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1 Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1965] 261 ENTRE : 1963 $A MAJESTÉ LA REINE DEMANDERESSE ; mai 21 sept. 19 ET Dr J.-L. SYLVAIN ET AL. DÉFENDEURS. CouronneCollision d'automobilesMembres des forces armées cana-diennes blessés au cours de la collisionRecours par la Couronne pour recouvrer les dommages encourusApplication des lois de la province la faute est commiseAction directe sous l'art. 1053 du Code Civil de QuébecAction «per quod servitium amisit»—Droit commun anglaisTelle action irrécevable dans le QuébecEnréchissement sans causeSubrogation conventionnelleAction récursoireArts. 1075, 1154 et 1155 du Code Civil de Québec. Entendant fonder sa réclamation sur l'article 1053 du Code Civil de Québec, la Couronne cherche à recouvrer des dommages-intérêts qu'elle aurait 144 Ch.D. 179 at 184.
262 1 R C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [19651 1963 subis à la suite d'une collision entre la voiture dans laquelle se LA REINE trouvaient des membres des forces armées canadiennes et celle appar-V. tenant à l'un des défendeurs, alors conduite par son fils mineur, et au SYLVAIN cours de laquelle ces militaires furent blessés. Par son action la demanderesse réclame les dépenses encourues représentant les frais médicaux déboursés pour et les soldes versées aux accidentés. Au début de l'instruction, la défense, tout en admettant sa responsabilité quant à la collision et quant au montant des dommages réclamés, concluait au rejet de l'action pour le motif de l'absence de tout lien de droit entre les parties, une, entre autres, des défenses soulevées dans l'instance The Queen v. Poudrier et Boulet Ltd. [1960] Ex. C.R. 261. Jugé: De l'admission par la demanderesse que l'action per quod servitium amisit n'existe pas sous le Code Civil de Québec il s'en suit, bien que cette admission ne lie pas nécessairement la Cour, que la jurisprudence (Attorney General of Canada v. Jackson [1946] S C.R. 489; The King v. Richardson [1948] S.0 R. 57; et Nykorak v. Attorney General of Canada [1962] S C R. 331) invoquée par la demanderesse devrait être ignorée exception faite de l'énonciation de principe dans l'instance Jack-son (supra) à la page 493. 2° C'est donc la législation de la province la faute aura été commise qui, seule, doit décider de la responsabilité. 3° L'article 1053 du Code Civil de Québec ne peut recevoir un sens d'extensibilité presque indéfinie comme l'interpréta la Cour Suprême du Canada dans l'instance Regent Taxi v. Frères Maristes [1929] S C.R 650 4° La notion de l'enréchissement sans cause doit être écartée puisque la demanderesse disposait d'une action récursoire au moyen de la subroga-tion, si elle l'eût adoptée en temps utile. Telle action est d'autant plus indiquée en l'espèce que les dommages postulés par la Couronne ne procéderaient pas du quasi-délit incriminé selon la liaison de causalité directe exigé par l'art. 1075 du Code Civil. Regent Taxi (supra) aux pages 681 et 682. 5° Il est impossible d'attribuer à l'acte matériel intervenu entre la demanderesse et ses employés une autre interprétation que celle de paiement effectué par une tierce personne aux créanciers d'une obligation de dommages-intérêts prévue à l'article 1154 du Code Civil. ACTION par la Couronne en recouvrement de dommages-intérêts qu'elle aurait subis par suite de la négligence des défendeurs au cours d'une collision entre automobiles. La cause fut instruite devant l'Honorable Juge Dumou-lin, à Montréal. Rodrigue Bédard, c.r. et Raymond Roger pour la deman-deresse. Richard Drouin pour les défendeurs. Les faits et questions de droit sont exposés dans les motivés que rend maintenant (19 septembre 1963) monsieur le Juge Dumoulin : Le Sous-procureur général du Canada, aux droits de Sa Majesté la Reine, réclame par la présente information,
