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A-1051-88
Westar Mining Ltd. (appelante)
c.
Sa Majesté la Reine (intimée)
RÉPERTORIA' WESTAR MIN/NO LTD. C. CANADA (CA.)
Cour d'appel, juges Mahoney, Stone et Linden, J.C.A.—Toronto, 26 novembre 1991 et Ottawa, 30 mars 1992; Ottawa, 11 mai 1992.
Impôt sur le revenu Exemptions Appel interjeté contre un jugement de première instance concluant que le produit d'assurance contre les pertes d'exploitation n'est pas exonéré d'impôt en vertu de l'art. 28 des Règles de 1971 concernant l'application de l'impôt sur le revenu à titre de «revenu tiré de l'exploitation d'une mine» Lorsqu'un incendie a causé la fermeture temporaire d'une usine de transformation de char- bon en 1971, l'appelante a reçu 1 328 000 $ pour perte de pro fits Les modifications apportées en 1975 l'art. 28(1.1) des R.A.1.R. définissent rétroactivement l'expression «revenu tiré de l'exploitation d'une mine» comme comprenant le revenu attribuable au traitement jusqu'au stade du métal primaire Le juge de première instance a conclu que l'argent devait pro- venir de l'extraction, de la transformation ou de la vente pour bénéficier de l'exemption Selon la jurisprudence, l'expres- sion «exploitation d'une mine» est un concept économique Le revenu provient de l'exploitation d'une mine en tant qu'ac- tivité économique et non des actes matériels qui consistent à extraire et à transformer Les contrats d'assurance ont été conclus dans le cadre d'une entreprise minière Le produit d'assurance reçu à titre d'indemnité pour la perte de revenu résultant de l'interruption d'un procédé de transformation, par définition, est inclus dans l'expression «revenu tiré de l'exploi- tation d'une mine» La clause d'exemption fiscale énoncée dans une police d'assurance n'est pas pertinente puisque les parties à un contrat ne peuvent en stipuler les conséquences ,fiscales.
Il s'agit d'un appel formé contre le jugement de première instance par lequel on a conclu que le produit d'assurance con- tre les pertes d'exploitation n'était pas exonéré de l'impôt sur le revenu en vertu du paragraphe 28(1) des Règles de 1971 concernant l'application de l'impôt sur le revenu, (R.A.I.R.), à titre de «revenu tiré de l'exploitation d'une mine». L'appelante exploitait une mine de charbon et des installations de transfor mation connexes. En 1971, l'usine de transformation a été fer- mée temporairement en raison d'un incendie. L'appelante a reçu 1 328 000 $ pour la perte de profits. À ce moment-là, le revenu de l'appelante tiré de l'exploitation de la mine était exonéré d'impôt en vertu du paragraphe 28(1) selon lequel le «revenu tiré de l'exploitation d'une mine» désigne simplement un revenu tiré de l'exploitation de la mine avant toute déduc- tion faite en vertu de l'article 65 ou 66. En 1975, les R.A.1.R. ont été modifiées par insertion du paragraphe 28(1.1) selon lequel, rétroactivement, l'expression «revenu tiré de l'exploita-
tion d'une mine» comprend le revenu d'une corporation attri- buable au traitement de minerai extrait jusqu'au stade du métal primaire. La Loi de l'impôt sur le revenu ne contenait aucune définition de l'expression, bien que celle-ci soit également uti lisée au paragraphe 83(5) qui exonérait de l'impôt le revenu provenant de l'exploitation d'une mine au cours des trente-six premiers mois de production. Le juge de première instance a conclu que si la somme reçue doit être considérée comme un revenu provenant de l'exploitation d'une mine, elle doit être reçue à la suite de l'extraction, du traitement ou des ventes. Il a estimé convaincant l'arrêt Cominco Ltd c La Reine, [19841 CTC 548 (C.F. lre inst.), il était question du produit d'assu- rance contre les pertes d'exploitation dans le contexte de la déduction pour épuisement gagnée prévue à l'article 65 de la Loi de l'impôt sur le revenu et au Règlement 1201. Il a égale- ment conclu que si le produit était considéré comme un mon- tant découlant de l'exploitation d'une mine, on accorderait au contribuable un double avantage: le droit de déduire les primes versées pour cette assurance et ensuite le droit de déduire l'in- demnité reçue. Enfin, il a conclu que la clause énoncée dans les polices d'assurance, stipulant que l'indemnité en provenant ne sera pas exempte d'impôt, bien que non déterminante, indi- quait l'intention des parties. L'appelante a prétendu que le pro- duit d'assurance était un revenu puisqu'il tenait lieu du revenu perdu dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise et que le revenu perdu, étant un revenu tiré de l'exploitation d'une mine, aurait été exonéré d'impôt sur le revenu.
Arrêt (le juge Linden, J.C.A., étant dissident): l'appel devrait être accueilli.
Le juge Mahoney J.C.A. (aux motifs duquel le juge Stone, J.C.A., a souscrit): Le produit d'assurance était tiré de l'exploi- tation d'une mine au sens du paragraphe 28(1) des R.A.I.R. Il ressort de la jurisprudence, dont la plus grande partie traitait de l'interprétation et de l'application du paragraphe 83(5) avant l'ajout en 1975 de la définition, que l'expression «exploitation d'une mine» est un concept économique. Le revenu provient de l'exploitation d'une mine en tant qu'activité économique et non des actes matériels qui consistent à extraire et à transfor mer le minerai. Les contrats d'assurance contre la perte d'ex- ploitation ont été conclus dans le cadre de l'entreprise minière de la contribuable, et non pas de quelque autre entreprise, et seulement pour garantir un revenu de cette entreprise. Le pro- duit d'assurance a été reçu à titre d'indemnité pour la perte de revenu résulant de l'interruption d'un procédé de transforma tion qui, par définition, est inclus dans l'expression «revenu tiré de l'exploitation d'une mine».
