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T-1607-92
J-Star Industries, Inc. (appelante) (opposante)
c.
Berg Equipment Co. (Canada) Limited (intimée) (demanderesse)
REPERTORIÉ: J-STAR INDUSTRIES, INC. C. BERG EQUIPMENT CO. (CANADA) (Ire INST)
Section de première instance, juge Denault—Ottawa, 18 août et ler octobre 1992.
Avocats et procureurs Conflit d'intérêts Employés qui ne sont pas avocats Requête visant à faire interdire à Scott & Aylen d'occuper pour l'intimée à titre d'agent et de procu- reur inscrit au dossier, et de la conseiller en ce qui concerne la marque de commerce en cause L'appelante invoque le con- flit d'intérêts du fait qu'une ancienne secrétaire de son procu- reur travaille maintenant pour le procureur de l'intimée L'appelante soutient que cet état de choses donne une impres sion d'iniquité dans le système juridique et que la Cour doit exercer son pouvoir de contrôle pour assurer la bonne admi nistration de la justice Requête rejetée Analyse de l'arrêt Succession MacDonald c. Martin, [19901 3 R.C.S. 1235 (con- flit d'intérêts du fait qu'un avocat a changé d'étude) Il échet d'examiner si le critère retenu tend à «convaincre le public, c'est-à-dire une personne raisonnablement informée, qu'il ne sera fait aucun usage de renseignements confidentiels» La présomption de communication de renseignements confiden- tiels ne s'applique pas aux employés qui ne sont pas avocats Le client doit prouver que la personne actuellement employée par l'avocat de la partie adverse a participé à la préparation de son dossier de façon telle qu'elle a été mise au courant de renseignements confidentiels à l'époque elle travaillait pour l'avocat de ce dernier On ne saurait présumer que la secré- taire a reçu des renseignements confidentiels sur les préten- tions de l'appelante sur la marque de commerce Les mesures prises pour mettre fin à la participation de la secré- taire à cette affaire sont suffisantes Le public, que repré- sente la personne raisonnablement informée, ne penserait pas que les renseignements confidentiels de l'appelante soient en danger Cette personne raisonnablement informée ne per- drait pas confiance dans l'administration de la justice si Scott & Aylen continue à représenter l'intimée.
JURISPRUDENCE
DÉCISION EXAMINÉE:
Succession MacDonald c. Martin, [1990] 3 R.C.S. 1235; (1990), 77 D.L.R. (4th) 249; [1991] 1 W.W.R. 705; 70 Man. R. (2d) 241; 121 N.R. 1.
DÉCISION CITÉE:
Meredith & Finlayson c. Canada (Registraire des marques de commerce), T-1108-90, juge Cullen, jugement en date du 2-7-92, C.F. ire inst., encore inédit.
DOCTRINE
Barreau du Haut-Canada, Code de déontologie, Toronto, 1990.
REQUÊTE visant à faire interdire à Scott & Aylen d'occuper pour l'intimée à titre d'agent et de procu- reur inscrit au dossier, et de continuer à la conseiller en ce qui concerne la marque de commerce en cause. Requête rejetée.
AVOCATS:
Peter Dauphinee pour l'appelante (opposante). Kenneth E. Sharpe pour l'intimée (demande- resse).
PROCUREURS:
Potvin & Company, Ottawa, pour l'appelante (opposante).
Scott & Aylen, Ottawa, pour l'intimée (deman- deresse).
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE DENAULT: Il y a en l'espèce requête de l'appelante en ordonnance portant interdiction à Scott & Aylen, Patent and Trade-mark Agents (agents des brevets et des marques de commerce) et Scott & Aylen, Barristers and Solicitors (avocats), d'occuper pour l'intimée à titre d'agent et procureur inscrit au dossier, et en ordonnance portant interdiction à ces cabinets de continuer à conseiller et à représenter cette dernière en ce qui concerne la marque de com merce «Jamesway». Le motif invoqué dans la requête est un supposé conflit d'intérêts tenant au change- ment d'emploi d'une secrétaire, Dorothée Paquin, qui après avoir travaillé pour le procureur de l'appelante dans le dossier des prétentions de cette dernière sur la marque de commerce en cause, travaille maintenant pour le procureur de l'intimée.
