en vue d'un examen par la Cour dans le cadre de l'audience tenue à huis clos en l'ab- sence du requérant.
On a dit que les dispositions que l'avocat de l'in- timé proposait de prendre étaient semblables à celles qui avaient été prises dans d'autres recours exercés devant la Cour 3 . Les avocats du requérant et de l'in- tervenant, le Commissaire à la protection de la vie privée, ont consenti aux dispositions proposées. Mal- gré le paragraphe 51(2), qui prévoit qu'un recours comme celui qui a été exercé en l'espèce, portant sur un cas le refus de donner communication de ren- seignements personnels est lié à l'article 21, fait «l'objet d'une audition à huis clos», j'ai ordonné que l'audience soit tenue, comme on se proposait de le faire, en public, l'avocat de l'intimé ayant la possibi-
3 Voir Reyes c. Secrétariat d'État (1984), 9 Admin. L.R. 296 (C.F. Ire inst.), juge en chef adjoint Jerome. Voir également, Minematsu, note 4, ci-dessous. L'examen que j'ai fait des autres affaires citées à titre de précédents, au point de vue de la procédure, a révélé que celles-ci avaient été entendues à huis clos, comme le paragraphe 51(2) de la Loi semble l'exiger: Zanganeh c. Canada (Service canadien du renseignement de sécurité), [1989] 1 C.F. 244 (1« inst.), le juge Muldoon, et Russell c. Service canadien du renseignement de sécurité (1990), 31 C.P.R. (3d) 184 (C.F. l C inst.), le juge Pinard. Tou- tefois, dans chacune des deux dernières affaires, l'organisme concerné, le SCRS, avait refusé de faire savoir si des rensei- gnements personnels concernant le requérant avaient été versés dans le fichier de renseignements inconsultable visé. Dans ces conditions, il est essentiel que l'audience dans son ensemble soit tenue à huis clos.
lité de demander au moment opportun que l'audience se poursuive à huis clos en l'absence de l'autre partie.
Cette ordonnance est fondée sur le principe selon lequel les procédures de la Cour ont lieu en public à moins qu'une partie n'invoque un motif particulier qui est réputé justifier exceptionnellement une audience à huis clos ou en l'absence d'une partie. Pareil motif découle des paragraphes 51(2) et (3). Cette disposition est destinée à protéger les intérêts public et privé. Si l'avocat représentant le responsa- ble de l'institution fédérale concernée, le requérant ou le Commissaire à la protection de la vie privée n'estiment pas nécessaire, en vue de la protection de ces intérêts, que l'audience au complet soit tenue à huis clos, mais qu'une partie seulement se déroule ainsi, la Cour irait, à mon avis, à l'encontre de la tra dition établie depuis longtemps dans notre régime judiciaire et dans les Règles de la Cour [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663] si elle ordonnait ex proprio motu que l'audience au complet soit tenue à huis clos.
Avant que l'audience publique ne commence, on a rappelé aux avocats que, conformément à l'article 46 de la Loi, la Cour «prend toutes les précautions pos sibles ... pour éviter que ne soient divulgués de par son propre fait ou celui de quiconque» notamment des renseignements qui justifient un refus de commu nication.
L'audience a ensuite commencé et s'est en majeure partie poursuivie en public. Le requérant a examiné les deux questions générales ci-dessus mentionnées alors que l'intimé et l'intervenant ont répondu aux observations, le requérant ayant ensuite eu la possibi- lité d'exprimer son point de vue. Par la suite, l'avocat de l'intimé a demandé que l'audience se poursuive à huis clos, en l'absence du requérant ou de son avocat, de façon à permettre à la Cour de recevoir un affida vit supplémentaire secret, à titre de document confi- dentiel et sous réserve de certaines conditions, et d'avoir la possibilité d'interroger le déposant au sujet de tout document non communiqué au requérant. L'avocat du requérant a proposé que le Commissaire à la protection de la vie privée assiste à l'audience tenue en l'absence du requérant et représente les inté- rêts de celui-ci; on a laissé entendre qu'autrement, il n'était pas important que le Commissaire soit présent.
L'avocat de l'intervenant a refusé de jouer ce rôle. Conformément aux paragraphes 51(2) et (3), j'ai accueilli la requête en vue de la continuation de l'au- dience à huis clos en l'absence du requérant, j'ai ordonné que l'affidavit supplémentaire soit mis sous scellé à titre de document confidentiel, celui-ci devant être remis au SCRS à la clôture de l'audience, et j'ai invité l'avocat du Commissaire à la protection de la vie privée à comparaître pour faire des observa tions au sujet de la procédure qu'on proposerait alors de suivre relativement au traitement des renseigne- ments devant être produits dans le cadre de l'au- dience tenue à huis clos en l'absence du requérant ainsi qu'au sujet de l'équité de pareille procédure.
L'audience s'est alors poursuivie, à huis clos et en l'absence du requérant, dans le cabinet du juge; y assistaient l'avocat de l'intimé, le déposant de l'affi- davit supplémentaire secret présenté à titre de docu ment confidentiel et un adjoint du déposant, qui étaient tous deux fonctionnaires du SCRS, ainsi que l'avocat représentant le Commissaire à la protection de la vie privée et le greffier de la Cour. En passant, je tiens à faire remarquer qu'indépendamment de l'affidavit supplémentaire de M. Dagenais, aucune observation n'a été faite par l'avocat de l'intimé pen dant l'audience tenue à huis clos en l'absence du requérant, à part les propositions qui ont été faites, sur l'invitation de la Cour, au sujet de la procédure à suivre pendant cette partie de l'audience. Après une demi-journée d'audience, la Cour a de nouveau repris la séance publique et a rendu compte de la procédure et des progrès qui avaient été faits pendant la séance tenue à huis clos en l'absence du requérant. Ce compte rendu peut être résumé comme suit:
1. L'avocat de l'intimé a proposé une procédure d'examen des renseignements en question; l'avocat de l'intervenant a eu la possibilité de faire des remarques au sujet de la procédure proposée et de son équité. L'intervenant a déclaré que le membre du personnel du Commissaire à la protection de la vie privée qui avait examiné les documents en détail était disponible en vue d'être cité pour répondre aux questions si la chose semblait être utile à la Cour, offre que, en fin de compte, la Cour n'a pas jugé nécessaire d'accepter.
2. La procédure proposée a été acceptée par la Cour, comme il en est ci-dessous fait mention. L'avocat de l'intervenant a alors été dispensé d'être continuellement présent à l'audience à huis clos.
3. L'affidavit supplémentaire secret de Joseph Claude Camille Dagenais, du SCRS, présenté à titre de document confidentiel en l'absence du requérant à l'audience à huis clos, a été examiné à fond avec l'avocat de l'intimé.
4. Les documents non communiqués au requérant ont été examinés comme suit:
i) examen d'exemples montrant la procédure que le SCRS suit lorsqu'il examine les docu ments, et notamment aperçu de cette procédure et des catégories de préjudices portés à l'intérêt national ou à l'intérêt public en cas de commu nication des documents;
ii) examen individuel des documents et
iii) possibilité pour la Cour, à tout stade de l'au- dience tenue en l'absence du requérant, d'inter- roger le déposant Dagenais.
Pendant cet examen et par la suite, tant que l'exa- men des renseignements par la Cour n'a pas été complété, cette dernière a tenu compte des obser vations que le requérant et l'intimé avaient faites au cours de la séance publique.
5. L'examen des documents individuels n'a pas été complété dans le cadre de l'audience tenue à huis clos en l'absence du requérant, mais ceux-ci devaient être et ont par la suite été examinés par le juge, dans son cabinet, en l'absence des représen- tants des parties et de toute autre personne. S'il s'avérait nécessaire, mais ce ne fut pas le cas, d'in- terroger de nouveau le déposant Dagenais au sujet des documents, les avocats des deux parties seraient informés de la chose et la Cour, après avoir tenu compte de toute observation faite par
ces derniers, proposerait de reprendre l'audience à huis clos en l'absence du requérant 4 .
