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A-279-90
Association olympique canadienne—Canadian Olympic Association (appelante) (demanderesse)
c.
Konica Canada Inc. (intimée) (défenderesse)
RÉPERTORIE.' Assoc. OLYMPIQUE CANADIENNE C. KONICA CANADA INC (CA.)
Cour d'appel, juges Hugessen, MacGuigan et Linden, J.C.A.—Toronto, 12 et 13 novembre; Ottawa, 22 novembre 1991.
Marques de commerce Contrefaçon Appel à l'encontre du rejet d'une action en injonction permanente Avis de l'adoption et de l'emploi des marques officielles «Olympic», etc. en 1980 L'intimée vend des pellicules photographiques et des appareils-photos À titre de titulaire de licence de Guinness, brasseur de bière qui a commencé à publier les Guinness Book of Olympic Records avant 1980, elle a acquis le droit de publier et de distribuer sa propre édition du livre avant les Jeux olympiques de 1988 Le livre fait partie d'une trousse promotionnelle incluant des rouleaux de pellicules Le juge de première instance a erronément conclu que l'inti- mée n'avait pas employé la marque officielle de l'appelante comme marque de commerce Partie essentielle d'un signe distinctif, le terme «Olympic» était employé comme marque de commerce La liaison entre la marque et les marchandises est si étroite et si nettement reliée à leur vente que le terme «Olympie» est aussi utilisé comme une marque de commerce en liaison avec des livres, des pellicules photographiques et des appareils-photos (usage présumé en vertu de l'art. 4) Guinness ne détient que le droit d'employer la marque de com merce «Olympic» en liaison avec de la bière et des livres Le titulaire de la licence est visé par la même restriction Il ne peut employer la marque pour la promotion des pellicules et des appareils-photos.
Droit constitutionnel Partage des pouvoirs Les prohi bitions des art. 9 et 11 de la Loi sur les marques de commerce visent l'adoption comme marque de commerce ou autrement L'intimée allègue que les termes «ou autrement» sont inconsti- tutionnels puisque leur application est illimitée et qu'ils peu- vent restreindre la liberté d'expression et l'exercice de droits civils dans les provinces Le libellé clair des art. 9 et 11 dans leur contexte limite la portée à l'emploi d'une marque offi- cielle ou d'une marque qui lui ressemble à un point tel qu'on pourrait vraisemblablement la confondre avec elle relative- ment à une entreprise.
Droit d'auteur Contrefaçon L'intimée allègue son droit, en tant que titulaire de licence, au droit d'auteur dans le titre Guinness Book of Olympie Records Rien dans la Loi sur le droit d'auteur ne touche le droit contesté d'employer le terme «Olympic» comme marque de commerce en liaison avec des pellicules photographiques et des appareils-photos.
L'appel porte sur la décision du juge Denault de rejeter une action en injonction permanente et en dommages-intérêts. Le sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi sur les marques de commerce interdit l'adoption à l'égard d'une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, d'une marque adoptée comme marque officielle à l'égard de laquelle le registraire a donné un avis public. L'avis de l'adoption et de l'emploi des termes «Olympic», «Winter Olympics» et «Summer Olympics» comme marques officielles a été donné en 1980. Les droits acquis antérieurs ne sont pas affectés par l'adoption et l'emploi subséquents d'une marque d'une ressemblance qui jette la con fusion. Pendant plusieurs années avant 1980, la Guinness Company, brasseur de bière, a publié les Guinness Book of Olympic Records. L'intimée vend des pellicules photogra- phiques et des appareils-photos. À titre de sous-titulaire de licence de Guinness, elle a acquis le droit de publier et de dis- tribuer au Canada sa propre édition du Guinness Book of Olym- pic Records qui reprenait le texte entier de ce livre avec un dos, des plats supérieur et inférieur et la première et dernière pages distinctifs à Konica. L'intimée a ajouté au livre du matériel publicitaire et des bons de réduction pour les pellicules et les appareils-photos. Le livre faisait partie d'une trousse promo- tionnelle emballée par rétraction sous plastique avec trois rou- leaux de pellicule photographique Konica. Cette trousse devait être vendue comme paquet de pellicule photographique ayant le livre comme prime. L'appelante a obtenu une injonction interlocutoire interdisant la distribution du paquet. Le juge de première instance a conclu que l'intimée n'avait pas employé la marque officielle de l'appelant comme une marque de com merce, mais qu'elle l'avait employée «autrement» et «à l'égard d'une entreprise» d'une telle façon qu'elle s'est trouvée visée par la prohibition des articles 9 et 11. Mais il a rejeté l'action au motif que l'adoption et l'avis public des marques officielles de l'appelante ne pouvaient avoir d'effet rétroactif. Il était d'avis que Guinness, et non Konica, avait adopté les marques.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli.