Les faits de la cause:
Le 30 juin 1988, l'intimée, Berg Equipment Co. (Canada) Limited, a déposé la demande 610 300 d'enregistrement de la marque de commerce «James-
way» à utiliser pour une variété d'articles qu'on peut classer dans la catégorie générale du matériel agri- cole. Le 7 avril 1989, l'appelante, J-Star Industries, Inc., déposa sa déclaration d'opposition à la demande de l'intimée. L' affaire fut entendue le 16 avril 1992 par la Commission des oppositions des marques de commerce. Le 30 avril 1992, David J. Martin rendit au nom du registraire des marques de commerce une décision rejetant l'opposition de l'appelante. Celle-ci, qui a interjeté appel de cette décision devant la Cour, cherche maintenant à faire interdire aux cabinets Scott & Aylen de continuer à conseiller et à représen- ter l'intimée en ce qui concerne la marque de com merce «Jamesway».
Tout au long des procédures portant sur les droits relatifs à la marque de commerce «Jamesway», l'ap- pelante a été représentée par l'étude d'avocats Potvin & Co. et par le cabinet d'agents des brevets et des marques de commerce Kirby, Eades, Gale, Baker & Potvin (lequel cabinet, désigné ci-après «KEGB & P», a des liens avec la première), et en particulier par J. Guy Potvin, qui est un associé dans l'un et l'autre cabinets. La question du droit de propriété sur la marque de commerce en cause a été le point litigieux dans au moins une autre instance dans laquelle Potvin & Co. et Scott & Aylen représentaient les parties opposéesl.
Dorothée Paquin était la secrétaire juridique de J. Guy Potvin d'octobre 1986 au 10 avril 1992. Elle tra- vaillait pour M. Potvin à l'époque celui-ci était un associé dans l'étude Scott & Aylen et l'a suivi lors- qu'il est parti fonder sa propre étude Potvin & Co.
Lorsqu'elle travaillait pour M. Potvin, Dorothée Paquin remplissait les fonctions usuelles de secré- taire, y compris la prise de notes en dictée et la trans cription dactylographique de la correspondance et d'autres documents relatifs aux prétentions de l'appe- lante sur la marque «Jamesway». Le 10 avril 1992, Mme Paquin quitta son emploi chez M. Potvin pour revenir à l'étude Scott & Aylen, elle a commencé à travailler pour M. Terrence McManus, le procureur qui représente l'intimée dans cette instance.
I Meredith & Finlayson c. Canada (Registraire des marques de commerce) (T-1108-90), procédure fondée sur l'art. 45 con- tre l'enregistrement 212/46349 de la marque de commerce «Jamesway».
Depuis la date du changement d'emploi de Mme Paquin, l'appelante a cherché à obtenir une ordon- nance, d'abord de la part du registraire des marques de commerce et maintenant de la part de la Cour, pour empêcher les cabinets Scott & Aylen de conti- nuer à représenter l'intimée en ce qui concerne la marque de commerce «Jamesway».
À l'audience de la Commission des oppositions des marques de commerce, le président d'audience, David J. Martin, a rejeté la demande faite par l'appe- lante d'une ordonnance d'inhabilité contre les cabi nets Scott & Aylen. Tout en se déclarant incompétent pour rendre pareille ordonnance, M. Martin a ajouté que, eût-il été compétent, il aurait quand même rejeté la demande de l'appelante 2 .