6. L'affaire a été mise en délibéré. L'examen des documents en question a dans l'ensemble été'com- plété en quelques jours, bien que malheureuse- ment, il ait fallu beaucoup plus de temps que prévu pour mener l'affaire à terme et pour prononcer les présents motifs.
Renseignements refusés et critères d'examen
Avant l'audience, l'avocat de l'intimé avait claire- ment informé l'avocat du requérant de la procédure qui serait proposée à la Cour, dont la tenue d'une audience à huis clos, en l'absence du requérant, en vue de la réception de l'affidavit supplémentaire de M. Dagenais, avec des explications détaillées au sujet des motifs du refus de communiquer les renseigne- ments demandés, motifs qui étaient liés au préjudice qui risquerait vraisemblablement d'être porté si les renseignements étaient communiqués.
L'avocat du requérant avait contre-interrogé le déposant Dagenais au sujet de son affidavit public et pendant la partie de l'audience qui a eu lieu en public, il a fait des observations au sujet des deux questions générales soulevées par le recours. Il a cité un certain nombre de passages du Rapport de la Commission royale d'enquête sur certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada (1981) (la com mission McDonald) pour illustrer le contexte dans lequel ce recours s'inscrivait 5 . Ces passages portaient
4 Une procédure similaire, l'audience étant en partie tenue en public et en partie à huis clos et en l'absence d'une partie, a été suivie par la Cour dans l'affaire Minemntsu c. Canada (Gendarmerie royale du Canada) (dossier du greffe T-1698- 87). Dans cette affaire-là, le juge en chef adjoint Jerome a tenu compte de tous les documents non communiqués pendant la séance tenue à huis clos en l'absence du requérant sans qu'il fût nécessaire de les examiner dans son cabinet; le juge a annoncé sa décision à la reprise de l'audience publique. La procédure suivie dans cette affaire-là, l'audience s'était en partie déroulée à huis clos et en l'absence d'une des parties, fait actuellement l'objet d'un appel (dossier du greffe A-339- 88 (C.A.F.)).
5 Canada. Commission d'enquête sur certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada. Deuxième rapport. La liberté et la sécurité devant la loi (Ottawa, août 1981), vol. I, à la p. 69, paragraphes 70 et 71; p. 362, paragraphe 10; p. 544 et 545, paragraphes 13 et 14; et p. 566, paragraphe 65.
sur les dangers que peut représenter pour les citoyens l'emploi abusif des dossiers de sécurité, sur les pro grammes imprécis de collecte de renseignements, sur le fait que le gouvernement n'avait pas approuvé, à certains égards du moins, les fonctions d'enquête et d'établissement de rapports du Service de sécurité de la GRC et sur l'absence de dispositions législatives et de politiques permettant de déterminer la juste portée des enquêtes antisubversion.
Au nom du requérant, on a souligné que l'objet de la Loi sur la protection des renseignements person- nels, énoncé à l'article 2, était «de compléter la légis- lation canadienne en matière de protection des rensei- gnements personnels relevant des institutions fédérales et de droit d'accès des individus aux rensei- gnements personnels qui les concernent». Compte tenu de cet objet, la Cour a toujours mis l'accent, dans ses décisions, sur le fait que les exceptions devaient être strictement interprétées 6 .
Dans son affidavit public, M. Dagenais énonce cer- tains faits généraux et certaines caractéristiques géné- rales des renseignements ici en cause. Il déclare ceci:
[TRADUCTION] 25. Avant le mois de juillet 1984, le gouverne- ment du Canada comptait sur le Service de sécurité de la GRC pour lui fournir des renseignements au sujet de groupes ou d'individus qui constituaient de près ou de loin une menace envers la sécurité du pays parce qu'ils se livraient à des acti- vités hostiles ou subversives comme l'espionnage, le sabotage, le terrorisme et le renversement des gouvernements par la vio lence. Ce rôle incombe maintenant au SCRS en vertu de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. Confor- mément aux dispositions de cette Loi, le mandat du SCRS, énoncé à l'article 12, est de recueillir, au moyen d'enquêtes ou autrement, dans la mesure strictement nécessaire, et d'analyser et de conserver les informations et renseignements sur les acti- vités dont il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu'elles constituent des menaces envers la sécurité du Canada. Sous réserve de ce mandat précis, le SCRS fonctionne à peu près de la même façon que l'ancien Service de sécurité et con tinue à avoir recours à des méthodes de classement, des codes, des méthodes d'exploitation, etc., similaires.
26. Pour assurer l'existence de renseignements dignes de foi au sujet des groupes et individus qui se livraient à pareilles acti- vités ou qui étaient soupçonnés de se livrer à pareilles activités (les cibles de l'enquête), le Service de sécurité de la GRC se fondait sur le principe selon lequel il est essentiel qu'une agence de sécurité recueille et conserve des renseignements sur ces groupes et individus ainsi que sur les groupes et individus avec lesquels un contact est établi.
6 Voir, par exemple, Reyes c. Secrétariat d'État, précité, note 3.
27. Ces renseignements sont conservés de façon à pouvoir ensuite faire l'objet de renvois détaillés destinés à permettre à l'agence de sécurité d'évaluer les relations que ces groupes et individus entretiennent entre eux.
28. Les organisations subversives influencées par l'étranger qui existaient au Canada pendant la période en question ten- taient notamment d'exploiter les questions volatiles, comme c'est encore le cas à l'heure actuelle. Ces organisations ont entre autres recours à l'infiltration d'organisations légitimes et à la manipulation de pareilles organisations et d'individus sans défiance en vue de promouvoir leurs propres causes.
29. Au moyen de la manipulation, on peut utiliser ces organi sations légitimes pour jeter de la confusion dans l'esprit du public, pour influencer les opinions et pour exercer des pres- sions sur le gouvernement par l'entremise de la population en général en attirant l'attention de celle-ci sur des questions pré- cises.
30. L'identification des éléments subversifs dans les mouve- ments politiques généraux légitimes exige une évaluation judi- cieuse des activités de pareils mouvements et des individus concernés; pareille évaluation peut uniquement être efficace si l'agence de sécurité est en mesure d'examiner les relations réciproques d'une manière continue. Il faut également se tenir au courant de la situation politique, sociale et économique afin de détecter l'exploitation et de prévoir les menaces possibles envers la sécurité.
31. Par conséquent, pendant la période en question, le Service de sécurité de la GRC conservait des dossiers en renvoyant au dossier d'un groupe ou d'un individu tous les rapports, tous les renseignements publics et toutes les évaluations concernant ce groupe ou cet individu ou les activités de ce groupe ou de cet individu.
32. C'est la raison pour laquelle les renseignements contenus dans le dossier concernant le requérant portent non seulement sur lui, mais aussi sur d'autres groupes et individus. Les rensei- gnements concernant le requérant sont inséparables du con- texte plus général nécessaire pour assurer une évaluation exacte de sa participation dans une situation donnée.
