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T-209-92
Commission canadienne des droits de la personne (requérante)
c.
Canadian Liberty Net et Derek J. Peterson (intimés)
RÉPERTORIE• CANADA (COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE) C. CANADIAN LIBERTY NET (Ire INSY)
Section de première instance, juge Teitelbaum—Van- couver, 29 juin; Ottawa, 9 juillet 1992.
Pratique Outrage au tribunal Requête visant à obtenir en vertu de la Règle 355 une conclusion d'outrage au tribunal pour désobéissance à une injonction interdisant la diffusion de messages téléphoniques mentionnés dans une ordonnance Une ordonnance de justification a été prononcée Les mes sages ont été transmis à partir des E. -U. pour se soustraire à l'injonction La plupart des messages étaient expressément interdits par l'injonction Examen des règles de droit en matière d'outrage au tribunal La norme de preuve est sem- blable à celle qui est appliquée en matière criminelle, c'est-à- dire la preuve hors de tout doute raisonnable Les activités qui constituent un outrage au tribunal doivent être expressé- ment mentionnées dans l'ordonnance L'intimé et l'un des associés étaient au courant du contenu de l'injonction Comme ils ont gêné la bonne administration de la justice, les intimés sont coupables d'outrage au tribunal.
Il s'agit d'une requête demandant à la Cour de condamner les intimés pour outrage au tribunal en vertu de la Règle 355 pour avoir désobéi à l'injonction par laquelle le juge Muldoon leur a interdit de diffuser ou de faire diffuser les messages télé- phoniques mentionnés dans l'ordonnance. Sa Seigneurie avait conclu que les messages en question étaient susceptibles d'ex- poser à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable en raison de leur race, de leur origine natio- nale ou ethnique, de leur couleur ou de leur religion. À la suite du prononcé de l'injonction, toute personne qui composait un numéro de téléphone de Vancouver entendait un message télé- phonique de l'intimé, Canadian Liberty Net, qui invitait la per- sonne qui appelait à composer un numéro de téléphone de Bel- lingham (Washington), États-Unis pour essayer de se soustraire aux conditions de l'injonction. A l'audition de l'or- donnance de justification, les témoins de la requérante ont révélé le contenu des messages qu'ils ont entendu en compo- sant le numéro de téléphone en question. La plupart de ces messages étaient ceux qui étaient expressément interdits par l'injonction. Les questions en litige étaient celles de savoir si l'on pouvait déclarer les intimés, Canadian Liberty Net et son associé Tony McAleer, coupables d'outrage au tribunal au motif qu'un message téléphonique invite au Canada les per- sonnes qui appellent à composer un numéro des É.-U. pour entendre un message dont la diffusion est interdite au Canada
et si l'on avait démontré hors de tout doute raisonnable que les intimés avaient désobéi à l'injonction.
Jugement: la requête devrait être accueillie.
Les règles de droit en matière d'outrage au tribunal ont été examinées par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Valmet Oy c. Beloit Canada Ltée dans lequel il a été déclaré qu'une per- sonne ne saurait être déclarée coupable d'outrage au tribunal si le comportement outrageant n'est pas prouvé au-delà de tout doute raisonnable. La norme de preuve est semblable à celle qui est applicable en matière criminelle. Il a également été déclaré que l'activité qui constituerait l'outrage doit de toute évidence être visée par l'interdiction, ce qui implique qu'elle soit expressément ou implicitement mentionnée dans l'ordon- nance. L'ordonnance en question interdisait aux intimés de dif- fuser ou de faire diffuser par voie téléphonique directement ou par leurs préposés, mandataires, collaborateurs bénévoles, associés ou toute autre personne au courant de l'injonction, tout ou partie des messages ou du menu d'accès aux messages en question mentionnés dans les motifs d'ordonnance du juge Muldoon. Il ressort à l'évidence de la preuve que McAleer et Canadian Liberty Net ont tous les deux été mis au courant de l'injonction et qu'ils exerçaient leurs activités «en exil» aux E.-U.A. parce qu'ils étaient au courant de l'injonction. Les messages diffusés depuis le numéro de téléphone de Bel- lingham contrevenaient à l'injonction étant donné qu'ils étaient, pour la plupart, les mêmes messages interdits que ceux qu'on trouve dans l'injonction. En invitant des personnes à composer le numéro de téléphone de Bellingham, Canadian Liberty Net et McAleer font diffuser les messages interdits et répréhensibles. Il ressort à l'évidence de la preuve que cette façon de procéder pour faire diffuser les messages interdits aux Canadiens a été soigneusement élaborée. En invitant expressé- ment et méthodiquement toute personne qui composait le numéro de téléphone canadien à faire le numéro de téléphone américain pour entendre les messages interdits, les intimés, Canadian Liberty Net et McAleer, ont agi de façon à gêner la bonne administration de la justice et sont donc coupables d'ou- trage au tribunal.
