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534 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1948 1947 ~~ ENTRE: Jan. 13, 14 SA MAJESTÉ LE ROI, sur l'informa- l 1948 tion du Procureur Général du Canada, f DEMANDEUR; Sept. 4 ET , ARTHUR SAUVAGEAU, JOSEPH SAUVAGEAU, CLÉOMEN SAUVA-GEAU, THE PRICE NAVIGATION CO. LTD., et DAME MARIE POLI-DÉFENDEURS. QUIN MALONE, faisant affaires seule sous le nom et raison sociale de J. C. MALONE AND COMPANY CrownAction to recover expenses incurred by the Crown in removing a wreckThe Navigable Waters' Protection Act, R.S.C. 1927, c. 140, as. 13 (b), (14) (1) (2) (3), 15 (a), 16 (1) (2), 17 (1) (second sub. par. a)—Wreck--Obstruction to navigationRemovalJoint and several liability of owner of the barge and person in charge thereof for costs of removing wreckCharterer of barge not liable being neither the owner, nor the person in charge thereofPowers of the Minister of Transport under s. 16 (1) of the Act with respect of the sale of a wreck and the proceeds thereof are discretionary. A barge owned by defendants Sauvageau and chartered by defendant J. C. Malone and Company sank in the north channel of the St. Lawrence River while being towed by a tug, the property of defendant The Price Navigation Co. Ltd. Because of its obstruction to navigation and failure on the part of defendants to remove it, the wreck was removed under the supervision of the Department of Transport. The action is to recover the expenses thus incurred by the Crown. Held: That defendants Sauvageau, as owners of the barge, and defendant The Price Navigation Co. Ltd., as the person in charge thereof, are jointly and severally obliged, by virtue of section 17 (1) (second sub. par. a) of the Navigable Waters' Protection Act, to reimburse the Crown the expenses incurred by it in removing the wreck. 2. That defendant J. C. Malone and Company, as charterer of the barge, is not liable for the expenses of removal, being neither the owner, nor the manager owner nor the master nor the person in charge thereof as enacted by the same section of the said Act. 3. That under section 16 (1) of the said Act the Minister of Transport was not bound to cause the wreck to be sold and to apply the proceeds thereof in reimbursement of the expenses incurred. INFORMATION exhibited by the Attorney-General of Canada to recover expenses incurred by the Crown in removing a wreck as an obstruction to navigation.
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 535 The action was tried before the Honourable Mr. Justice 1948 Angers at Three Rivers, Quebec. LE Roi V. William Morin, K.C. for plaintiff. SAIIVAGEAII ET AL. C. Russell Mackenzie, K.C.; Joseph Gravel, K.C.; Brock Clark for defendant Price Navigation Co. Ltd. Léon Méthot, K.C. for defendants A. Sauvageau, J. Sau-vageau, Cléomen Sauvageau. Lucien Beauregard, K.C. for defendant Dame Marie Poli-quin-Malone. The facts and questions of law raised are stated in the reasons for judgment. ANGERS J. now (September 4, 1948) delivered the following judgment: Le demandeur réclame des défendeurs, conjointement et solidairement, la somme de $18,168.32 pour coût de l'enlè-vement de l'épave de la barge "Beloeil" sombrée dans le fleuve St-Laurent, près du Cap Charles, sur le côté nord du chenal, le 25 septembre 1941. Dans son information le Procureur Général du Canada, pour et au nom de Sa Majesté, déclare ce qui suit: le 25 septembre 1941, les défendeurs Arthur, Joseph et Cléomen Sauvageau étaient les propriétaires des 64 parts de la barge `Belceil", enregistrée à Montréal sous le numéro 103,342, d'une longueur de 156.8 pieds, d'une largeur de 25.3 pieds, d'un tonnage brut de 489.94 tonneaux et d'un tonnage enregistré de 261.59 tonneaux; à cette date la dite barge "Belceil" sombra dans le fleuve St-Laurent, dans le voisinage de la bouée 76, près du Cap Charles, sur le côté nord du chenal, endroit le courant est fort et d'une grande vélocité; au moment la dite barge sombra, elle était à la remor-que du remorqueur "Chicoutimi", propriété de The Price Navigation Company Limited; durant le remorquage de la barge `Belceil" par le "Chi-coutimi", la navigation de la dite barge était sous le contrôle exclusif du "Chicoutimi";
