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T-295-92
Ken R. Crawford et Daniel Armaly (requérants) c.
Le directeur du pénitencier William Head et Angie Boutin, l'agent d'admission et d'élargissement du pénitencier William Head, et le tribunal disciplinaire du pénitencier William Head (intimés)
RÉPERTORIÉ: CRA WFORD C. CANADA (DIRECTEUR DU PÉNITENCIER WILLIAM HEAD) (Ire INST.)
Section de première instance, juge MacKay—Ottawa, 8 juillet 1992.
Pénitenciers Détenus dans un pénitencier fédéral déclarés coupables d'infraction disciplinaire pour avoir refusé de se laisser photographier par le système de capture d'images Système autorisé par la Loi sur l'identification des crimi- nels et par le décret d'application La Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur l'accès à l'infor- mation ont établi des lignes directrices sur la communication des informations, sur l'accès à ces informations et sur la pro tection de la vie privée Que le nouveau système ait été intro- duit conformément aux directives en vigueur ou non, il n'y a pas une cause d'action puisque les directives du Commis- saire n'ont pas force de loi La note de service sur les moda- lités à observer pour photographier les détenus relève des pou- voirs administratifs du Commissaire.
Interprétation des lois L'art. 2 de la Loi sur l'identifica- tion des criminels prévoit que les personnes détenues à la suite d'une condamnation pour acte criminel peuvent être soumises aux opérations anthropométriques approuvées par le gouver- neur en conseil Le décret C.P. 1954-1109 sanctionne les opérations de photographie en application de la Loi Le nou- veau procédé de photographie des détenus des pénitenciers fédéraux par la prise de l'image au moyen d'un caméscope et son impression subséquente sur du papier photographique demeure un procédé photographique au sens normal du dic- tionnaire L'art. 10 de la Loi d'interprétation prévoit que la loi «a vocation permanente» La loi ne peut être interprétée comme interdisant les nouvelles technologies.
Contrôle judiciaire Recours en equity Des détenus purgeant une peine pour acte criminel ont été condamnés à une amende pour avoir refusé de se soumettre au nouveau sys- tème de photographie Il n'y a pas lieu à ordonnance de cer- tiorari pour annuler les charges disciplinaires qui ont un fon- dement légal (ordre de se soumettre au système d'identification photographique par ordinateur) L'ordre n'était pas arbi- traire puisque tous les autres détenus du même pénitencier ont été photographiés au moyen du nouveau matériel Il n'y a pas lieu à ordonnances déclaratoires sur la signification de «photographie» ou sur la nécessité de formuler de nouvelles directives ou un nouveau règlement avant l'introduction du nouveau système La Cour ne peut définir des mots indépen-
damment des faits de la cause La Cour ne donnera pas aux fonctionnaires du pouvoir exécutif des directives sur la manière dont ils doivent s'acquitter de leurs attributions à l'avenir.
Droit constitutionnel Charte des droits Vie, liberté et sécurité Ayant refusé de se soumettre au nouveau système d'identification photographique par ordinateur, des détenus purgeant leur peine à la suite d'une condamnation pour acte criminel ont, été condamnés à une amende pour infraction dis- ciplinaire La photographie des détenus en application de la Loi sur l'identification des criminels ne va pas à l'encontre de l'art. 7 de la Charte.
Droit constitutionnel Charte des droits Droits à l'éga- lité Nouveau système de photographie des détenus mis en place dans un pénitencier fédéral Il échet d'examiner s'il y a violation de l'art. 15 de la Charte si les détenus d'autres ins titutions ne sont pas soumis au même système L'art. 15 vise les lois discriminatoires fondées sur des caractéristiques per- sonnelles Il n'y a pas discrimination en l'espèce.
Requête en injonction interlocutoire, en bref de certiorari et en ordonnance déclaratoire. Les requérants étaient détenus à l'institution William Head, pénitencier fédéral, à la suite d'une condamnation pour acte criminel. Ils ont été déclarés cou- pables d'infraction disciplinaire et condamnés à une amende de 10 $ chacun pour avoir refusé de se laisser photographier au moyen d'un nouveau matériel d'identification photographique par ordinateur, connu sous le nom de capture d'images. Par ce procédé, le sujet est filmé par un caméscope, qui forme par l'action de la lumière une image sur la surface sensible de la bande d'une cassette. L'image est enregistrée dans l'ordinateur et subséquemment imprimée sur du papier Kodak. Le système est soumis aux prescriptions d'une note de service de 1989 du Commissaire au sujet de la prise et de la distribution des photo- graphies des détenus. Les données recueillies par ce procédé ne sont pas transmises par moyen électronique. La divulgation des photographies prises par cette méthode ne peuvent être divul- guées que conformément à la Loi sur la protection des rensei- gnements personnels, la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur l'identification des criminels. Le paragraphe 2(1) de la Loi sur l'identification des criminels prévoit que quiconque est détenu en vertu d'une condamnation pour acte criminel peut être soumis à toute mensuration ou autre opération anthropo- métrique approuvée par le gouverneur en conseil. Le décret C.P. 1954-1109 sanctionne les opérations de photographie en application de cette Loi.