Les messages diffusés par l'intimé depuis son numéro de téléphone de Bellingham sont très répréhensibles et constituent une insulte pour les personnes contre lesquelles ils sont dirigés. Malgré le fait que les messages ont été jugés susceptibles d'ex- poser à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable en raison de leur race, de leur origine natio- nale ou ethnique, de leur couleur ou de leur religion, Canadian Liberty Net et McAleer ont persisté à faire diffuser ces mes sages haineux et répréhensibles. La violation de l'injonction justifie l'application d'une peine très lourde pour s'assurer que ce type de comportement ne se poursuive pas.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règles 337(2)b), 335(1),(4).
JURISPRUDENCE DECISIONS APPLIQUÉES:
Cartier, Inc. c. Cartier Men's Shops Ltd. (1988), 21 C.P.R. (3d) 219 (C.F. Ire inst.); Valmet Oy c. Beloit Canada Ltée (1988), 20 C.P.R. (3d) 1; 82 N.R. 235 (C.A.F.).
DECISION MENTIONNÉE:
Cartier, Inc. c. Cartier Men's Shops Ltd. (1990), 32 C.P.R. (3d) 383 (C.A.F.).
REQUÊTE demandant à la Cour de condamner les intimés pour outrage au tribunal en vertu de la Règle 355 pour avoir désobéi à une injonction ([1992] 3 C.F. 155 (lte inst.)) leur interdisant de diffuser ou de faire diffuser par téléphone les messages mentionnés dans l'ordonnance. Requête accueillie.
AVOCATS:
John L. Finlay pour la requérante. Douglas H. Christie pour les intimés.
PROCUREURS:
Arvay, Finlay, Victoria, pour la requérante. Douglas H. Christie, Victoria, pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE TEITELBAUM: Le 27 mars 1992, le juge Muldoon a prononcé une injonction dans laquelle il a, «en attendant que soit rendue l'ordonnance finale entre les personnes et parties à l'instance devant le tribunal canadien des droits de la personne», interdit à Canadian Liberty Net, y compris ses membres Cori Keating et Tony McAleer, «et à l'intimé Derek J. Peterson, de diffuser ou de faire diffuser par voie téléphonique, directement ou par leurs préposés, mandataires, collaborateurs bénévoles, associés ou toute autre personne au courant de la présente injonc- tion, tout ou partie des messages ou du menu d'accès aux messages identifiés dans les motifs d'ordonnance susmentionnés en date du 3 mars 1992 [[1992] 3 C.F. 155] de la Cour» et a ordonné «que les intimés ces- sent de diffuser lesdits messages dont la Cour a con- clu qu'ils sont susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identi fiable en raison de leur race, origine nationale ou eth- nique, couleur ou religion, et en particulier les mes sages dont la transcription est jointe à titre de pièces
aux affidavits de Lucie Veillette et de Ronald Yamau- chi, respectivement déposés aux audiences des 5 et 6 février 1992, et cités ou mentionnés dans la corres- pondance échangée les 3 et 11 mars 1992 entre les procureurs et avocats de part et d'autre au sujet du projet d'ordonnance préparé conformément à la Règle 337(2)b) [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663], savoir les messages suivants:»
On trouve dans l'ordonnance approximativement huit pages format légal de messages.
Le juge Muldoon poursuit en déclarant, dans l'or- donnance en question:
Attendu que les messages des intimés qui font l'objet de la pré- sente interdiction ont pour caractéristique essentielle de déni- grer, de décrier ou de railler des être humains en raison de leur ascendance, de leur origine nationale ou ethnique, de leur cou- leur ou de leur religion, ou pour la seule raison qu'ils sont ce qu'ils sont, lesquels caractéristique et messages sont jugés sus- ceptibles d'exposer ces personnes à la haine ou au mépris du fait qu'elles appartiennent à un groupe identifiable sur la base des critères susmentionnés,
LA COUR, en attendant que soit rendue l'ordonnance finale entre les personnes et parties à l'instance devant le tribunal canadien des droits de la personne, interdit par les présentes à l'intimée Canadian Liberty Net, dont ses membres Cori Kea- ting et Tony McAleer, et à l'intimé Derek J. Peterson, de diffu- ser ou de faire diffuser par voie téléphonique, directement ou par leurs préposés, mandataires, collaborateurs bénévoles, associés ou toute autre personne, tout message qui dénigre, décrie ou raille des personnes en raison de leur race, ascen- dance, origine nationale ou ethnique, couleur ou religion, ou pour la seule raison qu'elles sont ce qu'elles sont par suite de leur ascendance ou de leur religion (tels les Juifs, les non-Euro- péens et les personnes d'ascendance non européenne); et ordonne aux intimés susmentionnés de cesser immédiatement de diffuser tout message de cette nature en attendant l'ordon- nance ou la décision dudit tribunal;
Le 15 juin 1992, la requérante a présenté une requête ex parte dans laquelle elle a demandé à la Cour de prononcer une ordonnance de justification mentionnant les intimés et leurs mandataires, collabo- rateurs bénévoles et associés. Suivant l'avis de requête, la demande est fondée sur les Règles 355(1) et 355(4) des Règles de la Cour fédérale.