L'arrêt Cominco n'était d'aucune utilité. Il y était question de la définition des termes qui incluait expressément la défini- tion de «bénéfices de production imposables tirés de ressources minérales au Canada» formulée au paragraphe 124.1. La Cour d'appel a conclu que les articles 124.1 et 124.2 établissent leur propre système d'inclusions dans le revenu et d'exclusions du revenu en ce qui concerne les programmes spéciaux d'encoura- gement. Chaque encouragement apporté à l'activité écono- mique par le Parlement dans la Loi de l'impôt sur le revenu est un code en lui-même. L'intention exprimée dans l'un n'est pas utile à la compréhension de l'autre.
Aucune preuve ne démontre que l'appelante a demandé ou que le ministre a accordé une déduction des primes d'assu- rance dans le calcul du revenu imposable de l'appelante.
La disposition énoncée dans la police d'assurance concer- nant l'imposition n'est pas pertinente. Les parties à un contrat ne peuvent stipuler les conséquences fiscales de leur entente.
Le juge Linden, J.C.A. (dissident): L'exemption prévue au paragraphe 28(1) des R.A.I.R. ne peut être interprétée d'une façon si générale qu'elle vise le produit d'assurance reçu à la suite de la non-exploitation d'une usine de transformation d'une mine, quelle que soit la mesure dans laquelle ce revenu est relié ou connexe 3 l'entreprise minière. Le Parlement n'a pas exonéré tous les revenus gagnés par les compagnies minières, ni exempté tous les revenus découlant de l'entreprise minière. Seul le revenu tiré de l'exploitation d'une mine est exonéré. Chaque forme de revenu gagné par une entreprise minière doit être étudiée pour déterminer si elle est visée par l'exemption ou non.
Le paragraphe 28(I) des R.A.I.R. vise à encourager l'indus- trie minière canadienne, mais son objectif n'est pas d'encoura- ger l'entreprise minière en général. Son but est d'apporter un stimulant à l'exploitation de mines, c'est-à-dire aux activités particulières de l'entreprise minière dont notre société tire le plus de profit. L'extraction, la transformation et la vente de certaines ressources minières, qu'on voit généralement comme des activités faisant partie de l'exploitation d'une mine, favori- sent particulièrement les emplois, le commerce et d'autres acti- vités économiques, et sont particulièrement importantes pour notre bien-être économique et dignes d'un traitement spécial. Pendant la fermeture de l'usine de transformation, cet aspect du travail de la mine qui a une valeur particulière n'était ni effectué ni mis de l'avant; permettre un stimulant fiscal ne ferait pas progresser l'objectif spécifique de la Loi. Rien dans l'article ne donne 3 entendre que le Parlement avait l'intention de récompenser l'inactivité. S'il avait eu l'intention d'exonérer tous les revenus tirés de toutes les activités de l'entreprise minière, il aurait pu le faire. Puisqu'il ne l'a pas fait, nous devons présumer qu'il entendait donner à l'expression «exploi- tation d'une mine» un sens plus restreint.
LOI ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt de guerre sur le revenu, S.R.C. 1927, ch. 97, art. 5(1)(a).
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 18(1)c), 65, 124.1(1) (édicté par S.C. 1974-75-76, ch. 26, art. 80).
Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, ch. 148, art. 83(5) (mod. par S.C. 1955, ch. 54, art. 21).
Règlement de l'impôt sur le revenu, DORS/54-682, art. 1201 (mod. par DORS/75-342, art. I).
Règles de /97/ concernant l'application de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, partie III, art. 28 (mod. par S.C. 1974-75-76, ch. 26, art. 133).
JURISPRUDENCE DISTINCTION FAITE AVEC:
Cominco Ltd e La Reine, [1984] CTC 548; (1984), 84 DTC 6535 (C.F. inst.).
DECISIONS EXAMINÉES:
Gulf Canada Ltd. et autre c. La Reine (1990), 90 DTC 6622; 38 F.T.R. 81 (C.F. Ire inst.); Canada c. Gulf Canada Ltd. (1992), 92 DTC 6123 (C.A.F.); Gilhooly, Grace v. Minister of National Revenue, [1945] R.C.É. 141; [1945] 4 D.L.R. 235; [1945] C.T.C. 203; Commissio ners of Taxation v. Kirk, [1900] A.C. 588 (P.C.); Minister of National Revenue v. Hollinger North Shore Exploration Company, Limited, [1963] R.C.S. 131; (1963), 36 D.L.R. (2d) 636; [1963] C.T.C. 51; 63 DTC 1031; Gunnar Mining Limited v. Minister of National Revenue, [1968] R.C.S. 226; (1968), 67 D.L.R. (2d) 153; [1968] C.T.C. 22; 68 DTC 5035; Falconbridge Nickel Mines Ltd. c. Le Ministre du Revenu national, [1972] C.F. 835; [1972] CTC 374; (1972), 72 DTC 6337 (C.A.); Le ministre du Revenu national e. Bethlehem Copper Corp., [1973] C.F. 565; [1973] CTC 345; (1973), 73 DTC 5281 (C.A.); M.R.N. e. Bethlehem Copper Corp. Ltd., [1975] 2 R.C.S. 790; [1974] CTC 707; (1974), 74 DTC 6520.
DÉCISION CITÉE:
C.P.R. v. Provincial Treasurer of Manitoba, [1953] 4 D.L.R. 233; (1953), 10 W.W.R. (N.S.) 1 (B.R. Man.).
APPEL d'un jugement de première instance, [1988] 2 C.T.C. 349; (1988), 88 DTC 6505; 23 F.T.R. 71, qui a conclu que le produit d'assurance contre les pertes d'exploitation n'était pas exonéré de l'impôt en vertu des Règles de 1971 concernant l'ap- plication de l'impôt sur le revenu à titre de «revenu tiré de l'exploitation d'une mine». Appel accueilli.