1 Ex C R EXCHEQUER COURT OF CANADA [19651 263 des dommages-intérêts au montant de $4,661.28, des défen-1963 deurs, Guy Sylvain, auteur du quasi-délit causal, et de son LA REINE père, le docteur J.-L. Sylvain, personnellement et en sa SYLVAIN qualité de tuteur à son fils mineur. La demanderesse con- D umoulin J. dut à une condamnation conjointe et solidaire. L'admission de faute et du total des dommages-intérêts consignée au début de l'audition par le procureur des défendeurs, qui opposait uniquement l'absence de tout lien de droit entre les parties (voir l'exposé des défendeurs, article 32), me dispensera d'une narration minutieuse des faits. L'incident n'est rien autre chose qu'une banale collision d'automobiles, survenue dans une rue de la cité de Québec, quartier Limoilou, vers 1:00h. a.m., la nuit du 2 mai 1959. La voiture du docteur J.-L. Sylvain, au volant de la-quelle se trouvait son jeune fils, «après avoir doublé ou dépassé à la gauche du véhicule conduit par le Caporal L.-P.-E. Leblanc ...» tenta «de virer à droite immédiate-ment en avant du véhicule qu'elle venait à peine de dépas-ser, venant ainsi frapper le côté gauche avant du véhicule dans lequel étaient passagers les militaires plus haut mentionnés», c'est-à-dire, outre le Caporal Leblanc, les soldats F. Prévost, J.-H.-J. Clermont, J.-J.-G. Beaulieu et J.-H.-Y. Lamarre, «tous membres des Forces Armées de Sa Majesté la Reine, au droit du Canada» (voir les articles 4 et 5 (1)(a) de l'information). Plusieurs autres alinéas de l'article 5 reprochent au juvénile chauffeur de l'auto paternelle les négligences et les fautes que l'on impute habituellement en semblable occurrence au conducteur délinquant. L'article 4 de l'information précise que: 4. A cause et en conséquence de cet accident, les cinq militaires plus haut mentionnés ont été blessés, causant ainsi des dommages à Sa Majesté la Reine, qui a encourir des dépenses s'élevant au montant de $4,661 28, représentant des frais médicaux et la perte de service tels que détaillés ci-après: puis suivent les relevés particularisés des soins prodigués: $3,145.05, et des soldes versées aux accidentés: $1,516.23, au total précité de $4,661.28. L'exposé des défendeurs, dont les 33 allégués, un seul excepté, le 32e, n'offre désormais, vu l'admission, qu'un intérêt épisodique, niaient tous les griefs de la poursuite.
264 1 R C. de 1'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1965] 1963 Comme susdit, la défense, abandonnant la discussion con-LA REINE tradictoire des faits, ne soumit à l'enquête qu'un plaidoyer SY1vni N en droit qui concluait au rejet de l'action pour les raisons et motifs allégués dans l'instance The Queen v. Poudrier Dumoulin J. & Boulet Ltd.', une décision du soussigné. Il va sans dire, une fois pour toutes, que cette coïncidence fortuite ne facilite pas ma tâche en m'obligeant de déroger à la sage étiquette d'abstention que l'on sait, mais non pas, je l'es-père, à la modestie qui s'impose dans mon cas. Mon excuse sera: Devoir oblige. Je noterai tout d'abord que le débouté de la demande en dommages-intérêts quasi délictuels dans la cause ci-haut me semblait motivé par l'absence de preuve suf-fisante. Après décision négative de cet élément essentiel, je faisais la critique, possiblement superflue, d'un recours admis par la «Common Law», le droit coutumier des provinces anglaises, mais, selon moi, étranger au code civil de la province de Québec, l'action per quod servitium amisit. Au sommaire de l'arrêtiste, nous lisons que: Held:... as the action had to do with the civil rights of the parties, it must be decided according to the law of the Province of Quebec. 3. That the Crown bases its claim on an action per quod servitium amisit, a proceeding peculiar to the English Law, and acceptable in the sister provinces adhering to the common law but having no counterpart under the Quebec Civil Code. La Cour suprême 2 rejeta l'appel faute de preuve prépon-dérante et, comme l'on pouvait dès lors s'y attendre, omit de trancher la question de droit. Une dernière remarque au sujet de l'affaire Poudrier & Boulet; je transcris sans commentaire la conclusion qui me parut alors s'imposer. A la page 273 du rapport officiel, on voit que: Sous l'empire du code civil cette action (quod servitium amisit) trans-poserait les situations respectives de l'employeur et de son employé quant à l'exercice du recours pour salaire. En effet, si le maître discontinuait le traitement non gagné, le serviteur en inclurait avec raison la demande dans sa réclamation en dommages-intérêts contre l'auteur du délit. Or, ici, c'est le maître qui, ayant payé, réclame personnellement ce salaire de la partie en faute, mais le code civil, à l'article 1075, ne voit point en de tels dom-mages «une suite immédiate et directe .. .a du quasi-délit, en ce qui con-cerne l'employeur. Cette analyse n'établit-elle pas que l'action "servitium amisit" est en définitive une manière de subrogation tacite du commettant aux droits du serviteur? A tout événement, le code civil (article 1154), autorisant deux 1 [1960] Ex. C.R. 261. 2 [1963] S.C.R. 194.