Le juge de première instance a commis une erreur en con- cluant que l'intimée n'avait pas employé le terme «Olympic» comme marque de commerce. Il semble avoir négligé l'alinéa c) de la définition en vertu de laquelle «marque de commerce» inclut un signe distinctif. «Signe distinctif» s'entend aussi d'un mode d'envelopper des marchandises dont la présentation est employée afin de distinguer ses marchandises des autres. Compte tenu que le paquet à emballage par rétraction reliait, sans qu'ils puissent être séparés, le livre et les cartouches de pellicules photographiques et compte tenu que les termes «Olympic Records» sont en or et beaucoup plus gros que tous les autres caractères se trouvant sur le paquet, le terme «Olym- pic» est une partie essentielle d'un signe distinctif employé par l'intimée afin de distinguer ses marchandises. En deuxième lieu, et ce qui est encore plus important, la publication et la distribution du livre, indépendamment du paquet emballé par rétraction contenant la pellicule, constituent un emploi du terme «Olympic» comme marque de commerce. Puisque la prohibition prévue aux articles 9 et 11 vise l'emploi, la défini- tion «d'emploi» est décisive. Une marque de commerce est réputée être employée en liaison avec des marchandises si, lors de la vente, elle est apposée sur les marchandises ou sur les
colis à tel point qu'un avis de liaison est alors donné. Sont assi- milées aux «marchandises» les publications imprimées. Le terme «Olympic» était par conséquent employé comme marque de commerce en liaison avec les livres—il est apposé sur les livres afin de les distinguer—il est aussi employé en liaison avec les pellicules et les appareils-photos, compte tenu du caractère promotionnel du livre et de la publicité qui porte sur les pellicules et les appareils-photos de l'intimée. La liaison entre la marque et les marchandises est si étroite et si nettement reliée à leur vente (particulièrement dans les coupons de réduc- tion du prix des marchandises), que la marque est employée par l'intimée comme une marque de commerce en liaison avec ces marchandises.
La conclusion selon laquelle Konica employait les marques officielles «autrement» que comme une marque de commerce n'est pas inconciliable avec l'opinion que les emplois men- tionnés constituaient un emploi comme marque de commerce.
Le juge Denault a également commis une erreur en n'exami- nant pas l'étendue des droits acquis de Guinness dont l'intimée était titulaire de licence. Ces droits, qui n'étaient pas touchés par l'avis public de l'appelante à l'égard de ses marques offi- cielles, comprenaient le droit d'employer le terme «Olympic» comme une marque de commerce. L'«emploi» comme marque de commerce désigne un emploi en liaison avec des marchan- dises ou services particuliers. Bien que le Guinness Books of Records ait vu le jour à titre de véhicule promotionnel pour le produit de la brasserie irlandaise, il a aujourd'hui une existence distincte du brasseur. La marque de commerce «Guinness Book of Olympic Records» est également employée en liaison avec les livres mêmes, en tant que marchandises. La bière et les livres étaient les seules marchandises en liaison avec les- quels Guinness a employé le terme «Olympic» comme marque de commerce avant 1980. Comme Guinness ne détient, sur la marque de commerce «Olympic», que le droit d'employer cette marque en liaison avec de la bière et des livres, le titulaire de licence (Konica) est visé par la même restriction. Elle ne peut employer la marque pour promouvoir des pellicules photogra- phies et des appareils-photos.
L'intimée a allégué son droit, en tant que titulaire de licence, au droit d'auteur dans le titre Guinness Book of Olympic Records. La question du droit d'auteur n'est soulevée que pour brouiller la piste. Le litige porte sur le droit d'employer le terme «Olympic» comme marque de commerce en liaison avec des pellicules photographiques et des appareils-photos. Rien dans la Loi sur le droit d'auteur ne touche ce droit de quelque façon.
L'intimée a allégué que les termes «ou autrement» qui figu- rent aux articles 9 et 11 étaient exorbitants du Parlement puis- que leur application est illimitée et qu'ils peuvent avoir pour effet de restreindre la liberté d'expression et l'exercice de droits civils ordinaires dans les provinces. La lecture du libellé clair de ces articles, dans leur contexte, limite leur portée à l'emploi d'une marque officielle ou d'une marque qui lui res- semble à un point tel qu'on pourrait vraisemblablement la con- fondre avec elle, relativement à une entreprise.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur le droit d'auteur, L.R.C. (1985), chap. C-42, art. 2.
Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), chap. T-13, art. 2, 3, 4, 9(1)n)(iii), 11, 20.
JURISPRUDENCE DÉCISION INFIRMÉE:
Assoc. Olympique canadienne c. Konica Canada Inc., [1990] 2 C.F. 703; (1990), 69 D.L.R. (4th) 432; 30 C.P.R. (3d) 60; 35 F.T.R. 59 (1« inst.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Assoc. Olympique canadienne c. Allied Corp., [1990] 1 C.F. 769; (1989), 26 C.I.P.R. 157; 28 C.P.R. (3d) 161; 105 N.R. 388 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Clairol International Corp. et al. v. Thomas Supply & Equipment Co. Ltd. et al, [1968] 2 R.C.É. 552; (1968), 38 Fox Pat. C. 176; Wembley Inc. v. Wembley Neckwear Co., [1948] O.R. 341; [1948] 3 D.L.R. 109; (1948), 8 C.P.R. 132; 7 Fox Pat. C. 244 (C.A.); Francis Day & Hunter Ld. v. Twentieth Century Fox Corporation, LA., [1940] A.C. 112 (P.C.); Asbjorn Horgard A/S c. Gibbs/Nortac Indus tries Ltd., [1987] 3 C.F. 544; (1987), 38 D.L.R. (4th) 544; 17 C.I.P.R. 263; 14 C.P.R. (3d) 314; 12 F.T.R. 317; 80 N.R. 9 (C.A.).
AVOCATS:
Kenneth D. McKay et Arthur B. Renaud pour
l'appelante (demanderesse).
D. H. Jack, Susan A. Goodeve et Karen E.
Crombie pour l'intimée (défenderesse).
John S. Tyhurst pour l'intervenant.
PROCUREURS:
Sim, Hughes, Dimock, Toronto, pour l'appelante (demanderesse).
McDonald & Hayden, Toronto, pour l'intimée (défenderesse).
Le sous-procureur général du Canada pour l'in- tervenant.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HUGESSEN, J.C.A.: Par le présent appel, nous sommes encore une fois appelés à étudier la
portée de la protection accordée à une marque offi- cielle décrite au sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi sur les marques de commerce' qui porte que:
9. (1) Nul ne peut adopter à l'égard d'une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque composée de ce qui suit, ou dont la ressemblance est telle qu'on pourrait vraisemblablement la confondre avec ce qui suit:
n) tout insigne, écusson, marque ou emblème:
(iii) adopté et employé par une autorité publique au Canada comme marque officielle pour des marchandises ou services,
à l'égard duquel le registraire, sur la demande de Sa Majesté ou de l'université ou autorité publique, selon le cas, a donné un avis public d'adoption et emploi;
Dans l'arrêt Assoc. Olympique Canadienne c. Allied Corp. 2 , nous avons ainsi décidé:
Les droits d'emploi d'une marque qui peuvent découler de son adoption ne sont pas touchés par l'adoption et l'emploi subsé- quents d'une marque officielle semblable au point de porter à confusion; toutefois, le droit d'enregistrer la marque n'existe plus à compter du moment l'avis public est donné.
Aujourd'hui, nous traçons avec plus de précision la ligne de démarcation séparant les droits acquis anté- rieurement «non touchés» par l'adoption et l'emploi d'une marque officielle, et les droits revenant à l'au- torité publique pour le bénéfice de laquelle la marque officielle existe.
L'appelante a fait donner un avis public d'un cer tain nombre de marques officielles, dont les plus importantes aux fins de la présente discussion sont «Olympic», «Summer Olympics» et «Winter Olym- pics». Le 5 mars 1980, le registraire a donné avis de l'adoption et de l'emploi de ces marques par l'appe- lante.
Pendant plusieurs années avant 1980, la Guinness Company qui, à l'origine, était et demeure brasseur de bière en Irlande, a publié des livres de «records» sont relatés divers exploits réalisés dans différents domaines. Un de ces livres, mis en circulation pério- diquement suivant approximativement le cycle des olympiques, a, pendant plusieurs années, été intitulé Guinness Book of Olympic Records. L'appelante ne conteste pas le droit de Guinness de publier son livre
1 L.R.C. (1985), chap. T-13.
2 [1990] 1 C.F. 769 (C.A.), à la p. 775.
de records olympiques et d'employer le terme «Olympic» dans le titre de ce livre, ni ne soulève de question à cet égard; notre conclusion dans l'affaire Allied Corp., précitée, exclurait, de toute façon, une telle question.