Règle 355. (1) Est coupable d'outrage au tribunal quiconque désobéit à un bref ou une ordonnance de la Cour ou d'un de ses juges, ou agit de façon à gêner la bonne administration de la justice, ou à porter atteinte à l'autorité ou à la dignité de la Cour. En particulier, un officier de la justice qui ne fait pas son devoir, et un shérif ou huissier qui n'exécute pas immédiate- ment un bref ou qui ne dresse pas le procès-verbal d'exécution
y afférent ou qui enfreint une règle dont la violation le rend passible d'une peine, est coupable d'outrage au tribunal.
(4) Une personne ne peut être condamnée pour outrage au tribunal commis hors de la présence du juge que s'il lui a été signifié une ordonnance de justification lui enjoignant de com- paraître devant la Cour, au jour et à l'heure fixés pour entendre la preuve des actes dont il est accusé et pour présenter, le cas échéant, sa défense en exposant les raisons de sa conduite. Cette ordonnance, rendue par le juge soit de sa propre initia tive, soit sur demande, doit obligatoirement être signifiée à personne, à moins qu'un autre mode de signification ne soit autorisé pour des raisons valables. La demande d'ordonnance de justification enjoignant d'exposer les raisons peut être pré- sentée sans qu'il soit nécessaire de la faire signifier.
À l'appui de sa requête en ordonnance de justifica tion, la requérante a produit, sous forme d'affidavit, le témoignage de Liliane Mercier et d'Andrew Eps- tein.
Après avoir lu l'injonction et les affidavits de Mer- cier et d'Epstein, j'ai prononcé une ordonnance de justification qui devait m'être présentée le 29 juin 1992.
À l'audition de l'ordonnance de justification, on m'a présenté l'affidavit d'un certain Edward Byers, huissier, et l'affidavit d'un certain Partap Girn, huis- sier, qui déclarent qu'ils ont été incapables de signi- fier à l'intimé Derek J. Peterson l'ordonnance de jus tification et quatre autres documents, à savoir un avis de requête concluant au prononcé d'une ordonnance de justification, une copie de l'affidavit de Liliane Mercier ainsi qu'une transcription des messages pro- venant de Canadian Liberty Net en Colombie-Britan- nique et à Bellingham (Washington), E.-U.A., qui ont été obtenus le 5 juin 1992, une copie de l'affidavit d'Andrew Epstein, un «stagiaire» du cabinet d'Ar- vay, Finlay, à laquelle est joint l'affidavit de Roberta Mruk et une copie d'un registre commercial de la «B.C. Tel.» qui indique, selon M. Epstein, que Tony McAleer était inscrit auprès de la B.C. Tel. comme l'un des associés de Canadian Liberty Net. Un second affidavit de M. Epstein est annexé à l'affidavit de Partap Girn, qui est l'injonction prononcée par le juge Muldoon le 27 mars 1992.
Dans son affidavit du 26 juin 1992 l'huissier Dean Willsie déclare qu'il a essayé sans succès de signifier à Cori Keating ainsi qu'à Derek J. Peterson l'ordon- nance de justification et divers autres documents. Il
semble que malgré ses nombreuses tentatives M. Willsie n'ait pas réussi à trouver Cori Keating.
Canadian Liberty Net et Tony McAleer ont tous les deux reçu signification de l'ordonnance de justifica tion le 15 juin 1992, et ont, le 23 juin 1992, reçu signification des affidavits souscrits par Andrew Eps- tein le 12 juin 1992 et le 10 juin 1992, ainsi que de l'affidavit de Liliane Mercier et de l'avis de requête (voir l'affidavit de signification de Partap Girn et d'Edward Byers).
Au cours de l'audience qui s'est déroulée devant le juge Muldoon, l'avocat des intimés Canadian Liberty Net et Peterson a reçu signification d'une copie de l'ordonnance de justification et des mêmes autres documents que ceux qui ont été signifiés à Canadian Liberty Net et à McAleer.
La requérante a fait entendre deux témoins. Les intimés n'ont fait entendre aucun témoin.
Liliane Mercier, une employée de la Commission canadienne des droits de la personne, a déclaré que le 5 juin 1992, à Vancouver (C.-B.), elle avait fait le numéro de téléphone (604) 266-9642. Voici le mes sage que Mme Mercier déclare avoir entendu:
[TRADUCTION] Bonjour et bienvenue! Ici la ligne de communi cation de Canadian Liberty Net pour le 28 mai. Vous vous demandez peut-être quel est le nouveau numéro de Liberty Net et si c'est le but de votre appel, vous ne serez pas déçu. Nous avons peut-être encore quelques problèmes avec le système mais nous réglerons ces difficultés techniques d'ici peu. Soyez patient. Vous savez que nous pouvons maintenant dire exacte- ment ce que nous voulons sans faire l'objet de critiques ou de sanctions officieuses. Nous vous invitons donc à profiter de notre liste complète de nouveaux messages. Le nouveau numéro de Canadian Liberty Net en exil est le (206) 734-1306. Je répète: indicatif régional (206), numéro 734-1306. Nous vous invitons à profiter de notre «rafraîchissant» Liberty Net.