AVOCATS:
William I. Innes et Clifford L. Rand pour l'appe- lante.
Wilfrid Lefebvre, c.r. et John Shipley pour l'inti- mée.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Toronto, pour l'appelante. Ogilvy, Renault, Montréal, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY, J.C.A.: Dans le présent appel interjeté contre une décision publiées de la Section de
I [1988] 2 C.T.C. 349.
première instance, nous devons décider si le produit d'assurance contre les pertes d'exploitation de 1 328 000 $ est exonéré de l'impôt sur le revenu à titre de «revenu tiré de l'exploitation d'une mine». Le juge de première instance a tranché par la négative. En appel, on n'a pas repris l'argument subsidiaire, rejeté en première instance, selon lequel le produit n'est pas un revenu au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, ch. 63] et, en fait, l'appe- lante a essentiellement fondé sa plaidoirie sur la pro position contraire.
Une grande partie des faits substantiels sont énoncés dans l'exposé conjoint des faits repris en entier dans la décision du tribunal inférieur. La preuve documentaire s'est composée de polices d'as- surance, et le témoignage a principalement porté sur la négociation tenue en vue de régler la demande d'indemnité. On a déposé au dossier des extraits de l'interrogatoire préalable d'un agent représentant l'intimée. Cet interrogatoire préalable a permis de démontrer qu'aux yeux de l'intimée, le produit d'as- surance est un revenu tiré d'une entreprise et non du bien que constituent les polices d'assurance en elles- mêmes.
La demanderesse [appelante] exploitait à Elkview (C.-B.) une mine de charbon, appelée la mine de Bal- mer, et des installations de transformation connexes, qui sont entrées en production le le' mai 1971. Le 4 décembre 1971, l'usine de transformation a été incendiée. Du 4 au 20 décembre, la production a été interrompue pour recommencer de façon partielle le 21 décembre jusqu'au 29, date à laquelle elle a repris son plein régime. Pendant la fermeture, le charbon était exploité et accumulé à la mine de Balmer. Dans son année d'imposition 1972, l'appelante a donc reçu de ses assureurs la somme de 1 455 865 $. De cette somme, les parties ont convenu que «1 328 000 $ étai[en]t reliés] à la perte de profits qu'elle [l'appe- lante] a subie à l'égard du charbon provenant de la mine de Balmer». Au moment de l'incendie et du paiement du produit d'assurance, le revenu de l'appe- lante tiré de l'exploitation de la mine de Balmer était exonéré d'impôt en vertu du paragraphe 28(1) des Règles de 1971 concernant l'application de l'impôt sur le revenu [R.A.I.R.] [S.C. 1970-71-72, ch. 63, Partie III].
28. (1) Sous réserve des conditions prescrites, le revenu tiré de l'exploitation d'une mine qui a commencé à produire avant 1974, ne doit pas être inclus dans le calcul du revenu d'une corporation, dans la mesure un tel revenu est gagné ou pro- duit pendant la période commençant le jour la mine a com- mencé à produire en se terminant à celle des deux dates sui- vantes qui tombent en premier, le 31 décembre 1973 ou la date postérieure de 36 mois à la date à laquelle la mine a commencé à produire, sauf que le présent paragraphe ne s'applique pas dans le cas d'une mine qui a commencé à produire après le 7 novembre 1969, à moins que la corporation n'opte pour cette formule de la manière et dans les délais prescrits.
(2) Dans le présent article,
(a) «revenu tiré de l'exploitation d'une mine» signifie un revenu tiré de l'exploitation d'une mine avant toute déduc- tion faite en vertu de l'article 65 ou 66 de la loi modifiée;
L'appelante a opté comme elle y était tenue en temps opportun. Les parties n'ont pas plaidé la perti nence en l'espèce de la définition prévue à l'alinéa 28(2)a) des R.A.I.R. En 1975, l'article 28 des R.A.I.R. a été modifié par insertion du paragraphe (1.1) 2 .
28....
(1.1) L'expression «revenu tiré de l'exploitation d'une mine» est réputée comprendre et avoir toujours compris, aux fins du présent article et de l'article 83 de l'ancienne loi, tel qu'il se lisait pour l'année d'imposition 1971 et pour les années d'imposition antérieures, le revenu d'une corporation attribuable au traitement de minerai extrait d'une mine appar- tenant à la corporation jusqu'au stade du métal primaire ou son équivalent.
Le paragraphe 83(5) [S.R.C. 1952, ch. 148 (mod. par S.C. 1955, ch. 54, art. 21)] de l'«ancienne Loi» était ainsi libellé:
83....
(5) Sous réserve des conditions prescrites, il ne faut pas inclure, dans le calcul du revenu d'une corporation, le revenu provenant de l'exploitation d'une mine au cours de la période de 36 mois commençant le jour la mine est entrée en pro duction.
L'ancienne Loi ne contenait aucune autre définition de «revenu tiré de l'exploitation d'une mine» que celle donnée rétroactivement au paragraphe 28(1.1) des R.A.I.R. J'estime que, sous réserve de l'effet éventuel de cette définition, l'effet des paragraphes 28(1) des R.A.I.R. et 83(5) de l'ancienne Loi est, pour les fins de l'espèce, identique.
2 S.C. 1974-75-76, ch. 26, art. 133 (sanction royale, le 13 mars 1975.)
L'interprétation et l'application du paragraphe 83(5) sont l'objet d'une jurisprudence abondante qui fait abstraction de la modification rétroactive. Avant de passer à l'étude de cette jurisprudence, je crois opportun d'examiner les objections opposées aux conclusions du juge de première instance.