L'intimée, Konica Canada Inc., vend des pellicules photographiques et des appareils-photos. À titre de sous-titulaire de licence de Guinness, elle a acquis le droit exclusif de publier et de distribuer au Canada sa propre édition «spéciale» du Guinness Book of Olym- pic Records qui devait être mise en circulation en pré- vision des Jeux olympiques d'hiver et d'été 1988. Le texte entier du Guinness Book of Olympic Records se retrouve dans cette édition dont le dos, les plats supé- rieur et inférieur (extérieur et intérieur), la première et la dernière pages sont distinctifs à Konica. Les élé- ments ajoutés par l'intimée mettent son nom bien en vue en caractères gras et incluent du matériel publici- taire et promotionnel et des bons de réduction pour les pellicules et les appareils-photos qu'elle vend. Le titre de la publication, qui se trouve sur le dos et à l'extérieur du plat supérieur du livre, se lit KONICA Guinness Book of OLYMPIC RECORDS. Le sous- titre du plat supérieur porte la mention suivante: The Complete 1988 Winter & Summer Olympic Schedule. PLUS—Valuable Discount Coupons PLUS—All the Record Holders and Medal Winners PLUS—Hun- dreds of Fascinating Feats and Facts.
Le livre publié par l'intimée a été conçu en vue d'être employé par celle-ci à titre de prime faisant partie d'une trousse promotionnelle. Celle-ci consiste en trois rouleaux de pellicule photographique en cou- leur Konica encartés et emballés, avec le livre, par rétraction sous plastique de façon à ce que seule la partie extérieure du plat supérieur du livre et l'exté- rieur des trois cartouches de pellicule puissent être vus. Cette trousse a ensuite été lancée sur le marché pour être vendue comme paquet de pellicule photo- graphique ayant le livre comme prime. En termes populaires, le livre était un «cadeau».
La promotion n'a jamais vraiment pris son envol. Dès que l'appelante en a eu vent en novembre 1987, elle a demandé et obtenu une injonction interlocu- toire interdisant la distribution du livre dans le paquet à emballage par rétraction. Plusieurs mois plus tard, longtemps après que les Olympiques de 1988, à la
fois d'été et d'hiver, eurent passé à l'histoire, la ques tion a été soumise au juge Denault lors d'un procès sur le fond [[1990] 2 C.F. 703]. Le présent appel porte sur la décision de ce dernier de rejeter l'action en injonction permanente et en dommages-intérêts de l' appelante.
Le juge Denault a tiré la conclusion de fait [aux pages 709 et 710] «que le titre et le sous-titre du livre de la défenderesse ressemblent à ce point aux marques officielles enregistrées par la demanderesse qu'on pourrait vraisemblablement les confondre avec certaines d'entre elles». Cette conclusion n'est pas contestée en l'espèce. Toutefois, le juge a ensuite conclu que l'intimée avait employé les marques offi- cielles de l'appelante «autrement» que «comme marques de commerce» et «à l'égard d'une entre- prise», d'une telle façon qu'elle s'est trouvée visée par la prohibition des articles 9 et 11 de la Loi 3 . Il a dit [aux pages 711 et 712]:
Toutefois, la défenderesse Konica fabrique du matériel et des articles de photographie; on peut sans crainte de se tromper présumer que son incursion dans le domaine de l'édition cana- dienne vise principalement à promouvoir ses propres produits. Il s'agit donc d'un emploi «à l'égard d'une entreprise», encore qu'il s'agisse de l'emploi d'un mot autrement que comme marque de commerce. La défenderesse était tenue aux termes de son contrat de licence d'utiliser le titre et le sous-titre qu'elle a employés et qui contiennent des mots qui semblent être les marques officielles de la demanderesse. L'emploi par la défenderesse du mot «olympic» ou d'autres mots ressem- blant aux marques de la demanderesse ne constitue pas un emploi comme marque de commerce, au sens de la définition que la Loi donne à ce mot. Il m'apparaît évident que Konica n'a pas adopté les mots «olympic» ou «1988 Winter & Sum mer Olympic Schedule» comme marques de commerce. Ces mots ont plutôt été adoptés à l'égard d'une entreprise autre- ment que comme des marques de commerce.
Bien que le point puisse sembler théorique aux yeux de certains puisque le juge de première instance a, en fin de compte, conclu que les activités de l'inti- mée pouvaient être visées par le libellé prohibitif des articles 9 et 11,à mon avis, il est tout de même important de mentionner qu'il a commis une erreur en concluant ainsi pour le seul motif que la marque a été adoptée et employée «autrement» que comme
3 Voir l'art. 9(1), précité. Art. 11 est libellé ainsi:
11. Nul ne peut employer relativement à une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque adoptée contrairement à l'article 9 ou 10 de la présente loi...
marque de commerce. En d'autres termes, je crois, avec déférence, que le juge de première instance a erronément conclu que Konica n'avait pas employé le terme «Olympic» comme marque de commerce.