L'appelante soutient que la participation antérieure de Mme Paquin au dossier de l'appelante et son enga gement subséquent par l'étude du procureur de l'inti- mée constituent un conflit d'intérêts en ce qu'il y a maintenant la possibilité que des renseignements con- fidentiels, qui étaient communiqués à son employeur précédent et auxquels elle avait accès, pourraient être exploités au détriment de l'appelante. Selon celle-ci, cet état de choses donne une impression d'iniquité dans le système juridique et en conséquence, il y a lieu pour la Cour d'exercer son pouvoir de contrôle
2 Plus précisément, le registraire a tiré cette conclusion au sujet de l'argument avancé par l'appelante au sujet de l'exis- tence d'un conflit d'intérêts rédhibitoire: [TRADUCTION] «En l'espèce, même s'il y a une possibilité de communication de renseignements confidentiels (possibilité plutôt lointaine vu les faits et circonstances de la cause), il n'y a aucun risque que ces renseignements soient utilisés au détriment de l'opposante. Comme je l'ai fait savoir dans ma lettre du 14 avril, nous n'examinons, en cet état de la procédure d'opposition, que l'ar- gumentation fondée sur un dossier des preuves qui a été arrêté longtemps avant que la secrétaire n'ait changé d'emploi. Je ne vois pas comment le fait que cette secrétaire ait changé d'em- ploi trois jours avant la date de l'audience d'opposition pour- rait porter préjudice à l'opposante. À supposer qu'elle commu nique des renseignements confidentiels à l'avocat qui est un associé dans l'étude ayant des liens avec l'agent de la deman- deresse et que ces renseignements tombent dans les mains de la personne qui représente celle-ci à l'audience, je ne vois en quoi cela aiderait cette personne dans son argumentation juridique basée sur un dossier des preuves définitivement clos. L'agent de l'opposante m'a assuré que cela se pourrait mais n'a pu pré- senter aucun cas de figure à l'appui de sa thèse.»
pour déclarer les cabinets Scott & Aylen inhabiles et assurer ainsi la bonne administration de la justice.
Les preuves testimoniales:
À l'appui de sa requête, l'appelante se fonde essen- tiellement sur les affidavits de J. Guy Potvin, David Morris, Laura McArthur, Stacey Cook et Colette Truax.
Dans son affidavit en date du 15 juillet 1992, M. Potvin renvoie à celui qu'il avait précédemment éta- bli le 15 avril 1992, et dans lequel il évoque avec plus de détails les faits susmentionnés qui ont abouti à la requête en instance. Le second affidavit de M. Potvin fait état des efforts qu'il avait faits en vain, par cor- respondance avec Scott & Aylen, pour savoir si l'inti- mée retiendrait les services d'un autre avocat pour la représenter lors de l'appel formé contre la décision du registraire. À l'audition de cette requête cepen- dant, il ressort clairement des interventions de l'avo- cat de l'intimée que celle-ci entend garder les ser vices de Scott & Aylen pour le reste de la procédure en cours.
David Morris, étudiant stagiaire à l'étude Potvin & Co., déclare dans son affidavit qu'à l'audience de la Commission des oppositions des marques de com merce, [TRADucTioN] «Terrence McManus a déclaré au président d'audience que sa secrétaire, Dorothée Paquin, ne participerait pas à aucun travail relatif au dossier concernant la marque de commerce "James - way", et que tout le travail y relatif serait assigné à une autre secrétaire de l'étude Scott & Aylen». Dans son affidavit, Laura McArthur, clerc de l'étude Pot- vin & Co., rappelle une communication téléphonique qu'elle a reçue de Dorothée Paquin. D'après cet affi davit, Mme Paquin aurait, le 13 juillet 1992, appelé l'étude Potvin & Co., pour se renseigner au sujet d'une page manquante des motifs de jugement expé- diés à l'étude Scott & Aylen dans la cause Meredith & Finlayson c. Canada (Registraire des marques de commerce), supra, cause dans laquelle les études d'avocats Scott & Aylen et Potvin & Co. représen- taient les parties opposées dans un litige concernant la marque de commerce «Jamesway».
Les affidavits de Stacey Cook, une secrétaire juri- dique de l'étude Potvin & Co., et de Colette Truax,
une secrétaire du cabinet KEGB & P, ont été produits sous pli fermé à l'audition de cette requête. L'avocat de l'appelante a insisté pour que ces affidavits soient produits sous le sceau du secret, vu le caractère confi- dentiel de leur contenu. Ces affidavits sont accom- pagnés de copies de documents et de la correspon- dance qui figurent au dossier de l'appelante et que Dorothée Paquin avait préparés à l'époque elle travaillait pour J. Guy Potvin.
Les parties ont en outre versé au dossier l'affidavit et la transcription du contre-interrogatoire de Doro- thée Paquin, lequel contre-interrogatoire portait sur ce qu'elle savait des renseignements confidentiels contenus dans le dossier de l'appelante et sur le fait qu'elle pourrait en violer le secret.