Les requérants soutiennent que le nouveau système n'est pas autorisé par la loi. Leurs sujets de préoccupation sont le pou- voir d'utiliser le système, l'absence de lignes directrices pour la protection de la vie privée, le fait que le système n'a pas été introduit conformément aux modalités définies par les direc tives du Commissaire, le manquement à l'obligation d'équité du fait d'obliger les requérants à se soumettre au nouveau sys- tème, la prévention du tribunal disciplinaire, et la violation des droits que leur garantissent les articles 7 et 15 de la Charte (puisque, pour ce qui est de ce dernier article, d'autres détenus du système pénitentiaire ne sont pas soumis à la même obliga tion).
Jugement: la requête devrait être rejetée.
La Cour ne saurait rendre une ordonnance déclarant que le directeur n'est pas investi du pouvoir d'ordonner aux détenus de se soumettre au nouveau système parce que celui-ci n'est pas légalement sanctionné. La Loi sur l'identification des cri- minels et le décret d'application autorisent l'utilisation du sys- tème de capture d'images vidéo. Bien que celui-ci représente une nouvelle technologie, il s'agit d'un procédé photogra- phique au sens normal du dictionnaire. L'enregistrement de l'image dans un ordinateur ne différencie pas ce système du procédé photographique ordinaire, même s'il permet la visuali sation de l'image et d'autres informations sur un écran. L'im- pression de cette image sur du papier fait partie du procédé photographique. La Loi et le décret doivent être interprétés conformément à l'article 10 de la Loi d'interprétation comme «ayant vocation permanente». Ils ne peuvent être interprétés comme interdisant l'introduction ou l'application de nouvelles technologies.
Il n'y a pas lieu à ordonnance déclarant que le directeur n'est pas habilité à stocker par moyen électronique des images dans un ordinateur en l'absence de règlements régissant cette technique. Le système en cause n'est relié à aucun réseau; il est assujetti aux règles de sécurité et les informations qu'il con- tient ne sont communiquées qu'aux autorités qui y ont droit en application de la Loi sur l'identification des criminels ou en exécution d'accords conclus en matière d'application de la loi. La Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur l'accès à l'information ont établi des lignes directrices sur la communication des informations, sur l'accès à ces infor- mations, et sur la protection de la vie privée des individus dont l'institution conserve les renseignements personnels.
Il n'y a pas lieu non plus à bref de certiorari pour annuler les charges disciplinaires, puisque la cause de l'instance disci- plinaire, savoir l'ordre de se soumettre au système de capture d'images vidéo, avait un fondement légal. De même, une ordonnance déclaratoire sur la signification de «photographie» n'est pas indiquée, puisque la Cour ne peut définir des mots indépendamment des faits de la cause. L'agent qui a ordonné aux détenus de se soumettre au système de capture d'images vidéo n'a pas excédé ses pouvoirs. Son action n'était pas arbi- traire. L'institution s'est exclusivement servie de ce système depuis janvier 1992 et tous les autres détenus ont été photogra- phiés au moyen du nouveau matériel. Application du raisonne- ment selon lequel la prise d'empreintes digitales ne va pas à l'encontre de l'article 7 de la Charte (R. c. Beare; R. c. Hig- gins, [1988] 2 R.C.S. 387). L'article 15 de la Charte vise les lois discriminatoires fondées sur des caractéristiques person- nelles. Il n'y a en l'espèce aucun témoignage ou preuve sur une mesure discriminatoire dans ce sens. La Cour ne peut non plus rendre une ordonnance déclarant qu'il faut formuler de nou- velles directives et un nouveau règlement avant que le nouveau système ne puisse être utilisé. La Cour n'a pas pour fonctions de donner des directives aux fonctionnaires du pouvoir exécu- tif sur la manière dont ils doivent s'acquitter de leurs attribu tions à l'avenir.
Que le nouveau système ait été introduit conformément aux directives en vigueur ou non, il n'y a pas cause d'action
puisque les directives du Commissaire n'ont pas force de loi. Le défaut de placer la directive du Commissaire sur la commu nication des renseignements dans la bibliothèque de droit des détenus avant l'introduction du nouveau système ne constitue pas un manquement à l'obligation d'équité. Cette directive n'introduisait aucune nouvelle pratique d'importance. Qui plus est, les directives du Commissaire ne confèrent aucun droit légalement exécutoire. Enfin, la note de service de 1989 sur la photographie des détenus relève des pouvoirs administratifs implicites du Commissaire.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, 44], art. 7, 15.
Décret C.P. 1954-1109.
Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 10. Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1. Loi sur la protection des renseignements personnels,
L.R.C. (1985), ch. P-21, art. 8.
Loi sur les criminels fugitifs, L.R.C. (1985), ch. F-32. Loi sur l'identification des criminels, L.R.C. (1985), ch. I-1, art. 2(1).
Règlement sur le service des pénitenciers, C.R.C., ch.