Bien qu'il ait effectivement étudié la jurisprudence portant précisément sur le paragraphe 83(5), le juge de première instance semble surtout avoir été con- vaincu par les motifs de la juge Reed dans l'arrêt Cominco Ltd c La Reine 3 . Il y était question du pro- duit d'assurance contre les pertes d'exploitation dans le contexte de la soi-disant déduction pour épuise- ment gagnée prévue à l'article 65 de la Loi de l'impôt sur le revenu et au Règlement [Règlement de l'impôt sur le revenu, DORS/54-682 (mod. par DORS/75- 342, art. 1)] 1201. La juge Reed a conclu ainsi:
Il ne fait aucun doute que si le contribuable avait effectivement gagné le revenu dont l'indemnité d'assurance tient lieu, celle- ci aurait été considérée comme un bénéfice de production et aurait été déduite conformément au paragraphe 65(1).
Si j'ai bien compris, la décision portait sur la défini- tion, prévue au Règlement 1201, des expressions «bénéfices de production» et «bénéfices relatifs à des ressources». La juge Reed a conclu que, comme en l'espèce, «le libellé de l'article de la Loi faisait du produit d'assurance, parce qu'il est un revenu d'en- treprise, un revenu imposable, puis elle a ajouté ceci la page 5521:
L'indemnité d'assurance ne saurait toutefois tomber sous le coup du libellé beaucoup plus précis du paragraphe 1201(2)— les bénéfices de production (avant le 6 mai 1974) et de l'article 1201 du Règlement—les bénéfices relatifs à des ressources (après le 6 mai 1974). L'indemnité ne provient tout simple- ment pas de la «production de ... métal ou [de] minéraux industriels» ni du «traitement au Canada de minerais d'une ressource minérale».
La définition statutaire de «revenu tiré de l'exploita- tion d'une mine» est formulée au paragraphe 28(1.1) et à l'alinéa 28(2)a) des R.A.I.R. Elle ne suit pas les définitions statutaires en litige dans l'arrêt Cominco.
À mon avis, cet arrêt n'est d'aucune utilité pour trancher les questions en litige en l'espèce. Au lende- main du 6 mai 1974, la définition de «bénéfices rela- tifs à des ressources», en jeu dans cette affaire,
3 [1984] CTC 548 (C.F. Ire inst.).
incluait expressément, entre autres, la définition de «bénéfices de production imposables tirés de res- sources minérales au Canada» formulée au para- graphe 124.1(1) [édicté par S.C. 1974-75-76, ch. 26, art. 80] de la Loi. Cette Cour a expressément fait sienne l'opinion suivante du juge McNair énoncée dans l'arrêt Gulf Canada Ltd. et autre c. La Reine 4 .
À mon avis, les articles 124.1 et 124.2 établissent leur propre système distinct d'inclusions dans le revenu et d'exclusions du revenu en ce qui concerne les programmes spéciaux d'encoura- gement.
Les encouragements apportés à l'activité économique par le Parlement dans la Loi de l'impôt sur le revenu me semblent être pour ainsi dire des codes en eux- mêmes; à mon avis, l'intention exprimée dans l'un n'est pas très utile à la compréhension de l'autre. C'est particulièrement vrai lorsqu'on tente de com- prendre le sens donné par le Parlement à une certaine catégorie de «revenu» dans le contexte d'une disposi tion; la définition de l'expression dans cette disposi tion ressemble peu ou aucunement à la définition per- tinente prévue dans la disposition à laquelle on a recours.
La seconde objection s'en prend à la conclusion suivante:
Dire que cette indemnité d'assurance doit être considérée comme un montant découlant ou provenant de l'exploitation d'une mine, c'est aller clairement au-delà de l'intention du Parlement. Cette interprétation aurait pour effet d'accorder à la demanderesse un double avantage: le droit de déduire les primes versées pour cette assurance et le droit de déduire l'in- demnité reçue, ce qui n'est évidemment pas le résultat voulus.
Aucune preuve ne démontre, les avocats en con- viennent, que l'appelante a demandé ou que le minis- tre a accordé une déduction des primes d'assurance dans le calcul du revenu imposable de l'appelante 6 .
Enfin, renvoyant à une clause des polices d'assu- rance, il a dit ceci:
La clause d'exemption fiscale énoncée dans les polices d'assu- rance stipule clairement que l'indemnité provenant des polices d'assurance ne sera pas exempte et qu'une provision devra être faite pour tenir compte des impôts exigibles à la suite de paie-
4 (1990), 90 DTC 6622 (C.F. Ire inst.), à la p. 6632; (1992), 92 DTC 6123 (C.A.F.), à la p. 6127.
5 À la p. 357.
c, L'art. 18(1)c) de la Loi interdit la déduction du revenu imposable d'une dépense faite en vue de tirer un revenu exo- néré.
ments versés. Cette clause n'est pas déterminante en soi, mais elle indique que, pour les parties au contrat, l'indemnité ne constituerait pas un revenu tiré de l'exploitation d'une mine, et ces parties ont été conseillées par des avocats et des comp- tables agréés avant de signer les documents. Elles ont peut-être agi en se fondant sur une interprétation erronée de la loi; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle cette interprétation n'est pas concluante.
Avec égards, non seulement la disposition n'est-elle pas concluante, mais elle n'est pas pertinente. Les parties à un contrat ne peuvent stipuler les consé- quences fiscales de celui-ci. Ceci étant dit, la décision n'était manifestement pas fondée sur cette preuve.