Mme Mercier déclare qu'elle a composé un numéro des États-Unis, le (206) 734-1306 et qu'elle a enre- gistré ce qu'elle a entendu. La pièce A-2 est la bande magnétique des messages que ce témoin a entendus le 5 juin 1992. La pièce A-1 est la transcription des messages que Mme Mercier a entendus après avoir
composé le (206) 734-1306. Voici le début de ce mes sage:
Appel au (206) 734-1306 --Bellingham (Wash.), É-U.A.
[TRADUCTION] Ici le Canadian Liberty Net en exil, le centre canadien de messages vocaux informatisé visant à promouvoir la conscientisation culturelle et raciale chez les gens de race blanche. Si la libre expression de la conscientisation culturelle et raciale européenne vous choque ou vous vexe, faites le 6 sur votre téléphone à clavier et n'essayez pas d'entrer en commu nication avec le Canadian Liberty Net. Ceux d'entre vous qui désirent entendre nos messages sont priés de faire le 1 sur leur téléphone à clavier pour apprendre comment utiliser le système ou d'appuyer sur 88 pour accéder au menu principal.
[Appuyé sur 88]
Vous avez demandé le menu principal. Veuillez prendre note que les messages et commentaires éditoriaux diffusés dans le cadre du présent système sont ceux du collaborateur ou titu- laire de la case et qu'ils ne reflètent pas nécessairement les opi nions ou les intentions de Canadian Liberty Net. Pour retour- ner en tout temps au menu précédent, appuyez sur 9 sur votre téléphone à clavier.
Appuyez maintenant sur 1 pour le forum sur les chefs, sur 2 pour une leçon d'histoire ou sur 3 pour les messages divers. Vous pouvez également appuyer sur 5 pour laisser un message. Veuillez prendre note que dès que vous aurez laissé votre mes sage, la communication sera interrompue.
[Appuyé sur 1]
Vous avez demandé le menu des chefs. Appuyez sur 1 pour le Canada, sur 2 pour les États-Unis et sur 3 pour la scène inter- nationale.
[Appuyé sur 1]
Appuyez sur 1 pour entendre Janice Long, l'épouse de Terry Long, chef d'Aryan Nations. Appuyez sur 3 pour entendre Ernest Zundel ou sur 4 pour entendre le message de l'Heritage Front.
On trouve à l'annexe A-1 le message intégral que ce témoin a obtenu.
La requérante a fait entendre comme second témoin M. Andrew Epstein, un stagiaire du cabinet d'avocats d'Arvay, Finlay. M. Epstein déclare que le 6 mai 1992, il a composé le numéro de téléphone 266-9642 et qu'il a entendu le message suivant:
[TRADUCTION] Nous sommes le 20 avril 1992. Ici le Canadian Liberty Net, diffusant depuis la République populaire socialiste soviétique du Canada. L'injonction de la Cour fédérale est tou- jours en vigueur; nous ne pouvons donc donner qu'une mise à jour limitée et aseptisée. Nous avons demandé une nouvelle ligne téléphonique aux États-Unis mais l'installation se fait attendre. Nous prévoyons entrer en service d'ici le 4 mai.
Nous regrettons de n'avoir pu répondre au téléphone le diman- che 19. Nous assistions à une réception d'anniversaire. Nous serons ici dimanche prochain.
Dans le cadre de sa ligne ouverte, Tom Metzger recevra en direct vos appels samedi soir de 18 h à 21 h, heure du Paci- fique, et non mercredi, comme nous l'avions déjà annoncé.
Nous avons encore besoin de votre appui financier en prévi- sion de la bataille juridique qui s'annonce. Nous avons retenu les services de Doug Christie pour représenter Liberty Net à l'audience du Tribunal des injustices de la personne qui devrait se dérouler du 25 au 29 mai à Vancouver. L'endroit sera pré cisé plus tard. Envoyez vos dons à l'adresse suivante: Cana- dian Liberty Net, case postale 35683, Vancouver (Colombie- Britannique) V6M 4G9.
Laissez un message après le signal sonore.
Contre-interrogé, M. Esptein a déclaré qu'il a souscrit un affidavit le 12 juin 1992. Il a ajouté qu'un certain Gordon Mackie avait témoigné devant le tri bunal canadien des droits de la personne alors que M. Epstein était présent. Dans son témoignage, M. Gor- don Mackie [TRADUCTION] «a dit quelque chose au sujet de la ligne téléphonique en question» (page 10 de la transcription de l'audience de justification). La ligne téléphonique en question est le 266-9642 à Van- couver qui contient le message précité.
M. Epstein déclare que lorsqu'il a souscrit l'affida- vit du 12 juin 1992, il l'a fait en fonction des faits dont il se souvenait mais qu'il a obtenu par la suite une transcription de l'audience. Il déclare également que les faits qu'il a relatés de mémoire le 12 juin 1992 étaient exacts et conformes à ce dont il se sou- venait et que M. Mackie a informé le tribunal cana- dien des droits de la personne que les registres com- merciaux de la B.C. Tel indiquent que Tony McAleer était inscrit à la B.C. Tel comme l'un des associés de Canadian Liberty Net.
L'annexe B de l'affidavit du 12 juin 1992 d'Eps- tein est un relevé informatique des registres de la B.C. Tel.