1251, art. 39a) (mod. par DORS/85-640, art. 4). Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règle 324.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
R. c. Beare; R. c. Higgins, [1988] 2 R.C.S. 387; (1988), 55 D.L.R. (4th) 481; [1989] 1 W.W.R. 97; 71 Sask. R. 1; 45 C.C.C. (3d) 57; 66 C.R. (3d) 97; 36 C.R.R. 90; 88 N.R. 205.
DÉCISIONS CITÉES:
British Columbia Telephone Company Ltd. c. La Reine (1992), 92 DTC 6129 (C.A.F.); Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3; [1992] 2 W.W.R. 193; (1992), 84 Alta. L.R. (2d) 129; 7 C.E.L.R. (N.S.) 1; Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143; (1989), 56 D.L.R. (4th) 1; [1989] 2 W.W.R. 289; 34 B.C.L.R. (2d) 273; 36 C.R.R. 193; 91 N.R. 255; Martineau et autre c. Comité de discipline des détenus de l'Institution de Matsqui, [1978] 1 R.C.S. 118; (1977), 74 D.L.R. (3d) 1; 33 C.C.C. (2d) 366; 14 N.R. 285.
REQUÊTE en injonction interlocutoire, en bref de certiorari et en ordonnance déclaratoire contre l'ap- plication d'un système de photographie par ordina- teur des détenus dans un pénitencier fédéral, et contre les mesures disciplinaires résultant du refus de s'y soumettre. Requête rejetée.
MÉMOIRES SOUMIS PAR:
Ken R. Crawford pour les réquérants. Paul F. Partridge pour les intimés.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MACKAY: La requête en l'espèce, déposée en février 1992, a été instruite conformément à la Règle 324 des Règles de la Cour [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663], sur la base des observa tions soumises par écrit et sans comparution en per- sonne des parties. Je l'ai rejetée le 12 juin 1992 après examen des documents suivants:
1.1e «dossier des requérants» comprenant:
a) l'avis de requête déposé le 3 février 1992,
b) les affidavits de Ken R. Crawford, de Daniel Armaly et de Bruce Kimble, avec pièces respec- tives «A» à «K» jointes,
c) le mémoire de K. Crawford; 2.1e dossier des intimés comprenant:
a) l'affidavit de John James Costello avec pièces «A» à «N» jointes,
b) l'affidavit de K. Helgi Eyjolfsson, avec pièces «A» à «D» jointes,
c) l'exposé des points de fait et de droit du Procu- reur général du Canada;
3. l'affidavit en date du 22 mai 1992 de Daniel Armaly, avec pièces 1 à 4 jointes.
Voici les motifs par lesquels j'ai rejeté la requête. Les faits de la cause
Au moment du dépôt de la requête, les deux requé- rants étaient détenus à l'institution William Head, un pénitencier fédéral, ob ils purgeaient des peines après avoir été condamnés pour actes criminels. En janvier 1992, chacun des requérants a reçu d'un fonction- naire du pénitencier l'ordre de se faire photographier au moyen d'un matériel d'identification photogra-
phique par ordinateur, connu sous le nom de système de capture d'images, lequel système constituait un projet-pilote en cours d'évaluation à l'institution.
L'un et l'autre requérants, ayant refusé d'obtempé- rer, ont été accusés d'infraction disciplinaire en appli cation de l'alinéa 39a) du Règlement sur le service des pénitenciers [C.R.C., ch. 1251 (mod. par DORS/85-640, art. 4)], pour refus d'obéir à un ordre légal. Le 12 février 1992, le tribunal disciplinaire les a déclarés tous deux coupables d'infraction discipli- naire et condamnés à une amende de 10 dollars. Les intimés font savoir que ni l'un ni l'autre requérant n'en a subi aucune privation de liberté, puisque le requérant Crawford a été libéré sous surveillance obligatoire le 14 février 1992, et que le requérant Armaly continue à purger la peine d'emprisonnement à perpétuité qu'il purgeait à l'époque.
Le procédé de capture d'images est un système intégré d'ordinateur et de prise d'images vidéo, com- portant une «base de données image/texte» qui se prête aux recherches et à la visualisation et qui peut imprimer des images. Les intimés le décrivent, sans être contredits, de la façon sommaire suivante.
[TRADUCTION] 10. Le système de capture d'images est un pro- cédé photographique. Le caméscope produit une image du sujet sur la surface sensible de la bande de la cassette par l'ac- tion de la lumière. C'est cette image qui est enregistrée dans l'ordinateur et subséquemment imprimée par l'imprimante Kodak sur du papier photographique Kodak pour produire une photographie en couleurs du sujet.
L'affidavit de John James Costello, gestionnaire d'unité du Service correctionnel du Canada en fonc- tion à l'institution, donne une description plus détail- lée du système comme suit:
[TxnouctioN] 6. Dans le cadre de l'évaluation du système de capture d'images, les détenus qui purgeaient à l'institution William Head une peine d'emprisonnement pour acte criminel devaient se faire photographier par ce système. À l'exception des requérants Ken R. Crawford et Daniel Armaly (respective- ment appelés ci-après «Crawford» et «Armaly»), tous les déte- nus de l'institution se sont conformés à cet ordre.