Pour appuyer sa conclusion, le juge de première instance n'a cité que la définition de marque de com merce qui figure à l'article 2 de la Loi:
2....
«marque de commerce» Selon le cas:
a) marque employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d' autres;
b) marque de certification;
c) signe distinctif;
d) marque de commerce projetée.
En premier lieu, le juge de première instance semble avoir négligé l'alinéa c) de la définition citée de marque de commerce, laquelle inclut un signe dis- tinctif. Ce terme est lui-même ainsi défini à l'article 2:
2....
«signe distinctif» Selon le cas:
a) façonnement de marchandises ou de leurs contenants;
b) mode d'envelopper ou empaqueter des marchandises,
dont la présentation est employée par une personne afin de dis- tinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exé- cutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d'autres.
Compte tenu du paquet à emballage par rétraction de l'intimée dont l'effet était de relier, sans qu'ils puissent être séparés, le livre et les cartouches de pel- licule photographique tout le moins jusqu'à l'achat) et compte tenu de la dimension et de la cou- leur de l'impression des termes «Olympic Records» (en or et beaucoup plus gros que tous les autres caractères se trouvant ailleurs sur tout le paquet), il m'est impossible d'affirmer que le terme «Olympic» n'est pas une partie importante et essentielle d'un signe distinctif employé par l'intimée afin de distin- guer ses marchandises.
En deuxième lieu, et ce qui est encore plus impor tant, il me semble toutefois que la publication et la
distribution du livre même, tout à fait indépendam- ment du paquet emballé par rétraction contenant la pellicule, constitue un emploi du terme «Olympic» comme marque de commerce au sens de la Loi. À cet égard, il ne suffit pas d'imiter le juge de première ins tance et de ne citer que la définition de «marque de commerce».
La prohibition énoncée à l'article 9 vise l'«adop- tion», que l'on peut brièvement décrire comme le premier emploi au Canada 4 . La prohibition prévue à l'article 11 vise l' «emploi». Ainsi, pour chacun des deux articles, la définition d' «emploi» est décisive:
2....
«emploi» ou «usage» À l'égard d'une marque de commerce, tout emploi qui, selon l'article 4, est réputé un emploi en liaison avec des marchandises ou ser vices.
Cette définition nous renvoie à l'article 4, para- graphe (1), ainsi libellé:
4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la pro- priété ou de la possession de ces marchandises, dans la pra- tique normale du commerce, elle est apposée sur les marchan- dises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.
Finalement, pour en revenir à l'article des défini- tions, nous devons signaler celle-ci:
2...,
«marchandises» Sont assimilées aux marchandises les publica tions imprimées.
Dans la mesure les marchandises distribuées par l'intimée sont les livres mêmes, il ne peut subsister aucun doute que le terme «Olympic» est employé comme marque de commerce au sens du paragraphe 4(1): il est apposé sur les marchandises mêmes afin de les distinguer. Compte tenu, toutefois, du caractère promotionnel du livre et de la publicité, qui figure à
4 Art. 3 porte que:
3. Une marque de commerce est réputée avoir été adoptée par une personne, lorsque cette personne ou son prédéces- seur en titre a commencé à l'employer au Canada ou à l'y faire connaître, ou, si la personne ou le prédécesseur en question ne l'avait pas antérieurement ainsi employée ou fait connaître, lorsque l'un d'eux a produit une demande d'enre- gistrement de cette marque au Canada.
l'intérieur du plat supérieur du livre et à l'extérieur et à l'intérieur de son plat inférieur et qui porte sur les pellicules et les appareils-photos de l'intimée, et dans la mesure ceux-ci sont des marchandises dont l'in- timée fait le commerce, je crois que le terme «Olym- pic» est employé en liaison avec ces marchandises également. Si les marques de l'appelante étaient déposées plutôt qu'officielles, la publicité faite par l'intimée serait clairement visée par l'article 20. Bien que tout emploi publicitaire ne soit pas un emploi «en liaison avec» des marchandises «de façon à [les] dis- tinguer» 5 , certains emplois de ce genre le sont 6 . En l'espèce, la liaison entre la marque et les marchandi- ses est si étroite et si nettement reliée à leur vente (particulièrement dans les coupons de réduction du prix des marchandises), que je suis convaincu que la marque est employée par l'intimée comme une marque de commerce en liaison avec ces marchandi- ses.