Dans leur argumentation, les avocats de part et d'autre ont invoqué l'arrêt Succession MacDonald c. Martin (appelé ci-après «Succession MacDonald» 3 ) de la Cour suprême du Canada. L'avocat de l'appe- lante a cité en outre les règles et commentaires du Code de déontologie du Barreau du Haut-Canada ainsi que plusieurs décisions américaines sur le con- flit d'intérêts chez les «employés qui ne sont pas avo- cats».
Le point litigieux:
Il échet uniquement d'examiner, dans le cadre de cette requête, si la participation de Dorothée Paquin au dossier de l'appelante à l'époque elle travaillait pour le procureur de cette dernière et son emploi sub- séquent l'étude Scott & Aylen constituent pour les cabinets Scott & Aylen une situation de conflit d'inté- rêts rédhibitoire dans cette instance et dans toute ins tance future concernant les droits de l'intimée sur la marque de commerce «Jamesway».
Analyse:
Bien que les avocats des deux parties aient longue- ment cité les conclusions de l'arrêt Succession Mac- Donald, supra, de la Cour suprême du Canada, les principes qui y sont définis ne peuvent s'appliquer directement aux faits de la cause pour trancher de façon concluante le litige dont notre Cour est saisie. Cependant, une analyse de l'approche adoptée par la
3 [1990] 3 R.C.S. 1235.
Cour suprême dans cet arrêt représente un excellent point de départ pour la résolution de la question du conflit d'intérêts chez les «employés qui ne sont pas avocats».
Dans la cause Succession MacDonald, la Cour suprême était appelée à définir la norme à appliquer pour juger si une étude d'avocats devait être déclarée inhabile à continuer à occuper dans un cas d'espèce pour cause de conflit d'intérêts. La question s'est posée parce qu'un procureur qui avait été mis au cou- rant des renseignements confidentiels d'une partie au litige est entré par la suite au cabinet représentant la partie adverse dans l'action en justice. Prononçant les motifs du jugement majoritaire, le juge Sopinka com mence par définir les trois valeurs contradictoires à prendre en considération pour juger s'il y a conflit d'intérêts rédhibitoire. Plus précisément, il a fait cette observation:
Pour résoudre cette question, la Cour doit prendre en consi- dération au moins trois valeurs en présence. Au premier rang se trouve le souci de préserver les normes exigeantes de la pro fession d'avocat et l'intégrité de notre système judiciaire. Vient ensuite en contrepoids, le droit du justiciable de ne pas être privé sans raison valable de son droit de retenir les services de l'avocat de son choix. Enfin, il y a la mobilité raisonnable qu'il est souhaitable de permettre au sein de la profession.
Il y a lieu de noter que le troisième facteur invoqué dans le passage ci-dessus n'a pas application en l'es- pèce, puisque Mme Paquin est une secrétaire juri- dique et non une avocate. La Cour admet cependant qu'il faut prendre en considération dans une certaine mesure la mobilité raisonnable qu'il est souhaitable d'accorder aux «employés qui ne sont pas avocats» dans leur travail.
Pour en revenir à l'arrêt Succession MacDonald, le juge Sopinka y conclut que dans les affaires de con- flit d'intérêts, le critère retenu doit tendre à «convain- cre le public, c'est-à-dire une personne raisonnable- ment informée, qu'il ne sera fait aucun usage de renseignements confidentiels» 5 . La Cour pose ensuite les deux questions suivantes qui sont au coeur du litige la page 1260]:
. premièrement, l'avocat a-t-il appris des faits confidentiels, grâce à des rapports antérieurs d'avocat à client, qui concer- nent l'objet du litige? Deuxièmement, y a-t-il un risque que ces renseignements soient utilisés au détriment du client?
4 Ibid., à la p. 1243.
5 Ibid., à la p. 1260.
Après avoir critiqué le critère du «lien important» qu'appliquent les tribunaux américains face à la pre- mière des deux questions ci-dessus 6 , le juge Sopinka définit comme suit la «présomption irréfragable» qui s'attache aux rapports entre avocat et client:
... dès que le client a prouvé l'existence d'un lien antérieur dont la connexité avec le mandat dont on veut priver l'avocat est suffisante, la Cour doit en inférer que des renseignements confidentiels ont été transmis, sauf si l'avocat convainc la Cour qu'aucun renseignement pertinent n'a été communiqué.