7. Le fonctionnement du matériel de capture d'images est décrit dans le mode d'emploi ci-joint, dont copie conforme jointe au présent affidavit à titre de pièce «C». Essentiellement,
les principales composantes du système fonctionnent de la façon suivante pour produire des photographies:
i. Le sujet est filmé par un caméscope Panasonic utilisant une bande magnétoscopique VHS standard, l'action de la lumière formant une image du sujet sur la surface sensible de la bande de la cassette;
ii. L'image photographique prise par le caméscope est lue par un micro-ordinateur compatible IBM qui code les informa- tions graphiques contenues dans la bande et les enregistre dans sa base de données;
iii. L'image enregistrée est subséquemment envoyée à une imprimante vidéo couleur, qui imprime une image en cou- leur du sujet sur du papier photographique Kodak ordi- naire.
8. Les données susmentionnées peuvent être copiées de la base de données du micro-ordinateur compatible IBM sur une cas sette Everex, qui ressemble à une cassette vidéo.
9. À l'heure actuelle, le système de capture d'images à l'insti- tution William Head ne sert qu'à produire des photographies en couleurs des détenus et des ouvriers du bâtiment travaillant à l'institution, pour les besoins de sécurité interne, et dans le cas des premiers, à l'intention des services de police, de la Commission nationale des libérations conditionnelles, des bureaux de libération conditionnelle et des organismes de sur veillance, en ce qui concerne les détenus en libération condi- tionnelle, sous surveillance obligatoire ou en permission, con- formément aux prescriptions d'une note de service en date du 1" mai 1989 du commissaire du Service correctionnel, dont copie conforme ci-jointe à titre de pièce «D».
10. Les photographies susmentionnées des détenus ne sont pas transmises par moyen électronique à l'heure actuelle. Elles sont exclusivement expédiées par la poste ou par messager. Les données obtenues par l'utilisation du micro-ordinateur compatible IBM dans le système de capture d'images ne sont pas à l'heure actuelle diffusées, par moyen électronique ou autre, à l'extérieur de l'institution William Head.
11. Les photographies prises des détenus à l'institution Wil- liam Head au moyen du système de capture d'images ne peu- vent être divulguées par le Service correctionnel du Canada (également connu sous le nom de Service canadien des péni- tenciers) que conformément aux prescriptions de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21, de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, et de la Loi sur l'identification des criminels, L.R.C. (1985), ch. I-1. Par exemple, les renseignements personnels concernant un détenu à l'institution William Head peuvent être divulgués dans le cadre d'accords conclus avec les gouverne- ments provinciaux en matière d'administration ou d'applica- tion de la loi ou d'enquêtes licites conformément à l'alinéa 8(2)0 de la Loi sur la protection des renseignements per- sonnels. Ci-joint à titre de pièce «E» la copie d'un accord de ce type avec le gouvernement de la Colombie-Britannique, en date du 27 juillet 1983.
Les sujets de préoccupation qu'inspirent aux requérants l'ordre qui leur était donné de se laisser photographier par le nouveau système de capture d'images vidéo, leur refus, et leurs poursuite et con- damnation disciplinaires subséquentes, sont le pou- voir d'utiliser le système de prise d'images vidéo, l'absence de lignes directrices pour la protection de la vie privée des détenus photographiés par le nouveau système, le fait que les fonctionnaires de l'établisse- ment n'ont pas introduit le nouveau système confor- mément au processus qu'auraient défini le règlement de l'institution et les directives du Commissaire, le fait que l'institution aurait manqué à l'obligation d'équité qu'elle leur doit en les soumettant au nou- veau système de prise d'images vidéo, la prévention qu'ils reprochent au tribunal disciplinaire à l'institu- tion William Head et enfin, le fait que le système de capture d'images vidéo représente à leurs yeux une violation de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, 44]] puisque d'autres détenus du sys- tème pénitentiaire ne sont pas soumis à la même obli gation.
La question fondamentale qui sous-tend la plupart de ces préoccupations est le fait, d'après les requé- rants, que le système de capture d'images vidéo uti- lisé à l'institution depuis janvier 1992 n'est pas auto- risé par la loi. Je n'accepte pas cet argument.
Le paragraphe 2(1) de la Loi sur l'identification des criminels, L.R.C. (1985), ch. I-1, modifiée, porte:
2. (1) Quiconque est légalement détenu sous une inculpation d'acte criminel ou en vertu d'une condamnation pour un acte criminel, ou a été arrêté en application de la Loi sur l'extradi- tion ou de la Loi sur les criminels fugitifs, peut être soumis, par ceux qui en ont la garde ou sur leur ordre:
a) aux mensurations et autres opérations en usage dans le système d'identification des criminels dit bertillonnage;
6) h toute mensuration ou autre opération anthropométrique approuvée par le gouverneur en conseil.
Le décret C.P. 1954-1109 [DORS/54-325], pris pour l'application de cette Loi, prévoit ce qui suit:
Aux fins de la Loi sur l'identification des criminels, les mensurations, procédés ou opérations de dactyloscopie et de photographie sont approuvés par les présentes.