Je conclus, par conséquent, sur cet aspect de la question, que l'intimée a employé les marques offi- cielles de l'appelante comme marque de commerce pour ses livres et pour ses pellicules photographiques et ses appareils-photos, et que cet emploi s'est fait relativement à l'entreprise de l'intimée.
Comme je l'ai déjà mentionné, le juge de première instance a conclu que Konica employait les marques officielles relativement à son entreprise «autrement» que comme une marque de commerce. Je mentionne- rais simplement à ce stade-ci que je ne souhaite pas que l'on me croit nécessairement en désaccord avec cette conclusion; elle n'est pas inconciliable avec mon opinion que les emplois que j'ai mentionnés constituaient également un emploi comme marque de commerce.
Nonobstant son opinion selon laquelle les activités de l'intimée se situaient dans la portée des articles 9 et 11, le juge de première instance a rejeté l'action de l'appelante au motif que l'adoption et l'avis public des marques officielles de l'appelante ne pouvaient
5 Voir Clairol International Corp. et al v. Thomas Supply & Equipment Co. Ltd. et al, [1968] 2 R.C.É. 552. I1 est à signaler, toutefois, que l'interprétation de l'art. 4(1) donnée dans ce cas n'apparaît pas avoir tenu compte de la version française de l'article.
6 Voir Wembley Inc. v. Wembley Neckwear Co., [1948] O.R. 341 (C.A.).
avoir d'effet rétroactif. De toute évidence, il avait rai- son à ce sujet puisqu'il était lié par notre décision rendue dans l'affaire Allied Corp., précitée. Il était également d'avis, cependant, que l'intimée elle- même n'avait pas «adopté» les marques puisque les droits sur celles-ci appartenaient à Guinness et que ce dernier les avaient adoptées. Il a dit [aux pages 712 et 713]:
Le principal moyen qu'invoque la défenderesse en l'espèce est que l'on ne peut donner un effet rétroactif au sous-alinéa 9(1)n)(iii). La défenderesse prétend qu'elle n'a pas adopté les marques, étant donné qu'elles avaient été adoptées et utilisées par Guinness longtemps avant que Konica ne distribue son livre. La défenderesse affirme qu'elle n'a pas adopté la marque, étant donné qu'elle a déjà été adoptée. L'avocat de la défenderesse a cité à la Cour l'article 3 de la Loi, qui dispose :
3. Une marque de commerce est réputée avoir été adoptée par une personne, lorsque cette personne ou son prédéces- seur en titre a commencé à l'employer au Canada ou à l'y faire connaître, ou, si la personne ou le prédécesseur en question ne l'avait pas antérieurement ainsi employée ou fait connaître, lorsque l'un d'eux a produit une demande d'enre- gistrement de cette marque au Canada. [C'est le juge Denault qui souligne.]
Je pense que sur ce point la thèse de la défenderesse est bien fondée. Suivant la preuve non contredite de la défenderesse, Bantam Books publie l'édition canadienne du livre Guinness depuis la fin des années soixante, de nombreuses années avant que la demanderesse n'adopte ses marques officielles.
Il a également dit la page 715]:
Ce n'est que par un texte législatif clairement exprimé que le législateur aurait pu supprimer les droits acquis de Guinness Books et de ses preneurs de licences comme Konica. La Loi ne prévoit rien de tel; en fait, elle n'est nullement ambigus et elle est expressément rédigée en des termes auxquels, conformé- ment aux règles d'interprétation bien connues, on ne peut don- ner un effet rétroactif. En conséquence, la vente et la distribu tion de l'édition Konica du Guinness Book of Olympic Records, de la pellicule emballée par rétraction et du paquet contenant le livre ne violent pas les marques officielles de l'Association olympique canadienne.
À mon avis, et avec déférence, le juge a commis une erreur. La source de cette erreur, il me semble, se situe dans le défaut d'examiner l'étendue des droits acquis de Guinness, dont l'intimée était titulaire de licence. Ces droits qui, comme le juge de première
7 L'appelante a consacré temps et efforts à prétendre que l'intimée, à titre de preneur de licence, n'était pas le successeur en titre de Guinness et que, par conséquent, elle ne pouvait prétendre que Guinness était son prédécesseur en titre au sens
(Suite à la page suivante)
instance a conclu à juste titre, n'étaient pas touchés par l'avis public de l'appelante à l'égard de ses marques officielles, comprenaient le droit d'employer le terme «Olympic» comme une marque de com merce.