536 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1948 1948 au moment de son naufrage, la barge `Belceil" était LE i affrétée par la défenderesse J. C. Malone and Company et v. sAUVAGEAII trans P p ortait des marchandises p our le compte de celle-ci; ET AL. le chenal sombra la barge "Belceil" est entièrement Angers J. navigable et fréquenté par des unités navales et marchandes de tout tonnage; la barge "Belceil" devint un obstacle et un danger à la navigation dans les parages elle avait sombré; après le naufrage de la barge `Belceil", les navigateurs ayant à naviguer dans ces parages se plaignirent à l'agent des Transports à Montréal des dangers auxquels les expo-sait l'épave de la dite barge; à la suite de ces plaintes, le 9 octobre 1941, les défendeurs furent mis en demeure par télégramme du ministère des Transports d'enlever l'épave de la barge `Belceil"; nonobstant les mises en demeure susdites, les défendeurs négligèrent d'enlever l'épave de la barge "Belceil"; à défaut par les défendeurs d'enlever cette épave, le Ministre des Transports dut, dans l'intérêt de la navigation, dans le cours de juin 1942, la faire enlever et transporter dans un endroit elle ne pourrait plus constituer un danger pour la navigation; au moment de son enlèvement l'épave ni aucune partie d'icelle n'aurait été susceptible d'être vendue; les opérations de l'enlèvement durèrent du 6 au 22 juin 1942 et coûtèrent $18,168.32; la dite somme de $18,168.32 fut payée à qui de droit à même les deniers publics du Canada; '_-' défendeurs, par lettre du procureur du ministère des Transports, datée du 25 juillet 1942, furent mis en demeure de payer conjointement et solidairement la dite somme de $18,168.32. Pour défense à l'action du demandeur, les défendeurs Sauvageau allèguent ce qui suit: ils admettent que le 25 septembre 1941 ils étaient les propriétaires des 64 parts de la barge "Belceil" enregistrée à Montréal sous le numéro 103,342, telle que désignée dans le premier paragraphe de l'information; ils admettent que durant son remorquage par le "Chi-coutimi" la navigation de la barge `Belceil" était sous le contrôle exclusif de ce dernier;
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 537 ils nient ou ignorent les autres allégations de l'infor-1948 mation; LE Roi v. Et plaident spécifiquement: SAIIVAGEAII ET AL. le 25 septembre 1941 ils n'étaient pas en charge de la barge `Belceil", n'avaient aucun contrôle sur elle et les Angers J. personnes en charge d'icelle n'étaient ni leurs serviteurs ni leurs préposés; dans le cours de juillet 1941, par contrat verbal intervenu entre eux et Sarsfield Malone, arrimeur, des Trois-Rivières, ils ont loué à celui-ci, qui en a pris le contrôle absolu, leur barge `Belceil" au prix de $18 par jour; selon leurs informations, le dit Sarsfield Malone a sous-loué ou en tout cas transporté la dite barge à The Price Navigation Company Limited pour être utilisée au transport du bois de la rivière Chaudière au Havre des Trois-Rivières, ce à quoi elle était employée le 25 septembre 1941; si la dite barge a sombré, tel qu'allégué dans l'information, ce sinistre est à la faute et à la négligence de ceux qui en avaient la charge, ces faute et négligence con-sistant: a) dans le fait d'avoir procédé à faire le voyage alors que le temps était très mauvais et qu'il aurait été facile de se mettre à l'ancre, surtout avant de pro-céder dans cette partie du fleuve le courant est fort et d'une grande vélocité; b) dans le fait que la personne en charge du convoi ou ses préposés ont négligé de surveiller la barge et même de s'intéresser à des signaux que leur a faits une personne, qui se trouvait dans celle-ci, durant au moins une demi-heure avant son naufrage; les défendeurs Sauvageau ne peuvent être tenus respon-sables du sinistre en vertu du droit commun, tant pour les raisons susmentionnées que parce qu'ils n'étaient pas en charge de la barge lorsqu'elle a sombré et causé une obstruction à la navigation; le 25 septembre 1941, la barge `Belceil" s'est remplie d'eau par la faute de ceux qui en avaient la charge et a coulé par le fond sans se briser aucunement; la dite barge, qui était en acier, aurait repris toute sa valeur dès qu'elle aurait été renflouée;