Il ne peut y avoir, à mon sens, aucun doute que la Loi et le décret ci-dessus autorisent l'emploi du sys- tème de capture d'images vidéo. Ces textes ne com- portent aucun terme particulier pour autoriser ce matériel spécifique ou un autre matériel pour les pri ses de vues et le stockage des images ou photogra- phies, ni même l'emploi d'appareils Polaroïd ou d'appareils photographiques plus traditionnels, ou le stockage des clichés photographiques ou des négatifs dans les fichiers traditionnels, tels qu'ils se prati- quaient avant l'introduction du nouveau matériel. Bien qu'elles représentent une nouvelle technologie, la prise d'images par caméscope et l'impression sub- séquente de ces images vidéo sur papier photogra- phique constituent de toute évidence un procédé de production d'images par action de la lumière sur une surface sensible. Il s'agit d'un procédé photogra- phique au sens normal du dictionnaire. L'enregistre- ment de l'image dans un ordinateur, dans le procédé tel qu'il est utilisé d'après les témoignages produits en l'espèce, ne différencie pas ce système du procédé photographique ordinaire même s'il permet la visua lisation de l'image ou d'autres informations sur un écran. L'impression de cette image sur du papier, avec ou sans d'autres informations, fait partie du pro- cédé photographique. À mon avis, la Loi sur l'identi- fication des criminels et le décret C.P. 1954-1109 doivent être interprétés conformément à l'article 10 de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, comme ayant «vocation permanente», et ils ne peu- vent être interprétés comme interdisant l'introduction ou l'application de nouvelles technologies (voir la décision du juge MacGuigan, J.C.A., dans British Columbia Telephone Company Ltd. c. La Reine (1992), 92 DTC 6129 (C.A.F.), aux pages 6131 à 6133).
La préoccupation connexe des requérants au sujet de l'absence de lignes directrices pour la protection de la vie privée de ceux dont la photographie est prise et stockée ne donne pas lieu, dans les circonstances qui nous intéressent en l'espèce, à des questions à trancher par la Cour. Cette préoccupation s'attache à l'utilisation éventuelle des informations enregistrées par ordinateur et aux possibilités de transmission de ces informations. Le seul témoignage produit à ce
sujet établit que le système en usage à l' institution est «autonome»; il n'est relié à aucun réseau; il est assu- jetti aux règles de sécurité et les informations qu'il contient ne sont communiquées qu'aux autorités qui y ont droit en application de la Loi sur l'identification des criminels, ou en exécution d'accords conclus en matière d'application de la loi conformément à l'ar- ticle 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21. Cette loi et la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, concourent à établir des lignes directrices sur la communication des informations, sur l'accès à ces informations, et sur la protection de la vie privée des individus dont l'institution conserve les renseigne- ments personnels, y compris les renseignements enre- gistrés par ordinateur. Le cadre général défini par ces deux lois embrasse tout renseignement obtenu et con- servé aux fins de la Loi sur les criminels fugitifs [L.R.C. (1985), ch. F-32], ou à toute autre fin dans la poursuite de laquelle une autorité gouvernementale du Canada réunit ou conserve des renseignements personnels.
Requête—Chefs de demande—Motifs de rejet
Les divers chefs de demande formulés dans la requête sont textuellement reproduits ci-dessous, cha- cun étant accompagné de brefs motifs qui expliquent pourquoi il est rejeté.
[TRADUCTION] 1. Injonction interlocutoire ou ordonnance de même nature pour interdire, en attendant que l'honorable Cour se prononce sur le fond de la présente requête, à l'intimé A Trono, en sa qualité de directeur du pénitencier William Head, d'excéder ses pouvoirs en ordonnant arbitrairement aux requé- rants de se soumettre à un nouveau système de capture d'images vidéo par ordinateur, en violation de la Loi sur les pénitenciers, du Règlement sur le service des pénitenciers, des directives du Commissaire, de l'exposé de mission, de l'obli- gation d'équité de common law, de la Déclaration canadienne des droits et de la Charte canadienne des droits et libertés.
L'ordonnance du 12 juin ayant tranché la requête au fond, une injonction interlocutoire ou ordonnance de même nature est inutile. Elle ne ser- virait à rien en cet état de la cause.
[TRADUcnoxj 2. Bref de certiorari ou ordonnance de même nature pour annuler les charges signifiées aux requérants par
Angie Boutin, l'agent d'admission et d'élargissement, en application de l'alinéa 39a) du Règlement sur le service des pénitenciers, à la suite de l'ordre qu'elle leur avait donné de se soumettre au système de capture d'images vidéo, lequel ordre n'était pas légal et de ce fait excédait ses pouvoirs, au regard du Règlement sur le service des pénitenciers et de la Charte canadienne des droits et libertés.
3. Bref de prohibition ou ordonnance de même nature pour interdire au président neutre du tribunal disciplinaire de l'insti- tution William Head ou à ses représentants d'excéder leurs pouvoirs dans l'instance disciplinaire pendante contre les requérants par suite des charges concernant le système de cap ture d'images vidéo, savoir contravention à l'alinéa 39a) du Règlement sur le service des pénitenciers.