L'exception prévue par l'article 21 de la Loi vise un certain nombre de préjudices possibles portés au Canada, mais il a été convenu qu'en l'espèce, le pré- judice se rapportait aux «efforts de détection, de pré- vention ou de répression d'activités hostiles ou sub versives, au sens du paragraphe 15(2) de la [Loi sur l'accès à l'information], notamment les renseigne- ments visés à ses alinéas 15(1)a à i)» 7
7 Les parties ont convenu que le refus de communication se rapportait à la partie de l'article 21 qui est ici soulignée:
21. Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication des renseignements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1) dont la divulgation risquerait
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M. Dagenais, dont l'affidavit a été déposé pour le compte de l'intimé, était un cadre supérieur du SCRS. Anciennement membre de la GRC depuis 1958, il a été muté, en 1984, au SCRS à titre de direc- teur général de la Direction de l'antisubversion, puis il a exercé les fonctions de directeur général adjoint
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vraisemblablement de porter préjudice à la conduite des affaires internationales, à la défense du Canada ou d'États alliés ou associés avec le Canada, au sens du para- graphe 15(2) de la Loi sur l'accès à l'information, ou à ses efforts de détection, de prévention ou de répression d'acti- vités hostiles ou subversives, au sens du paragraphe 15(2) de la même loi, notamment les renseignements visés à ses ali- néas 15(1)a) à i).
Les parties de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), chap. A-1, ici incorporées par renvoi, sont ainsi libel- lées:
15....
(2) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.
«activités hostiles ou subversives»
a) L'espionnage dirigé contre le Canada ou des États alliés ou associés avec le Canada;
b) le sabotage;
c) les activités visant la perpétration d'actes de terrorisme, y compris les détournements de moyens de transport, con- tre le Canada ou un État étranger ou sur leur territoire;
d) les activités visant un changement de gouvernement au Canada ou sur le territoire d'États étrangers par l'emploi de moyens criminels, dont la force ou la violence, ou par l'incitation à l'emploi de ces moyens;
e) les activités visant à recueillir des éléments d'informa- tion aux fins du renseignement relatif au Canada ou aux États qui sont alliés ou associés avec lui;
.fi les activités destinées à menacer, à l'étranger, la sécu- rité des citoyens ou des fonctionnaires fédéraux canadiens ou à mettre en danger des biens fédéraux situés à l'étran- ger.
15. (I) Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication de documents contenant des ren- seignements dont la divulgation risquerait vraisemblable- ment de porter préjudice à la conduite des affaires interna- tionales, à la défense du Canada ou d'États alliés ou associés avec le Canada ou à la détection, à la prévention ou à la répression d'activités hostiles ou subversives, notamment:
a) des renseignements d'ordre tactique ou stratégique ou des renseignements relatifs aux manoeuvres et opérations destinées à la préparation d'hostilités ou entreprises dans
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de la région du Québec avant d'assumer ses respon- sabilités actuelles de directeur général, Gestion de l'information, en décembre 1987. Pendant son ser vice antérieur dans la GRC, de 1962 à 1980, il était
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le cadre de la détection, de la prévention ou de la répres- sion d'activités hostiles ou subversives;
b) des renseignements concernant la quantité, les caracté- ristiques, les capacités ou le déploiement des armes ou des matériels de défense, ou de tout ce qui est conçu, mis au point, produit ou prévu à ces fins;
c) des renseignements concernant les caractéristiques, les capacités, le rendement, le potentiel, le déploiement, les fonctions ou le rôle des établissements de défense, des forces, unités ou personnels militaires ou des personnes ou organisations chargées de la détection, de la prévention ou-de la répression d'activités hostiles ou subversives;
d) des éléments d'information recueillis ou préparés aux fins du renseignement relatif à:
(i) la défense du Canada ou d'États alliés ou associés avec le Canada,
(ii) la détection, la prévention ou la répression d'acti- vités hostiles ou subversives;
e) des éléments d'information recueillis ou préparés aux fins du renseignement relatif aux États étrangers, aux organisations internationales d'États ou aux citoyens étrangers et utilisés par le gouvernement du Canada dans le cadre de délibérations ou consultations ou dans la con- duite des affaires internationales;
j) des renseignements concernant les méthodes et le maté riel technique ou scientifique de collecte, d'analyse ou de traitement des éléments d'information visés aux alinéas d) et e), ainsi que des renseignements concernant leurs sources;
g) des renseignements concernant les positions adoptées ou envisagées, dans le cadre de négociations internatio- nales présentes ou futures, par le gouvernement du Canada, les gouvernements d' états étrangers ou les orga nisations internationales d'États;
h) des renseignements contenus dans la correspondance diplomatique échangée avec des États étrangers ou des organisations internationales d'États, ou dans la corres- pondance officielle échangée avec des missions diploma- tiques ou des postes consulaires canadiens;
i) des renseignements relatifs à ceux des réseaux de com munications et des procédés de cryptographie du Canada ou d'États étrangers qui sont utilisés dans les buts sui- vants:
(i) la conduite des affaires internationales,
(ii) la défense du Canada ou d'États alliés ou associés avec le Canada,
(iii) la détection, la prévention ou la répression d'acti- vités hostiles ou subversives.
affecté au Service de sécurité, puis il a été chef de cabinet du Commissaire et, par la suite, responsable en second du Programme antisubversion du Service de sécurité de la GRC. L'avocat de l'intimé a soutenu que compte tenu de son long service au sein des for ces de police, du service de sécurité et du service des enquêtes antisubversion, M. Dagenais devait être considéré comme un expert en la matière. En outre, il a soutenu qu'on devait respecter les opinions et idées de M. Dagenais en ce qui concerne la question de savoir si la divulgation des renseignements en ques tion risquait vraisemblablement de porter préjudice aux efforts déployés par le Canada en vue de la détection, de la prévention ou de la répression d'acti- vités hostiles ou subversives au sens de l'article 21. L'avocat a cité l'arrêt CIA v Sims 8 , fondé sur la Free dom of Information Act [5 USCS § 552] américaine, dans lequel la Cour suprême des États-Unis avait confirmé que les juges devaient respecter l'expertise de l'agence de sécurité en matière de sécurité natio- nale. Cette décision est intéressante, mais étant donné qu'en l'espèce, il incombe à la Cour de déterminer si le refus de communication était raisonnable et qu'il ne s'agit pas d'un procès de novo destiné à permettre de déterminer le fondement du refus de communica tion, comme les tribunaux américains sont tenus de le faire, l'arrêt CIA v Sims ne se rapporte pas directe- ment, à mon avis, à la situation dont nous sommes ici saisis.
Je respecte l'expérience et le service de M. Dagenais et je reconnais qu'il a ainsi de toute évi- dence acquis une expertise considérable dont j'appré- cie la valeur, mais je refuse de retenir l'argument selon lequel on devrait lui conférer le statut d'expert au sens normal du terme. À mon avis, la décision que la Cour doit prendre en vertu de la Loi n'est pas le genre de décision dans laquelle le statut d'expert d'un témoin ou d'un affiant peut ajouter à ses explications et à son témoignage, fondés sur son expérience, un élément important qui puisse mériter d'être cru et être par conséquent convaincant.
Compte tenu de l'expérience de M. Dagenais, l'af- fidavit public mérite d'être minutieusement pris en considération lorsqu'il y est question des critères dont
8 471 US 159; 85 L Ed 2d 173 (1985).
il faudrait tenir compte dans l'examen de refus de communication fondé sur l'article 21. M. Dagenais déclare ceci:
[TRADUCTION] 33. Les renseignements qui n'ont pas été com- muniqués au requérant révèlent ceci:
I. les noms ou identités des sources humaines auxquelles la GRC et le SCRS ont recours ainsi que tout renseignement permettant de découvrir l'identité de ces sources;
2. les sources techniques utilisées par le Service de sécurité;
3. l'identification des groupes et des individus qui ont été assujettis à une enquête par le Service de sécurité et, dans certains cas, qui continuent à être assujettis à une enquête par le SCRS;
4. les renseignements qui révéleraient clairement la mesure dans laquelle le Service de sécurité était au courant des activités des cibles et le point jusqu'auquel il leur portait intérêt;
5. l'ampleur, l'étendue et la complexité des ressources employées, ainsi que le degré d'expertise du Service de sécurité;
6. l'efficacité des enquêtes menées par le Service de sécurité;
7. la procédure interne que le Service de sécurité emploie pour conserver, mettre en corrélation et transmettre les renseignements tels que les numéros et catégories de dos siers, les méthodes de renvoi, les méthodes de retrait, les méthodes d'établissement des rapports, l'évaluation des renseignements bruts et les procédés de cryptographie uti- lisés en vue de la communication.