266 9642 7 **(BSC) basic information** date: 92/05/20
DEREK J PETERSON DIB CANADIAN LIBERTY NET bp: 92/05/24
sa: 3576 W 36th AVE VAN BC V6N2S2 cid:
ba: 3576 W 36th VAN BC V6N2S2 mda:
key ac: N major acct:
npub: N dep: $0 no dir: 001 svc: B org date: 91/10/09
cc: 8 trl: $99999 no bil: 1 cr ch ex: N inst date:
forms: trmt his: 000000 tx sta: TT da ex: N out date:
rocp: N ---T--- cr cd: N rate grp: 14 out on: 10 ci PR/TONY MCALEAR 3221629;PREV3221209;LD10
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M. Epstein a témoigné qu'en sa présence, M. Mac- kie avait informé le tribunal des droits de la personne que la mention «PR Tony McAlear» [sic] figurant sur les registres de la B.0 Tel indiquait que cette per- sonne est l'un des associés de Canadian Liberty Net.
La requérante n'a présenté aucun autre élément de preuve. Les intimés n'ont produit aucune preuve.
Les questions en litige:
1) Peut-on déclarer les intimés Canadian Liberty Net et Tony McAleer coupables d'outrage au tribunal au motif qu'un message téléphonique invite au Canada les personnes qui appellent à composer un numéro de téléphone de Bellingham (Washington) pour entendre un message dont la diffusion est interdite au Canada par suite de l'injonction prononcée le 27 mars 1992?
2) A-t-on démontré hors de tout doute raisonnable que les intimés Canadian Liberty Net et Tony McA-
leer ont désobéi à l'ordonnance prononcée le 27 mars 1992?
Après avoir entendu la preuve, je suis convaincu que les faits suivants ont été établis.
A) Une injonction de notre Cour a été prononcée le 27 mars 1992 par le juge Muldoon contre les intimés nommément désignés Canadian Liberty Net et Derek J. Peterson, «dont Cori Keating et Tony McAleer», pour leur interdire de diffuser des messages «dont la Cour a conclu qu'ils sont sus- ceptibles d'exposer à la haine, ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable en raison de leur race, origine nationale ou ethnique, couleur ou religion».
L'injonction interdisait expressément aux intimés, dont Keating et McAleer, de diffuser des messages déterminés. Ces messages interdits sont trop nom- breux pour être cités dans la présente décision, mais on peut les lire dans l'injonction du 27 mars 1992.
B) À la suite du prononcé de l'injonction, toute personne qui composait le numéro de téléphone (604) 266-9642 Vancouver entendait un message téléphonique de Canadian Liberty Net, qui préci- sait qu'à cause de l'injonction de la Cour fédérale, on avait demandé l'installation d'une nouvelle ligne téléphonique aux États-Unis.
C) Le 5 juin 1992, toute personne qui faisait le (604) 266-9642 entendait un message lui disant qu'elle avait atteint la ligne de communication de Canadian Liberty Net, qu'il existait un nouveau numéro pour le Canadian Liberty Net «en exil», que c'était le «(206) 734-1306», que la raison d'être du nouveau numéro était que [TRADUCTION] «nous pouvons maintenant dire exactement ce que nous voulons sans faire l'objet de critiques ou de sanctions officieuses».
Suivant mon interprétation, cette affirmation signi- fie que, pour éviter les conditions de l'injonction du juge Muldoon, l'intimé Canadian Liberty Net invite les personnes qui appellent à composer un numéro de téléphone de Bellingham (Washington), aux États-Unis. Il est constant que le numéro de téléphone (206) 734-1306 se trouve à Bellingham (Washington), aux États-Unis.
D) Je suis convaincu que l'annexe B de l'affidavit souscrit le 12 juin 1992 par M. Epstein indique que
le numéro de téléphone 266-9642 était, au 20 mai 1992 (ou au 5 juin 1992, date de l'affidavit de Mercier) inscrit au nom de Derek Peterson et de Canadian Liberty Net. Tony McAleer est un «asso- cié» suivant le témoignage de M. Epstein.
J'aimerais formuler des observations au sujet du témoignage de M. Epstein, portant que M. McA- leer est un associé en ce qui concerne le numéro de téléphone 266-9642 de Canadian Liberty Net. Cet
élément de preuve n'a été sollicité par l'avocat de la requérante. L'annexe B ne m'a pas été sou- mise à l'audience de justification. C'est l'avocat de McAleer qui a produit cet élément de preuve en contre-interrogatoire. C'est lui qui a décidé d'inter- roger M. Epstein au sujet d'un affidavit qui avait été déposé uniquement dans le but d'obtenir une ordonnance de justification. Dans ces conditions, je suis convaincu, vu l'annexe B et le témoignage qu'a donné M. Epstein en réponse aux questions de l'avocat de McAleer, que McAleer est un associé en ce qui concerne le numéro de téléphone 266- 9642 de Canadian Liberty Net.