Les charges relevées en application de l'alinéa 39a) du Règlement sur le service des pénitenciers ont été instruites et le tribunal disciplinaire, les déclarant coupables, a imposé une amende le 12 février 1992, bien avant que cette requête ne fût en état devant la Cour. Un bref de certiorari ou ordonnance de même nature concernant les charges elles-mêmes n'est plus indiqué. Même si la requête en bref de certiorari pouvait être inter- prétée en cet état de la cause comme se rapportant à l'instance disciplinaire, elle ne pourrait être ins- truite que si celle-ci, c'est-à-dire la poursuite disci- plinaire pour non-observation de l'ordre de se sou- mettre au système de capture d'images vidéo, n'avait pas un fondement légal. Rien ne permet de tirer pareille conclusion. Je suis convaincu que le système utilisé à l'institution est légal et je ne suis pas convaincu qu'il y ait eu violation de la Charte canadienne des droits et libertés.
Le bref de prohibition demandé au paragraphe 3 pour être destiné au président neutre du tribunal disciplinaire, n'est pas une mesure de redressement indiquée en cet état de la cause puisque ce tribunal a déjà tranché l'affaire.
[TRADUCTION] 4. Ordonnance déclaratoire sur la signification du terme «photographie» au sens des directives du Commissaire et des ordres permanents, pris pour l'application du Règlement sur le service des pénitenciers en ce qui concerne l'identifica- tion des détenus.
Il n'appartient pas à la Cour de considérer ce chef de demande qui revient à l'inviter à instruire une question qui ne relève pas de la justice. Un tri bunal judiciaire n'a nullement pour fonction de définir des mots, même ceux qui figurent dans des lois ou règlements, indépendamment des faits de la
cause auxquels ces mots doivent s'appliquer. Il ressort des témoignages produits en l'espèce que le Service des pénitenciers et l'institution en cause sont parfaitement habilités par les lois et règle- ments applicables à utiliser le système de capture d'images vidéo dont s'agit, malgré la nouvelle technologie qui le caractérise.
[TRADucrIoN] 5. Ordonnance déclarant que les directives en vigueur du Commissaire n'habilitent le directeur à prendre des «photographies» de détenus qu'au sens normal du terme, avec appareil photographique et film, et non pas à stocker par moyen électronique les images des détenus dans la mémoire d'un ordinateur, de façon qu'elles puissent être récupérées et partagées à volonté en l'absence de règlements régissant cette technique.
Ce chef de demande porte expressément sur l'enregistrement des images des détenus dans la mémoire d'un ordinateur d'où elles peuvent être récupérées. Il ressort des témoignages produits que l'image est prise par un caméscope et qu'il est pos sible de la transférer sur un film. Que l'équipement en usage à l'institution est «autonome» sans moyen de communication électronique avec d'autres installations, que l'information enregistrée dans l'ordinateur permet la récupération à la fois des données graphiques et des renseignements con- cernant les intéressés, pour la visualisation sur écran comme pour l'impression de cette informa tion sur papier photographique, selon le besoin. Et enfin que des normes de sécurité ont été établies pour la protection du système et des informations enregistrées, dont la distribution est limitée aux fins de la Loi sur l'identification des criminels et du décret C.P. 1954-1109, au même titre que les informations conservées par d'autres moyens. Comme noté plus haut, la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur l'accès à l'information établissent clairement des normes et critères en ce qui concerne l'accès à l'information obtenue par l'institution et la protection de la vie privée des individus dont les renseignements per- sonnels sont conservés. Ce régime législatif établit des normes concernant les informations conser vées par le Service correctionnel, comme par toutes les autres autorités publiques, et concernant l'accès à ces informations et leur diffusion. Une ordonnance déclaratoire dans le sens de ce chef de demande n'est pas indiquée dans ce contexte.
[TRADUCTION] 6. Ordonnance déclarant que le directeur du pénitencier William Head n'est pas investi du pouvoir d'ordon- ner arbitrairement aux détenus de se soumettre à un nouveau procédé d'identification connu sous le nom de système de cap ture d'images vidéo par ordinateur, parce que celui-ci n'est pas légalement sanctionné sous le régime de la réglementation en vigueur, faute de normes ou de critères régissant les possibi- lités d'utilisation arbitraire et de violation du droit à la vie pri- vée des détenus.
J'ai conclu plus haut que la Loi sur l'identifica- tion des criminels et le décret C.P. 1954-1109 autorisent certainement l'utilisation du système de capture d'images vidéo par ordinateur. Les lignes directrices régissant la prise et la diffusion des pho- tographies de détenus étaient définies dans une note de service en date du 1 er mai 1989, adressée par le commissaire au Service correctionnel, et bien que cette note de service ne soit pas une direc tive du commissaire et n'ait pas force de loi, elle n'en est pas moins une instruction administrative valide sur le fonctionnement interne du Service. Photographier les détenus conformément à cette note de service, que ce soit au moyen du nouveau matériel ou au moyen d'appareils photographiques ordinaires, ne peut être considéré comme arbitraire si la photographie se fait aux fins de la Loi sur l'identification des criminels. Enfin, bien qu'il n'y ait aucun critère formellement établi pour régir expressément l'utilisation du matériel ni pour assu- rer la protection du droit à la vie privée des intéres- sés, il n'y a aucune preuve établissant que ce maté riel sert à des fins illicites et, comme indiqué plus haut, peu importe que le matériel et les méthodes utilisés à cet effet soient nouveaux ou plus tradi- tionnels, les informations obtenues et conservées sont soumises au régime législatif de protection établi par la Loi sur la protection des renseigne- ments personnels et la Loi sur l'accès à l'informa- tion.