1 Ex. C R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1965] 265 formes seulement de subrogation: conventionnelle et légale, omet toute 1963 mention d'une troisième. LA REINE Le titre de créance que la demanderesse prétend faire valoir pourrait v. être aisément régularisé au regard du code civil du Québec par le truche- SYLVAIN ment fort simple de la subrogation conventionnelle, l'Etat obtenant du Dumoulin J. fonctionnaire, soldat ou commis, un transport en bonne et due forme de leur droits et recours individuels contre le tiers délinquant. Voilà pour le litige de 1960, dont seules les incidences pratiques furent arbitrées par notre Cour suprême. Le débat actuel procède donc d'un quasi-délit admis et analogue, juridiquement, à celui que la demanderesse dans l'autre cause avait allégué en vain, à cette différence près toutefois, qu'on voudrait l'envisager dans une optique tout autre, sans aucune connexité avec la procédure «quod servitium amisit». Dans un mémoire d'une remarquable clarté, le savant procureur de la poursuivante établit ses positions; je cite les passages principaux : L'affaire présentement devant le tribunal pose la question de l'existence dans la province de Québec d'une action directe en indemnité au profit de la Couronne dont le pendantquoique l'analogie ne soit pas parfaite serait, pour les provinces de la Common Law, l'action per quod servitium amisit. La question doit être posée avec la plus grande précision. Il ne s'agit pas en l'espèce d'une indemnité appartenant à la victime du délit et que la Couronne tenterait de recouvrer par le truchement de la subrogation. Ni du recouvrement de dépenses ou de déboursés faits par la Couronne en vertu d'une loi spéciale, telle la Loi sur l'indemnisation des employés de l'Etat, c. 134, S.R C. 1952. Il s'agit d'une demande en dommages-intérêts que la Couronne fonde sur l'article 1053 du Code civil en réparation du préjudice que l'auteur du délit lui a causé à elle, directement. Puis à la page 2: La question que pose l'affaire présentement devant le tribunal est donc celle de l'existence dans la province de Québec d'une action au profit de la Couronne qui, dans les provinces de la Common Law et dans des circons-tances identiques, serait l'action per quod servitium amisit. De toute évidence celle-ci n'existe pas sous le code civil. Aussi la Couronne, dans l'espèce présente, fonde-t-elle sa réclamation sur l'article 1053 C.C. De cette reconnaissance formelle, répétons-la, «que de toute évidence celle-ci (l'action quod servitium amisit) n'existe pas sous le Code civil», découle une conséquence de primordiale importance, à savoir que, dorénavant, l'on devra éliminer et tenir pour non avenue toute cette jurisprudence qui prétendait appliquer une doctrine que la demanderesse repousse comme irrécevable sous l'autorité de la loi québecoise. Cet aveu ne lie pas nécessairement la
266 1 R C de l'É COUR DE L'ÉCHIQUIE'R DU CANADA [19651 1963 Cour, mais l'on se rappellera qu'il souscrit sans réserve à LA REINE l'une des conclusions de l'affaire Poudrier & Boulet. Devront SYL V V . A IN donc disparaître de l'ambiance de cette cause certains arrêts invoqués par la demanderesse, ceux, entre autres, de The Dumoulin J. K i ng v. Richardsons, Attorney General of Canada v. Jack-son' et Nykorak v. Attorney General of Canada3. Je consignerai néanmoins mon adhésion à l'énonciation de principe de M. Le Juge Rand dans l'instance Jackson (supra) à la page 493: The amendment, Section 50A (maintenant l'article 50 de la Loi sur la Cour de l'Échiquier, c. 98, S R C. 1952), does not purport to create a direct and specific right in the Crown: it places the Crown in a recognized common law relation only, and its rights are those arising from that relation under the rules of law. The Crown's right is of the same nature as that of a private person: it can arise here only from a wrong to the servant over which the jurisdiction of the province is exclusive. Ce sera donc la législation de la province la faute aura été commise