538 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1948 1948 le demandeur ou ses préposés n'ont pas renfloué la dite LE I barge et ne se sont en aucune façon conformés aux dispo-SAIIVAGEAII sitions de la Loi de la protection des eaux navigables et ils ET AL. n'ont aucun recours contre les dits défendeurs. Angers J. Pour réponse à la défense des défendeurs Sauvageau le demandeur: demande acte des admissions y contenues, en nie les autres allégations et déclare spécifiquement ce qui suit: le contrat intervenu entre les -défendeurs et Sarsfield Malone et celui par lequel ce dernier aurait sous-loué ou transporté la barge `Belceil" à The Price Navigation Company Limited pour le transport du bois sont non perti-nents et ne peuvent exonérer les défendeurs de leurs obligations; les actes de faute et négligence reprochés, dans le para-graphe 9 de l'information, à ceux qui avaient la charge de la barge "Belceil" lors de son naufrage ne peuvent exonérer les défendeurs Sauvageau de leurs obligations à l'égard de l'épave de la dite barge, dont ils étaient les propriétaires. Pour défense la défenderesse The Price Navigation Company Limited plaide ce qui suit: elle admet la plupart des allégations essentielles de l'in-f ormation ; elle nie que la date du naufrage de la barge `Belceil" soit le 25 septembre 1941; elle nie que la navigation de la dite barge était sous le contrôle exclusif du remorqueur "Chicoutimi" et dit que son contrôle était à la charge du capitaine et de l'équipage ou des propriétaires; la barge `Belceil" a sombré vers 1 h. 20 du matin le 26 septembre 1941 pendant un gros temps de violence telle qu'il constituait un cas de force majeure ou de fortune de mer; si la somme de $18,168.32 a été payée pour l'enlèvement de l'épave de la barge "Belceil", cette somme était exor-bitante et au delà du coût raisonnable qui aurait pu être encouru pour cet enlèvement; le demandeur n'a pas allégué de faits pouvant constituer une réclamation en droit contre la défenderesse.
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 539 Pour réponse à la défense le demandeur demande acte 1948 des admissions y contenues, en nie les autres allégations et LE oi déclare: SAUV V AG . EAU ce n'est que par suite de la négligence des défendeurs en ET AI.. cette cause d'enlever l'épave et après avoir demandé des Angers J. soumissions à des entreprises intéressées dans le renfloue- ment ou le déplacement des épaves que le Ministre des Transports a , dans l'intérêt de la navigation, prendre l'initiative de l'enlèvement et du déplacement de l'épave de la barge `Belceil". Pour défense la défenderesse, Dame Marie Poliquin Malone (J. C. Malone & Company), allègue: elle admet que la barge "Belceil" a sombré dans le fleuve Saint-Laurent durant le mois de septembre 1941; elle nie que la dite barge était affrétée par elle comme faisant affaires sous le nom de J. C. Malone & Company et ajoute qu'en fait, à cette époque, Sarsfield Malone faisait affaires sous la raison sociale J. C. Malone & Com- pany et que ce n'est qu'en février 1942 que la défenderesse a été enregistrée comme faisant affaires sous ce nom; la dite barge ne transportait pas de marchandises pour le compte de la défenderesse; à tout événement, ceci est indifférent et étranger au litige; le télégramme et la lettre mentionnés dans l'information font foi de leur contenu; elle n'était pas obligée en fait ni en loi d'enlever l'épave de la barge `Belceil"; si la somme de $18,168.32 a été payée pour l'enlèvement de cette épave, la dite somme était exorbitante et au delà du coût raisonnable qui aurait pu être encouru pour cet enlèvement; au temps du naufrage de la barge `Belicel" ni la défen- deresse ni la firme J. C. Malone & Company n'étaient pro- priétaires de la barge "Belceil" ni n'en avaient la charge; comme question de fait, la barge `Belceil" avait été affrétée à temps par la firme J. C. Malone & Company pour un prix quotidien et les personnes en charge de la dite barge n'étaient pas les serviteurs ou employés de la défen- deresse mais ceux des propriétaires, par qui ils étaient payés;