E) La plupart des messages que Liliane Mercier a entendus le 15 juin 1992 après avoir composé le numéro de téléphone (206) 734-1306 sont des mes sages que le juge Muldoon a expressément inter- dits. On peut en trouver des exemples—et je n'ai pas l'intention de reproduire les messages, car ils ne valent pas la peine d'être répétés—à la pièce A-3, aux lignes 32 et suivantes de la page 4 de l'in- jonction du juge Muldoon, ainsi qu'à la page 9 de la pièce A-1 après les mots «[Appuyé sur 3]». Il est parfaitement clair que le message correspond au message interdit. Voir également la pièce A-3, page 5 et comparer avec la pièce A-1, page 15, sous les mots «[Appuyé sur 5]». Le même message est communiqué.
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de donner d'autres exemples. Il est évident que les messages transmis depuis le numéro de téléphone de Bel- lingham (Washington) sont une répétition de plu- sieurs des messages interdits.
En fait, l'avocat de McAleer et de Canadian Liberty Net ne nie pas que les messages interdits que l'on trouve dans l'injonction sont diffusés par Canadian Liberty Net depuis Bellingham (Was- hington).
F) L'intimé Canadian Liberty Net n'a pas lui- même reçu signification de l'injonction du juge Muldoon avant que l'ordonnance de justification ne soit demandée le 15 juin 1992, et cette injonc- tion n'a pas non plus été signifiée à personne à l'intimé Peterson, ou à Tony McAleer ou à Keating avant le 15 juin 1992.
LA COUR: Avant que vous ne commenciez votre plai- doirie, avez-vous des éléments de preuve démontrant que l'injonction a été signifiée à M. McAleer ou à toute autre personne?
Me FINLAY: Non, je n'en ai pas, Monsieur le juge.
G) L'ordonnance de justification n'a pas été signi- fiée à Peterson ou à Keating car ils n'ont pu être trouvés. Comme ils n'ont pas reçu signification, ils ne sont pas partie à la présente instance.
Les règles de droit en matière d'outrage au tribunal
Dans le jugement Cartier, Inc. c. Cartier Men's Shops Ltd. (1988), 21 C.P.R. (3d) 219 (C.F. l re inst.), aux pages 223 à 225, (l'appel de cette décision a été rejeté [(1990), 32 C.P.R. (3d) 383 (C.A.F.)]), j'ai énoncé les règles de droit suivantes au sujet de l'ou- trage au tribunal:
Le juge Heald, dans l'affaire Maison des Semiconducteurs Idée c. Apple Computer Inc., jugement non publié, C.A.F., A-111-87, daté du 17 mars 1988 [publié dans 20 C.P.R. (3d) 221, à la p. 2241*, à la p. 5, cité les propos formulés par Lord Denning concernant l'approche applicable lors de procédures d'outrage au tribunal.
Lord Denning, M.R. a énoncé succinctement la façon con- venable d'aborder ce problème dans l'affaire Re Bramble- vale Ltd., [1970] Ch. 128, la p. 137:
«Un outrage au tribunal est une infraction pénale. Elle peut entraîner l'incarcération d'un individu. Elle doit être établie de façon satisfaisante. Pour employer la formule consacrée, elle doit être prouvée au-delà de tout doute rai- sonnable ... Dans le cas de deux possibilités qui se pré- sentent également à la Cour, il est erroné de statuer que l'infraction est prouvée au-delà de tout doute raisonna- ble.»
(L'italique est de moi.)
A la p. 6 [p. 5 C.P.R.], le juge Heald ajoute ce qui suit en ce qui a trait au critère applicable lors de procédures d'outrage au tribunal: Le critère est celui qui s'applique aux infractions de nature criminelle, à savoir une preuve au-delà de tout doute raisonnable.» (L'italique est de moi.)
* Note de l'arrêtiste:
Également publié dans [1988] 3 C.F. 277 sub nom. Apple Computer, Inc. c. MacKintosh Computers Ltd.
La question de l'outrage au tribunal et des éléments essen- tiels afin d'établir le bien-fondé d'une telle accusation a été examinée par les juges Pratte et Marceau dans l'arrêt Valmet Oy c. Beloit Canada Ltée, jugement non publié, C.A.F., A-602-86, daté du ler février 1988 [publié à 20 C.P.R. (3d) 1, 82 N.R. 235].
Le juge Pratte, relativement à la Règle 355(1) qui porte:
Règle 355 (1) Est coupable d'outrage au tribunal qui- conque désobéit à un bref ou une ordonnance de la Cour ou d'un de ses juges, ou agit de façon à gêner la bonne adminis tration de la justice, ou à porter atteinte à l'autorité ou à la dignité de la Cour. En particulier, un officier de la justice qui ne fait pas son devoir, et un shérif ou huissier qui n'exécute pas immédiatement un bref ou qui ne dresse pas le procès- verbal d'exécution y afférent ou qui enfreint une règle dont la violation le rend passible d'une peine, est coupable d'ou- trage au tribunal.
déclare ce qui suit aux p. 14 et 15 [p. 10 et 11 C.P.R.]:
Avant de discuter de ce jugement, il est nécessaire de se rappeler certains principes élémentaires:
(I) Il ressort de la Règle 355(1) des Règles de la Cour fédé- rale qu'une personne peut se rendre coupable d'outrage au tribunal soit en désobéissant à une ordonnance de la Cour soit en entravant le cours de la justice.