L'«emploi» comme une marque de commerce, tou- tefois, n'est pas quelqu'emploi imprécis ou général. Il ressort clairement de l'article des définitions et de l'article 4 déjà cités que l'«emploi» comme marque de commerce désigne un emploi en liaison avec des marchandises ou services particuliers.
La Guinness Company a fait ses premiers pas comme brasseur, et opère toujours dans ce domaine. On peut, sans crainte de se tromper, présumer que le Guinness Books of Records a vu le jour à titre de véhicule promotionnel pour le produit de la brasserie de Dublin. En effet, il ressort de la preuve soumise au juge de première instance qu'aussi récemment qu'en 1976 (la dernière olympiade précédant l'enregistre- ment des marques officielles de l'appelante), le Guin- ness Book of Olympic Records faisait de la publicité à la bière Guinness 8 .
De toute évidence, le rejeton a surpassé son géni- teur ou, à tout le moins, a acquis autant d'importance. Nous pouvons aujourd'hui constater que les Guinness Books of Records sont diffusés sur une grande échelle et ont une existence tout à fait distincte du brasseur 9 . Il est évident, par conséquent, que la marque de com merce «Guinness Book of Olympic Records» est éga- lement employée en liaison avec les livres mêmes, en tant que marchandises.
De la bière et des livres. Il ressort de la preuve que ce sont les seules marchandises en liaison avec les- quelles Guinness a employé le terme «Olympic» comme marque de commerce avant 1980. Cette marque de commerce est, évidemment, non déposée,
(Suite de la page précédente)
de l'art. 3. La question ne se pose tout simplement pas. Quels que soient les droits de l'intimée, elle les a acquis de Guinness, et les conditions de sa licence ne sont pas en litige. L'examen, par conséquent, ne porte pas sur l'étendue des droits de l'inti- mée, mais plutôt sur ceux de Guinness dans la position duquel l'intimée se retrouve.
8 Pour les puristes, plus correctement bière brune.
9 L'un des membres du présent tribunal a effectivement admis à l'audience qu'il ignorait que le «Guinness» des livres était un brasseur.
mais même si elle l'avait été, il est fort douteux que Guinness aurait pu empêcher son adoption et son emploi par d'autres en liaison avec des marchandises fondamentalement différentes, tels des appareils-pho tos et des pellicules photographiques. En outre, à mon avis, Guinness, à titre de propriétaire d'une marque de commerce non déposée employée par elle en liaison avec de la bière et des livres, ne pouvait empêcher l'adoption, l'emploi et l'enregistrement d'une marque de commerce semblable pour être employée en liaison avec des appareils-photos et des pellicules, et ne pouvait, advenant un tel enregistre- ment, faire valoir ses droits antérieurs concernant l'emploi de cette marque en liaision avec ces mar- chandises. L'appelante, à titre de titulaire d'une marque officielle, se retrouve dans une situation au moins aussi avantageuse que celle d'un propriétaire d'une marque déposée vis-à-vis Guinness.
Il s'ensuit, à mon avis, que Guinness ne détient sur la marque de commerce «Olympic» que le droit d'employer cette marque en liaison avec de la bière et des livres. Elle ne peut employer cette marque pour vendre ou pour promouvoir d'autres marchandises ou services non liéslo. Par conséquent, l'intimée, titu- laire de licence de Guinness, est visée par la même interdiction.
En l'espèce, le débat ne porte pas que sur le simple fait, pour l'intimée, d'acheter des marchandises por- tant régulièrement la marque de commerce «Olym- pic» pour ensuite les donner comme prime ou promo tion pour les fins de son propre commerce. Si l'intimée avait simplement acheté des copies du Guinness Book of Olympic Records (ou quant à cela, toute autre chose portant régulièrement le nom «Olympic», avec ou sans autorisation de l'appelante) pour ensuite les donner en promotion, l'affaire serait tout autre. En l'espèce, toutefois, comme j'ai tenté de le démontrer, l'intimée a pris le Guinness Book of Olympic Records et l'a converti pour en faire le Konica Guinness Book of Olympic Records, employé
10 Guinness n'est pas partie à l'action. Si elle l'était, nous serions peut-être appelés à examiner la question de savoir si la cession de ses droits d'employer le terme «Olympic» en liaison avec de la bière et des livres pour que ce terme soit ensuite employé en liaison avec d'autres marchandises constitue un emploi «autrement» que comme marque de commerce. Compte tenu de l'état du dossier, cette question ne peut être tranchée aujourd'hui.
manifestement pour la promotion des pellicules et des appareils-photos Konica. A mon avis, elle ne pouvait agir ainsi.
Il faut mentionner deux derniers points.