540 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1948 1948 le demandeur n'a pas allégué de faits pouvant constituer LE Roi une réclamation en fait ou en droit contre la défenderesse. V. SAUVAGEAU Pour réponse à la défense le demandeur: ET AL. demande acte des admissions y contenues, notamment Angers J. à l'effet que: a) la barge "Beloeil" a coulé dans le fleuve Saint-Laurent en septembre 1941; b) au moment du naufrage de la dite barge Sarsfield Malone faisait affaires sous la raison sociale J. C. Malone & Company, le demandeur ajoutant que la défenderesse Dame Marie Poliquin-Malone est aux droits et obligations de feu Sarsfield Malone; c) la barge `Beloeil" avait été affrétée par la firme J. C. Malone & Company à tant par jour; nie les autres allégations de la défense. La preuve révèle, entre autres, les faits suivants. Un extrait du registre des navires au port de Montréal, produit comme pièce P-1, laisse voir que la barge `Beloeil" a été enregistrée en 1931, sous le numéro 103,342. Le 25 septembre' 1941, jour de l'accident, la barge `Bel-oeil", dont les 64 parts étaient enregistrées au nom des défendeurs Sauvageau, transportait du bois de pulpe du bassin de la rivière Chaudière aux usines de St. Lawrence Paper Mills Company aux Trois-Rivières, pour le compte de la défenderesse Dame Marie Poliquin-Malone (J. C. Malone & Company), qui l'avait affrétée. La barge `Bel-oeil", avec deux autres qui n'offrent aucun intérêt en la présente cause, était touée par le remorqueur "Chicoutimi", propriété de la défenderesse The Price Navigation Company Limited. Lorsque la barge `Beloeil" est partie du bassin de la rivière Chaudière à destination des Trois-Rivières vers 6 h. ou 6 h. 30 du soir, il y avait un vent léger du sud-ouest. Henri-Paul Sauvageau, matelot sur la barge "Beloeil" ce soir-là, a fait à l'audience un croquis indiquant la position du remorqueur et des trois barges qu'il touait; ce croquis a été coté comme pièce P-2. Le témoin y a indiqué par la lettre T le remorqueur, par la lettre P les deux barges
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 541 autres que le `Beloeil" et par la lettre B la barge `Belceil". 1948 La distance entre celle-ci et les deux autres a été men- z Î r étant d'environ quinze pieds. V. tionnée comme SAuVAGEAU La coque de la barge `Belceil" était en acier, le pont et ET AL. la cabine du pilote en bois. Le soir de l'accident la barge Angers J. était en bonne condition et navigable. Henri-Paul Sauvageau déclare que peu après le départ du bassin de la rivière Chaudière il est allé se coucher, qu'il s'est réveillé vers 11 h. ou 11 h. 30, qu'il est allé voir le capitaine, que celui-ci lui a dit que la barge était difficile à gouverner et lui a demandé d'aller voir si elle faisait eau. Il dit qu'il y avait environ quatre pieds d'eau dans le fond de cale, qu'il a fait des signaux de détresse au remorqueur avec un fanal pendant une vingtaine de minutes et qu'il n'a pas été tenu compte de ses signaux. Le témoin et le capitaine Daneau, constatant que la barge `Beloeil" allait sombrer, sont montés sur un radeau pour éviter de se noyer. La barge `Belceil" a coulé peu après. Le ministère des Transports a fait poser une bouée lumineuse au-dessus de l'épave de la barge `Belceil", laquelle a été remplacée, à l'approche de l'hiver, par une bouée peinte en vert, couleur qui est censée indiquer l'existence d'une épave. L'identité de la barge `Belceil" a été établie par Burdette Bristow, scaphandrier, dont les services ont été requis par le ministère des Transports. Son témoignage est partiel-lement corroboré par Aussant et Larsen. La preuve fait voir que la barge `Belceil" a sombré, dans un chenal navigable, à l'endroit indiqué sur le plan P-11 par une croix et une ligne au crayon de mine à l'extrémité de laquelle se trouvent les initiales du témoin Larsen (A.L.) et les mots "plase where Belceil dissapear" (sic) et sur le plan P-10 par une croix et une ligne au crayon rouge à l'extrémité de laquelle se trouvent les initiales du témoin Aussant (E.A.). L'épave de la barge "Belceil", qui était un obstacle à la navigation, a été enlevée par le ministère des Transports, à la suite de mises en demeure par lettres recommandées au défendeur Arthur Sauvageau et à Price Brothers. La preuve fait voir que l'épave a été soulevée, transportée hors du chenal et déposée dans le fleuve.