qui, seule, décidera de la responsabilité. Nous atteignons maintenant au vif du problème. D'une part le distingué avocat de la Couronne soutient que (page 4 du mémoire) : ... le patron, souffrant préjudice à raison de la perte des services de son employé par la faute d'un tiers a, contre celui-ci, une action en indemnité en vertu de l'article 1053 C.C. A cela, le savant procureur des défendeurs oppose cette fin de non recevoir à l'article 32 de l'exposé de défense: 32. La réclamation de la demanderesse est tardive, irrégulière, illégale et nulle, et il n'y a aucun lien de droit entre la demanderesse et les défendeurs. Tel n'est pas l'avis de Me Rodrigue Bédard, c.r., qui affirme que (p. 4) : La question ne souffre pas de difficultés depuis l'arrêt de la Cour suprême dans Regent Taxi v. Frères Maristes [19291 S.0 R. 650, dont le principe a été réaffirmé par l'arrêt de la même Cour dans Driver v. Coca-Cola Ltd. [1961] S C R. 201. Je regrette de ne pouvoir d'emblée partager cette assurance, ayant à l'esprit, d'abord, l'opinion dissidente et puis-samment étayée des Juges Mignault et Rinfret, deux civilistes, nul ne l'ignore, de la plus haute compétence, puis, davantage, dans l'ordre hiérarchique et astreignant des juri-dictions, par suite de cette autre conjoncture que le Conseil privé, alors tribunal de dernier ressort, infirmait la décision 1 [19481 S C R. 57. 2 [1946] S C R 489 3 [1962] S C.R. 331.
1 Ex. C R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [19651 267 de la Cour suprême in re: Regent Taxi and Transport Com- 1963 pany Limited, and Congrégation des Petits Frères de Marier LA REINE par un jugement ainsi motivé: SYLVAIN The respondents were a religious community, incorporated by a Que- bec statute and bound by rules to maintain its members; the members, by Dumoulin J. their vows, owned no property, everything acquired by them vesting in the community A member of the community sustained serious bodily injuries by the negligence of the appellant's servant. More than one year after the accident the respondents brought an action in the Courts of the Province against the appellants claiming damages in respect of disbursements for medical attendance and loss of the member's services. By art. 2262(2) of the Civil code an action "for bodily injuries" is prescribed by one year subject to exceptions. If the action was not prescribed by art. 2262(2) it was within time under art. 2261. Held, that the action was barred, as having regard to the exceptions to art 2262(2), it could not be construed as applying only where the bodily injuries had been sustained by the person suing. Upon the facts the respondents were under a legal obligation to make the disbursements claimed, but as the suit was barred it was not necessary to determine whether they had a right of suit under the Civil Code. Puis les mots de la fin: Judgment of the Supreme Court of Canada [19291 S.C.R. 650 reversed Le Conseil privé, statuant que la prescription annale devait recevoir son application, maintint l'appel sans se prononcer sur l'interprétation extensive ou limitative de l'article 1053, point névralgique de l'instance Regent Taxi et Frères Maristes, tout ainsi que la Cour suprême dans la Reine contre Poudrier & Boulet, décidant le fait, s'abstenait en droit. Il ne reste pas moins que le débat réel, vieux d'un tiers de siècle, n'est pas clos, et attend encore une décision défini-tive de notre tribunal de dernière instance. Quant au prétendu précédent, Driver et Coca Cola Limited 2, il ne s'apparente aucunement à la clause célébre de 1929 et 1932, mais voyons plutôt. Dans l'incident Driver, une fillette de huit ans, fatalement heurtée par un camion, décédait le jour même de l'accident. Le père et la mère intentèrent une réclamation personnelle, comme les y auto-risait l'article 1056 C.C., mais, le père, outrepassant les données spécifiques de ce texte, joignait aussi une pour-suite de $4,752.37 au nom de ses dix enfants mineurs dont il était le tuteur. 1 [19321 A C. 295 2 [19611 SCR. 201.