34. Les sources humaines sont l'outil le plus important de toute agence de sécurité. Il peut s'agir de gens qui fournissent volon- tairement des renseignements qu'ils ont obtenus ou de per- sonnes qui collaborent avec l'agence de sécurité lorsqu'on leur demande de le faire. Il peut s'agir de personnes qui se sont délibérément placées dans une situation qui leur permet d'obte- nir des renseignements pour l'agence de sécurité en courant un risque personnel considérable, ou en faisant courir un risque considérable à leur famille et à leur réputation. Le développe- ment des sources humaines est un processus long fondé sur le ferme espoir que l'identité de la source sera protégée.
35. Un extrait de la transcription d'un témoignage devant la Commission d'enquête sur certaines activités de la Gendarme- rie royale du Canada, soit les pages 2422 à 2477 du volume 16, est joint au présent affidavit sous la cote «G». Je souscris aux déclarations qui y sont faites par le témoin Barr et je les fais miennes.
36. Il est essentiel qu'une agence de sécurité soit dans une situation qui lui permette de protéger ses sources et de garantir leur anonymat. L'omission de le faire dans un cas particulier détruirait l'efficacité de cette source et pourrait l'exposer ou exposer sa famille à du harcèlement ou à un danger physique. Toutefois, dans le contexte plus général, la révélation du nom d'une source qui a fourni des renseignements au Service de sécurité de la GRC, même dans le cas d'une source qui ne
serait pas considérée comme secrète, aurait pour effet de faire hésiter beaucoup plus toutes les sources, lorsqu'il s'agit de col- laborer avec le SCRS.
37. A mon avis, la communication de pareils renseignements ferait croire aux sources actuelles et possibles que le SCRS ne peut pas garantir l'anonymat dont leur sécurité dépend. A mon avis, les sources secrètes et la population en général seraient beaucoup moins prêtes à collaborer avec le SCRS et à l'aider dans ses enquêtes. La nécessité de protéger les sources humaines et le rôle essentiel que celles-ci jouent en matière de renseignements est reconnue depuis longtemps. Je souscris à la déclaration qui est faite à la page 124 du rapport de la Com mission royale d'enquête sur la sécurité (juin 1969) et je la fais mienne:
«288. Les agents secrets représentent une des sources tradition- nelles d'informations tant dans le domaine du renseigne- ment que de la sécurité, et tout service de sécurité dépend dans une grande mesure de son réseau d'agents, de leur habileté à s'infiltrer chez l'adversaire et à atteindre leurs objectifs, et de la confiance qu'on peut leur accorder. Les opérations de contre-renseignement entrent en jeu les sources humaines exigent qu'elles soient menées de main de maître. Néanmoins, en dépit des difficultés que causent cer- taines de ces opérations, nous les considérons essentielles au maintien de la sécurité. Nous irions même plus loin dans notre assertion et nous déclarons qu'il est impossible de sai- sir la portée des dangers actuels que fait peser le commu- nisme, surtout dans le domaine de l'espionnage, et de s'en garantir si l'on ne prépare pas des opérations en vue de se ménager la collaboration de sources humaines.»
38. Une agence de sécurité ne peut pas fonctionner efficace- ment si les cibles de ses enquêtes sont en mesure de savoir ce qu'on connaît déjà à leur sujet et de connaître les méthodes d'exploitation utilisées contre elles, l'étendue de la protection qui leur est fournie ou les sources qui rendent compte de leurs activités.
39. Si les cibles des enquêtes avaient pareille connaissance, elles pourraient prendre des précautions et des mesures particu- lières pour contrer la surveillance future et elles seraient en mesure d'introduire des renseignements faux ou trompeurs dans la procédure d'enquête. Par conséquent, la portée et la fia- bilité des renseignements disponibles seraient sérieusement touchées.
40. Toutes les agences de sécurité, et notamment le SCRS et l'ancien Service de sécurité de la GRC, utilisent des systèmes de communications ou des procédés de cryptographie sûrs pour transmettre les messages. Les renseignements figurant dans certains de ces messages seraient néanmoins précieux pour ceux dont les intérêts vont à l'encontre de ceux du Canada et de ses alliés.
41. La confiance en la capacité d'une agence de sécurité de protéger les renseignements est essentielle aux relations qu'elle entretient avec les agences similaires des gouvernements étran- gers. Le partage de l'information constitue un aspect important de la procédure d'enquête et pareille collaboration serait
réduite si les agences étrangères devaient perdre confiance en la capacité du SCRS de protéger pareils renseignements.
42. Le passage du temps et l'âge des renseignements ne per- mettent pas de conclure que leur communication ne causera aucun dommage. Les sources peuvent encore être actives. La sécurité des sources inactives pourrait être mise en danger ou être perdue à l'avenir. Les cibles sauraient beaucoup de choses au sujet de l'étendue des renseignements disponibles à leur sujet.
43. La communication de renseignements qui révèlent les méthodes de collecte, de codage des renvois, de renvoi ou de retrait et d'examen des renseignements bruts causerait, à mon avis, un préjudice irréparable à la procédure d'enquête. La communication de ces renseignements en l'espèce et par la suite, dans des situations similaires, permettrait en fin de compte d'obtenir un ensemble de renseignements qui pour- raient porter un préjudice grave à l'efficacité du SCRS.
44. La connaissance des procédures internes, des déploiements opérationnels, de la structure et de la force faciliterait les tenta- tives d'identification des cibles des enquêtes, des sources et des méthodes d'exploitation employées dans les enquêtes en cours.
45. Il faut également se montrer sensible à ce qu'on pourrait appeler l'«effet de mosaïque», une personne prenant différents renseignements apparemment non liés, qui ne sont peut-être pas confidentiels individuellement, et les comparant entre eux pour brosser un tableau plus complet.
46. Il est souvent difficile de prévoir comment des renseigne- ments communiqués dans un contexte, lorsqu'on les compare aux renseignements disponibles dans un autre contexte, peu- vent être utilisés de cette façon.
Quant aux critères dont la Cour doit tenir compte pour examiner les renseignements refusés au requé- rant, l'avocat de M. Ternette ainsi que l'avocat de l'intimé ont fait un certain nombre d'observations. Je les résumerai brièvement comme suit:
1. Au nom du requérant, il a été soutenu que les «activités hostiles ou subversives» mentionnées à l'article 21 sont définies d'une manière restrictive au paragraphe 15(2) de la Loi sur l'accès à l'informa- tion, plus étroitement, a-t-on soutenu, que l'étendue des responsabilités attribuées au SCRS par l'ar- ticle 12 de la Loi sur le Service canadien du rensei- gnement de sécurité, L.R.C. (1985), chap. C-23 9 , et
9 L'article 12 prévoit ceci:
12. Le Service recueille, au moyen d'enquêtes ou autre- ment, dans la mesure strictement nécessaire, et analyse et conserve les informations et renseignements sur les activités dont il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu'elles
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plus étroitement que l'expression «menaces envers la sécurité du Canada» n'est définie dans cette même Loil 0 . La Cour, a-t-on soutenu, devrait rigoureuse- ment veiller à ce que les renseignements refusés res- pectent clairement les limites comparativement étroites de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Sans faire de remarques au sujet des comparaisons qui sont faites avec la Loi sur le SCRS, j'estime qu'en l'espèce, la Loi sur la protection des renseignements personnels s'applique, mais je tiens à faire remarquer en passant que la fin du libellé de l'article 21 renvoie non seulement à la définition figurant au paragraphe 15(2) de la Loi sur l'accès à l'information, mais incorpore également par renvoi le paragraphe 15(1), dont certaines parties amplifient clairement, à mon avis, le sens de l'expression «acti- vités hostiles ou subversives» définie au para- graphe 15(2).