542 EXCHEQUER COURT OF CANADA [ 1948 1948 La cause est régie par la Loi de la protection des eaux LE Roi navigables, S.R.C. 1927, chap. 140. V. SAUVAGEAU L'article 14 de cette loi décrète ce qui suit: ET `+n' 14. Si la navigation de quelque eau navigable sur laquelle s'étend la Angers J. juridiction du Parlement du Canada est obstruée, embarrassée ou rendue plus difficile ou plus dangereuse par suite du naufrage d'un navire qui a sombré, s'est échoué ou s'est jeté à la côte, ou de ses épaves, ou de toute autre chose, le propriétaire, le capitaine, le patron ou l'individu en. charge du navire ou autre obj et qui constitue cette obstruction ou cet obstacle, doit immédiatement donner avis de l'existence de l'obstruction au ministre, ou au percepteur des douanes et de l'accise du port le plus rapproché ou dont l'accès est le plus facile, et placer et, tant que subsiste l;obstruction ou l'obstacle, maintenir, de jour, un signal suffisant, et, de nuit, une lumière suffisante pour en indiquer la situation. 2. Le ministre peut faire placer et maintenir ce signal et cette lumière, si le propriétaire, le capitaine, le patron ou l'individu en charge du navire ou de l'objet qui cause l'obstruction ou l'obstacle manque ou néglige de le faire. 3. Le propriétaire de ce navire ou de cette chose doit aussitôt en commencer l'enlèvement, qu'il doit poursuivre avec diligence jusqu'à ce que l'enlèvement soit complet; mais rien dans le présent article ne peut être interprété comme restreignant les pouvoirs que la présente loi confère au ministre. L'article 15, ayant trait au pouvoir du ministre des Transports (ci-devant Ministre de la marine et des pêcheries), ordonne, entre autre: 15. Si le ministre est d'avis a) que la navigation de ces eaux navigables est ainsi obstruée, embar-rassée ou rendue plus difficile ou dangereuse par le fait d'un navire ou de ses épaves, sombrés, en partie sombrés, ou jetés à la côte ou échoués, ou par le fait de quelque autre obstacle; ou... il peut, lorsque l'obstruction ou l'obstacle ainsi causé subsiste pendant plus de vingt-quatre heures, le faire enlever ou détruire de la manière et par les moyens qu'il croit convenable d'employer. L'article 16, concernant le transport de l'obstruction, sa vente et l'emploi du produit, est ainsi conçu: 16. Le ministre peut ordonner que ce navire, ou sa cargaison, ou les objets qui constituent l'obstruction ou l'obstacle, ou en font partie, soient transportés à l'endroit qu'il juge convenable, pour y être vendus aux enchères ou de toute autre manière qu'il croit plus avantageuse; et il peut en employer le produit à couvrir les dépenses contractées par lui pour faire placer et entretenir un signal ou un feu destiné à indiquer la situation de cette obstruction ou de cet obstacle, ou pour faire enlever, détruire ou vendre ce navire, cette cargaison ou ces objets. 2. Il est tenu de remettre tout surplus du produit de cette vente du navire, de la cargaison ou des objets, au propriétaire, ou à toutes autres personnes qui ont droit de réclamer la totalité ou partie du produit de la vente.