A mon avis, cette présomption ne s'applique pas aux rapports entre le client et la secrétaire de son pro- cureur. D'ailleurs, bien qu'il y ait fort à présumer que les avocats qui travaillent ensemble échangent des renseignements confidentiels 8 , je ne pense pas qu'on puisse tirer la même conclusion des échanges entre avocats et secrétaires. Lorsqu'il s'agit d'un «employé qui n'est pas avocat», le client doit prouver que la personne actuellement employée par l'avocat de la partie adverse a participé à la préparation de son dos sier de façon telle qu'elle a été mise au courant de renseignements confidentiels à l'époque elle tra- vaillait pour l'avocat de ce dernier. On ne saurait pré- sumer que Mme Paquin a reçu des renseignements confidentiels sur les prétentions de l'appelante sur la marque de commerce «Jamesway» du seul fait de ses rapports avec la cliente ou avec le procureur de cette dernière.
Dans la cause Succession MacDonald, l'avocat en second de l'étude en question, avant de rejoindre l'étude représentant l'intimé dans l'action, avait acti-
6 Plus précisément, le juge Sopinka se prononce en ces termes la p. 1260):
Pour répondre à la première question, la cour doit résoudre un dilemme. Il peut en effet être nécessaire, pour examiner à fond la question, de révéler les renseignements confidentiels que l'on cherche justement à protéger. La requête perdrait alors tout sens. Les tribunaux américains ont résolu ce dilemme en adoptant le critère du «lien important». L'éta- blissement d'un «lien important» fait naître une présomption irréfragable selon laquelle l'avocat a appris des faits confi- dentiels. A mon avis, ce critère est trop rigide. Il peut arriver qu'il soit prouvé hors de tout doute raisonnable qu'aucun renseignement confidentiel pertinent en l'espèce n'a été divulgué; le requérant a pu, par exemple, reconnaître ce fait au cours de son contre-interrogatoire. Or, cette preuve serait inefficace au regard d'une présomption irréfragable.
7 Ibid.
8 Ibid., à la p. 1262.
vement participé à la préparation du dossier de l'ap- pelante et avait été ainsi mis au courant de nombreux renseignements confidentiels communiqués par celle- ci à l'avocat principalement chargé de l'affaire. Les preuves et témoignages produits devant notre Cour n' établissent pas pareille participation de la part de Dorothée Paquin. Il n'y a aucune preuve établissant qu'elle ait assisté à l'une quelconque des réunions au cours desquelles l'appelante a communiqué des ren- seignements confidentiels ou discuté de la stratégie à adopter dans la poursuite de l'affaire. Enfin, l'exa- men des dépositions par affidavit, auxquelles étaient jointes des copies de la correspondance et des docu ments préparés par Dorothée Paquin dans le dossier de l'appelante, ne fait ressortir aucun renseignement confidentiel qui, dans les mains de l'intimée, pourrait être exploité au détriment de l'appelante.
Vu les faits et circonstances de la cause, la Cour conclut que les mesures prises par M. McManus pour mettre fin à la participation de Dorothée Paquin à cette affaire sont suffisantes, malgré l'aveu fait par celle-ci lors de son contre-interrogatoire que par le passé, elle a pu, par inadvertance, préparer la corres- pondance usuelle de M. McManus dans le cadre de cette affaire. A mon avis, le public, que représente la personne raisonnablement informée, ne penserait pas que les renseignements confidentiels de l'appelante soient en danger en l'espèce. D'ailleurs, je ne suis pas convaincu que cette personne raisonnablement infor- mée perdrait nécessairement confiance dans l'admi- nistration de la justice par suite de la décision de cette Cour de permettre aux cabinets Scott & Aylen de con- tinuer à représenter l'intimée malgré la participation de Mme Paquin, à titre de «secrétaire», aux dossiers de l'une et l'autre parties à cette action.
À la lumière de l'argumentation des avocats des deux parties ainsi que des preuves et témoignages produits, je conclus qu'il n'y a pas conflit d'intérêts rédhibitoire en l'espèce. En conséquence, la requête de l'appelante est rejetée avec dépens.
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