2. Le requérant a dit qu'un exemple de la nécessité d'examiner les renseignements d'une manière restric tive, compte tenu de la Loi sur la protection des ren-
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constituent des menaces envers la sécurité du Canada; il en fait rapport au gouvernement du Canada et le conseille à cet égard.
10 2. Les définitions qui suivent s'appliquent à la, présente loi.
«menaces envers la sécurité du Canada» Constituent des menaces envers la sécurité du Canada les activités suivantes:
a) l'espionnage ou le sabotage visant le Canada ou préju- diciables à ses intérêts, ainsi que les activités tendant à favoriser ce genre d'espionnage ou de sabotage;
b) les activités influencées par l'étranger qui touchent le Canada ou s'y déroulent et sont préjudiciables à ses inté- rêts, et qui sont d'une nature clandestine ou trompeuse ou comportent des menaces envers quiconque;
c) les activités qui touchent le Canada ou s'y déroulent et visent à favoriser l'usage de la violence grave ou de menaces de violence contre des personnes ou des biens dans le but d'atteindre un objectif politique au Canada ou dans un État étranger;
d) les activités qui, par des actions cachées et illicites, visent à saper le régime de gouvernement constitutionnel- lement établi au Canada ou dont le but immédiat ou ultime est sa destruction ou son renversement, par la vio lence.
La présente définition ne vise toutefois pas les activités licites de défense d'une cause, de protestation ou de manifestation d'un désaccord qui n'ont aucun lien avec les activités mention- nées aux alinéas a) à d).
seignements personnels interprétée dans un juste con- texte, se manifeste relativement à la déclaration qui avait été faite lors des dernières communications, à savoir que certains renseignements avaient été refu- sés compte tenu du sous-alinéa 22(1)a)(iii) (entre autres) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Cette disposition vise les renseignements obtenus ou préparés au cours d'enquêtes licites ayant trait à des activités soupçonnées de constituer des menaces envers la sécurité du Canada au sens de la Loi sur le SCRS. Les avocats des parties ont convenu qu'en l'espèce, cette disposition ne s'appliquait pas car la demande de communication précédait la Loi sur le SCRS et le sous-alinéa 22(1)a)(iii) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
3. Je retiens l'observation de l'intimé, à laquelle le requérant souscrivait, à savoir que le préjudice prévu par la dernière partie de l'article 21, à savoir le préju- dice aux «efforts de détection, de prévention ou de répression d'activités hostiles ou subversives», est un préjudice porté aux intérêts du SCRS compte tenu des responsabilités qui sont attribuées à ce dernier par les articles 12 à 18 de la Loi sur le SCRS, lesquels énoncent les fonctions du Service. Je reconnais égale- ment que c'est le préjudice qui risquait vraisembla- blement d'être porté par suite de la communication de renseignements au moment la demande de ren- seignements a été présentée, qui entre en ligne de compte, ce qui est distinct des raisons pour lesquelles les renseignements en question ont été recueillis.
4. Le critère du préjudice porté aux «efforts de détec- tion, de prévention ou de répression d'activités hos tiles ou subversives» mentionné à l'article 21 devrait, de l'avis du requérant, s'appliquer strictement et con- formément aux lignes directrices établies par le Con- seil du Trésor à l'intention des institutions fédérales qui traitent les demandes fondées sur la Loi sur la protection des renseignements personnels. Ces lignes directrices prévoient que dans le contexte de l'ar- ticle 21, le mot «préjudice» s'entend de tout effet nui- sible et que «[a]vant de refuser de communiquer des renseignements, il faut être raisonnablement sûr que leur divulgation nuirait vraisemblablement ou porte- rait atteinte à l'intérêt public ou privé particulier pro- tégé par l'exception». Le préjudice en cause dans un cas donné devrait être propre à la partie ou à l'intérêt qui le subira; il devrait exister au moment pertinent,
en ce sens que l'effet nuisible est perçu au moment l'exception est invoquée ou dans l'avenir immé- diat; de plus, il devrait s'agir d'un préjudice probable pour qu'il risque vraisemblablement d'être porté". Cette façon de voir n'a pas été contestée par l'intimé. De fait, contre-interrogé au sujet de son affidavit public, M. Dagenais a déclaré que les lignes direc- trices du Conseil du Trésor servaient en principe de fondement aux normes utilisées dans l'examen des renseignements demandés par le requérant.
i) Le requérant reconnaît qu'un préjudice serait probablement porté aux intérêts du SCRS si jamais les renseignements communiqués permettaient d'identifier les sources humaines de renseigne- ments, soit une préoccupation primordiale men- tionnée par l'affiant Dagenais aux para- graphes 33.1, 34, 35, 36 et 37. Néanmoins, le requérant soutient que cette préoccupation n'est légitime que lorsque la source s'attend à ce que son identité comme telle demeure confidentielle, qu'elle ne devrait pas s'étendre à une source occa- sionnelle qui fournit des renseignements sans s'at- tendre à la confidentialité et dans des circonstances les renseignements en question identifieraient la source s'ils étaient communiqués. Cette préoccu- pation ne devrait pas viser tous les renseignements provenant d'une source donnée à moins que l'iden- tification de la source ne soit probable. Pour l'in- timé, les préoccupations sont celles qui sont énon- cées dans l'affidavit de M. Dagenais. À mon avis, les observations du requérant méritent d'être
sérieusement prises en considération si de toute façon il est clair que les renseignements refusés n'entraîneraient pas l'identification d'une source confidentielle 12 , à condition que la communication de pareils renseignements ne suscite clairement pas d'inquiétudes au sujet d'un autre préjudice possi ble aux intérêts du SCRS. Ces conditions ne sont peut-être pas facilement satisfaites compte tenu de la norme de preuve requise de la part de l'intimé
11 Canada. Conseil du Trésor, Lignes directrices provisoires: Loi sur l'accès à l'information et Loi sur la protection des ren- seignements personnels, Partie 111, aux p. 89 et 90.
12 Cela semble être une situation simplement contraire au cas prévu à l'art. 18(l)a) de la Loi sur le SCRS, qui interdit la communication de renseignements «qui permettraient de découvrir l'identité a) d'une autre personne qui fournit ou a fourni au Service des informations ou une aide à titre confi- dentiel.»
en vertu de l'article 49. L'avocat de l'intimé a fait remarquer que cette Cour a clairement reconnu la nécessité de protéger contre la communication les renseignements qui risquent vraisemblablement de révéler l'identité d'une source humaine de rensei- gnements fournis au cours d'une enquête licite 13 .
ii) La préoccupation manifestée par l'intimé au sujet du préjudice porté par suite de la communica tion de renseignements concernant les sources techniques utilisées par le service de sécurité, men- tionnée au paragraphe 33.2 de l'affidavit de M. Dagenais, est reconnue par le requérant, mais celui-ci soutient que cette préoccupation ne devrait pas s'étendre aux mesures techniques normales comme l'écoute électronique ou les microphones cachés qui, comme tout le monde le sait, peuvent être utilisés par les services de sécurité, particuliè- rement lorsque ces mesures ont été employées il y a 20 ans ou plus en vue de la collecte de renseigne- ments. Il est soutenu que ce préjudice possible devrait être limité aux circonstances dans les- quelles une enquête est en cours, des moyens tech niques permettant d'enquêter sur une cible particu- lière ou des moyens techniques d'enquête par ailleurs secrets étant utilisés.