Tout d'abord, l'intimée a allégué son droit, en tant que titulaire de licence, au droit d'auteur dans le titre Guinness Book of Olympic Records. On n'a pas insisté avec vigueur sur cette question à l'audience, et avec raison. Les éléments de preuve ne font état d'au- cune mention de l'auteur du titre Guinness Book of Olympic Records ou de la date à laquelle il a été publié pour la première fois. Compte tenu de la pré- tendue ancienneté des publications, il n'est aucune- ment impossible que tout droit d'auteur sur le titre soit aujourd'hui expiré. Même si un tel droit d'auteur subsistait, toutefois, sa nature est limitée par la défi- nition du terme «oeuvre» de la Loi sur le droit d'au- teur [L.R.C. (1985), chap. C-42, art. 2]:
2....
«oeuvre» Est assimilé à une oeuvre le titre de l'oeuvre lorsque celui-ci est original et distinctif; [C'est moi qui sou- ligne.]
Mis à part le terme «Guinness», rien dans le titre Guinness Book of Olympic Records n'est original ou distinctif. En fait, ce titre est beaucoup moins original et distinctif que le titre «The Man Who Broke the Bank at Monte Carlo» à l'égard duquel le Conseil privé a conclu que son emploi comme titre d'un film ne violait pas le droit d'auteur de la chanson du même nom 11 .
Pour en terminer avec cet aspect de l'affaire, toute la question du droit d'auteur n'est soulevée, à mon humble avis, que pour brouiller la piste. Que l'inti- mée ait ou non acquis le droit d'auteur sur le titre Guinness Book of Olympic Records, en l'espèce, le litige ne porte aucunement sur le droit d'auteur, mais plutôt sur le droit d'employer le terme «Olympic» comme marque de commerce en liaison avec des pel- licules photographiques et des appareils-photos. Rien dans la Loi sur le droit d'auteur ne touche ce droit de quelque façon 12 .
11 Voir Francis Day & Hunter, Ld. v. Twentieth Century Fox Corporation, Lei., [1940] A.C. 112 (P.C.).
12 A titre d'exemple, l'artiste ayant reproduit par la peinture la marque de commerce de quelqu'un aurait un droit d'auteur
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Ensuite, l'intimé a allégué que les termes «ou autrement» qui figurent aux articles 9 et 11 de la Loi sur les marques de commerce étaient exorbitants de la compétence du législateur canadien, puisque leur application est illimitée et qu'ils peuvent avoir pour effet de restreindre la liberté d'expression et l'exer- cice de droits civils ordinaires dans les provinces. Le procureur général du Canada a demandé et a obtenu l'autorisation d'intervenir sur ce point, mais nous n'avons pas cru nécessaire de lui donner la parole. À mon avis, la lecture du libellé clair des articles 9 et 11, dans leur contexte, limite la portée des termes «ou autrement» à l'emploi d'une marque officielle ou d'une marque qui lui ressemble à un point tel qu'on pourrait vraisemblablement la confondre avec elle, relativement à une entreprise. Il ressort de cette lec ture que la prohibition est, de façon fonctionnelle, reliée au cadre réglementaire de la Loi dans son ensemble. Son intention est manifestement de par- faire et de compléter ce cadre, et elle n'est pas inconstitutionnelle' 3 .
J'accueillerais l'appel, j'annulerais le jugement de la Section de première instance et je décernerais une injonction permanente interdisant à l'intimée de ven- dre, offrir, distribuer, annoncer ou exposer son édi- tion du Konica Guinness Book of Olympic Records; j'ordonnerais également à l'intimée de restituer toutes les copies du même livre et le matériel relié. Puisque l'état présent du dossier ne permet pas de savoir si l'appelante conserve ou souhaite faire valoir une demande en dommages-intérêts, je la laisserais libre de présenter une demande de renvoi à la Section de première instance afin que les dommages-intérêts, s'il en est, soient évalués. L'appelante a droit aux frais engagés à la Section de première instance et à l'appel.
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sur son oeuvre mais cela ne lui permettrait pas d'employer cette oeuvre comme marque de commerce. Réciproquement, le pro- priétaire de la marque de commerce ne pourrait reproduire l'oeuvre sans l'autorisation du propriétaire du droit d'auteur. Les deux droits sont tout it fait indépendants.
13 Voir, dans la même veine, la décision de cette Cour sur un autre article de la Loi dans l'affaire Asbjorn Horgard A/S c. Gibbs/Nortac Industries Ltd., [1987] 3 C.F. 544.
LE JUGE MACGUIGAN, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE LINDEN, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
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