Avant d'examiner la ratio du jugement de première instance, il sera utile d'étudier la jurisprudence. La première question vise l'étendue du sens de l'expres- sion «tiré de». Je n'entends pas citer l'arrêt C.P.R. v. Provincial Treasurer of Manitoba 8 , en dépit de l'im- portance que lui accorde l'appelante. Cette affaire portait sur l'expression «revenu attribuable», et puis- qu'elle reposait sur l'autorité de l'arrêt Gilhooly, Grace v. Minister of National Revenue 9 , qui traitait de la déduction pour épuisement prévue à la Loi de l'impôt de guerre sur le revenus °, relativement au revenu «tiré d'» une exploitation minière, je ne vois aucune raison de ne pas en discuter maintenant. La contribuable, qui recevait une rente viagère du revenu de la succession de son père, a demandé une déduc- tion pour épuisement des dividendes en actions d'une compagnie minière touchés par les exécuteurs. Pour des fins pertinentes au présent appel, voici ce que le juge Cameron a conclu:
[TRADUCTION] Le Murray's New English Dictionary, volume 3, p. 230, définit ainsi le terme «derive» («tiré»): «découler, jaillir, provenir, émaner, venir, naître, tirer son origine, être tiré de»; le Shorter Oxford English Dictionary, volume I, le définit ainsi: «entraîner, faire venir, obtenir; provenir d'une source».
Peut-on douter que les dividendes d'une exploitation minière sont tirés de l'exploitation d'une mine? Je ne crois pas ...
Dans l'arrêt Commissionnent of Taxation v. Kirke, lord Davey a dit «Leurs Seigneuries ne prêtent aucun sens particu- lier au terme «tiré» («derived»), qu'ils considèrent synonyme de «découler ou provenir de».
7 Ibid.
8 [1953] 4 D.L.R. 233 (B.R. Man.).
[1945] R.C.É. 141.
In S.R.C. 1927, ch. 97, art. 5(1)a).
0 [1900] A.C. 588 (P.C.), à la p. 592.
L'arrêt Kirk portait sur une loi de la Nouvelle-Galles du Sud imposant les [TRADUCTION] «revenus tirés des terres de la Couronne». Ce passage a été cité avec approbation par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Minister of National Revenue v. Hollinger North Shore Exploration Company, Limited 12 celle-ci a conclu que le loyer reçu par le propriétaire minier d'une personne exploitant une mine était un «revenu tiré de l'exploitation d'une mine» au sens du paragraphe 83(5).
Dans l'arrêt Gunnar Mining Limited v. Minister of National Revenue 13 , la contribuable a investi, dans des titres à court terme, un revenu tiré de l'exploita- tion de sa mine au cours de la période de 36 mois, et elle a demandé que ce revenu d'investissement soit exonéré en vertu du paragraphe 83(5). Au nom de la Cour, le juge Spence a conclu:
[TRADUCTION] L'exemption prévue à ce paragraphe [83(5)] vise le «revenu tiré de l'exploitation d'une mine». Le revenu tiré d'investissements à court terme n'était pas un revenu tiré de l'exploitation de la mine, mais plutôt un revenu tiré de l'inves- tissement des bénéfices de la mine. Ce revenu tiré des investis- sements à court terme, pas plus que tout autre revenu tiré de l'utilisation des bénéfices réalisés par la mine, ne peut être qualifié de revenu accessoire dans l'exploitation de la mine.
L'avocat de l'appelante a souligné qu'au cours de la période visée par l'exemption d'impôt, la corporation a également con- sidéré à titre de revenu accessoire les revenus de location tirés de certaines maisons sur les terrains de la mine, et elle a sou- tenu que le revenu tiré des titres à court terme n'était qu'une autre forme de revenu accessoire à l'exploitation minière. Cette prétention ne peut être accueillie. Ces maisons ont été construites par la compagnie afin que les employés de la mine puissent y résider. De toute évidence, leur construction et leur location, et le revenu de location en découlant, étaient acces- soires à l'exploitation de la mine. Au risque d'être familier, pendant le temps elle bénéficiait d'une exonération d'impôt l'appelante exploitait deux entreprises—premièrement, une entreprise minière et, deuxièmement, une entreprise de place ment et, bien qu'elle ait exploité celle-ci afin de réunir des fonds sous une forme facilement réalisable avec lesquels elle pourrait payer les débentures à fonds d'amortissement portant intérêt au taux de 5 p. 100, si elles venaient à échéance, il ne s'agit pas moins de l'exploitation d'une seconde entreprise.
Dans l'arrêt Falconbridge Nickel Mines Ltd. c. Ministre du Revenu national", la question était de savoir si l'exemption du paragraphe 83(5) s'appli-
12 [1963] R.C.S. 131, aux p. 134 et s.
13 [1968] R.C.S. 226, aux p. 232 et s.
14 [ 1972] C.F. 835 (C.A.).
quait au revenu tiré des ventes, après les 36 mois, du minerai extrait pendant cette période. Selon la contri- buable, l'expression «exploitation d'une mine» ne signifiait rien de plus que l'extraction matérielle du minerai de la terre. Cette Cour a confirmé la cotisa- tion établie par le ministre qui avait exonéré de l'im- pôt le revenu tiré des ventes du minerai dans la période de 36 mois, notamment le minerai produit avant que la mine entre en production 15 , et qui avait imposé le revenu tiré des ventes du minerai extrait au cours de la période, mais vendu après son expiration. Unanimes quant au résultat, les juges ont tout de même prononcé des motifs de jugement distincts. Le juge suppléant Sheppard a conclu que l'expression «au cours de la période de 36 mois» apportait une modification à l'expression «revenu tiré» et non au terme «exploitation d'une mine». Il n'a pas cru nécessaire d'analyser le sens de l'expression «exploi- tation d'une mine».
Le juge suppléant Sweet a conclu ainsi, aux pages 841 et 842:
L'exploitation d'une mine, au sens de la Loi applicable, ne peut correspondre qu'à la conduite d'une entreprise réalisable et viable destinée à cette fin. Pour ce faire, il faut nécessaire- ment, et je dirais même évidemment, qu'il y ait une organisa tion, une entreprise commerciale, structurée et établie de façon à faire face à la multiplicité des conditions requises à cette fin. L'extraction du minerai, la transformation en métal ainsi que la vente sont des éléments, des éléments importants, mais unique- ment des éléments, de ces conditions. Afin d'atteindre vrai- ment le résultat visé, d'une façon pratique et efficace, ils doi- vent être accompagnés et appuyés par d'autres opérations. C'est l'ensemble de cette organisation, de cette entreprise, ainsi que de sa conduite qui constitue «l'exploitation d'une mine» au sens de la loi.