iii) En ce qui concerne trois problèmes soulevés par l'intimé, le requérant soutient qu'on devrait considérer qu'ils ont en bonne partie été réglés par le passage du temps, sauf dans le cas une enquête sur une cible particulière ou sur une cible possible est en cours. Cela devrait être le cas en ce qui concerne les renseignements portant sur les cibles d'une enquête (paragraphes 33.3, 33.4, 38 et 39 de l'affidavit de M. Dagenais) à moins qu'une enquête ne soit en cours ou qu'une enquête conti nue ne soit menée et que la cible ne soit considérée comme une menace existante. On a laissé entendre que le passage du temps permettait également d'apaiser toute inquiétude manifestée au sujet des renseignements concernant l'ampleur, l'étendue et la complexité des ressources ou de l'expertise du service de sécurité (paragraphes top 33.5 et 43 de l'affidavit de M. Dagenais), à moins qu'il n'y ait
13 Davidson c. Canada (Procureur général), [1989] 2 C.F. 341 (C.A.); Muller c. Canada (Ministre des Communications) (dossier du greffe A-30-89, 12 octobre 1989 (C.A.F.), non publié).
une cible existante ou possible ou que les rensei- gnements ne portent sur une méthode unique en son genre ou sur d'autres renseignements concer- nant les opérations en cours du service de sécurité. Enfin, le passage du temps, a-t-on soutenu, devrait permettre d'apaiser toute inquiétude au sujet des renseignements qui révéleraient les méthodes, sys- tèmes ou procédures internes du service de sécurité lui-même (paragraphes 33.7 et 40 de l'affidavit de M. Dagenais). Le requérant soutient que dans tous ces cas, le temps qui s'est écoulé depuis que les renseignements ici en cause ont été recueillis, de 1966 à 1983, devrait être une considération majeure influant sur le risque vraisemblable de préjudice. Comme M. Dagenais le fait remarquer (paragraphe 42 de l'affidavit), et je souscris à son avis, le simple passage du temps en soi ne sert pas de norme permettant d'évaluer le préjudice possi ble porté aux intérêts du SCRS. En outre, le risque de préjudice doit être évalué à la date les rensei- gnements doivent être communiqués, et les raisons pour lesquelles les renseignements sont recueillis sont distinctes des considérations concernant le préjudice qui risque d'être porté par la communi cation.
5. Le requérant a également souligné l'importance de l'obligation mentionnée dans les lignes directrices du Conseil du Trésor, le responsable de l'institution fédérale concernée devant fonder le refus de commu- niquer des renseignements particuliers sur une excep tion précise prévue par la Loi, soit en l'espèce l'ar- ticle 21, et séparer les renseignements consultables de ceux à l'égard desquels une exception est invoquée 14 . Il a en outre été soutenu que les renseignements qui ne concernent pas personnellement le requérant, mais qui mettent les renseignements personnels dans un contexte, devraient également être communiqués. Enfin, on a prié la Cour d'examiner les décisions pri-
14 Contrairement à la Loi sur l'accès à l'information, la Loi sur la protection des renseignements personnels ne contient aucune disposition précise au sujet de la possibilité de séparer des renseignements et de communiquer ceux qui ne sont pas assujettis à une exception. Néanmoins, l'art. 12 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui prévoit la com munication de tout renseignement personnel conservé par une institution fédérale, laisse entendre et les lignes directrices du Conseil du Trésor disent que les renseignements non assujettis à une exception doivent être séparés des renseignements incon- sultables et être communiqués, s'il est raisonnable de le faire.
ses par le SCRS à l'égard de divers renseignements communiqués à M. Ternette de façon à déterminer s'il existait un motif changeant injustifiable de refus. Je tiens à faire remarquer en passant qu'il est oppor- tun de séparer les renseignements et de communiquer ceux qui ne sont pas considérés comme inconsul- tables et, en outre, que le SCRS a déjà l'habitude de le faire lorsqu'il communique au requérant certains renseignements en effectuant des suppressions impor- tantes dans le texte intégral original des documents. Je tiens également à faire remarquer qu'à mon avis, il n'incombe pas à la Cour d'examiner les décisions prises par le SCRS au sujet de la communication de renseignements en l'espèce, bien que les dernières communications, en octobre 1987 et en janvier 1988, résultent de la participation de l'intervenant, le Com- missaire à la protection de la vie privée, et des négo- ciations entre celui-ci et le SCRS. En l'espèce, le rôle de la Cour est de déterminer, au moyen d'un examen, conformément à l'article 49 de la Loi sur la protec tion des renseignements personnels, si l'intimé avait des motifs raisonnables de refuser de communiquer les renseignements non encore communiqués au moment de l'audience.
6. Au nom de l'intimé, il a été soutenu que la tâche de la Cour doit être envisagée à la lumière de l'ar- ticle 49 de la Loi, qui prévoit ceci:
49. Dans les cas le refus de communication des rensei- gnements personnels s'appuyait sur les articles 20 ou 21 ou sur les alinéas 22(1)b ou c) ou 24a), la Cour, si elle conclut que le refus n'était pas fondé sur des motifs raisonnables, ordonne, aux conditions qu'elle juge indiquées, au responsable de l'ins- titution fédérale dont relèvent les renseignements d'en donner communication à l'individu qui avait fait la demande; la Cour rend une autre ordonnance si elle l'estime indiqué.
Cette norme de preuve exige que la Cour, avant d'or- donner la communication des renseignements non divulgués compte tenu de l'article 21 de la Loi (comme c'est également le cas pour certaines autres dispositions prévoyant une exception), conclue que le refus de communication n'est pas fondé sur des motifs raisonnables. L'avocat de l'intimé considérait la norme comme celle d'un tribunal d'appel. Il l'a opposée à la norme requise en vertu de l'article 48 relativement aux refus de communication fondés sur d'autres dispositions de la Loi qui établissent des exceptions, ce qui exige que la Cour conclue au bon
droit de l'individu qui a exercé un recours en révision d'une décision de refus, ce qui ressemble, a-t-on dit, à une révision de novo de la décision. À mon avis, l'article 49 montre clairement la norme de preuve qui s'applique en l'espèce, à savoir que la Cour n'or- donne la communication des renseignements refusés que si elle conclut que le refus n'était pas fondé sur des motifs raisonnables.
Lorsqu'il a examiné les renseignements refusés, l'avocat de l'intimé a également attiré l'attention de la Cour sur trois considérations générales. Ces der- nières étaient toutes mentionnées dans l'affidavit public de M. Dagenais. Il s'agit du préjudice qui ris- que d'être porté aux liens internationaux entre le SCRS et d'autres pays (paragraphe 41 de l'affidavit) et du préjudice peut-être plus grave que celui qui pourrait être perçu si l'on examinait un élément ou des éléments d'information sans savoir comment ils pourraient être joints à d'autres renseignements pour former une mosaïque importante pour ceux qui cher- chent à obtenir des renseignements liés aux opéra- tions du SCRS (paragraphes 45 et 46 de l'affidavit); enfin, il a été souligné que le temps qui s'est écoulé depuis que les renseignements ont été recueillis ne permet pas en soi d'évaluer le risque vraisemblable de préjudice auquel pourrait donner lieu la communi cation des renseignements.
En examinant, pendant l'audience tenue à huis clos en l'absence du requérant, les documents individuels refusés, la Cour a tenu compte de ces divers argu ments des avocats, sauf lorsque le résumé indique le contraire. Il va sans dire qu'une considération pri- mordiale était la norme de preuve requise en vertu de l'article 49, la Cour ne devant intervenir que si «elle conclut que le refus n'était pas fondé sur des motifs raisonnables».
Équité de la procédure
L'avocat du requérant a souligné le manque d'équité intrinsèque de la procédure et le fait qu'elle ne fournit pas l'élément nécessaire en vue d'une pro- cédure contradictoire, étant donné que ni le requérant ni lui n'ont accès aux renseignements refusés. Ils ne connaissent donc pas les faits sur lesquels leurs observations pourraient être directement fondées.