L'ordonnance déclaratoire demandée n'est pas accordée.
[TRADUCTION] 7. Ordonnance déclarant que Angie Boutin, l'agent d'admission et d'élargissement de l'institution William Head, a excédé ses pouvoirs en ordonnant aux requérants de se soumettre au nouveau système de capture d'images vidéo puis- que cet ordre n'est pas légal, et qu'elle a fait preuve d'iniquité en donnant cet ordre aux requérants, en violation des droits que leur garantit la Charte.
Je conclus que cette fonctionnaire n'a pas excédé ses pouvoirs en ordonnant aux requérants
de se soumettre au système de capture d'images vidéo. Les requérants n'ont pu prouver que cette mesure était arbitraire en ce que tous les détenus n'étaient pas obligés de s'y soumettre, alors que de leur côté, les intimés ont établi que l'institution s'est exclusivement servie de ce système depuis le début de janvier 1992 et qu'à l'exception des requérants, tous les autres détenus ont été photo- graphiés au moyen du nouveau matériel. Il n'y a ni preuve ni argument à l'appui de la prétention qu'il y a eu violation des droits que la Charte garantit aux requérants. Pour autant que l'article 7 de la Charte puisse être en jeu, je suis persuadé que le raisonnement tenu par le juge La Forest qui, dans R. c. Beare; R. c. Higgins, [1988] 2 R.C.S. 387, confirmait que la prise d'empreintes digitales des personnes sous le coup d'une inculpation d'acte criminel n'allait pas à l'encontre de l'article 7 de la Charte, s'applique également à la photographie des détenus purgeant une peine d'emprisonnement pour acte criminel. Cette mesure, qui ne déborde pas des fins visées par la Loi sur l'identification des criminels, ne va pas à l'encontre de l'article 7. Pour autant que la préoccupation des requérants se rapporte à l'article 15 de la Charte, en ce que les détenus d'autres institutions du Service correction- nel n'ont peut-être pas été obligés de se soumettre à la photographie par le système de capture d'images vidéo, cette préoccupation ne constitue pas une question touchant l'article 15, qui vise les lois discriminatoires fondées sur les caractéris- tiques personnelles énumérées dans cette disposi tion, ou sur celles qui s'y apparentent (voir Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143), et il n'y a en l'espèce aucun témoignage ou argument sur une mesure discrimi- natoire dans ce sens.
L'ordonnance déclaratoire demandée n'est pas accordée.
[rannucnoN] 8. Ordonnance déclarant qu'avant que le système de capture d'images vidéo puisse être sanctionné, de nouvelles directives allant au-delà de la «photographie» doivent être appliquées au règlement, et qu'un nouveau règlement doit être formulé par l'administration centrale du Service correctionnel du Canada pour protéger le droit individuel à la vie privée en établissant des normes, critères et lignes directrices sur l'utili- sation de ce matériel.
Ce chef de demande est rejeté. J'ai déjà conclu que l'utilisation du matériel de capture d'images
vidéo à des fins licites est autorisée par la loi. Même si telle n'était pas ma conclusion, la Cour n'a pas pour fonction de donner des directives aux fonctionnaires du pouvoir exécutif quant à la manière dont ils doivent s'acquitter de leurs attri butions à l'avenir, même si leurs agissements futurs peuvent être influencés par les décisions judiciaires qui critiquent leurs agissements passés. Ce chef de demande ne soulève pas une question relevant de la justice.
[TRADUCTION] 9. Ordonnance déclarant que le directeur de l'institution William Head n'a pas suivi les directives 095, paragraphe (3), et 020, paragraphes (11) et (12), du Commis- saire, puisqu'il n'a pas introduit ce nouveau système confor- mément à ces directives et, de ce fait, n'a pas agi équitable- ment.
Les directives du commissaire n'ont pas force de loi pour conférer un statut ou des droits légalement exécutoires à des tiers, y compris ceux qui peuvent être touchés par les mesures administratives prises en application de ces directives. (Voir Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3, aux pages 35 et 36, le juge La Forest). Il ressort de la correspondance échangée à l'automne 1991 ainsi que des efforts faits à l'époque par les requérants pour obtenir des informations sur le nouveau système que, l'intro- duction de ce dernier avait été connu et discuté avant janvier 1992. Néanmoins, que le nouveau système ait été introduit conformément aux direc tives en vigueur ou non, les requérants n'ont aucune cause d'action fondée sur ces directives; la question ne relève pas de la justice.
L'ordonnance déclaratoire demandée n'est pas accordée.
[TRADUCTION] 10. Ordonnance déclarant que sous le régime de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Déclaration des droits, les détenus ont droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de leur personne ainsi qu'à la jouissance de biens, et que l'image d'un détenu est son bien propre et ne peut être utilisée qu'aux fins d'identification légale des contrevenants.