268 1 R.C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [19651 1963 Une solution inéluctable s'imposait, voici comment elle LA REINE se lit : SYL v V ' A IN Per curiam. Only the father and mother had a claim under art. 1056 of the Code, this claim was limited to the damages they suffered as a Dumoulin J. consequence of the death of their daughter .. . L'on conviendra que la Cour suprême décidait alors d'un tout autre point que celui à l'étude ici. Après cet indispensable émondage d'une jurisprudence inapplicable au cas présent, un seul obstacle demeure: le sens imprimé à l'article 1053, en 1929, par trois juges du plus haut tribunal canadien. C'était donner à l'article 1053 une extensiblité presque indéfinie résumée en ces termes de l'arrêtiste (Regent Taxi supra p. 651) . Article 1053 C.C. confers on every person, who suffers injury directly attributable to the fault of a third person as its legal cause, the right to recover from the latter the damages sustained. The suggestion that the right of recovery under that article should be restricted to the "immediate victim" of the tort involves a departure from the golden rule of legal interpretation (Beal, Legal Interpretation, 3rd ed., p. 80) by refusing to the word "another" ("autrui") in article 1053 its ordinary meaning; and such interpretation would be highly dangerous and would result in the rejection of meritorious claims. Bien que la cassation de cette décision par le Conseil privé n'en rendrait pas messéante la discussion, je me limiterai à d'assez brefs extraits des notes de jugement de M. le Juge Mignault (page 686-687 du rapport officiel) : Je ne puis accepter ce système (celui de l'extension illimitée du vocable «autrui» à l'article 1053 C C.), écrivait l'éminent juriste. Il rendrait, je l'ai déjà dit, l'article 1056 inutile, et cette disposition serait de plus déraison-nable, puisque, dans un cas grave, celui de la mort de la victime, le recours des intéressés serait strictement limité à certains proches, et une personne dans la situation de l'intimée serait exclue; tandis que dans un cas moins grave la victime survit à ses blessures, toute personne qui pourrait attribuer un préjudice personnel à la faute primitive, aurait, en vertu de l'article 1053 C.C., un recours contre l'auteur de cette faute .. . Et en définitive le raisonnement qu'on nous oppose s'appuie moins sur les textescar on établit une véritable antinomie entre l'article 1053 C.C. et l'article 1056 C.Cque sur l'autorité qu'on attribue à des arrêts des tribunaux français qui ne nous lient en aucune façon. Du reste, ces tribunaux font l'application d'un code qui ne contient aucune disposition de la portée de l'article 1056 C.C. Feu le Juge en Chef Anglin, parlant au nom de la majorité, eut recours à la règle bien connue d'interprétation légale à l'effet que, si rien ne s'y oppose, le sens grammatical et ordinaire des mots doit prévaloir (vide: Beal, Legal Interpretation, 3rd ed. p. 80). Assurément, c'est la logique même, circonscrite, cependant, par certaines exceptions non
1 Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1965] 269 moins valables, telles ces autres maximes suggérées à la 1963 Section III, de l'interprétation des contrats, il est dit, à LA REINE l'article 1018, que: «toutes les clauses d'un contrat s'inter- SYLVAIN prètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens Dumoulin T. qui résulte de l'acte entier». Il est permissible par analogie d'étendre la convenance de cette règle à des cas non con- tractuels. Par contre, et en toute déférence, la mention par M. le Juge Lamont (Regent Taxi v. Frères Maristes, supra p. 710) d'un passage de l'ouvrage de Clerk et Lindsell «On Torts» 8e édition, page 201, me laisse plutôt sceptique. Ces auteurs écrivent que: Where the relation of master and servant exists the right which the one has to the service of the other is regarded by the law as a species of property or interest, a wrongful infringement of which causing actual damage is a good cause of action. Ainsi s'exprimerait un profane, peut soucieux de la valeur juridique des termes. Est-ce à dire que cette prétendue pro-priété des services du domestique pourrait être vendue ou louée par le maître? Étrange droit de propriété que celui dont on ne saurait disposer. Messieurs Clerk et Lindsell paraissent confondre le jus ad rem et le jus in re. Devrais-je rappeler que, depuis l'abolition du ser-vage, les relations de maître à serviteur confèrent à celui-là un jus ad servitium et non un jus in servo. Une dernière hypothèse mérite un moment d'attention, celle de