L'avocat a reconnu que par l'article 51, le législa- teur avait prévu la tenue d'une audience à huis clos en l'absence d'une partie, l'intimé présentant des arguments sans que le requérant le sache ou sans qu'il ait la possibilité d'examiner directement les arguments ou la preuve présentés en son absence; il a soutenu que, dans ces conditions, la Cour était tenue d'assurer la procédure la plus équitable possible. Cette responsabilité est particulièrement importante compte tenu de l'objet général de la Loi sur la protec tion des renseignements personnels, qui est d'assurer la communication des renseignements personnels conservés par le gouvernement.
Deux propositions ont été faites devant la Cour. En premier lieu, la Cour devrait se fonder sur le principe selon lequel, dans les affaires de ce genre, on doit ordonner au responsable de l'institution fédérale qui refuse de communiquer les renseignements de fournir un répertoire connu sous le nom de «répertoire Vaughn», résumant la nature de tout renseignement refusé et énonçant le motif du refus, fondé sur des exceptions légales particulières. On adopterait ainsi la procédure que les tribunaux américains ont établie 15 lorsqu'ils traitent les demandes de révision du refus de communiquer les renseignements demandés en vertu de la Freedom of Information Act américaine. Aux États-Unis, dans la plupart des cas, il faut four- nir un répertoire qui est versé au dossier public et qui peut donner lieu à un litige contradictoire et à des observations, même lorsqu'une question de sécurité se pose 16 . Il a été soutenu que pareil répertoire don- nerait au requérant une possibilité meilleure que celle qu'il a maintenant de faire valoir son point de vue à l'appui de la demande de renseignements, bien que cette possibilité soit néanmoins insuffisante. Dans les cas un répertoire de ce genre a été exigé, on a exigé qu'il énonce expressément l'exception invo- quée pour chaque suppression ou pour chaque docu ment refusé et que des explications soient données au sujet de la pertinence de l'exceptionl 7 . L'avocat a également cité l'arrêt Vienneau c. Canada (Solliciteur général) 18 , dans lequel le juge en chef adjoint Jerome avait rejeté une demande visant à obliger une institu-
15 Vaughn v. Rosen, 484 F.2d 820 (D.C. Cir. 1973).
16 Ray v. Turner, 587 F.2d 1 187 (D.C. Cir. 1978).
17 Founding Church of Scientology of Washington, D.C., Inc. v. Bell, 603 F.2d 945 (D.C. Cir. 1979).
18 [1988] 3 C.F. 336 (I re inst.), aux p. 342 et 343.
tion fédérale à indiquer le motif sur lequel est fondé tout refus de communiquer un renseignement particu- lier en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Pourtant, le savant juge en chef adjoint a ajouté ceci: «je considère comme fortement recommandable la pratique qui consiste à fournir les numéros des articles applicables en regard des suppressions, et qui a été adoptée par de nombreux ministères ... Je recommanderais donc, pour les cas la divulgation de renseignements protégés ne présente pas de danger quant à leur origine ou à leur contenu, que les institu tions fédérales continuent à indiquer le numéro de l'article pertinent pour chaque suppression.»
Comme l'avocat de l'intimé l'a fait remarquer, il était plutôt tard pour envisager d'exiger qu'un réper- toire des documents soit versé au dossier public et rien ne permettait de conclure que même si c'était possible, la chose serait utile dans un cas comme celui-ci. En outre, aux États-Unis, l'examen judiciaire du refus de communiquer des renseignements vise à permettre à la Cour de rendre une décision de novo au sujet du motif du refus de communication et non, comme c'est ici le cas, en vertu de l'article 49 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, à déterminer si le refus est fondé sur des motifs rai- sonnables.
À l'audience, j'ai refusé d'ordonner qu'un réper- toire du genre de celui que les tribunaux américains appellent le «répertoire Vaughn» soit fourni au requé- rant. Dans l'exposé des faits et du droit présenté pour le compte du requérant, l'avocat a proposé ceci, à titre de mesure subsidiaire destinée à remplacer le dépôt d'un répertoire public:
[TRADUCTION] 18. Nous soutenons que lorsque l'intimé doit présenter une preuve par affidavit en l'absence du requérant, comme c'est ici le cas, la Cour devrait obliger l'intimé à four- nir cette preuve sous forme de répertoire détaillé semblable à celui qui est exigé aux États-Unis en vertu de la règle Vaughn afin d'aider la Cour lorsqu'elle examine à huis clos le dossier, s'il en est.
Je tiens à faire remarquer en passant que l'affidavit supplémentaire déposé à titre de document confiden- tiel pour le compte de l'intimé énonçait au complet, avec des exemples, les problèmes que la communica tion des renseignements posait, en ce qui concerne le préjudice particulier qui risquerait d'être porté aux intérêts du SCRS et aux efforts de détection d'acti-
vités hostiles ou subversives. Dans les pièces jointes à cet affidavit, qui comprenaient tous les renseigne- ments non communiqués au requérant, et notamment toutes les pages qui avaient été communiquées mais dans lesquelles des suppressions avaient été faites, il était fait mention sur chaque page, au moyen d'un renvoi, de l'effet ou des effets préjudiciables particu- liers que la communication de cette page risquait vraisemblablement d'avoir. Cet examen approfondi et minutieux ainsi que la documentation ont permis à la Cour d'examiner sans difficulté le motif sur lequel se fondait la décision de refuser de communiquer les renseignements au requérant.
En second lieu, le requérant a proposé, comme il en a ci-dessus été fait mention, que l'avocat de l'in- tervenant, le Commissaire à la protection de la vie privée, soit invité à assister à l'audience à huis clos pour représenter ses intérêts. J'ai fait remarquer que l'avocat de l'intervenant avait refusé d'envisager de jouer pareil rôle, compte tenu en particulier de la par ticipation active du Commissaire à une étape anté- rieure de la procédure. Je tiens également à faire remarquer que j'apprécie les remarques et les obser vations que l'avocat de l'intervenant a faites tant pen dant la partie de l'audience qui a eu lieu en public que pendant l'audience tenue à huis clos en l'absence du requérant.
Enfin, l'avocat du requérant a fait remarquer que dans l'arrêt Minematsu 19 , l'appel que le requérant avait interjeté contre l'ordonnance du savant juge en chef adjoint portait sur le manque d'équité de la pro- cédure, laquelle a essentiellement été suivie en l'es- pèce, on s'appuyait sur l'alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits 20 , qui prévoit ceci:
2. Toute loi du Canada, à moins qu'une loi du Parlement du Canada ne déclare expressément qu'elle s'appliquera nonob- stant la Déclaration canadienne des droits, doit s'interpréter et s'appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou enfreindre l'un quelconque des droits ou des libertés reconnus et déclarés aux présentes, ni à en autoriser la suppression, la diminution ou la transgression, et en particulier, nulle loi du Canada ne doit s'interpréter ni s'appliquer comme
(e) privant une personne du droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations;
19 Précité, note 4.
20 S.C. 1960, chap. 44 [L.R.C. (1985), appendice Ill].
En l'espèce, aucun argument spécial n'a été invoqué au sujet de cette disposition de la Déclaration des droits, mais l'avocat a cité celle-ci à l'appui de l'ar- gument selon lequel la Cour est tenue de veiller à ce que la procédure soit la plus équitable possible.