Le juge en chef Jackett, généralement d'accord avec les motifs de ses deux collègues, a dit, aux pages 836 et 837:
Si, dans l'article 83(5), «l'exploitation d'une mine» corres pond au simple fait d'extraire du minerai, à mon avis, l'appe- lante doit avoir gain de cause, sous réserve, toutefois, qu'on puisse dire que le revenu provient d'une exploitation purement matérielle de ce genre, considérée séparément de l'entreprise dont elle fait partie.
Selon l'autre point de vue, qui, à mon avis, est le bon, lors- que l'article 83(5) parle du revenu provenant de l'exploitation d'une mine, il se réfère au revenu provenant d'une entreprise d'exploitation minière, car, en ce qui concerne l'activité pro
15 «production», encore aujourd'hui, est défini comme «pro- duction en des quantités commerciales raisonnables».
ductrice de bénéfices (par opposition aux biens ou à l'emploi), l'entreprise constitue le genre de source de revenu envisagé par la Loi de l'impôt sur le revenu. Voir, par exemple, l'article 3 de la Loi...
Un acte purement matériel, considéré séparément des autres éléments nécessaires à la naissance d'un revenu, n'est pas une source de revenu telle que l'envisage la Loi. Il s'ensuit que l'acte purement matériel d'extraction du minerai de la mine, considéré séparément de l'entreprise dont il fait partie, est un acte stérile qui ne peut, par lui-même, constituer une source de revenu. Cet acte matériel ne peut donc correspondre à ce qu'envisage l'article 83(5) qui parle de «l'exploitation d'une mine» comme étant quelque chose qui produit un revenu.
On a laissé entendre que l'arrêt Ministre du Revenu national c. Bethlehem Copper Corp. ) 6 avait amené le Parlement à adopter le paragraphe 28(1.1) des R.A.I.R. La contribuable avait mis en production un puits de mine à ciel ouvert et un moulin afin de traiter le minerai en concentré, et, à compter du ler décem- bre 1962, elle a eu droit à l'exemption d'impôt pour une période de 36 mois. En février 1965, un éboule- ment a mis fin à l'exploitation du puits. Peu après, un deuxième puits à ciel ouvert est entré en production non loin. Son minerai était transformé au moulin déjà existant. La contribuable a demandé en vain au ministre une deuxième exemption d'impôt pour une période de 36 mois. Le juge en chef Jackett a rendu le jugement au nom de la Cour.
Si j'ai bien compris la position de l'appelant, il soutient qu'une «mine» au sens de l'article 83(5) signifie une exploita tion utilisée pour extraire du minerai «et produire des con- centrés de cuivre». Cette interprétation revient en fait à inté- grer deux opérations industrielles, à savoir a) l'extraction du minerai et b) la production de concentrés. J'estime que la juris prudence ne permet pas de donner une portée aussi large à l'exemption prévue à l'article 83(5)... (Les citations des arrêts North Bay Mica v. M.N.R., [1958] R.C.S. 597 et M.R.N. c. MacLean Mining, [1970] R.C.S. 877 ont été omises.) J'estime que «l'exploitation d'une mine», au sens de l'article 83(5), vise uniquement l'extraction du minerai d'un gisement et ne com- prend pas le traitement du minerai après sa production. (Dans l'un et l'autre cas bien sûr, il ne s'agit pas de la simple activité physique d'extraire le minerai ou de celle d'extraire le minerai et de le traiter. Ce qui est envisagé est une activité à but lucratif composée de ces actes physiques et de l'aliénation des produits moyennant contrepartie au moyen d'une vente ou autrement.)
Je déclare par conséquent mal fondé l'argument de l'appe- lant suivant lequel l'extraction du minerai du gisement Jersey ne constitue qu'une partie de l'exploitation d'une mine, exploi tation qui engloberait l'ensemble des opérations d'extraction et de traitement effectuées par l'intimée.
16 [1973] C.F. 565 (C.A.), à la p. 568; [1975] 2 R.C.S. 790, aux p. 795 à 797.
En conséquence, la cotisation a été renvoyée pour nouvelle cotisation qui tienne compte du fait que la page 569]:
... en vertu de l'article 83(5), il ne faut pas inclure, dans le calcul du revenu de l'intimée, cette partie de son revenu qui provient de l'extraction du minerai du gisement Jersey [le nou- veau puits] au cours de la période de 36 mois commençant le jour la mine est entrée en production.
Se prononçant au nom de la Cour suprême du Canada, le juge Martland a longuement cité les motifs du juge en chef Jackett et, sur cette question, il a expressément adopté son opinion. L'autre question, non pertinente en l'espèce, était de savoir si le puits ouvert était simplement une accumulation de minerai et non une mine. Il s'agissait d'une mine.
La prétention de l'appelante repose sur deux posi tions qui, à mon avis, sont inattaquables:
a) le produit d'assurance était manifestement un revenu puisqu'il tenait lieu du revenu perdu dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise;
h) le revenu perdu, étant un revenu tiré de l'exploi- tation d'une mine, aurait été exonéré d'impôt sur le revenu.
En outre, la jurisprudence donne à l'expression «tiré de» un sens large.