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 543 L'article 17, relatif au coût de l'enlèvement ou la des-1948 ~ truction d'une épave et à son recouvrement, contient, entre LE ROI autres, les dispositions suivantes: V. SAUVAGEAU 17. Lorsque, sous l'autorité des dispositions de la présente Partie, le ET AL. ministre Angers J. a) b) a fait enlever ou détruire quelque débris, navire ou épave, ou quelque autre objet par lequel la navigation de ces eaux navigables est devenue ou deviendrait vraisemblablement obstruée, embar-rassée ou est ou serait rendue plus difficile ou dangereuse; ou e) et que les frais d'entretien de ce signal ou de ce feu, ou de l'enlèvement ou de la destruction de ce navire, ou de ses épaves, de débris ou d'un autre objet, ont été payés sur les deniers publics du Canada; et que le produit net de la vente, effectuée en vertu de la présente Partie, du navire ou de sa cargaison, ou de l'objet qui causait l'obstruction ou en faisait partie, ne suffit pas à couvrir le coût ainsi acquitté à même les deniers publics du Canada, l'excédent de ces dépenses sur ce produit net, ou le montant total de ces dépenses s'il n'y a rien qui puisse être vendu, ainsi qu'il est dit ci-dessus, est recouvrable, avec dépens, par la Couronne, a) Du propriétaire du navire ou de l'objet qui causait l'obstruction ou l'obstacle, ou du propriétaire-gérant, ou du capitaine, du patron ou de l'individu en charge du navire ou de l'objet lorsque l'obstruction ou l'obstacle s'est produit; ou b) De toute personne qui, par son fait ou par sa faute, ou par le fait ou par la négligence de ses serviteurs, a été cause que cette obstruction ou cet obstacle s'est produit ou a subsisté. L'économie de la Loi de la protection des eaux navigables est qu'aucune obstruction ne doit être tolérée dans les eaux navigables. Il en va de la sécurité des navires qui y circulent. Le mot "navire", aux termes du paragraphe (b) de l'article 13 de la loi, comprend "toute espèce de bâtiments, navires, bateaux ou embarcations, mus soit par la vapeur soit autrement, et employés soit aux voyages de long cours soit seulement sur les eaux de l'intérieur; et comprend aussi tout ce qui fait partie des machines, des attirails, de l'équi-pement, de la cargaison, du matériel ou du lest de ce navire". Aucun des défendeurs n'ayant procédé à enlever l'épave de la barge `Beloeil", le ministère des Transports, par l'en-tremise de son agent, R.-A. Wiallard, a, par lettres recom-mandées en date du 30 septembre 1941, notifié le défendeur Arthur Sauvageau et Price Brothers d'avoir à l'enlever immédiatement.
544 EXCHEQUER COURT OF CANADA [ 1948 1948 La lettre adressée à Arthur Sauvageau, dont une copie a LE R r été produite comme pièce P-4, se lit ainsi: v Au sujet de la barge `Belceil" qui a sombré: vous êtes tenu, d'après SA ET II A V L A . GEAU les g Règlements de la Marine Marchande du Canada, de voir à l'enlè- vement de cette épave de la position elle se trouve, et cela immé-Angers J. diatement, parce qu'elle obstrue la navigation. Si vous ne prenez pas les mesures nécessaires pour que la chose se fasse sans tarder, je dois vous faire savoir que le Ministre, d'après les dits Règlements, possède tous les pouvoirs d'enlever l'épave, mais à vos frais. Vous êtes prié d'agir en conséquence. La lettre adressée à Price Brothers, dont une copie a été produite comme pièce P-3, est ainsi conçue: With reference to the Barge "Belceil" which, I believe, broke away from the Tug "Chicoutimi" which is owned by your company, I would, therefore, kindly ask, under the circumstances, that you take the necessary action to see that this barge is removed with the least possible delay, as it forms, as it lies, an obstruction to navigation. Aucune réponse ne paraît avoir été faite à cette notification par le défendeur Arthur Sauvageau. Par contre, Price Brothers & Company Limited a, le ler octobre 1941, écrit à Wiallard