l'enrichissement sans cause. Les débours de $4,661.28 consentis par l'État ont appauvri d'autant sans juste cause le trésor public, enrichissant ainsi des défen-deurs qui s'avouent fautifs. A priori nous réunissons trois des conditions du recours de in rem verso. Toutefois la pratique la plus autorisée en surajoute impérativement une quatrième (Auby Sr Ran, 4e ed., t. VI, p. 246.) «... à savoir que la personne lésée n'ait, pour obtenir satisfaction, la disposition d'aucune action naissant d'un contrat, d'un quasi-contrat, d'un délit ou d'un quasi-délit». Cet avis est partagé par le très estimé juriste français, M. Rouast, qui, dans sa brillante étude «L'enrichissement sans cause et la jurisprudence civile (Revue trimestrielle de droit civil, 1922 t. XXI) », enseigne que: L'action de in rem verso a un caractère subsidiaire; elle ne peut être exercée qu'à défaut d'une autre action ... Telle est la portée du caractère subsidiaire que la jurisprudence semble reconnaître à notre action. On pourrait la résumer en disant que l'action, «de in rem verso» ne peut être
270 1 R C de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1965] 1963 exercée qu'à défaut de toute autre action de droit commun ouverte au demandeur .. elle est ouverte si l'action de droit commun est inopérante LA R E I NE V. à la suite d'un obstacle de fait étranger au demandeur. SYLVAIN Tel est aussi le sentiment du professeur Julien Bonnecase, Dumoulin J. auquel nous sommes redevables du tome troisième en supplément au grand traité de droit civil de Beaudry-Lacantinerie (Supplément III, pages 289, n° 147 et 306, n° 153.) Force nous est donc d'écarter la notion de l'enri-chissement sans cause puisque, à mon humble avis, la demanderesse disposait d'une procédure fort simple pour autoriser son action récursoire: la subrogation, si elle l'eut adoptée en temps utile. L'action subrogatoire paraît d'autant plus de mise en l'espèce que les dommages-intérêts postulés ne procéde-raient pas du quasi-délit incriminé selon la liaison de causalité directe exigée par l'article 1075C.C., qui inspirait ces commentaires au Juge Mignault (Regent Taxi pages 681-682) ; dans un cas semblable: Le principe qui me paraît dominer en matière de dommages-intérêts, c'est que seuls les dommages directs, à l'exclusion des dommages indirects ou éloignés, peuvent faire la base d'une action en justice. Le code en a une disposition expresse quand il s'agit de l'inexécution des obligations ... Il est vrai qu'il s'agit surtout, mais non pas uniquement, cependant, de l'inexécution d'une obligation contractuelle, mais il n'y a pas plus de raison d'accorder des dommages indirects ou éloignés, surtout à des tiers, lorsque l'obligation découle d'un délit ou quasi-délit, que lorsqu'elle provient d'un contrat. Si donc les cinq militaires, blessés par l'acte imprudent du fils mineur du co-défendeur, doivent être considérés comme les seuls créanciers des dommages-intérêts qui en résultent, l'indemnisation pécuniaire versée volontairement par une autre partie la situe dans la qualité juridique de la «tierce personne» désignée à l'art. 1154, et au premier para-graphe de 1155, dont voici la teneur: 1155. La subrogation est conventionnelle: 1. Lorsque le créancier en recevant son paiement d'une tierce personne, la subroge dans tous ses droits contre le débiteur. Cette subrogation doit être expresse et faite en même temps que le paiement. Je le répète, puisque de l'aveu de la demanderesse le recours «per quod servitium amisit n'existe pas sous le Code civil»; qu'il ne s'agirait pas «. . . du recouvrement de dépenses ou déboursés faits par la Couronne en vertu d'une loi spéciale ...», et que par surcroît, comme le déclare le juge Rand in re: Jackson (supra), le litige complète exclu-sivement à la loi provinciale, je suis incapable d'attribuer à
1 Ex. C R EXCHEQUER COURT OF CANADA [1965] 271 l'acte matériel intervenu entre la Couronne et ses employés 1963 une autre interprétation que celle de paiement effectué par LA REINE une tierce personne aux créanciers d'une obligation de SYLVAIN dommages-intérêts conformément à l'article 1154. Ainsi le veut la loi de la province de Québec, loi à laquelle la Dumoulin j. demanderesse, par inadvertance ou erreur, n'a pas obtem- péré, avec cette conséquence qu'elle devra être déboutée de sa demande. Pour les motifs précédemment explicités, l'information de Sa Majesté la Reine est rejetée. Les défendeurs con- joints et solidaires auront droit à tous les frais et dépens après taxation. Jugement en conséquence.
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