La seule personne qui puisse désobéir à une ordonnance d'un tribunal est la partie que vise cette ordonnance. Toutefois, un tiers qui s'est sciemment fait le complice d'une partie pour désobéir à une injonction peut être déclaré coupable d'outrage, non pas parce qu'il a violé l'injonction, mais plutôt parce qu'il a agi de manière à entraver le cours de la justice.
(2) Une personne ne saurait être déclarée coupable d'outrage au tribunal si le comportement outrageant n'est pas prouvé au-delà d'un doute raisonnable. À cet égard, la norme de preuve est semblable à celle applicable en matière criminelle.
(3) 11 faut respecter strictement les termes de l'injonction d'un tribunal. Toutefois, il est interdit au défendeur que vise une injonction de commettre les actes interdits quelle que soit la méthode qu'il peut suivre pour les commettre. Il s'ensuit qu'un défendeur violera l'injonc- tion prononcée contre lui non seulement s'il viole lui- même l'ordonnance de la Cour, mais aussi si la violation de cette ordonnance est le fait de son mandataire, de son ouvrier, de son préposé ou d'une autre personne agissant en son nom.
(L'italique est de moi.)
Le juge Marceau, à la p. 3 de son jugement, déclare [p. 17 et 18 C.P.R.]:
I. Si l'on considère ce qu'il faut prouver, il est bien établi que l'activité qui, prétend-on, constitue l'outrage doit de toute évidence être visée par l'interdiction, ce qui implique qu'elle soit expressément ou implicitement mentionnée dans
l'ordonnance. Étant donné cette condition préalable, le juge de première instance n'était pas, à mon avis, en droit de con- clure, comme il l'a fait, que la perpétration d'un acte qui , n'était pourtant pas visé par l'injonction revêtait néanmoins un caractère outrageant parce que contraire à l'«esprit» de celle-ci... .
2. Pour ce qui est de la qualité de la preuve, il est également bien établi qu'elle doit correspondre à la norme élevée nécessaire à la condamnation criminelle, et non à la nonne inférieure suffisante pour trancher une question de fait con- testée dans un litige civil. La preuve doit convaincre au-delà d'un doute raisonnable, et non simplement selon la balance des probabilités. (L'italique est de moi.)
Compte tenu de ce qui précède et des conditions très strictes qui doivent être respectées avant qu'on puisse déclarer une personne coupable d'outrage au tribunal, les intimés Canadian Liberty Net et McA- leer sont-ils coupables d'outrage au tribunal pour avoir désobéi à l'injonction prononcée par la Cour le 27 mars 1992?
Preuve et analyse
Comme je l'ai déjà déclaré, il ressort à l'évidence de la preuve que Canadian Liberty Net a continué à utiliser le numéro de téléphone qu'elle possédait avant le prononcé de l'injonction. Cela est, en soi, permis étant donné que l'ordonnance ne lui interdit pas de continuer à utiliser le numéro de téléphone. L'ordonnance interdit à Canadian Liberty Net, à Peterson, à Keating et à McAleer de diffuser ou de faire diffuser par voie téléphonique, directement ou par leurs préposés, mandataires, collaborateurs béné- voles, associés ou toute autre personne au courant de l'injonction, tout ou partie des messages ou du menu d'accès aux messages en question mentionnés dans les motifs d'ordonnance du 3 mars 1992.
Je suis parfaitement convaincu que McAleer et Canadian Liberty Net étaient tous les deux au courant de l'injonction et de ce qu'elle contenait. L'avocat qui occupait pour Canadian Liberty Net à l'audience qui s'est déroulée devant le juge Muldoon était Me Douglas Christie et il a reçu une copie de l'injonc- tion, ce qui me permet de conclure que son client a été mis au courant de l'injonction—et c'est la conclu sion à laquelle j'en arrive. Qui plus est, il est déclaré dans la pièce A-1, qui a été déposée avec l'affidavit de Mme Mercier, que [TRADUCTION] «le nouveau numéro de Canadian Liberty Net en exil est le (206)
734-1306». Je suis convaincu que Canadian Liberty Net exerce ses activités «en exil» aux États-Unis parce qu'elle est au courant de l'injonction. Cette conclusion devient tout à fait évidente lorsqu'on exa mine la pièce A-4, dans laquelle on lit le message sui- vant:
[mnoucrtoN] Nous sommes le 20 avril 1992. Ici le Canadian Liberty Net, diffusant depuis la République populaire socialiste soviétique du Canada. L'injonction de la Cour fédérale est tou- jours en vigueur; nous ne pouvons donc donner qu'une mise à jour limitée et aseptisée. Nous avons demandé une nouvelle ligne téléphonique aux États-Unis, mais l'installation se fait attendre. Nous prévoyons entrer en service d'ici le 4 mai. (Non souligné dans le texte original.)
Je suis également convaincu que Tony McAleer était au courant de l'injonction pour les mêmes rai- sons que Canadian Liberty Net. Le message télépho- nique enregistré du 20 avril 1992 précise que la per- sonne qui appelle a joint Canadian Liberty Net et qu'un nouveau numéro de téléphone a été demandé aux États-Unis.