la lettre suivante (pièce P-7) : We acknowledge receipt of your registered letter of September 30th with respect to the barge "Belceil", and we are surprised to hear from you m view of the fact that we have no responsibility, the disaster having been due to a very heavy storm and not to negligence on our part or on the part of any of our employees. You should contact the registered owner of the barge. Aucune preuve n'a été faite qu'un avis au même effet ait été signifié à Dame Marie Poliquin-Malone (J. C. Malone & Company) . Je noterai incidemment que l'avis n'a été donné qu'au défendeur Arthur Sauvageau et non à lui, Joseph et Cléomen Sauvageau, propriétaires enregistrés de la barge "Belœil". En outre l'avis a été donné Price Brothers et non à The Price Navigation Company Limited, la défenderesse. Rien dans la loi cependant n'exige la signification de pareil avis. Ces omissions et irrégularités ne peuvent conséquemment être fatales à l'action. Les défendeurs Sauvageau, comme propriétaires de la barge `Belceil", sont tenus, en vertu du deuxième sous-paragraphe (a) du paragraphe 1 de l'article 17, de rem-bourser à la Couronne le coût de l'enlèvement de la dite épave. Ils avaient à bord de la barge `Belceil", lors de son naufrage, deux de leurs employés, savoir Henri-Paul Sauvageau et Daneau, qui étaient payés par eux. Le pro-
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 545 cureur du demandeur a suggéré qu'ils avaient abandonné 1948 la barge sans tenter de pomper l'eau qu'il y avait dans la L R r cale. Peut-être était-il trop tard pour ce faire, quand le V. SAUVAGEAU capitaine et le matelot se sont rendu compte que la cale ET AL. était à peu près remplie. Le fait est que la barge a coulé Angers J. quelques instants plus tard. Daneau et Henri-Paul Sau- vageau auraient-ils constater plus tôt que la barge s'emplissait d'eau graduellement? Il est possible qu'une surveillance plus active aurait contribué à éviter la catas- trophe. D'un autre côté, il ne faut pas oublier que Henri- Paul Sauvageau a donné des signaux de détresse au remor- queur à l'aide d'un fanal, que ses signaux ont été aperçus par des membres de l'équipage du "Chicoutimi" et que celui-ci a néanmoins continué sa route sans modérer sa vitesse. Il est vraisemblable que la même conduite insou- cieuse et négligente aurait été adoptée si les signaux eussent été donnés plus tôt. La barge "Beloeil" était étanche et en état de naviguer. L'eau qui est entrée dans sa cale pro- venait des fortes vagues soulevées par un vent assez violent durant la soirée. Quoi qu'il en soit, ceci ne modifie point la responsabilité des défendeurs Sauvageau relativement à l'enlèvement de l'épave. Le statut est catégorique. La preuve démontre que la défenderesse The Price Navigation Company Limited avait le contrôle et la charge de la barge "Beloeil" lorsqu'elle sombra; le témoignage de Larsen sur ce point est catégorique. Elle me paraît donc tenue, comme les défendeurs Sauvageau, en vertu du même deux-ième sous-paragraphe (a), au remboursement à la Couronne du montant que celle-ci a payé pour l'enlèvement de la dite épave. Rien dans la preuve, à mon avis, ne justifie la demande de condamnation de Dame Marie Poliquin-Malone (J. C. Malone & Company), qui n'était qu'affréteur, n'était pas en charge de la barge "Belceil" et n'avait rien à voir relati-vement à sa navigation. L'argument, soumis de la part de la défenderesse J. C. Malone & Company, qu'une loi statutaire doit être inter-prétée strictement me paraît bien fondée: Anderson v. The King (1) ; Attorney General of Canada v. Brister & al. (2) ; (1) (1919) 59 S.C.R. 379, 384. (2) (1943) 3 D.L.R. 50, 55. 20780-2a