Le motif déterminant du jugement rendu en pre- mière instance se trouve dans les termes suivants»:
À mon avis, la demanderesse voudrait inclure dans la Loi des mots qui ne s'y trouvent pas. Elle soutient que les mots «entreprise minière» ont le même sens que l'expression «exploitation d'une mine», soit l'expression même utilisée dans l'article qui permet l'exemption. A mon avis, la défende- resse a raison de dire que l'exploitation d'une mine ne com- porte que trois éléments; en conséquence, si des sommes d'ar- gent reçues sont exemptes parce qu'elles appartiennent à la catégorie «exploitation d'une mine», elles doivent être reçues à la suite
a) de l'extraction
b) du traitement
c) de ventes.
Un examen du texte français fait ressortir encore plus nette- ment cette interprétation.
Le juge de première instance ne s'est pas attardé à cette dernière observation.
17 Aux p. 356 et 357.
L'appelante soutient que le juge de première ins tance a mal compris sa prétention. En effet, elle ne cherchait pas, dit-elle, à assimiler l'«exploitation d'une mine» à une «entreprise minière», mais plutôt à une «entreprise d'exploitation minière», ajoutant que l'«exploitation d'une mine» est un concept éco- nomique. L'intimée n'a pas répondu à cette préten- tion directement. Au contraire, elle soutient que le juge de première instance a bien compris la préten- tion de l'appelante et qu'assimiler «entreprise minière» à «exploitation d'une mine» rendrait l'exemption d'impôt applicable à des revenus que le Parlement n'avait pas l'intention d'exonérer.
Avec égards, il ressort clairement de la jurispru dence que l'expression «exploitation d'une mine» est un concept économique. Dans l'arrêt Bethlehem Cop per, on a conclu que le paragraphe 83(5) visait «un procédé profitable» à l'égard de l'extraction de mine- rai à partir d'une accumulation de minerai. Manifes- tement, pour la majorité, dans l'arrêt Falconbridge Nickel, l'«exploitation d'une mine» était un concept économique. Le juge suppléant Sweet a dit ceci la page 842]:
C'est l'ensemble de ... [I]a conduite [de l'entreprise] qui cons- titue «l'exploitation d'une mine»...
Le juge en chef Jackett a ajouté ceci [aux pages 836 et 837]:
... lorsque l'article 83(5) parle du revenu provenant de l'ex- ploitation d'une mine, il se réfere au revenu provenant d'une entreprise d'exploitation minière, ...
Un acte purement matériel, considéré séparément des autres éléments nécessaires à la naissance d'un revenu, n'est pas une source de revenu telle que l'envisage la Loi.
Dans l'arrêt Gunnar Mining, les juges ont adopté la même position. Pour établir une distinction entre le revenu exonéré et celui qui ne l'est pas, le juge Spence a utilisé les expressions «entreprise minière» et «entreprise d'investissement». Dans ce contexte, il parlait manifestement de l'entreprise d'exploitation minière en question, lorsqu'il a dit «au risque d'être familier ... une entreprise minière». Le revenu pro- vient de l'exploitation d'une mine en tant qu'activité économique et non des actes matériels qui consistent à extraire et à transformer le minerai.
Plusieurs parties de l'interrogatoire préalable de l'agent de la Couronne, dont le passage suivant est un bon exemple, font ressortir le caractère artificiel de la position de l'intimée 18 . M. Bowman et M. Lefebvre étaient les avocats de la contribuable et de la Cou- ronne respectivement.
[TRADUCTION] M. BOWMAN: Le ministre dit qu'il s'agit d'un revenu d'entreprise.
Q. Est-ce vrai?
R. Oui.
Q. De quelle entreprise le revenu est-il tiré, selon le minis- tre?
R. Celle qui bouche des trous.
Q. Le ministre croit que la contribuable exploite une entre- prise qui bouche des trous? La demanderesse s'emploie à creuser des trous.
M. LEFEBVRE: Nous contestons. Je crois que nous contes- tons. Nous avons expliqué notre position. Dans le cadre de son entreprise, la demanderesse s'assure contre un événement, con- tre certains risques. Lorsque ces risques se concrétisent, il en résulte une perte de revenus. La cessation de l'exploitation de la mine, bien sûr, produit une perte de revenus compensée par la police d'assurance. En l'absence de police d'assurance, il n'y aurait eu aucun revenu. Elle a bouché le trou.
La question est donc de savoir si le revenu est tiré de l'ex- ploitation d'une mine ou de la non-exploitation d'une mine, celle-ci étant couverte par la police d'assurance.
Les contrats d'assurance contre la perte d'exploita- tion ont été conclus dans le cadre de l'entreprise minière de l'appelante, et non pas de quelque autre entreprise, et pour aucune autre fin que de garantir un revenu de cette entreprise. L'exploitation de la mine de Balmer est au nombre des activités assurées qui font partie de cette entreprise minière. Le produit d'assurance a été reçu à titre d'indemnité pour la perte de revenu résultant de l'interruption d'un pro- cédé de transformation, dont le revenu, par défini- tion, est inclus dans l'expression «revenu tiré de l'ex- ploitation d'une mine». En fait, l'extraction s'est poursuivie. Les parties ne contestent pas que le pro- duit était imposable parce qu'il s'agissait d'un revenu d'entreprise. Il était tiré d'une entreprise. Si ce n'était pas de l'entreprise d'exploitation de la mine de Bal- mer, de quelle entreprise était-il tiré? Aucune autre possibilité ne se présente logiquement.
À mon avis, à concurrence du 1 328 000 $ con- venu, le produit d'assurance contre les pertes d'ex-
18 à la p. 104, I. 29 et s.
ploitation était tiré de l'entreprise d'exploitation de la mine de Balmer et il provenait de l'exploitation de cette mine au sens du paragraphe 28(1) des R.A.I.R. J'accueillerais l'appel avec dépens en l'espèce et devant la Section de première instance et je renver- rais les cotisations de 1975 et 1976 de l'appelante au ministre du Revenu national pour nouvelle cotisation qui tienne compte de ce qui est énoncé au paragraphe 9 de l'exposé conjoint des faits.