Comme je l'ai déjà déclaré, il ressort à l'évidence de l'annexe B de l'affidavit souscrit le 12 juin 1992 par Epstein ainsi que du témoignage que ce dernier a donné de vive voix que McAleer était un des associés de Canadian Liberty Net. Il est fait mention de l'in- jonction de la Cour fédérale dans le message.
La preuve me convainc hors de tout doute raison- nable que Canadian Liberty Net et McAleer étaient au courant du contenu de l'injonction le 5 juin 1992. Comme je l'ai déjà déclaré, dans l'arrêt Valmet Oy v. Beloit Canada Ltd. [(1988), 20 C.P.R. (3d) 1 (F.C.A.)] (précité), le juge Pratte affirme qu'un défendeur viole l'injonction prononcée contre lui non seulement s'il viole lui-même l'ordonnance de la Cour, mais aussi si la violation de cette ordonnance est le fait de son mandataire, de son ouvrier, de son préposé ou «d'une autre personne agissant en son nom». [Soulignement ajouté.]
Tony McAleer n'a pas été nommément désigné comme intimé dans l'instance introduite devant le juge Muldoon. Néanmoins, il était expressément désigné dans l'injonction et il lui a été interdit de faire diffuser les messages mentionnés dans l'ordon- nance prononcée le 27 mars 1992 par le juge Mul- doon.
Ainsi que je l'ai déjà déclaré, les messages diffusés depuis le numéro de téléphone américain de Bel- lingham (Washington) contrevenaient à l'injonction du 27 mars 1992 étant donné que les messages sont, pour la plupart, les mêmes messages interdits que ceux qu'on trouve dans l'injonction.
Il est important de comprendre ce que Canadian Liberty Net et McAleer ont fait. Il est possible que leurs agissements se poursuivent mais aucune preuve ne me permet de l'affirmer.
Une personne compose le numéro de téléphone de Vancouver (C.-B.) de Canadian Liberty Net dont McAleer est l'un des associés. La personne qui appelle est informée qu'elle a atteint Canadian Liberty Net et est invitée à composer le numéro de téléphone de Bellingham, aux États-Unis, on lui dit qu'elle a atteint Canadian Liberty Net en exil et on lui demande ensuite d'appuyer sur un numéro particulier sur son téléphone pour recevoir un mes sage, message que l'injonction du juge Muldoon interdit, selon moi, de diffuser.
Rien ne me permet de croire que la diffusion des messages par la ligne téléphonique américaine de Canadian Liberty Net soit illégale aux États-Unis. J'estime qu'il est sans importance de savoir, dans le cadre de la présente instance, si la diffusion des mes sages est légale ou non.
Comme je l'ai déjà déclaré, le juge Muldoon a expressément interdit à Canadian Liberty Net et à McAleer de faire diffuser les messages qui sont inter- dits—et j'ajoute répréhensibles. Je suis persuadé qu'en invitant des personnes à composer le numéro de téléphone de Bellingham, Canadian Liberty Net et McAleer font diffuser les messages interdits et répré- hensibles.
Il ressort à l'évidence de la preuve (pièce A-3) que cette façon de procéder pour faire diffuser les mes sages interdits aux Canadiens a été soigneusement élaborée. Ce que Canadian Liberty Net et McAleer essaient maintenant de prétendre dans leur défense, c'est que la Cour n'a pas compétence à leur égard étant donné que les messages interdits sont diffusés depuis les États-Unis. Ils ne nient pas que les mes sages soient identiques aux messages interdits que l'on trouve dans l'injonction.
La preuve est accablante et elle démontre hors de tout doute raisonnable que Canadian Liberty Net et McAleer ont délibérément et méthodiquement pris des dispositions pour faire diffuser les messages interdits par voie téléphonique aux Canadiens en invitant expressément et délibérément toute personne qui composait le numéro de téléphone canadien à faire le numéro de téléphone américain pour entendre les messages interdits.
De toute évidence, les intimés Canadian Liberty Net et McAleer ont agi de façon à gêner la bonne administration de la justice et sont donc coupables d'outrage au tribunal.
Dispositif
Comme je l'ai déjà précisé, les messages diffusés par Canadian Liberty Net depuis son numéro de télé- phone de Bellingham (Washington) sont très répré- hensibles et constituent une insulte pour les per- sonnes contre lesquelles ils sont dirigés. Malgré le fait que le juge Muldoon a conclu que les messages sont susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable en raison de leur race, origine nationale ou ethnique, couleur ou religion, Canadian Liberty Net et McAleer persistent à faire diffuser ces messages haineux et répréhensibles.
J'estime que la violation de l'injonction du 27 mars 1992 justifie une peine très lourde pour s'assu- rer que ce type de comportement ne se poursuive pas.
Pour ce motif, les parties devront comparaître devant moi ou devant tout autre juge de la Cour fédé- rale à la date, à l'heure et au lieu précisés dans mon ordonnance.
Les dépens sont adjugés à la requérante.
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