Conclusion
Compte tenu des considérations mentionnées par les avocats des parties au sujet de l'évaluation des motifs sur lesquels l'intimé s'appuie pour refuser de communiquer les renseignements demandés par le requérant, j'ai examiné à huis clos, en l'absence de ce dernier, les renseignements fournis avec l'affidavit supplémentaire déposé à titre de document confiden- tiel pour le compte de l'intimé et, bien sûr, l'affidavit lui-même. Mon examen a été complété passablement rapidement par suite de la préparation soignée et minutieuse que le SCRS avait faite pour le compte de l'intimé en vue de l'examen par la Cour. J'ai tardé à prononcer les motifs et à trancher l'affaire à cause d'autres obligations et la chose ne devrait pas être considérée comme indiquant la quantité de renseigne- ments ici en cause. Dans la mesure le retard découle de l'examen des questions soulevées, j'ai consacré mon temps à examiner les observations que le requérant avait faites au sujet de l'obligation qui incombe à la Cour d'assurer la procédure la plus équitable possible et de veiller à ce que le requérant ait la possibilité d'être entendu, en plus du temps qu'il a fallu pour examiner les renseignements eux- mêmes.
En ce qui concerne l'équité de la procédure, je conclus qu'il ne s'agit pas d'une affaire à l'égard de laquelle cette Cour, du moins à ce stade de l'évolu- tion de l'examen de la Loi sur la protection des ren- seignements personnels, doit ordonner qu'un «réper- toire Vaughn» ou autre compte rendu sommaire des renseignements refusés et que les motifs du refus soient fournis au requérant. Bien que le requérant n'ait pas directement pu faire valoir son point de vue au sujet des motifs précis, à savoir le préjudice qui risquait d'être porté si les renseignements étaient communiqués, je tiens à louer la façon dont ce préju- dice a été identifié, pour chaque genre de renseigne- ment et pour chaque page de renseignements refusés, dans l'affidavit supplémentaire confidentiel de
M. Dagenais et dans les pièces qui étaient jointes à celui-ci. Les mesures qui ont été prises allaient au- delà de l'exigence d'un simple répertoire et ont per- mis à la Cour d'examiner à fond les renseignements refusés, et ce, avec passablement de rapidité.
Le législateur a établi le cadre fondamental de la procédure ici suivie, au moyen de l'article 51 de la Loi, en prévoyant la tenue d'une audience à huis clos et, à la demande de l'intimé, la présentation d'argu- ments en l'absence du requérant. Le développement d'une procédure qui étaie le droit d'accès aux rensei- gnements personnels que les institutions fédérales conservent au sujet d'un individu peut être mieux envisagé et élaboré dans un contexte plus général que celui qui existe dans un cas particulier, aussi impor tant soit-il. La Loi elle-même contient des disposi tions qui peuvent faciliter la chose. Le Commissaire à la protection de la vie privée présente au Parlement un rapport annuel (article 38) et peut, à toute époque de l'année, présenter au Parlement un rapport sur toute question urgente importante (article 39); le Commissaire effectue les études que lui confie le ministre de la Justice et en fait rapport à celui-ci (arti- cle 60); chacun des responsables d'une institution fédérale présente au Parlement un rapport annuel d'application de la Loi en ce qui concerne son institu tion (article 72) et un comité parlementaire est chargé spécialement de l'examen «permanent» de l'applica- tion de la Loi (article 75).
Les renseignements examinés par la Cour compre- naient tous les documents non communiqués au requérant et ceux qui lui avaient été communiqués, mais dans lesquels des renseignements avaient été supprimés. Comme il en est fait mention aux para- graphes 24 à 32 de l'affidavit public de M. Dagenais, les renseignements concernant le requérant qui ont été versés au dossier se rapportaient non seulement à celui-ci, mais aussi à d'autres groupes et individus. Dans la mesure ils se rapportent à d'autres indivi- dus, l'intimé est tenu, en vertu de l'article 8 de la Loi sur lu protection des renseignements personnels, de ne pas communiquer ces renseignements sans le con- sentement de ces autres personnes. Dans la mesure il ne s'agit pas de renseignements concernant le requérant, M. Ternette n'a aucun droit d'accès en vertu de l'article 12 de la Loi, celui-ci prévoyant qu'il a le droit de se faire communiquer les renseignements
personnels le concernant. En plus de ces considéra- tions qui servent de fondement légal au refus de com- muniquer certains des renseignements, l'examen des renseignements déposés qui ne concernent pas M. Ternette, compte tenu des mentions détaillées du préjudice qui risquerait d'être porté si ces renseigne- ments étaient communiqués, m'amène à dire que rien ne permet de conclure que le refus n'était pas fondé sur des motifs liés à l'article 21.
Quant aux renseignements concernant le requérant, compte tenu des mentions détaillées du préjudice par- ticulier qui risquerait vraisemblablement d'être porté, par suite de la communication, aux «efforts de détec- tion, de prévention ou de répression d'activités hos tiles ou subversives» dont il est fait mention à l'ar- ticle 21, je ne conclus pas que l'intimé n'avait pas de motifs raisonnables de refuser de communiquer les renseignements.
En l'absence des conclusions négatives exigées par l'article 49, il faut implicitement que cette Cour con- clue que l'intimé avait des motifs raisonnables de refuser de communiquer les renseignements demandés, lesquels étaient liés à l'article 21, et que la divulgation risque vraisemblablement de porter préju- dice, de la façon énoncée aux paragraphes 33 46 de l'affidavit public de M. Dagenais, aux efforts de détection, de prévention ou de suppression d'activités hostiles ou subversives.
Par conséquent, une ordonnance rejetant la demande sera rendue.
Les dépens sont adjugés au requérant conformé- ment à l'article 52 de la Loi sur la protection des ren- seignements personnels. Cette disposition prévoit que les dépens sont laissés à l'appréciation de la Cour et qu'ils suivent, sauf ordonnance contraire de la Cour, le sort du principal; dans les cas elle estime que l'objet du recours a soulevé un principe important et nouveau quant à la Loi, la Cour accorde les dépens à la personne qui a exercé le recours devant elle, même si cette personne a été déboutée de son recours.
Cette affaire est l'une des premières à être tran- chées en vertu de la Loi sur la protection des rensei- gnements personnels; elle comporte la tâche épineuse et difficile d'établir l'équilibre entre le droit d'un individu et l'intérêt public du Canada dans la sécurité
de l'État. L'affaire, qui a été entendue en première instance par mon collègue le juge Strayer, a établi d'une manière accessoire le fondement permettant d'évaluer l'attribution de dossiers de renseignements personnels aux fichiers inconsultables et, fait encore plus important, a confirmé qu'un individu a droit à un examen judiciaire du refus du responsable d'une institution fédérale de reconnaître l'existence de ren- seignements personnels le concernant et de la déci- sion de refuser de communiquer des renseignements. Par la suite, la poursuite de ce recours par M. Ternette a entraîné la participation active du Com- missaire à la protection de la vie privée à un examen minutieux des renseignements initialement refusés par l'intimé et la communication au requérant de nombreux renseignements personnels le concernant. Je crois que ce recours a donné au Commissaire à la protection de la vie privée et au SCRS une possibilité importante de raffiner leurs façons respectives d'aborder la question des droits que possède un indi- vidu en vertu de la Loi sur la protection des rensei- gnements personnels. En écrivant au requérant en janvier 1988, pour rendre compte des résultats de l'examen détaillé des renseignements refusés que le commissariat avait fait, le Commissaire à la protec tion de la vie privée a dit ceci:
[TRADUCTION] Ce compte rendu termine nos travaux en ce qui concerne votre cas et marque la fin d'une des enquêtes les plus longues et les plus complexes que nous avons menées. Votre cas, peut-être plus que tout autre cas récent, a élargi la façon dont le public percevait les principes fondamentaux sur lesquels est fondée la Loi sur la protection des renseignements personnels et demeurera, à mon avis, un cas marquant, dans l'exercice du droit à la protection de la vie privée au Canada.
Je remarque que l'avocat de l'intimé ne s'opposait pas à ce que les dépens entre parties soient adjugés au requérant en l'espèce.
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