Le juge Stone, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE LINDEN, J.C.A. (dissident): Avec regret, je ne peux être d'accord avec mon collègue le juge Mahoney, J.C.A.
Le paragraphe 28(1) des Règles de 1971 concer- nant l'application de l'impôt sur le revenu exonère de l'impôt le «revenu tiré de l'exploitation d'une mine [c'est moi qui souligne]». Avec égard pour le raison- nement de mon collègue, je ne peux convenir que l'exemption peut être interprétée d'une façon si géné- rale qu'elle vise le produit d'assurance reçu à la suite de la non-exploitation d'une usine de transformation d'une mine, quelle que soit la mesure dans laquelle ce revenu est relié ou connexe à l'entreprise minière. Le Parlement n'a pas exonéré tous les revenus gagnés par les compagnies minières, ni exempté tous les revenus découlant de l'entreprise minière. Seul le revenu tiré de l'exploitation d'une mine est exonéré.
La différence entre la définition d'entreprise minière et la définition plus précise d'exploitation d'une mine, que l'entreprise englobe nécessairement, a été expliquée par le juge Spence dans l'arrêt Gun- nar Mining Limited v. Minister of National Revenue, [1968] R.C.S. 226, la page 232:
L'exemption prévue à ce paragraphe [83(5)] vise le «revenu tiré de l'exploitation d'une mine». Le revenu tiré d'investisse- ments à court terme n'était pas un revenu tiré de l'exploitation de la mine, mais plutôt un revenu tiré de l'investissement des bénéfices de la mine. Ce revenu tiré des investissements à court terme, pas plus que tout autre revenu tiré de l'utilisation des bénéfices réalisés par la mine, ne peut être qualifié de revenu accessoire dans l'exploitation de la mine.
Selon le juge Spence, les revenus gagnés par l'entre- prise minière ne sont donc pas tous exonérés en vertu de cet article. Seul le revenu gagné dans le cadre de l'exploitation d'une mine est exonéré, et aucun autre revenu indirect ou subsidiaire tiré d'autres activités, investissements ou accords d'une compagnie minière. Le juge Spence a conclu que le revenu tiré de la location de maisons à des mineurs était exonéré, puisqu'il s'agissait d'un revenu tiré de l'exploitation d'une mine, mais que le revenu tiré d'investissements à court terme n'était pas exonéré. De toute évidence, chaque forme de revenu gagné par une entreprise minière doit être étudiée individuellement pour déter- miner si elle est visée par l'exemption ou non.
Dans une affaire semblable, l'arrêt Cominco Ltd c La Reine, [19841 CTC 548 (C.F. l ie inst.), madame la juge Reed devait décider si le produit d'assurance reçu en remplacement d'un revenu perdu pouvait être qualifié de bénéfice de production tiré d'un procédé de transformation minière, et ainsi être déductible en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Comme en l'espèce, il est évident que, si la contribuable avait réellement gagné le revenu en remplacement duquel le produit d'assurance était versé, il aurait été déduit. Toutefois, la juge a conclu que le produit d'assurance découlait de la non-production par la contribuable et que, pour cette raison, il ne répondait pas aux exi- gences expresses des règlements ni ne concordait avec les fins à l'égard desquelles les déductions étaient destinées. Ainsi, la contribuable n'a pu se pré- valoir de l'avantage de la déduction à l'égard du pro- duit d'assurance en dépit du fait que, si le revenu tiré de l'activité avait été effectivement gagné, il aurait été déductible en vertu de l'article en question.
Le produit d'assurance est souvent traité, sur le plan fiscal, de la même manière que le revenu ou le bien perdu qu'il remplace. Nous devons toutefois nous rappeler que les affaires étudient en général la possibilité de qualifier le produit d'assurance de revenu. En l'espèce, il ne s'agit pas de savoir si le produit d'assurance est un revenu, mais s'il est exo- néré. Pour appliquer l'exemption en l'espèce, nous devons être convaincus que les activités de la contri- buable sont visées par le libellé de l'article.
Le paragraphe 28(1) des Règles de 1971 concer- nant l'application de l'impôt sur le revenu vise clai- rement à encourager l'industrie minière canadienne, mais son objectif n'est pas d'encourager l'entreprise minière en général. Son but, plus limité, est d'appor- ter un stimulant à l'exploitation de mines, c'est-à-dire aux activités particulières de l'entreprise minière dont on croit que notre société tire le plus profit. En d'autres termes, on voit généralement dans l'extrac- tion, la transformation et la vente de certaines res- sources minières, des activités faisant partie de l'ex- ploitation d'une mine qui favorisent particulièrement les emplois, le commerce et d'autres activités écono- miques et qui, par conséquent, sont particulièrement importantes pour notre bien-être économique et dignes d'un traitement spécial. Pendant la fermeture de l'usine de transformation, cet aspect du travail de la mine, que l'on croit avoir une valeur particulière, n'était ni effectué ni mis de l'avant; permettre un sti mulant fiscal en l'espèce ne ferait pas progresser l'objectif spécifique de la Loi. Rien dans l'article ne donne à entendre que le Parlement avait l'intention de récompenser l'inactivité. S'il avait eu l'intention d'exonérer tous les revenus tirés de toutes les acti- vités de l'entreprise minière, il aurait pu facilement le faire. Puisqu'il ne l'a pas fait, nous devons présumer qu'il entendait donner à l'expression «exploitation d'une mine» un sens plus restreint. Accorder l'avan- tage de l'article au revenu tiré du produit d'assurance payable en raison de la non-exploitation d'une acti- vité d'une mine, comme l'a proposé le juge Maho- ney, J.C.A., n'est pas, à mon humble avis, en harmo- nie avec le libellé législatif ni avec l'intention du Parlement.
Pour ces motifs, j'aurais rejeté l'appel.
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