546 EXCHEQUER COURT OF CANADA [ 1948 1948 Arrow Shipping ,—,-- Company Limited v. Tyne Improvement LE Roi Commissioners (1) ; Wolverhampton New Waterworks V. iSAIIVAGEAü Company v. Hawkesf ord (2) ; Herron cfc al. v. The Rath -ET AL. mines cfc Rathgar Improvement Commissioners (3) ; Max-Angers J. well, The Interpretation of Statutes, 9e éd., pp. 289 et s.; Craies, Treatise on Statute Law, 4e éd., pp. 107 et 114; Beal, Cardinal Rules of Legal Interpretation, 3e éd., p. 483. En assumant que le ministre des Transports se soit con-formé à toutes les exigences de la loi, je ne crois pas que la défenderesse J. C. Malone & Company puisse être tenue responsable du coût de l'enlèvement de l'épave de la barge "Belocil", parce qu'elle n'en était ni propriétaire, ni pro-priétaire-gérant, ni patron, ni capitaine, ni personne en charge aux termes du deuxième sous-paragraphe (a). Le procureur de la défenderesse J. C. Malone & Company et celui des défendeurs Sauvageau ont soutenu que le mi-nistre des Transports devait faire vendre l'épave dans le but de couvrir les dépenses encourues pour faire enlever l'épave et qu'il était tenu de remettre le surplus du produit de cette vente aux propriétaires. Ceci me paraît juste et équitable; cependant l'article 16 n'est pas impératif, mais simplement permissif ; il dit que le Ministre "peut" et non "doit" ordonner que le navire soit transporté à l'endroit qu'il juge convenable pour y être vendu. L'article ajoute que le Ministre peut employer le produit de la vente à couvrir les dépenses par lui contractées pour faire enlever, détruire ou vendre le navire. L'article devient impératif quand il déclare au paragraphe 2 que le Ministre est tenu de remettre tout surplus du produit de cette vente au propriétaire. La preuve révèle que le coût du déplacment de l'épave de la barge `Belocil" s'est élevé à $18,168.32, comme le constatent les états de compte pièces P-8 et P-9, et que cette somme a été payée à même les deniers publics du Canada durant l'année fiscale 1942-1943 (dép. Kendrick). Il est établi en outre que la ferraille de la barge aurait représenté une valeur d'environ $5,500 mais qu'il aurait fallu déduire de cette somme celle de $500 pour réduire la barge à la ferraille. (1) (1894) A.C. 508, 527. (3) (1892) App. Cas. 498, 523. (2) (1859) 6 C.B. (N.S.) 336, 335.
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 547 Le capitaine Weir a déclaré que pour sortir la barge 1948 "Belceil" entièrement de l'eau, l'enlever du chenal et la LE Roi renflouer complètement il aurait fallu utiliser deux autres SAUVAGEAII navires au coût de $6,000 et que le ministère n'était pas ET AI, intéressé dans autre chose que de libérer le chenal. Si Angers J. j'accepte cette version, qui n'est pas contredite, il n'y avait aucun avantage à vouloir renflouer et vendre l'épave de la barge "Beloeil". Ce qui est étonnant c'est que les proprié-taires de la barge "Beloeil" n'aient pas jugé à propos de la renflouer immédiatement; il me semble certain qu'au moment de son naufrage la barge `Belceil" valait plus que $6,000. Vraisemblablement les défendeurs Sauvageau n'avaient pas les moyens requis pour exécuter ce renflouage. Ils subissent une perte dont ils ne sont certainement pas les principaux responsables, assumant qu'ils le soient par-tiellement. Après avoir examiné attentivement la preuve, orale et documentaire, lu mes notes assez copieuses des plaidoiries, étudié la loi et la jurisprudence, j'en suis venu à la conclusion que les défendeurs Arthur, Joseph et Cléomen Sau-vageau et la défenderesse The Price Navigation Company Limited sont, en vertu de la Loi de la protection des eaux navigables, conjointement et solidairement responsables du remboursement au demandeur de la somme de $18,168.32, avec intérêt à compter du 21 avril 1943, date de la signification de l'information, et les dépens. Il y aura jugement dans ce sens. L'action, quant à ce qui concerne Dame Marie Poliquin-Malone, faisant affaires sous la raison sociale de J. C. Malone & Company, est rejetée, avec dépens contre le demandeur. Judgment accordingly. 20780-2;a
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