Ce chef de demande vise à une proclamation générale des règles de droit en vigueur, indépen- damment des preuves dont la Cour est saisie. Telle n'est pas la fonction de la Cour. Ce chef de demande ne soulève pas une question relevant de la justice.
L'ordonnance déclaratoire demandée n'est pas accordée.
[TRADUCnON] 11. Ordonnance déclarant que la directive 782 en date du 10 janvier 1992 du Commissaire n'était pas applicable it l'égard des détenus de William Head avant le 23 janvier 1992, puisque le bibliothécaire ne l'a mise dans la bibliothèque de droit des détenus qu'à cette dernière date, et que par consé- quent, les détenus ne savaient pas qu'elle était en vigueur.
Les preuves et témoignages produits n'établis- sent aucun rapport entre le document susmen- tionné, savoir la directive 782 du commissaire, en date du 10 janvier 1992, et les points litigieux en l'espèce. D'après ces preuves et témoignages, la directive en question prévoit la communication à la «police du lieu de destination» des renseignements, dont une photographie à jour, sur les contrevenants en état de libération conditionnelle ou sous surveil lance obligatoire. Sauf preuve ou argumentation contraire, cette directive ne déborde certainement pas des fins visées par la Loi sur l'identification des criminels, elle ne semble introduire aucune nouvelle pratique d'importance et, comme noté au paragraphe consacré au chef de demande 9, les directives du commissaire ne confèrent aux déte- nus aucun droit légalement exécutoire. Dans leur témoignage par affidavit, les requérants n'invo- quent aucune iniquité par suite du défaut, si défaut il y avait, de placer la directive en question dans la bibliothèque de droit des détenus avant le 23 jan- vier 1992.
Ce chef de demande est rejeté.
[TRADucrioN] 12. Ordonnance déclarant que la note de service intitulée Photographies des détenus (pièce «C» de mon affida vit) qui devait entrer en vigueur à compter du 15 mai 1989 par suite de l'enquête Pepino, n'est pas une directive du Commis- saire. Que la période de deux ans qui s'est écoulée depuis la date de cette note de service donnait au Commissaire ample- ment de temps pour en faire une directive avec numéro d'or- dre, mais qu'il ne l'a pas fait et qu'en conséquence, elle ne peut être appliquée dans le cadre de la Loi sur les pénitenciers.
Ce chef de demande porte sur une note de ser vice, dont il a été fait état plus haut et qui définit les modalités à observer par le Service pour photo- graphier les détenus de manière à avoir des photo- graphies à jour pour le Service lui-même et pour les autorités auxquelles ces photographies sont communiquées en application de la Loi sur l'iden- tification des criminels et de façon compatible avec la Loi sur la protection des renseignements person- nels. Cette note de service ne revêt certes pas la forme d'une directive du commissaire, mais elle constitue une instruction administrative destinée
aux responsables de l'administration du Service correctionnel, non pas aux détenus, et elle relève manifestement des pouvoirs administratifs impli- cites du commissaire (voir Martineau et autre c. Comité de discipline des détenus de l'Institution de Matsqui, [1978] 1 R.C.S. 118, à la page 129, le juge Pigeon).
L'ordonnance déclaratoire demandée n'est pas accordée.
Outre ces chefs de demande spécifiques, les requé- rants font valoir par affidavit qu'il faut interdire au tribunal disciplinaire de se saisir de l'affaire pour cause de prévention. Cette prévention serait due au fait que le requérant Crawford envisageait de pour- suivre en justice l'adjoint et le conseiller du président neutre. Dans son affidavit déposé le 28 mai 1992, Armaly fait aussi état des conseils donnés par Paul Partridge, en sa qualité de conseiller juridique, au président neutre ou au tribunal disciplinaire au sujet de l'instance devant ce dernier, alors que cette requête devant la Cour fédérale était pendante. Ni l'une ni l'autre de ces prétentions ne permet de con- clure à un préjugé de la part du tribunal disciplinaire. Au moment de l'audience tenue par ce dernier, aucune action n'avait été intentée par Crawford con- tre l'adjoint du président; l'intention initiale de Crawford n'est pas un motif raisonnable sur lequel il puisse se fonder pour conclure à la prévention de la part du président au moment de l'audience du tribu nal disciplinaire; la même observation vaut pour les conseils donnés par le conseiller juridique au prési- dent ou au tribunal.
Bien qu'ils n'en fassent pas un chef de demande contre le tribunal disciplinaire, il appert qu'aux yeux des requérants, l'introduction de cette instance devant la Cour doit emporter suspension de toute autre pro- cédure en attendant sa décision. S'il est vrai que chaque tribunal administratif, conseil ou autorité doit s'assurer du fondement de sa saisine quand ce fonde- ment est remis en question devant la Cour, je note que cette Cour n'est pas encline à ordonner la sus pension d'autres instances bien qu'elle en ait le pou- voir.
Conclusion
Par tous ces motifs, les divers chefs de demande des requérants ont été rejetés. La requête a donc été rejetée dans sa totalité.
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